LA JURIDICTION DE PROXIMITE

Mémoire pour le D.E.S.S de contentieux et procédures d’exécution Présenté par :VALLIER Marie Sous la direction de Monsieur Le Professeur COUPET Année universitaire 2002-2003



INTRODUCTION


Depuis quelques années, on observe une instrumentalisation législative du droit et de la justice. Elle se caractérise par l’instauration d’un droit de circonstance et la création de nouveaux textes de loi pour tenter de régler les problèmes, alors qu’il suffirait parfois de se donner les moyens, humains et budgétaires de rendre applicables ceux qui existent déjà. Cette « politique » postule qu’en faisant voter des lois, en changeant le droit et en confiant des pouvoirs aux juges, on fait avancer le règlement des questions de société.
La justice a été l'un des premiers chantiers ouverts par le Gouvernement Raffarin au début de la nouvelle législature
2.

Selon les vœux du Président-candidat, Jacques Chirac, le premier ministre a convoqué, au lendemain des élections présidentielles et immédiatement après le renouvellement de l’Assemblée Nationale, le 16 juin 2002, une cession parlementaire extraordinaire afin d’examiner les projets de loi prioritaires, au nombre desquels figurait la création d’une « justice de proximité »3. Le nouveau ministre de la justice, Dominique Perben, n’a disposé que d'une quinzaine de jours pour présenter, au conseil des ministres du 29 mai 2002 une communication sur une loi de programmation de cinq ans pour la justice4.

C’est dans ce contexte marqué par l’urgence que fut voté ce texte le 3 août 2002, en moins d’un mois, au terme de la plus longue session extraordinaire depuis 1986, et selon la procédure d’urgence de l’article 45 alinéa 3 de la Constitution. Pourtant, son contenu était dense, la création d’un nouvel ordre de juridiction n’était pas la moindre de ses innovations. Ce texte qui touchait aux libertés publiques aurait mérité un véritable débat de fond.


La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 portant orientation et programmation pour la justice comporte en effet deux volets principaux.

Le second volet de cette loi qui ne nous retiendra pas est consacré à la justice pénale en réponse à la demande de sécurité, qui a été au centre de la campagne électorale pour l’élection du Président de la République, et notamment des infractions commises par des mineurs. Les têtes de chapitre de la loi en témoignent : Réforme du droit pénal des mineurs (Titre III), Procédure pénale (Titre IV), Amélioration du fonctionnement et de la sécurité des établissements pénitentiaires (Titre VI), Aide aux victimes (Titre IX). Le titre I contient des dispositions de programmation concernant notamment les établissements pénitentiaires. Un titre VI apporte quelques modifications sans grande portée au Code de justice administrative et un titre VII, de quatre lignes, concerne le renouvellement des assistants de justice.

Seul le premier volet de cette loi retiendra notre attention tout au long de cet ouvrage5. Il complète le livre III du Code de l’organisation judiciaire de dispositions instituant dans le ressort de chaque Cour d’appel, des juridictions de première instance, autonomes, dénommées « juridictions de proximité », statuant à juge unique. Est ainsi créé ex-nihilo, un nouvel ordre de juridiction judiciaire, distinct des juridictions de première instance déjà existantes6. Le rapport annexé à la loi du 9 septembre 2002 explicite la finalité de cette juridiction qui est de « répondre au besoin d’une justice plus accessible, plus simple et capable de résoudre plus efficacement les litiges de la vie quotidienne en matière tant civile que pénale ». En matière civile sa compétence s’étend aux petits litiges du quotidien n’excédant pas 1 500 Euros et en matière pénale, aux contraventions de police dont la liste est fixée par le décret en Conseil d’Etat du 23 juin 20037.

Le dispositif permettant la mise en place effective de cette nouvelle juridiction fut subordonné au vote postérieur d’une loi organique déterminant le statut des juges non professionnels qui la composeront. La chancellerie s’est finalement résignée à suivre ce processus plus contraignant sur les recommandations du Conseil d’Etat8 et en application de la décision du Conseil constitutionnel n° 2002-461 du 29 août 20029. L’hésitation sur le statut de ces nouveaux juges est révélatrice des incertitudes sur les fondements de cette réforme. La loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité constitue donc la seconde étape de l’instauration d’une juridiction de proximité. Elle détermine les règles statutaires qui sont applicables aux juges non professionnels qui composeront la nouvelle juridiction, en matière de recrutement, de nomination, de formation, d’incompatibilité et de discipline.


De la fonction sociale attribuée à la justice et des dysfonctionnements rencontrés par la justice d’instance résultent un sentiment d’inadéquation de la réponse institutionnelle au besoin de justice.

La tendance exponentielle de nos sociétés à judiciariser les conflits est inversement proportionnelle à l’appauvrissement du lien social. Comme si tout devait reposer aujourd’hui sur la seule régulation a posteriori du juge. Les mutations sociologiques, le phénomène d’urbanisation, la mobilité sociale ont progressivement fait perdre aux citoyens leurs capacités traditionnelles à gérer les tensions internes. Dès lors, le recours à l’Etat-arbitre se multiplie, de même que la demande sociale de justice. On attend du juge qu’il apporte sa contribution à la construction de la démocratie, qu’il joue un rôle de médiateur démocratique, d’interprète des demandes des citoyens, de pédagogue de l’opinion. Avoir accès à la justice devient alors un attribut majeur de la citoyenneté en offrant à tout un chacun une première considération pour ses revendications. La démocratie c’est aujourd’hui le « droit à avoir des droits » à condition qu’ils soient effectifs. Ainsi, la démocratie est aussi désormais ce « droit à un juge ». L’accès au juge pour tous et le prononcé d’un jugement rapide constituent un vecteur de cohésion sociale.

Mais alors même qu’ils la saisissent de plus en plus, les Français doutent de leur justice. Toutes les enquêtes d’opinion convergent. On lui reproche de mal fonctionner, d’être complexe, lente, coûteuse, et anachronique. Face à l’augmentation du contentieux et la stagnation de ses moyens matériels et humains, le service public de la justice est contraint de mettre en place des « pratiques d’autorégulation » qui sacrifient la qualité de traitement des « petits litiges » du quotidien, alors même que ce contentieux concentre toutes les attentes des citoyens. Les réponses judiciaires correspondent ainsi de moins en moins à la problématique des populations concernées. Ces pratiques difficilement acceptables pour les citoyens, contribuent à accroître leur sentiment d’injustice au civil, et d’insécurité au pénal.

