RÈGLES SPÉCIFIQUES À L’INSCRIPTION D’HYPOTHEQUE JUDICIAIRE PROVISOIRE

 

Définition. - Une sûreté judiciaire peut être constituée à titre conservatoire sur les immeubles (L. 9 juill. 1991, art. 77; - D. 31 juill. 1992, art. 250), Elle prend la forme d'une publicité provisoire à la conservation des hypothèques (D. 31 juill. 1992, art. 251), notifiée ensuite au débiteur (D. 31 juill. 1992, art. 255) et confirmée enfin     par une publicité définitive (D. 31 juill. 1992, art. 260). Les biens grevés d'une sûreté judiciaire demeurent aliénables (L. 9 juill. 1991, art. 79, al. 1). Les créanciers ayant hypothèque inscrite sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être colloqués et payés suivant l'ordre de leur inscription (C. civ., art. 2166); ils peuvent aussi poursuivre l'expropriation forcée (C. civ., art. 2204) sous la forme exclusive de saisie immobilière.

 

Textes applicables. - L. no 91-650, art. 67 à 73 et 77 à 79; - D. no 92-755, 31 juill. 1992, art. 251 et 255 à 265, mod. par D. no 96-1130, 18 déc. 1996, art. 10; C. civ., art. 2114 à 2120, 2134, 2146 à 2162, 2168 à 2203; - D. n', 55-22, 4 janv. 1955; - et D. no 55-1350, 14 oct. 1955.

 

Bibliographie. - Bibliographie générale : sur les mesures provisoires, v. supra no 3507. - Ouvrages: J.-L. Vivier, Les sûretés judiciaires en matière immobilière, 1995; - G. Légier, J.-CI. Civil, art. 2123. - Chroniques: J.-CI. Woog, «L'inscription d'une hypothèque provisoire en l'absence de décision judiciaire, ou: pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? », Gaz. Pal, 1994, 2, doctr. 1091; - Chron. Coudert, Dagot et Daverat, JCP éà. N 1994, prat. no, 2670, 3052, 2953; - Ph. Delebecque et Ph. Simler, « Hypothèque judiciaire conservatoire, réforme », RD imm. 1992, 236 et   532; - J. Delga, «Disponibilité d'un immeuble grevé d'une hypothèque judiciaire provisoire», Gaz. Pal. 1994, 1, doctr. 154; - J.-L. Meunier, «L'inscription provisoire d'hypothèque», Defrénois 1994, no 35688; - P. Chevalier, «La dispense de publicité définitive au profit du créancier hypothécaire inscrit provisoirement sur un immeuble, dans le cadre d'une procédure d'ordre judiciaire », D. 1998, chron. p. 425.

 

Cumul possible avec les autres hypothèques judiciaires. - Une première hypothèque judiciaire résulte des jugements ou des décisions arbitrales exécutoires (C. civ.art. 2123). Elle ne peut donc être prise qu'au vu d'un jugement passé en force de chose jugée, alors que cette exigence ne s'impose pas pour l'inscription conservatoire. On voit mal dans quel cas le créancier qui pourrait se réclamer de l’article 2123, préférerait l'inscription provisoire; réciproquement, celui qui n'a pu prendre qu'une hypothèque provisoire la consolidera selon l'article 260 du décret du 31 juillet 1992 après obtention du titre exécutoire, plutôt que de recourir à l'hypothèque judiciaire. Mais le cumul n'est pas interdit par la loi.

 

Les textes prévoient d'autres hypothèques ordonnées par les juges (pour le paiement des prestations compensatoires après divorce, C. civ., art. 277; en matière de tutelle C. civ., art. 2143; - pour les garanties de substitution des mesures d'exécution, etc. L. 9 juill. 1991, art. 72, al. 2); ces hypothèques, qui demeurent de nature conventionnelle (en ce sens, Putman et Coupet, J.-CI. Procédure civile form., op. cit., biblio., no 14) ne sont pas incompatibles avec une inscription provisoire mais ne les priment d'aucune manière et réciproquement: chacune prend rang à sa date (v. infra no 3 946)

 

