QUELS SONT LES TRAVAUX D'AMÉLIORATION AU SENS DE LA LOI DU 6 JUILLET 1989 ?

 

Par Jean‑Pierre BLATTER

 

L'amélioration des logements est une préoccupation constante du législateur depuis plus d'un demi‑siècle, de la loi du 1er septembre 1948 à celle du 29 juillet 1998 « d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ».

 

S'agissant des logements locatifs, les bailleurs y ont été encouragés par des incitations économiques autorisant des augmentations de loyer au‑delà des règles habituelles.

 

La loi du 6 juillet 1989 n'est pas étrangère à ce mouvement à telle enseigne qu'à plusieurs reprises elle envisage les travaux d'amélioration, soit dans ses dispositions mêmes, soit dans les décrets de « blocage » des loyers qui ont été pris depuis 1989 en application de son article 18.

 

L'article 7 e) énonce que le locataire doit laisser exécuter dans les lieux loués les travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble.

 

L'article 17 c) organise la majoration de loyer consécutive à la réalisation de travaux d'amélioration que le bailleur fera exécuter dans le logement en vertu d'une clause expresse convenue entre les parties.

 

Enfin les décrets de blocage successifs et tout dernièrement le décret n' 99‑730 du 26 août 1999 (JO 27 août 1999 ; Loyers et copr. 1999, chron. n' 10) prévoient un « déblocage partiel » en cas de réalisation de travaux d'amélioration.

 

Bien que la notion soit très présente dans la loi, elle n'a pas été autrement définie et il revient comme toujours à la jurisprudence d'appliquer les principes généraux fixés par le législateur.

 

En effet, les travaux parlementaires sont d'un maigre secours (on y parlait de l'ascenseur) et les seuls textes réglementaires qui ont existé sont les décrets n' 83‑1178 du 28 décembre 1983 et n' 84‑364 du 11 mai 1984 pris en application de l'article 52 de la loi du 22 juin 1982 qui envisageait également les travaux d'amélioration. Ces textes rendaient obligatoires, pour tous les logements de certains secteurs définis par la loi Quilliot, des accords collectifs.

 

Il semble que rien n'ait été écrit de mieux à ce jour.

 

Ces accords collectifs définissaient tout d'abord ce que n'étaient pas les travaux d'amélioration.

 

Il ne pouvait s'agir des interventions :

 

‑ relevant de l'entretien courant ;

 

ou constituant un rattrapage d'un défaut d'entretien

 

ou contribuant au maintien de la sécurité existante.

 

En revanche étaient considérés comme des travaux d'amélioration ceux :

 

apportant un équipement nouveau, un service ou une qualité supérieure au niveau des prestations existantes ;

 

ou apportant une qualité permettant de diminuer d'une façon certaine les dépenses d'entretien ou d'exploitation ;

 

ou apportant une plus grande sécurité pour les biens comme pour les personnes.

 

Cette définition fut reprise par une réponse ministérielle (Rép. min. n°51417 : JOAN, 6 avril 1992, p. 1623 ; Loyers et copr /992, comm. N°278).

 

Bien que cette notion de travaux d'amélioration soit visée par des textes différents, rien ne permet de penser que la définition est multiple. On peut au contraire, au vu de la jurisprudence, en donner une définition unitaire.

 

Comme l'ont fait les décrets précités, on recensera d'abord les travaux qui n'ont pas été considérés comme constitutifs d'amélioration avant d'examiner ceux qui ont été retenus comme tels.

 

En réalité on peut faire le départ entre les travaux nécessaires ou indispensables qui ne peuvent être qualifiés d'améliorations et d'autres travaux non strictement indispensables.

 

LES TRAVAUX NÉCESSAIRES

 

 La jurisprudence estime que ne peuvent être retenus comme travaux d'amélioration les travaux suivants, portant sur les parties privatives ou communes. Dans plusieurs arrêts, la Cour d'appel de Paris a, reprenant les définitions précitées, décidé que :

 

« Les travaux d'amélioration sont ceux apportant un équipement nouveau, un service ou une qualité supérieure au niveau des prestations existantes, ou apportant une qualité permettant de diminuer d'une façon certaine les dépenses d'entretien ou d'exploitation, ou apportant une plus grande sécurité pour les biens comme pour les personnes. Les travaux d'amélioration ne peuvent pas être des interventions relevant de l'entretien courant, ou constituant un rattrapage du défaut d'entretien, ou encore, contribuant au maintien de la sécurité existante » (CA Paris, 6 ch. C, 13,janv. 1993 : JurisDala il' 020059 ; Loyers et copr 1993, comm. n' 165. ‑ CA Paris, 6, ch. B, 30 sept. 1994 : Juris‑Data n' 022608. ‑ CA Paris, 6' ch. C, 29 sept. 1992 : Juris‑Data n' 022886. ‑ CA Paris, 6, ch. B, 6 mai 1993 : Juris‑Data n' 021251).

 

De même ne peuvent constituer des travaux d'amélioration les travaux d'entretien et de réparations auxquels le bailleur est tenu en vertu de l'article 6 c de la loi du 6 juillet 1989 ou des travaux de remise aux normes minimales de confort et d'habitabilité (CA Paris, 6' ch. A, 13 févr 1996 : Juris‑Data n' 020328), ou les travaux de conservation de l'immeuble (CA Paris, 6' ch. B, 6 mai 1993 : Juris‑Data n' 021251).