Le Gouvernement vise au travers de la création des juridictions de proximité à restituer un sens à l’état de droit et à la démocratie en contribuant à la reconnaissance de l’existence et de la dignité de tous ceux qui se sentent aujourd’hui exclus de cette justice. Faute de pouvoir agir efficacement sur les causes d’augmentation des contentieux, on tente d’améliorer le traitement des affaires et les moyens de la justice d’y faire face.

Même si les tribunaux d'instance ont conservé une partie des caractéristiques originelles des anciennes justices de paix, ils ont perdu leur spécificité de juridiction des petits contentieux de la vie quotidienne et se sont éloignés de leur vocation première. Il n’existe plus de « justice » pour ces petits litiges. Le système juridictionnel se révèle inadapté. Leur surcharge de travail ne leur permet plus d’accorder au justiciable ce temps d’écoute symbolique et nécessaire. Actuellement beaucoup de « petits litiges » échappent ainsi aux garanties que seul un système judiciaire peut apporter et dont les plaideurs, aussi modestes soient-ils ne sauraient être privés. Si les solutions négociées peuvent apporter une réponse plus adaptée à de nombreux litiges et qu’elles doivent, dans le cadre de l’institution judiciaire, trouver leur place à coté de la réponse classique qu’est le jugement, elles ne peuvent en aucun cas se substituer au juge d’instance.

L’insertion de la juridiction de proximité au sein du mouvement plus vaste de « justice de proximité »

Il est nécessaire pour bien comprendre ce que sera cette juridiction de proximité ou du moins ce qu’elle entend être, de la réintégrer dans un mouvement d’ensemble plus vaste, celui de la « justice de proximité ».

Si le concept d’une « justice de proximité » est nouveau, l’existence en pratique d’une justice proche du justiciable est très ancienne. La justice de proximité a déjà une longue histoire avec l’institution du juge de paix, dont le rôle est revisité à travers la création d’une juridiction de proximité. Comme lui, sa compétence concernait les petits litiges civils et pénaux. Son rôle était avant tout de concilier et subsidiairement de juger. L’équité s’incarnait en la personne d’un notable dont aucune connaissance juridique n’était exigée.

L’encombrement des juridictions d’instance rendant une justice à la fois expéditive et lente, inadaptée à certains contentieux de masse, a fait renaître le besoin d’un juge de paix, à même de ré-incarner l’ échelon de proximité dont le tribunal d’instance n’est plus le symbole.

La notion de « justice de proximité » date de la fin des années 1980. Elle s’est exprimée au travers des « maisons de justice et du droit » chargées de mettre en oeuvre un « règlement alternatif » des « petits litiges », et dont l’objectif était de rétablir la « paix sociale » en rendant une « justice négociée ».

Avec l’apparition de la « juridiction de proximité », le mouvement de « justice de proximité » incarné par les MJD se réoriente. On veut assurer une « présence judiciaire » plus consistante, « plus juridictionnelle ». Cette nouvelle juridiction tend à dépasser la traditionnelle opposition d’une « justice alternative » exercée dans les MJD, à la « justice classique » exercée dans les tribunaux. Elle se donne pour mission de combler un vide de la pratique judiciaire causé par le surencombrement des juridictions, vide que les MJD n’ont pu combler en totalité, en raison même de leur finalité. Elle réconcilie la « justice alternative » avec la justice dite « traditionnelle » en leur rendant leur complémentarité perdue, en participant de l’une et de l’autre et en étant elle-même issue de l’une et de l’autre. Elle vise à redonner un sens à ces MJD qui finissaient par apparaître comme une simple « alternative au suremcombrement » des tribunaux de base ou à l’inadaptation de la réponse juridictionnelle. Cette mutation incorpore les évolutions de la demande sociale, consacrant tout à la fois les attentes traditionnelles de droit au droit, et celles plus récentes de « droit au juge ». En effet, s’il est effectivement nécessaire de développer les modes alternatifs de règlement des conflits, c’est à la condition qu’ils ne se substituent pas à la possibilité de saisir le juge. L’idée selon laquelle les « petits litiges » n’ont pas besoin d’un juge n’est pas acceptable car elle traduit une méconnaissance profonde des réalités quotidiennes. Les juridictions de proximité sont ainsi censées répondre à une attente à laquelle actuellement, ni la « justice alternative », ni la « justice traditionnelle » n’était en mesure d’apporter une réponse satisfaisante.


- La réalisation d’une « proximité de la justice »

Si l’on ne peut pas parler de « droit à la justice de proximité », en termes de droit subjectif susceptible d’être assez précis pour être sanctionné, la proximité de la justice apparaît comme une « valeur » qu’il convient de privilégier et de concilier avec d’autres valeurs touchant à la justice. Cette notion s’intègre en fait dans celle plus large d’accès à la justice dont elle n’est qu’un élément, et qui s’est vu reconnaître la valeur d’une liberté constitutionnelle. Un accès à la justice facile et égalitaire est une des conditions d’un Etat de droit, élément fondamental de la démocratie.

MM. Pacteau, Guinchard et Cadiet faisaient déjà remarquer en 1995 que « la proximité géographique ne [suffirait] pas [parce que] le concept dépasse l’idée d’un « juge plus près » pour englober celle d’un juge plus présent » »10. Sauf qu’aujourd’hui, le concept de proximité dépasse en réalité la question de la révision de la carte judiciaire qui pouvait se poser alors à l’époque.

Comme le fait remarquer M. Moutouh, les juridictions de proximité répondent à une logique de déconcentration. Le but est d’appréhender la notion de « proximité » dans ses trois dimensions : géographique, temporelle et psychologique. Il s’agit pour la juridiction de se rendre plus accessible, de rendre des décisions plus rapides tout en donnant au justiciable un temps d’écoute suffisant pour q’il ait le sentiment d’avoir été compris.

Anne Wyvekens distingue deux modèles qui mettent en œuvre ces différents sens de la proximité : « La justice de proximité » d’une part et la « proximité de la justice » d’autre part. Dans le premier cas, il s’agit de passer d’une justice imposée par l’Etat à une justice négociée par les acteurs. Autrement dit, de passer du jugement qui condamne à la médiation entre les parties. C’est le système mis en pratique par la « justice alternative » au travers des « règlements alternatifs des conflits ».