Immeubles concernés. - Sont seuls susceptibles d'hypothèque les biens immobiliers qui sont dans le commerce, et leurs accessoires réputés immeubles (C. civ. art. 2118). Est également « grevable » l'usufruit des mêmes biens et accessoires pendant le temps de sa durée (C. civ., art. 2118). L'hypothèque ayant comme issue normale la saisie immobilière, la notion d'immeubles et accessoires est commune au deux institutions (D. no 67-167, le, mars 1967 substitué à C. civ., art. 2209). Le juge qui autorise la mesure veillera à ne pas l'étendre sans nécessité par une formule trop générale («tous les immeubles du débiteur» ... ), qui ne manquerait pas de susciter du contentieux, il devra indiquer avec précision les immeubles concerné (dans la même perspective, v. infra no 3949, à propos du cantonnement).

 

 Droit international. - Le lieu de situation de l'immeuble étant sans importance aux termes du décret du 31 juillet 1992, le droit international ne diffère pas ici de qu'il est pour toutes les mesures conservatoires (v. supra no 3 506).

 

Section 1 FORMALITÉS DE PUBLICITÉ PROVISOIRE ET SIGNIFICATION

 

 Mentions principales. - La publicité provisoire ne relève pas du monopole d'huissiers de justice, n'étant pas un acte d'exécution (L. 9 juill. 1991, art. 18 modif.; v. supra no 3564, dispositions applicables à toutes les mesures conservatoires).

 

L’article 251 du décret énonce : l'inscription provisoire d'hypothèque est opérée par le dépôt à la conservation des hypothèques de deux bordereaux contenant exclusivement:

 

1) la désignation du créancier, l'élection de domicile et la désignation du débiteur conformément aux dispositions du troisième alinéa, 10 et 21 de l'article 2148 du Code civil;

 

2) l'indication de l'autorisation ou du titre en venu duquel l'inscription requise;

 

3) l'indication du capital de la créance et de ses accessoires;

 

4) la désignation, conformément aux premier et troisième alinéas de l'article 7 décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, l'immeuble sur lequel V inscription qui est requise.

 

Les dispositions des quatrième à septième alinéas de l'article 2148 du Code civil s( applicables.

 

Mentions complémentaires. - Le dernier alinéa de l'article 251 du décret 31 juillet 1992 ne se contente pas des indications susdites dans les termes habituels pour d'autres mesures conservatoires; il renvoie aux alinéas 4 à 7 de l'article 2148 Code civil. Ces dispositions très formalistes sont manifestement inadaptées contexte pré-contentieux ou contentieux de la sûreté judiciaire. L'identité des parties doit être fournie selon le décret du 4 janvier 1955 : pour les personnes physiques (D~ 4 janv. 19 5 5, art. 5), nom, prénoms dans l'ordre de l'état civil, date et lieu de naissance, domicile, profession, nom du conjoint; pour les personnes morales (D. 4 janv. 1955, art. 6), dénomination, forme sociale exacte, siège, numéro d'immatriculation au registre du commerce (ou date et lieu de la déclaration pour une association ou du dépôt des statuts pour un syndicat). Ces renseignements doivent en outre être certifiés par un officier ministériel, avocat, administrateur judiciaire, liquidateur ou représentant de créanciers ou par une autorité administrative. À défaut de toutes ces indications, le dépôt du bordereau est refusé (C. civ., art. 2148, al. 5).

 

La désignation de l'immeuble grevé doit être individuelle, avec indication de la commune de situation (C. civ., art. 2148, al. 5). Le décret de 1955 (D. 4 janv. 1955, art. 7, al. 1 et 3) est plus exigeant encore: nature, situation, contenance, désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieudit ou rue et numéro); en cas d'hypothèque sur une partie seulement d'un immeuble ou sur une partie d'un lot dûment identifié dans un immeuble, désignation des fractions grevées selon un état descriptif de division.

 

Si les manquements passent provisoirement inaperçus, une faculté de régularisation est ouverte (C. civ., art. 2148, al. 6).

 

Enfin, le bordereau est obligatoirement établi sur un formulaire de l'administration, à peine de rejet du dépôt (C. civ., art. 2148, al. 2 et 7).