 

Ainsi il a été jugé pour les parties privatives que ne constituent pas des travaux d'amélioration les travaux suivants :

 

réfection de peinture, ponçage, revêtements de sol (CA Paris, 6' ch. C, 13 janv. 1993 : Loyers et copr. 1993, comm. il, 165 ; Juris‑Data n' 020059. ‑ CA Paris, 6' ch. B, 30 sept. 1994 : Juris‑Data n' 022608) ;

 

remplacement des équipements de salle de bains (CA Paris, 6' ch. B, 30 sept. 1994 ) ;

 

- remplacement de serrures, mise en sécurité de l'installation électrique.

 

tapisserie, moquettes, lessivage, ponçage, rebouchage des fissures (CA Paris, 6ème. C, 29 sept. 1992 ) ;

 

nettoyage de moquettes (CA Paris. 6, (h. C, 24 fëv.1993).

 

fourniture et pose de miroiterie (CA Paris, 6' ch. C, 30 mai 1995 Juris‑Data n' 021399).

 

 En ce qui concerne les parties communes ont été écartés les travaux suivants :

 

ravalement, travaux de menuiserie, pose extérieure d'enduit et de peinture d'étanchéité (CA Paris, 6' ch. C, 13 jani~ 1993 : Loyers et copr. 1993, comm. 11' 165 ‑Juris‑Data n' 020059. ‑ CA Paris, 6' ch. C, 3 nov. 1992 : Juris‑Data n' 022896) ;

 

mise en place de portes de cabine d'ascenseur (CA Paris, 6e ch. B, 10 nov~ 1994.‑ Loyers et copr. 1995, comm. n' 149) ;

 

réfection de toiture, de l'électricité et des peintures (CA Paris, 6' ch. B, 17 déc. 1992).


 

remplacement des tapis d'escalier (CA Paris, 6' ch. A, 13 fëvr. 1996).

 

réfection de balcons, remplacement de fenêtres, ravalement de façades intérieures (CA Paris, 6' ch. B, 6 mai 1993).

 

matérialisation des emplacements de stationnement (CA Paris, 6 ch. B, 10 nov. 1994).

 

‑ remplacement d'une chaudière au fioul vétuste par une chaudière à gaz, alors qu'il n'est pas établi que les prestations fournies aux locataires ont été améliorées (CA Paris, 6, ch. A, 10 nov. 1994).

 

‑ pose d'un filtre centrifuge sur l'appareil de chauffage (CA Paris, 6' ch. C, 3 nov. 1992).

 

LES AMÉLIORATIONS

 

– Il s'agit donc de tous les travaux non strictement indispensables ou obligatoires au regard de l'obligation de délivrance et d'entretien du bailleur prévue tant par le Code civil que par les dispositions de la loi du 6juillet 1989 et qui ont pour objet de rendre l'immeuble meilleur, qu'il s'agisse des parties privatives ou communes.

 

Ont été considérés comme tels:

 

Pour les parties privatives :

 

‑ pose de carrelage en remplacement d'une plaque de stratifié, pose de menuiseries, pose d'éléments de salle de bain (CA Paris, 6' ch. A, 29 sept. 1992).

 

‑ pose d'une hotte dans la cuisine (CA Paris, 6' ch. B, 30 sept. 1994 Juris‑Data n' 022608);

 

‑ pose de radiateurs (V Cass. 3'cii~, 3 avril 1997: Rev. Administrer oct. 1997, p. 46, note C. Beddeleem).

 

Pour les parties communes :

 

‑ pose d'un filet antipigeons, confection de prises de terre, installation de colonnes dans les escaliers de service (CA Paris, 6't h. C, 24janv. 1995) ;

 

installation ou modernisation de l'ascenseur (CA paris, 6 (h. B, 17 déc. 1992 : hirisDala 024180. ‑CA Paris, 6, ch. B, 6 mai 1993).

 

installation de lignes téléphoniques supplémentaires, remplacement des boîtes aux lettres et du tapis d'escalier (CA Paris, 6' ch. B, 6 mai 1993).

 

installation d'un digicode (CA Paris, 6' ch. B, 6 mai 1993).

 

installation d'un lecteur de carte magnétique d'accès au garage (CA Paris, 6' ch. C, 3 nov. 1992 ).

 

Ces différentes espèces représentent la jurisprudence dominante. On remarquera cependant que des mêmes travaux ont pu être appréciés différemment selon les juridictions. Tout particulièrement, et pour être complet. on doit citer un arrêt qui a admis que des « travaux d'entretien et de rénovation, s'ils correspondent à une remise en bon état d'usage du local et à une remise en bon état des équipements, constituent une amélioration du logement (CA Lyon, 6, ch., 2juill. 1992 : Rev. Loyers 1993, p. 2 79 ; JurisData n' 600389).

 

‑ Il faut enfin apporter une réserve et une précision.

 

Si certains travaux ci‑dessus mentionnés ont été retenus comme travaux d'amélioration, ils n'ont pas nécessairement entraîné une augmentation du loyer soit parce qu'ils avaient été effectués trop tôt ou trop tard, soit parce que leur montant (total ou rapporté au logement considéré) était inférieur aux seuils fixés par la loi ou les décrets.

 

Par ailleurs il existe également un cas dans lequel des travaux d'amélioration effectués par le locataire sont pris en considération par la loi. Il s'agit de l'article 32 de la loi du 23 décembre 1986 relatif au baux de huit ans permettant de sortir du domaine de la loi du 1" septembre 1948. Les travaux avant améliorés « substantiellement le confort on l'équipement du local » effectués par le locataire ou l'occupant sont susceptibles d'être rembourse,,, par le bailleur.

 

Ainsi en a‑t‑il été jugé pour l'aménagement d'une nouvelle salle de bains et la transformation de la salle de bains vétuste cri chambre dans laquelle été installé un coin sanitaire