Dans le second cas, il ne s’agit pas de faire autre chose, mais la même chose autrement : mieux imposer la justice en la rapprochant dans le temps et dans l’espace, des situations qu’elle doit traiter. L’instauration d’une juridiction de proximité s’intègrerait ainsi plus dans ce modèle de « proximité de la justice », que dans celui de la « justice de proximité. »

La création d’une « juridiction de proximité » est le fruit d’une volonté politique en quête d’une justice plus proche du citoyen. Elle est l’ultime aboutissement d’une politique de « justice de proximité » qui jusqu’à présent trouvait une expression principalement extra-juridictionnelle : il s’agissait alors de rechercher des alternatives au « juridictionnel » pour atteindre cette proximité. En recherchant la « proximité » de la justice, en dehors de la « juridiction », ce mouvement avouait implicitement le caractère antinomique des termes « juridiction » et « proximité ». Autrement dit, du constat de ce que la « proximité » ne se retrouvait plus dans nos « juridictions », s’induisait un mouvement réformateur qui aller la rechercher ou la réinventer à l’extérieur de nos juridictions.

En créant cette juridiction au nom prometteur, la loi du 9 septembre 2002 prend le pari de rendre à la « justice de proximité » son expression juridictionnelle, et à la juridiction, sa « proximité ». Cependant, on peut se demander si la création d’une juridiction « spécialisée » dans la « proximité » n’est pas réducteur par rapport à ce qui devrait être une qualité propre à l’ensemble des juridictions du premier degré.




- Distinction du « petit » et du « grand » contentieux » : « De minimis curat judex »

Le besoin de proximité est relatif et n’est pas le même selon les juridictions et les procédures. La proximité ne se conçoit que pour les juridictions de première instance. Il se fait surtout sentir pour les affaires où les justiciables peuvent se défendre eux-même, pour ceux où ils doivent se présenter en personne pour être entendus par le juge. C’est le cas des litiges de voisinage, des petits litiges entre bailleurs et locataires, des litiges de la consommation et des petites affaires pénales relevant du tribunal de police. S’il est vrai que, pour beaucoup de ces différends, les intérêts qu’ils mettent en cause paraissent négligeables, ils n’en demeurent pas moins complexes à appréhender parfois. Un litige peut être grave dans ses enjeux mais techniquement simple, et appeler, en dépit de son caractère répétitif qui l’assimile à un contentieux de masse, un traitement approprié qu’un conciliateur n’est pas à même de lui apporter.

Le juge de proximité sera le juge des « affaires mineurs », prenant le contre-pied de l’adage « de minimis non curat praetor 11». Le contenu de leur compétence d’attribution est fondé sur l’adage ainsi modifié :  « de minimis curat judex12 », car la petitesse du montant d’un litige ne justifie pas qu’il soit soustrait à l’emprise du juge.

L’instauration d’une juridiction de proximité opère ainsi une distinction plus marquée, entre le « petit contentieux » peu technique et où l'approche psychologique s'avère capitale, et le « grand contentieux » faisant intervenir des procédures plus complexes où une spécialisation poussée est indispensable et justifie l’intervention de juges très qualifiés techniquement. Cette distinction l’a emporté au motif que divers problèmes doivent être traités d’une manière beaucoup plus rapide dans l’esprit de ce que furent naguère les justices de paix, afin d’offrir aux justiciables d’aujourd’hui le sentiment d’une justice plus réceptive aux litiges de faible importance qui contreviennent à leur vie quotidienne.

Mais l’intervention au bas de la hiérarchie judiciaire, avec un « petit taux » de compétence, d’un juge non-professionnel a pour effet de « disqualifier » a contrario le juge d’instance de sa mission de proximité. Or, cette différenciation entre les matières « complexes » et les matières « faciles » est réductrice13. La complexité d’une affaire ne dépend pas forcément du seuil de prétention des parties ou de la nature de la peine encourue14.


L’existence d’un consensus politique visant à promouvoir la notion de « proximité » comme remède à tous les maux de la société.

L’institution des « juges de proximité » avait été annoncée lors de la dernière campagne pour l’élection du président de la République par le candidat Jacques Chirac, sans susciter aucune polémique de la part de son principal adversaire Lionel Jospin. En effet, la même idée avait quelques mois plutôt fait l’objet d’un thème majeur des « Entretiens de Vendôme » organisés à l’initiative du garde des Sceaux précédent, Mme Lebranchu.

L’option retenue, la création d’un nouvel ordre de juridiction vise à satisfaire rapidement les attentes des citoyens en bouleversant le moins possible le système judiciaire actuel : plutôt que de « refondre » tout un système, on « juxtapose » une nouvelle juridiction qui vient décharger la juridiction d’instance d’un certain nombre de « petits litiges » réclamant un traitement adapté qu’elle n’est plus à même d’offrir.

Mais la justice n’est pas la seule institution à recevoir « l’onction » sémantique de la proximité. Ce nouvel élan ne touche pas que le service publique de la justice. Le concept lui même de « proximité » est à la mode. Cette loi coïncide avec l’ascension fulgurante de la notion de proximité dans le discours public et politique. Cette notion semble être porteuse d’une connotation systématiquement positive et fédératrice. Elle touche beaucoup de secteur et notamment les services publics qui sont qualifiés de « service de proximité » (hôpital, poste, école, police). On parle également de « Gouvernement de proximité », de « démocratie de proximité »15, et de « police de proximité »16.

La « proximité » se présente comme un « instrument de reconquête citoyenne » à même de résoudre l’ensemble des maux de la société. On a même évoquer la notion de « procédure civile de proximité », qui s’inscrirait dans le sens d’une procédure de « proximité temporelle » par la généralisation de l’exécution immédiate des jugements civils de première instance, et qui tendrait en conséquence à supprimer l’effet suspensif de l’appel.

La République elle-même s’est vue scinder en deux pour être touchée par cette notion : « la France d’en bas [ne] serait [finalement que] la république des proximités 17». Le thème de la proximité associé à la décentralisation est porteur d’un projet de société de grande envergure, destiné à « bâtir une République des proximités, unitaire et décentralisée »18. Ce sont les principes fondamentaux de nombreux services publics qui sont revitalisés et complétés par de nouveaux principes tels que la proximité, la confiance et la transparence.

Les transformations des orientations de la justice suivent toutes celles qui concernent l’Etat. La crise de l’Etat social remet en cause la légitimité d’une réponse verticale, en raison de la distance qu’il crée entre l’Etat et les citoyens, et donc a fortiori entre la justice et les justiciables. D’où l’apparition de politiques locales et d’un mouvement réformateur en faveur de la décentralisation pour réduire cette distance. Le Premier ministre a souligné à cet égard que la réforme de la décentralisation doit permettre à l'Etat de « se recentrer sur ses missions essentielles ». Désormais et grâce à la mise en œuvre de la notion de subsidiarité dans la réforme de l’Etat : tout ce qui peut être traité au niveau le plus proche des gens doit l’être. De la même manière, la « juridiction de proximité » propose d’ajuster la réponse judiciaire aux réalités locales.