 

 

Exigences jurisprudentielles. - La Cour de cassation (Cass. 31 civ., 13 mai 1987, Bull. civ. 111, no 103; Gaz. Pal. 1988, 1, 100, note Piedelièvre; - sur renvoi, CA Limoges,         14 mars 1990: D. 1991, p. 161, note Piedelièvre) a rappelé qu'aucune publicité provisoire ne peut avoir lieu si avant cette formalité, le titre de propriété du débiteur sur l'immeuble convoité n'a pas été publié. Cette décision étend à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire le principe dit de l'« effet relatif » (D. 4 janv. 19 5 5, art. 3; - D. applic. 14 oct, 1955, art. 32) : un immeuble ne peut être grevé qu'autant qu'il appartient bien au débiteur et que le fichier immobilier en porte la preuve. Elle contraint le créancier poursuivant à s'assurer de la publication du titre de propriété du débiteur. Le conservateur ne porte pas la responsabilité de cette vérification (arrêt de renvoi, préc.).

 

Contentieux du rejet. - En cas de rejet d'une formalité de publicité, un recours contre la décision du conservateur est possible. Il est porté devant le président du tribunal de grande instance, qui statue comme en matière de référé (sur cette procédure, v. Droit et pratique de la procédure civile, « Dalloz action », 1998, no, 325 5 et s,), sans exécution provisoire (D. no 55-22, 4 janv. 1955, art, 26). Si le rejet est annulé, la publicité prend effet à la date de son dépôt initial. À défaut de précision contraire, cette disposition est applicable en matière d'hypothèque judiciaire provisoire. Le juge de l'exécution n'a ici aucune compétence.

 

Signification au débiteur. - L'huissier de justice retrouve ici un monopole d'action, et l'article 648 NCPC trouve à s'appliquer.

 

A peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription ou la signification du nantissement, le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice. Cet acte contient, à peine de nullité:

 

1) Une copie de l'ordonnance du juge ou du titre en venu duquel la sûreté a été prise; toutefois s'il s'agit d'une obligation notariée ou d'une créance de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il n'est fait mention que de la date, de la nature du titre et du montant de la dette;

 

2)  L'indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l'article 217;

3) La reproduction des articles 210 à 219 et 2 56 (D. 31 juill. 1992, art. 2 5 5). 

 

Péremption et renouvellement. - À la différence notable des saisies conservatoires, les sûretés se périment et il faut donc les renouveler (L. 9 juill. 1991, art. 78, al. 2). L’article 2154 du Code civil retient un délai de dix années, qui n'a pas pu être transposé à l'hypothèque provisoire, Désormais, la publicité provisoire conserve la sûreté pendant trois ans (idem, C. pr. civ., art. 54); elle peut être renouvelée dans la même forme et pour la même durée (D. 31 juill. 1992, art. 257). Le renouvellement s'opère selon les modalités de l'article 61 du décret du 14 octobre 1955 (modif.   D. 18 déc. 1996).

 

Section 2 EFFETS DE L'INSCRIPTION D'HYPOTHÈQUE JUDICIAIRE PROVISOIRE

 

Aliénabilité du bien grevé. - Déjà posée par la jurisprudence avant la réforme de 1991, la règle est édictée par l'article 79 de la loi du 9 juillet 1991.

 

Si le bien est vendu avant que la publicité définitive ait été accomplie, le créancier titulaire de la sûreté judiciaire jouit des mêmes droits que le titulaire d'une sûreté conventionnelle ou légale. Toutefois, la part qui lui revient dans la distribution du prix est consignée (D. 31 juill. 1992, art. 258, al. 1).

 

Ainsi, en cas de vente, la sûreté opère théoriquement le même effet de consignation que la saisie conservatoire (v. supra no 3615, Saisies conservatoires des créances, fonctionnement du gage; - exposé J. Delga, «Disponibilité d'un immeuble grevé d'une hypothèque judiciaire provisoire », Gaz. Pal. 1994, 1, doctr. 154, § 11-B). Cette consignation dure tant que le créancier n'a pas justifié de l'accomplissement de la publicité définitive; à défaut de cette suite, la somme provenant de la vente est remise aux autres créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur (D. 31 juill. 1992, art. 258, al. 2-1 appréc. crit. par Mouly et Cabrillac, Droit des sûretés, 3e éd., Litec, 1995, no 811).