L’idée qui sous tend cette décentralisation est toujours la même et était déjà évoquée en son temps par le rapport Bonnemaison  remis au Garde des Sceaux en 198219 : « la réduction du sentiment d’insécurité résultera principalement d’un resserrement du lien social ».


- L’influence du contexte sécuritaire

La loi du 9 septembre 2002 s’inscrit dans le contexte d’une campagne électorale pour les élections présidentielles qui a mis l’accent sur l’insécurité ambiante. La compétence pénale de la juridiction s’inscrit dans le prolongement de la politique de sécurité actuelle.

Répondre plus vite et plus efficacement à la délinquance quotidienne en répondant à tous les actes de primo-délinquance afin de mieux prévenir la récidive, constituent des attentes qui s’inscrivaient déjà dans un contexte de débat sur la sécurité, dès le colloque de Villepinte du 24 octobre 1997 au cours duquel fut définie la politique gouvernementale en matière de sécurité et où le Premier ministre Lionel Jospin, après la garde des Sceaux de l’époque, Mme Guigou, rappela en particulier qu’à chaque acte délictueux devait correspondre une réponse judiciaire adaptée, rapide, visible et compréhensible par l’opinion.

Estimant que l'insécurité « est la première des inégalités » et qu'« elle mine notre pays », le président-candidat Jacques Chirac s’est prononcé lui, de manière plus directe en 2002 pour « l'impunité zéro ». Le politique s’empare du sujet parce que, bien plus que les dysfonctionnements perceptibles en matière civile, le problème de la petite délinquance concentre toutes les attentes de la population et qu’en ce sens il porte atteinte à la « cohésion nationale ».

La capacité du système judiciaire à offrir un traitement juridictionnel aux « petites affaires pénales » du quotidien  qui lui sont soumises, se pose avec d'autant plus d'acuité que le taux d'élucidation des infractions constatées devrait augmenter grâce aux moyens importants dévolus aux forces de sécurité par la loi n° 2002-1094 portant orientation et programmation pour la sécurité intérieure20. La loi d’orientation et de programmation pour la justice a vocation à traduire rapidement les projets gouvernementaux en matière de sécurité. L'enjeu est important : faute de réponse pénale adaptée ou même effective, c'est toute l'autorité de l'Etat qui risquerait d’être mise en cause.

Dans notre société moderne, l'insécurité est devenue une question politique majeure et le moteur des politiques publiques. C’est avec le rapport Peyrefitte, il y a près de vingt cinq ans, que la question de la sécurité est passée du statut de question de technique policière à celui d’enjeu politique21. Les lois d’orientation et de programmation pour la sécurité d’une part, et pour la justice d’autre part, ont un dénominateur commun, la « sécurité », conçue à la fois comme « un droit fondamental et une condition essentielle de l’exercice des libertés individuelles », et comme la recherche de moyens d’action et de gestion permettant une meilleure efficacité de la police et de la justice. Ils caractérisent l’ « esprit » de ces textes et en montrent les présupposés et les limites.

Compte tenu des orientations de l’actuel gouvernement, la nomination de Dominique Perben au ministère de la Justice peut être éclairée par sa participation en tant que conseiller de Jacques Chirac sur le dossier de la sécurité lors des élections présidentielles22. On constate en effet, que la politique du nouveau garde des Sceaux est largement dépendante des orientations prises par le ministère de l’Intérieur et que d’une manière générale, la sécurité est l’une des priorités de la Chancellerie. La mesure la plus symbolique du Gouvernement sera d’ailleurs la création d’un ministère de la « sécurité intérieure et des libertés locales » qui aura autorité sur les policiers et les gendarmes.

Traditionnellement, les ministres de l’intérieur et de la justice s’opposent. Le premier, au nom de l’ordre, veut plus de pouvoir pour la police, le second fait valoir les principes de liberté des citoyens. Assez souvent, le premier ministre arbitre en faveur du second, tant il est important dans une démocratie de ne pas trop développer le « pouvoir policier ». Aujourd’hui, ce jeu de balance profite au ministre de l’intérieur, « légitimé » par le second tour de l’élection présidentielle en 2002. La loi Perben n’est que le pendant judiciaire de la loi sur la sécurité intérieure de Nicolas Sarkozy. Ces lois tendent avant tout par l’affichage de l’efficacité et de la « proximité » des institutions à restaurer le lien social. Mais ces projets manquent de perspective en proposant une réponse purement judiciaire à un dysfonctionnement majeur. La question de la délinquance des mineurs est aussi celle de l’urbanisation, de l’industrialisation et de la pauvreté. La menace du recours à la sanction ne peut, à elle-seule, servir de régulation des comportements d’une manière positive.

L’objectif de la loi du 9 septembre 2002 est de développer l’effectivité de la réponse pénale à la délinquance primaire des majeurs comme des mineurs, de façon à rendre visible et systématique la réponse judiciaire, en liaison étroite avec l’action de la police. L’absence de réponses adaptées à une délinquance « d’expression », urbaine, « visible », qui se traduit par des actes de vandalisme et d’incivilités est à l’origine de l’amplification du sentiment d’insécurité (qui ne doit pas être confondu avec l’insécurité réelle)23. La compétence donnée au juge de proximité en matière pénale s’inscrit dans cette logique : faire en sorte que les infractions, même les plus petites puissent recevoir une réponse pénale effective. Cette intervention rapide dans le champ des petites infractions commises par des primo-délinquants doit contribuer à l’effort de prévention de la récidive. Les juridictions de proximité participent au mouvement de « tolérance zéro », en apportant une réponse pénale à des infractions qui échappaient jusqu’à présent au champ d’application traditionnel des justices « classique » et « alternative ».

Pourtant, la Commission d’enquête créée en vertu d’une résolution du sénat du 12 février 2002 avait remis le 26 juin 2002 un rapport, « La République en quête de respect »24 qui n’invitait pas forcément à une répression accrue puisqu’il constatait que « la justice des mineurs en France n’était pas particulièrement laxiste, elle était erratique ». Ce rapport met surtout l’accent sur l’exécution très imparfaite des décisions de justice ou sur la prise en charge des mineurs délinquants peu adaptée aux besoins, et non sur des insuffisances de nature législative. Mais le gouvernement a fait un choix différent en engageant une réforme législative au cours de l’été 2002 : la loi d’orientation et de programmation pour la justice doit constituer la première étape de réconciliation des Français avec leur justice .