 

A vrai dire, dans le cas particulier de l'hypothèque judiciaire provisoire, la consignation est de toute façon prévue: le mécanisme de la purge (C. civ., art. 2181 et s.; - v. Mouly et Cabrillac, Droit des sûretés, no 911), qui vise à la fois à libérer l'immeuble de la sûreté réelle, à permettre aux créanciers inscrits de requérir la vente aux enchères si le prix amiable pardit trop faible, enfin d'être payés sur le prix de la vente dans l'ordre de la loi, comporte une phase de consignation au moins lorsque plusieurs créanciers concourent (C. civ., art. 2186 in fine). Lors même que la purge ne serait pas faite, selon une pratique assez courante (Mouly et Cabrillac, Droit des sûretés, no 921), le notaire qui instrumente la vente séquestrera les fonds, qui seront nantis au profit des créanciers hypothécaires pour n'être pas saisissables par sai sie- attribution d'autres créanciers; puis il servira les créanciers hypothécaires (autorisant cette pratique, Cass 3e civ., 17 janv. 1978, D. 1978, p. 605, note Souleau; RD imm. 1979, 366, note D got: a , - Cass. 3c civ., 8 janv. 1980, D. 1980, p. 368, concl. Franck; RD imm. 1980, 193, note Dagot).

 

La vente après la publicité provisoire rend évidemment absurde la mise en oeuvre de la publicité définitive. Si après la vente du bien, le prix en a été régulièrement consigné pour être distribué, la publicité définitive est remplacée par la signification du titre du créancier à la personne chargée de la répartition du prix, dans le délai de deux mois prévu à l'article 263 (D. 31 juill. 1992, art. 264).

 

 Date d'opposabilité. - Les sûretés judiciaires sont opposables aux tiers du jour de l'accomplissement des formalités de publicité (L. 9 juill. 1991, art. 78, al. 1).

 

Concours avec une procédure commerciale collective. - La question est traitée  supra no 3 515, Dispositions applicables à toutes les mesures conservatoires.

 

Concours avec une autre inscription d'hypothèque. - Les créanciers hypothécaires sont colloqués et payés suivant l'ordre de leur inscription (C. civ., art. 2166). L'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prend rang à la date de la formalité initiale, sous réserve d'être confirmée par une publicité définitive (D. 31 juill. 1992, art. 260), examinée ci-après, Si la règle ainsi posée paraît très simple, on notera néanmoins que ne peuvent être opposés aux créanciers qui ont engagé une saisie immobilière, les hypothèques inscrites après le dépôt du commandement de saisie immobilière à la conservation des hypothèques (C. pr. civ., art. 686, al. 2).

 

Section 3 ISSUE DE LA PUBLICITÉ PROVISOIRE

 

§ 1. - Aménagements ou disparition

 

Compétence. - La compétence du juge qui a autorisé la mesure conservatoire ou à défaut du juge de l'exécution (D. 31 juill. 1992, art. 218) ne reçoit pas ici exception. La plénitude de juridiction du juge de l'exécution ne doit pas tromper: il se contentera d'examiner si les conditions des mesures conservatoires en général, et celles de l'inscription d'hypothèque judiciaire en particulier, sont réunies; il n'aura pas l'occasion d'approfondir les questions de propriété immobilière. Il est un cas, enfin, où le juge qui a ordonné la mesure ne sera pas celui qui en ordonnerait la radiation: le juge saisi du fond a en effet compétence à cette fin, lorsqu'il a examiné la créance qui fondait l'hypothèque provisoire (v. infra ne 3950).

 

Mainlevée, substitution. - La mainlevée amiable de l'hypothèque judiciaire provisoire n'est pas rare : la menace est sérieuse et conduit fréquemment le débiteur à se libérer dès que possible. Cette mainlevée n'appelle pas de commentaires juridiques pose des difficultés bien connues des praticiens: le créancier tarde volontiers à accomplir la radiation (C. civ., art. 2157 et 2158; - D. 4 janv. 195 5, art. 5, 6 et 7).

 

La mainlevée judiciaire, quant à elle, n'obéit pas à des causes ou des formes différentes de celles des mesures conservatoires en général. Les juges devront être extrêmement précis dans leur dispositif; non seulement ils devront ordonner expressément la radiation, car il y a là une exception au droit commun de l'article 2157 (en ce sens, Cabrillac et Mouly, Droit des sûretés, no 811), mais ils devront le faire de façon que le conservateur des hypothèques trouve dans le jugement-même tous les renseignements utiles et ne rejette pas la formalité. Les parties devront donc donner ces renseignements dans leurs pièces de procédure. La formalité ne peut en outre être engagée qu'en vertu d'un jugement rendu en dernier ressort ou passé en force de chose jugée (Cass. 3e civ., 15 mai 1974, D. 1975, p. 147, note Franck).

 

Quant aux garanties de substitution que pourrait offrir le débiteur pour recouvrer la disposition des biens saisis, elles ne font pas l'objet de dispositions spécifiques (comp. saisie conservatoire des créances et saisie conservatoire des droits incorporels) : l'article 72 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991 est cependant d'application

 

 Cantonnement. - L'article 259 du décret du 31 juillet 1992 dispose que lorsque la valeur des biens grevés est manifestement supérieure au montant des sommes  garanties, le débiteur peut faire limiter par le juge les effets de la sûreté provisoire s'il justifie que les biens demeurant grevés ont une valeur double du montant de ces sommes,

 

Cette disposition s'inspire largement de l'article 2161 du Code civil, mais ne se réfère pas à l'article 2159 quant à la compétence. L'interprétation de l'article 259 s'enrichit aussi en se référant à l'article 2162, relatif aux créances originellement indéterminées. Mais les juges doivent indiquer pourquoi la sûreté est excessive et s'expliquer sur les éléments de fait qui permettent leur estimation (Cass. 2e civ., 15 juin 1973, Gaz. Pal. 1973, 2, somm. 185; Bull. civ. 11, no 195).

 

Caducité. - Contrairement aux saisies conservatoires, les inscriptions d'hypo thèque provisoire sont frappées de caducité dans certains cas. La caducité de la      publicité provisoire intervient dans deux hypothèses : le défaut de renouvellement             avant la fin de la troisième année (v. supra no 3942) et le défaut de publicité définitive (en principe, dans un délai de deux mois après obtention du titre exécutoire, v. infra no 3952). A défaut de confirmation dans le délai, la publicité provisoire est caduque a sa radiation peut être demandée au juge de l'exécution (D. 31 juill. 1992, art. 265). En cas d'extinction de l'instance introduite par le créancier ou si sa demande est rejetée, la radiation est demandée au juge saisi du fond; à défaut, elle est ordonnée par le juge de l'exécution. La radiation est effectuée sur présentation de la décision passée en force de chose jugée. Les frais sont supportés par le créancier. Si la part du créancier titulaire de la sûreté provisoire a été consignée, elle est remise, selon le cas, aux créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur.

 

§ 2. - Consolidation en publicité définitive

 

Obtention du titre exécutoire et signification. - Si ce n'est dans le cas où l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit la publicité provisoire, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire (D. 31 juill. 1992, art. 215). Cette disposition, générale à toutes les mesures conservatoires, mais source de difficultés notoires, est examinée plus loin (v. supra no, 3568 à 3572).

 

La signification du titre exécutoire, prévue par l'article 216 du décret du 31 juillet 1992, n'est destinée qu'aux personnes qui se trouvent dans un rapport de droit avec le débiteur et à qui la mesure conservatoire pratiquée impose des obligations. Le conservateur des hypothèques n'en fait pas partie (Cass. avis, 24 janv. 1994, JCP éd. G 1995, 11, 22392, note Dagot et Malbosc-Cantegril; RTD civ. 1994, p. 428, obs. R. Perrot; D. 1994, somm. p. 347, obs. P. julien).

 

Délai de la publicité définitive. - Le texte de l'article 263 du décret du 31 juillet  1992 distingue trois situations.   Si la publicité provisoire a été prise sans titre exécutoire (donc sur autorisation du    juge ou avec l'un des quasi-titres de l'article 68 de la loi), ou encore avec un titre exécutoire provisoire, la publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux mois du jour où le titre constatant définitivement les droits du créancier est passé en force de chose jugée.  Si la publicité provisoire a été prise avec un titre dont le caractère exécutoire est subordonné à une procédure d'exequatur, la publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux mois du jour où la décision d'exequatur est passée en force de chose jugée. Enfin, si la publicité provisoire a été mise en oeuvre avec un titre exécutoire définitif, la publicité définitive doit être effectuée un mois au moins après la signification de la publicité provisoire au débiteur (qui dispose ainsi d'un délai minimal pour réagir) et  trois mois au plus après cette signification.