- L’influence du modèle des « Magistrates courts » ?

La situation des « magistrates courts » britanniques (encore appelées justices of peace) à laquelle les promoteurs de la réforme se sont souvent référés comme modèle d’une justice proche, fiable, rapide et peu coûteuse est trompeuse. En effet, on peut s’interroger sur la capacité de notre ensemble juridique et judiciaire reposant sur des fondements différents sinon opposés à intégrer aisément un tel modèle. Il est nécessaire avant de procéder à toute comparaison, de replacer ce modèle dans son contexte juridique, judiciaire et social. En Grande-Bretagne, la voie judiciaire de règlement des litiges est très étroite, très coûteuse et peu usité. Le rôle du juge, même au pénal n’est pas de rechercher la vérité mais de comparer les preuves, en conséquence il n’a pas de réserves de principe sur les arrangements passés entre les parties pour mettre fin à leur différend. Dans ce système accusatoire, 90 % des sanctions pénales sont prononcées par des juges non professionnels.

Depuis plus de trois cent ans, les « magistrates courts » sont constitués au Royaume-Uni de non-professionnels qui traitent des « petites affaires ». Les britanniques qui siègent dans ces juridictions inférieures sont des volontaires», recrutés sans avoir fait d’études de droit, à la différence des « district judges » qui, eux, sont des professionnels25. Les « judges » ne connaissent que le contentieux important et certains recours contre les décisions des « magistrates ». Il y a environ 30.000 volontaires et 100 professionnels à plein temps et 150 à mi-temps.

A la différence de ce qui existe entre le juge de proximité et le juge d’instance, il n’y a presque aucune différence entre la compétence des magistrats professionnels et des magistrats volontaires. Le Gouvernement britannique y a vu un moyen de ne pas dévaloriser l’institution du volontariat.

Le système français s’aligne en revanche sur la logique du système qui réserve aux magistrats professionnels l’interprétation du droit et abandonne le contentieux de masse à d’autres professions : « les petits litiges mettent en oeuvre peu de droit et ne méritent pas d’accaparer l’attention de magistrats professionnels dont il convient de recentrer l’activité sur l’interprétation de la loi ».

La faculté de renvoi au juge d’instance en cas de difficultés juridiques se rapproche également de l’idée d’un « tiers départiteur », solution retenue par le droit anglais dans un contexte similaire. Le “clerk to the justices”, un “solicitor”, supervise l’administration de la juridiction, sa procédure, et assiste les « magistrates » volontaires, quand un problème juridique survient, proposant une solution qui est le plus souvent suivie. En revanche, dans notre système, les juges de proximités forment un ordre de juridiction a part entière, qui n’évolue pas sous la tutelle du juge d’instance.


- La problématique posée par la création d’un nouvel ordre de juridiction autonome composé exclusivement de magistrats non professionnels

Le juge de proximité est un juge à part dans l’organisation judiciaire. Il exerce de manière temporaire et à temps partiel, concomitamment à son activité professionnelle, une part limitée des fonctions normalement réservées aux magistrats professionnels de l’ordre judiciaire, tout en constituant à lui tout seul un nouvel ordre de juridiction autonome et non pas seulement un « corps d’appoint ». Il est soumis au statut de la magistrature mais n’appartient pas au corps des magistrats de l’ordre judiciaire.

La création de cet ordre supplémentaire de juridiction pose deux problèmes concernant d’une part, les modalités de son articulation avec les juridictions de première instance préexistantes, et concernant d’autre part, les exigences statutaires à mettre en œuvre pour assurer son indépendance et sa « capacité » à statuer à juge unique sur des litiges dont l’enjeu financier limité ne présume pas des difficultés qu’il pourrait rencontrer.

L’option retenue par le gouvernement n’a pas opté pour la solution la plus « avancée » et la plus « partagée » et consistant en une redéfinition des compétences des tribunaux d’instance et un renforcement de leurs moyens. Si la question de l’instauration d’un juge non-professionnel faisait l’objet de propositions, c’était sous la conditions qu’ils bénéficient d’un encadrement par le juge d’instance. Mais aucune n’allait jusqu’à préconiser la création d’une juridiction de proximité autonome, composée exclusivement de magistrats non-professionnels. Le dispositif plus modeste proposé par le Gouvernement a l'important avantage de pouvoir être mis en place rapidement et sans grand bouleversement, dès lors que les tribunaux d'instance subsistent dans leur forme actuelle.


Au moment même où les premiers recrutements et nominations interviennent il paraît utile d’apprécier la place qu’entend occuper le juge de proximité au sein de l’organisation judiciaire et les difficultés qui l’attendent. L’étude de la genèse de cette juridiction permettra de prendre la mesure des critiques qui ont accueilli sa création, alors même qu’une réforme était attendue (Titre I). L’étude de son organisation révèlera l’étendue des problèmes posés par l’adjonction d’un ordre de juridiction autonome composé de magistrats non professionnels, en terme de répartition de compétence, et en terme de garanties statutaires (Titre II).

TITRE I : LA GENESE DE LA JURIDICTION DE PROXIMITE



Si le fossé s’est lentement creusé entre le besoin social de justice et l’institution censée y répondre, c’est parce que les profondes transformations qui ont affecté nos sociétés commencent à peine à être répercutées sur la justice dont le retard n’a fait qu’accroître les attentes.

MM. Coulon et Grumbach résument bien l’enjeu qu’il peut y avoir à améliorer l’accès à la justice des petits litiges du quotidien. « L’accès à la justice, c’est plus que l’accès au droit, à l’institution ou au juge : c’est l’accès à un exercice nouveau de la citoyenneté 26». Par cette affirmation, MM. Coulon et Grumbach soulignent la nouvelle fonction attribuée à la justice qui ne se réduit pas à rendre un jugement. Ce que le justiciable recherche, est un « bien politique évanescent », la paix sociale, la réassurance morale, la résolution d’une tension sociale. La justice est un « bien public » qui permet d’accéder à la « citoyenneté judiciaire » laquelle n’est pas réductible à une « simple consommation d’institution publique ». « Avoir accès à la justice devient un attribut majeur de la citoyenneté dans la mesure où il offre à chacun la possibilité sinon d’un face-à-face, à tout le moins d’une écoute et d’une première considération pour ses revendications ».