 

 

On notera avec soin la nuance, qui ne se retrouve pas en matière de saisies conservatoires, entre titre exécutoire et titre bénéficiant de la force de chose jugée (NCPC, art. 501). Notamment, si le jugement qui profite au créancier est frappé d'appel suspensif, la publicité définitive peut être considérablement retardée (v. Cass. 3e civ., 3 janv. 1979, D. 1979, p. 213, note Franck; - Cass. 3e civ., 10 mars 1981, JCP éd. G 1982, 11, 19719, obs. H. Thuillier) et la péremption de la publicité provisoire (v. supra no 3942) devient un risque réel (retenant la responsabilité de l'avocat, Cass. 1- civ., 22 févr. 1968, RTD civ. 1968, p. 588, obs. P. Raynaud). Inversement, si le débiteur bénéficie de délais de paiement aux termes d'un jugement définitif, celui-ci n'est pas exécutoire immédiatement et il faudra pourtant bien procéder à la publicité définitive sans attendre le terme prévu par les juges.

 

En raison du caractère contraignant de ces délais, le débiteur ne peut pas retarder la publicité définitive une fois que le titre est obtenu. Ainsi jugé qu'en cas de publicité provisoire sur un immeuble appartenant à une succession, le bénéfice d'inventaire imposé par les héritiers n'empêchait pas la publicité définitive (Cass. 2e civ., 30 juin 1993, Gaz. Pal. 1994, 1, pan. 16; Bull. civ. 11, no 242).

 

Il ne sert à rien, pour éviter ces divers périls, de prendre une inscription définitive avec un titre encore susceptible de recours au fond : une telle inscription précoce ne se substituerait pas rétroactivement à une inscription provisoire antérieure (en matière de nantissement, mais transposable à l'hypothèque, Cass. com., 27 mai 1997, RTD civ. 1997, p. 755, note R, Perrot). Il n'est même pas possible de pratiquer avec un titre disposant de la force exécutoire provisoire mais non encore de la force de chose jugée (Cass. 21 civ., 24 juin 1998, RTD civ. 1999, p. 210, obs. R. Perrot; - TGI Lyon, jex, 18 mai 1999, inéd.; - contra, R. Perrot, note préc.).

 

 Formes de la publicité définitive. - L'inscription d'hypothèque judiciaire définitive est opérée conformément à l'article 2148 du Code civil (D. 31 juill. 1992, art. 261). Les formalités sont donc exactement de même teneur et de même complexité que celles examinées à propos de la publicité provisoire (v. supra ne, 3937 et s.).

 

 Effet de la publicité définitive. - La publicité définitive donne rang à la publicité provisoire à la date de la formalité initiale, dans la limite des sommes conservées par cette dernière (D. 31 juill. 1992, art. 260). Tel est le seul effet de la publicité définitive : l'aliénabilité de l'immeuble, l'opposabilité de l'hypothèque, les concours avec d'autres poursuites, s'analysent par rapport à la publicité provisoire, dûment consolidée. La mainlevée de l'hypothèque définitive, sa substitution par d'autres garanties, sa péremption, sont régies comme pour toute hypothèque définitive (v. Cabrillac et Mouly, Droit des sûretés). Notamment, le juge de l'exécution n'a plus aucune compétence à partir de la publicité définitive (Cass. 11, civ., 5 juin 1996, Procédures 1996, n,' 216, note R. Perrot).

 

Une inscription définitive qui interviendrait au-delà du délai examiné (v. supra no 3952) serait valable mais ne prendrait rang qu'à sa date, et non à celle de l'inscription provisoire devenue caduque.

 

§ 3. Réalisation de la sûreté

 

Renvoi. - La question est examinée dans les chapitres consacrés à la Saisie immobilière. Cette saisie ne présentera pas de particularités au motif que l'hypothèque qui la précède aura été une hypothèque judiciaire provisoire. Le juge de l'exécution cesse d'avoir compétence une fois que l'inscription d'hypothèque est définitive (Cass. 21 civ., 19 oct. 2000, Bull. civ. 11, no 142).