Pour Jean-Marie Coulon la justice est confrontée à une épreuve sociologique dans la mesure où elle doit répondre quantitativement et qualitativement à sa montée en puissance. Mais elle est également à l’épreuve d’elle-même dans ses relations avec l’usager et le citoyen, dans sa fonction de service public. Le Gouvernement l’a bien compris lorsqu’il réaffirme la présence de la justice au travers de la création des juridictions de proximité dont le but est de restituer un sens à l’état de droit et à la démocratie en contribuant à la reconnaissance de l’existence et de la dignité de tous ceux qui se sentent exclus de cette justice.

Les petits litiges du quotidien, qu’il s’agisse du contentieux de masse de la consommation au civil, de la petite délinquance au pénal, constituent la partie émergente et visible d’un dysfonctionnement profond de nos juridictions encombrées, obligées de sacrifier au nom d’impératifs gestionnaires, un contentieux qualifié de « petit » si l’on isole chaque affaire, mais « important » parce qu’il concentre toutes les attentes de la population et menace en conséquence la cohésion sociale et nationale. Mais si une réforme était donc nécessaire et « attendue » (Chapitre I), il est déjà moins sûr que ce soit celle proposée par le Gouvernement et tendant à instaurer un nouvel ordre de juridiction, « la juridiction de proximité », qui puisse combler toutes les attentes, tant cette réforme a été « discutée » par les professionnels du droit et alors même que les multiples propositions de réforme qui s’étaient faites jour déjà depuis quelques années ne retenaient pas l’option choisie par le Gouvernement (Chapitre II).


CHAPITRE I : UNE REFORME ATTENDUE



La Constitution du 4 octobre 1958 n’attribue pas à la justice, évoquée en sa qualité d’ « autorité judiciaire », de fonction générale visant à garantir la démocratie. Pourtant, au XXIe siècle, la justice, dans son essence même, est devenue l’un des fondements majeurs de la cohésion sociale et, dès lors, l’un des premiers garants de la démocratie. Et M. Renoux de souligner que « s’il est une valeur communément partagée dans les sociétés contemporaines, c’est précisément la revendication, chaque jour plus aiguë, de davantage de justice et, corrélativement l’expression publique du sentiment d’injustice (…) ».

Toujours selon ce Professeur, l’augmentation du contentieux n’est pas un « signe de fragilité mais au contraire de vivacité d’une démocratie devenue judiciaire, car fondée sur le règne de l’équitable, c’est-à-dire non pas sur une quelconque équité qui nous éloignerait de la règle de droit, mais sur la recherche de l’équilibre, l’écoute, le contradictoire, le rapprochement d’intérêts supposés antinomiques au vu d’une règle de droit supérieur (…) ».

La démocratie c’est aujourd’hui « le droit à avoir des droits » à condition qu’ils soient effectifs. Ainsi, la démocratie est ce droit à un juge indépendant, impartial et compétent ; « un juge qui donne à la norme sa signification et à la règle de droit sa sanction ». L’accès à la justice pour tous et sur tout le territoire, et surtout, le prononcé, qui doit être rapide, d’un jugement désignant une « vérité judiciaire » constituent un vecteur de cohésion sociale.

Et pourtant, paradoxalement, alors qu’ils la saisissent de plus en plus, les Français doutent de leur justice. Toutes les enquêtes d’opinion convergent. Les citoyens ont une mauvaise image d’elle. On lui reproche de mal fonctionner, d’être lente et coûteuse.

En effet, si 55 % des justiciables déclarent avoir confiance dans la justice, 57 % d'entre eux estiment cependant que ce service public fonctionne mal. Bien plus, « sur quinze services publics, la justice est classée en dernière position, avec un taux de 33 % de satisfaction, juste derrière l'Agence nationale pour l'emploi27, très loin derrière la police, l'école et l'armée qui bénéficient toutes d'un taux de satisfaction de plus de 54 % ». Pourtant, les attentes de nos concitoyens en matière de justice ne semblent jamais avoir été plus grandes. Plus généralement, confortant la place prééminente que jouent désormais le droit et la justice dans notre société, les Français sollicitent de plus en plus les institutions judiciaires, comme l'atteste l'augmentation, observée ces dernières années, du nombre d'affaires portées devant les juridictions.

Face à un accroissement très important des contentieux de masse ces dernières années, les réponses judiciaires correspondent de moins en moins à la problématique des populations concernées.

C’est tout à la fois le positionnement institutionnel de la justice, son champ d’intervention et sa façon d’intervenir qui sont en cause. L’inventaire de quelques tendances lourdes peut être esquissé pour mieux cerner la genèse de la réforme qui a créé la juridiction de proximité. Tandis que les petits litiges civils s’apparentant à un véritable contentieux de masse sont exclus d’une réponse juridictionnelle qui serait seule adaptée dans bien des cas (Section I), la primo-délinquance trouve une réponse dans le mode de traitement qu’est « l’alternative aux poursuites » ou « troisième voie », mais qui ne convainc pas l’opinion dont le sentiment d’insécurité n’a d’égal que le sentiment d’impunité éprouvé par le délinquant. (Section II)


SECTION I : L’ABSENCE DE REPONSES ADAPTEES AU PETIT CONTENTIEUX CIVIL

La réduction de la justice de proximité à son volet pénal est un des travers habituels. Peu médiatisée, la justice civile de proximité est un peu la part obscure de l’institution. Mais la plupart des utilisateurs de MJD qui s’y rendent, le font en quête d’une information juridique, plus que pour y régler un litige proprement dit. Et quand il s’agit d’un litige, il ne peut y être réglé que par la voie des modes alternatifs de règlement des conflits (MARC). Cette nouvelle voie inaugurée pour résoudre de façon amiable les litiges du quotidien, « petits » par leur faible montant, « importants » par leur appartenance à un « contentieux de masse » ne s’est pas révélée être d’une efficacité satisfaisante, notamment concernant le contentieux de la consommation pour lequel ils ont montré toutes leurs limites (§2). Les MARC ne peuvent aujourd’hui prétendre être une solution substitutive ou palliative aux difficultés rencontrées par les juridictions d’instance dont la proximité avec le juge de paix qu’elles étaient censées remplacer n’est plus qu’historique. (§1)


§1 Une réponse juridictionnelle inadaptée

Censées incarner un échelon de proximité privilégié, les juridictions d’instance n’ont plus aujourd’hui la capacité d’apporter une réponse adaptée aux petits litiges du quotidien qui s’apparentent à un véritable contentieux de masse (A), les tentatives récentes pour améliorer la répartition de ses moyens sur tout le territoire n’ont pas su enrayer l’inadaptation profonde des réponses de la justice aux besoins des populations. (B)


A- L’impossible traitement spécifique du contentieux de masse par le juge d’instance


Depuis quelques années déjà, on évoque avec une certaine nostalgie les anciennes justices de paix. Il semble que les différentes réformes destinées à pallier le vide qu’elles ont laissé, révèle toute la difficulté de rapprocher la justice des citoyens. L'instauration du juge de paix par les lois des 16 et 24 août 1790 répondait à la volonté de mettre au service des justiciables un magistrat non professionnel s'efforçant de concilier les parties et, à défaut, tranchant les litiges. Notable local, il se présentait avant tout comme l'autorité chargée de régler les litiges pénaux et civils de la vie quotidienne. D'accès gratuit et implanté dans chaque canton, il était très accessible. Comme le souligne les auteurs du rapport de 1994 28: « le juge de paix incarnait les trois facettes de la proximité : installé dans le canton, il était facile à joindre, intégré dans le réseau des relations locales, il apparaissait comme familier, situé à la base de la hiérarchie judiciaire, il avait à coeur de régler rapidement les litiges les plus courants». La professionnalisation des juges de paix et leur regroupement, débuté en 1929, ont constitué les prémices de sa disparition. La « judiciarisation » de la société et la complexification du contentieux ont accru les exigences de qualification juridique29. En outre, le maillage cantonal s'est révélé inadapté face à l'urbanisation croissante. En conséquence, le législateur a supprimé les justices de paix par l'ordonnance n°58-1273 du 22 décembre 1958 afin de les remplacer par une nouvelle organisation judiciaire.

Lors de la réforme de 1958 supprimant les justices de paix et créant les tribunaux d’instance, l’idée était de faire de ces tribunaux une justice adaptée au traitement des petits litiges. Composés de magistrats professionnels, ils sont devenus l'échelon de proximité privilégié,  leur ressort prenant généralement pour référence l'arrondissement30. L’instauration d’une série de règles procédurales particulières était destinée à rendre les juges d’instance facilement accessibles et à permettre un règlement simple et rapide de ces litiges. On offrait ainsi la possibilité aux parties de saisir le juge sur simple déclaration au greffe, de se présenter elles-mêmes devant le juge, ou d’être représentées par un membre de leur famille. La procédure était orale. Le juge pouvait tenter de concilier les parties et à défaut seulement de conciliation, il se devait de statuer.

Même si les tribunaux d'instance ont conservé une partie des caractéristiques originelles des anciennes justices de paix, ils ont perdu leur spécificité de juridiction des petits contentieux de la vie quotidienne et se sont éloignés de leur vocation première. L’accroissement considérable du contentieux judiciaire, l’insuffisance des recrutements de magistrats et l’alourdissement des tâches confiées aux juges d’instance ont eu pour conséquence de rendre ineffectives ces règles, avant tout destinées à organiser une justice de proximité.

Ces tribunaux se sont trouvés confrontés à des exigences contradictoires. Comment demeurer une juridiction de proximité alors que d’une part, ses missions sont de plus en plus larges et complexes et que d’autre part, il doit faire face à un encombrement croissant, imputable au développement d'un contentieux de masse et à l'augmentation du « besoin de justice ».

La compétence des TI s’est en effet progressivement étendue, les appelant à exercer des fonctions souvent comparables à celles du TGI, et les éloignant de leur vocation initiale. En devenant juge des tutelles ou du contentieux électoral, le TI a débordé le cadre de la justice de proximité ce qui a entraîné une charge de travail considérable. Un ralentissement des délais de traitement (compris entre trois et cinq mois) a en conséquence été observé même s’ils restent moins élevés que ceux des autres juridictions.

La complexité du partage de compétences entre le TI et le TGI a engendré un manque de lisibilité qui ne facilite pas l’accès à la justice. En effet, si le tribunal d'instance possède une compétence propre d'attribution, dans certains domaines (tels que l'injonction de payer, le paiement direct des pensions alimentaires...), certaines de ses compétences recoupent des domaines identiques ou connexes à ceux du tribunal de grande instance. Le partage des attributions entre ces deux catégories de juridiction n’apparaît donc pas toujours logique et compréhensible. Le champ actuel des compétences des tribunaux d'instance les assimile de plus en plus à des chambres détachées des tribunaux de grande instance.

Les juridictions d’instance surencombrées qui recourent régulièrement à la technique de l’ « abattage » impliquant un traitement des affaires de manière « quasi-mécanique, n’ont matériellement plus le temps d’opérer un traitement spécifique des dossiers des « petits litiges » dans lesquels un particulier se défend lui-même. Leur surcharge de travail ne leur permet plus d’accorder à ce justiciable ce temps d’écoute symbolique et nécessaire.


Tout citoyen qui s’estime lésé devrait pourtant avoir la possibilité de saisir un tribunal pour obtenir justice. Mais la réalité révèle que ce droit reste théorique s’agissant des petits litiges du quotidien. Ces petits litiges sont essentiellement constitués par des litiges relatifs à la consommation, à l’habitat, au voisinage et dont la valeur varie le plus souvent entre 1000 et 2000 euros.

Il n’existe plus de « justice » pour ces petits litiges. Le système juridictionnel se révèle inadapté et pour s’en rendre compte, il suffit de constater la multiplication des associations œuvrant dans le domaine de l’assistance juridique aux consommateurs et usagers, sans qui bon nombre de litiges ne parviendraient jamais jusqu’aux tribunaux. Ce phénomène s’explique par trois raisons principales : l’obstacle lié aux lenteurs de la procédure causées par le suremcombrement du TI, l’obstacle financier lié au coût du procès, et la mise à mal de toute une série de règles procédurales particulières qui étaient destinées à rendre les juges d’instance facilement accessibles et à permettre un règlement simple et rapide de ces litiges.


- Le coût du procès est une cause qui empêche les particuliers d’agir en justice. Ces dépenses consistent essentiellement en des frais d’expertise et en des honoraires d’avocat. Et ces dépenses se révèlent la plupart du temps bien supérieures à l’intérêt en jeu. Cette disproportion entre la faible valeur du litige et le coût élevé des frais de procédure oblige parfois les justiciables à avancer des frais d’avocat d’un montant presque aussi élevé que celui du litige. Ce coût dissuade les justiciables qui renoncent à défendre leur droit. Certes, devant le tribunal d’instance, le ministère d’avocat est facultatif. Mais cette apparente « gratuité » est un leurre sur les gages de réussite du procès. En effet, quelle chance de succès réserve au petit consommateur un procès dans lequel ce dernier risque de se retrouver face à un professionnel qui lui, sera défendu par un avocat ? Cette faculté de se défendre seul est souvent annihilée par le caractère par trop rebutant des règles régissant l’instance. Le simple citoyen non initié au mode de fonctionnement de l’appareil judiciaire apparaît bien démuni. Le particulier, profane, quelque soit son niveau social et culturel, ne sait pas formuler sa demande et se contente de raconter son histoire. Il ne comprend pas toujours la nécessité de chiffrer sa demande, de la motiver juridiquement, et de la justifier par la constitution d’un dossier. La difficulté de savoir à qui s’adresser, la complexité de la procédure et la technicité du langage juridique suffisent la plupart du temps à dissuader le simple particulier.


- La lenteur est une autre cause de ce découragement général. En effet, le traitement des petits litiges pâtit d’un surencombrement des juridictions31. La justice qui a surtout jusqu’à présent axé sa politique sur le développement de l’accès au droit, est victime de son succès. De plus en plus de personnes, conscientes de leur droit désirent obtenir justice. La judiciarisation de la société accentue encore ce phénomène. Il en résulte un véritable déni de justice pour les petits litiges, qui sont les premiers à être victimes de cette exclusion de l’institution judiciaire. Les juridictions d’instance dont la vocation première était de traiter le petit contentieux de proximité, se révèlent aujourd’hui inadaptées. Leur traitement mécanique, « à la chaîne », avec de nombreux retards désespèrent les justiciables. Ils se sentent incompris, étrangers à la procédure qui les concerne.

En 1997, le rapport de la mission d’information sur les moyens de la justice présidée par M. Charles Jolibois faisait déjà le constat des dysfonctionnements de la justice en stigmatisant le surencombrement des tribunaux d’instance et de police32. Cette situation provient de l’envahissement des contentieux de masse. On désigne ainsi les litiges qui offrent les caractéristiques communes d’avoir un objet identique, d’être nombreux et de ne présenter des différences que dans les faits. Ces différences, très importantes pour les personnes concernées, ne peuvent plus être prises en compte par le juge par manque de temps.


- Dans la pratique, les règles procédurales particulières ne sont pas respectées. La règle de l’oralité de la procédure de l’article 843 du NCPC, est devenue largement théorique. De même, contrairement au principe posé par l’article 841 du NCPC, les affaires ne sont pratiquement jamais jugées lors de la première audience. Or il arrive que certains redoutent de se représenter une seconde fois devant le tribunal, en ne mesurant pas les implications du principe du contradictoire.

Pour faciliter l’accès des petits litiges aux tribunaux d’instance, le législateur a imaginé différentes formules, visant à simplifier les procédures. Mais aucun résultat véritablement satisfaisant n’a emporté la conviction des professionnels et des justiciables.


La procédure de l’injonction de faire de l’article 1425-1 du NCPC n’a pas non plus tenu ses promesses. Présentée comme le pendant de l’injonction de payer protecteur des créanciers institutionnels et des professionnels, elle n’a pas rendu de services équivalents aux consommateurs, créanciers d’une obligation de faire. En effet, dépourvue de tout caractère contraignant, la non exécution de l’obligation de faire à l’expiration du délai imparti par le juge, n’entraînait que l’appel de l’affaire à une nouvelle audience, cette fois contradictoire. Elle ne constituait en pratique qu’un mode de saisine simplifié de la juridiction, aboutissant toujours à un débat contradictoire dont on souhaitait a priori pouvoir se dispenser. Cette procédure d’injonction de faire se heurte en outre, à la difficulté qu’a le créancier-consommateur à caractériser ses prétentions au regard du domaine assigné à cette procédure : « exécution en nature d’une obligation d’origine contractuelle ». De fait, la proportion élevée de requêtes rejetées révèle que les demandes des requérants sont souvent mal fondées. Le « rapport Coulon » préconisait même de supprimer cette procédure. On dénombre un peu moins de 6 000 demandes par an sur l’ensemble des tribunaux d’instance.


La procédure simplifiée de saisine du juge d’instance de l’article 847-1 du NCPC, par « déclaration au greffe » n’aurait pas non plus atteint son but. Il s’agit d’un procédé simplifié de saisine du tribunal d’instance, qui permet d’éviter l’assignation par huissier. Elle n’est admise que pour les petits litiges, ceux dont le montant n’excède pas le taux de compétence en dernier ressort du tribunal d’instance, soit 3 800 euros. Elle n’est théoriquement pas limitée aux affaires de consommation, mais en pratique, elle est avant tout faite pour eux. Cette procédure permet à la partie demanderesse de faire l’économie d’une assignation d’huissier de justice et d’un conseil pour la rédiger. Le but était que le plus modeste des justiciables ait la faculté de mettre en œuvre le tribunal d’instance, pour les affaires en dernier ressort seulement, par une simple déclaration remise au greffe et toujours dispensée du ministère d’avocat. Cette absence de formalisme était censée être accueillie comme une avancée sociale. Malheureusement, la dispense de saisine du juge par voie d’huissier représente une économie minime qui a compliqué la tâche du juge . En effet, la pratique révèlerait que les formulaires de déclaration sont le plus souvent, remplis trop succinctement. Ces demandes, rarement mises en forme par un professionnel du droit, se caractérisent par un certain désordre rédactionnel où l’objet du litige n’est pas toujours énoncé avec rigueur. Il s’ensuit à l’audience publique où ces affaires sont appelées une instruction laborieuse dans une atmosphère difficile. La tache reste dure pour le juge qui devra interroger longuement pour comprendre, vérifier et juger. Dans de nombreux tribunaux, il est même devenu nécessaire d’organiser des audiences spécialement réservées à ces dossiers qui nécessitent d’importants délais pour être correctement cernés et maîtrisés33. D’où le développement d’une pratique consistant à organiser d’office pour tous une tentative préalable de conciliation confiée au conciliateur de justice.


Toujours dans l’idée d’aménager une véritable « justice de proximité » le pouvoir réglementaire a institué, par décret du 20 mars 1978, les conciliateurs, devenus en 1996, les conciliateurs de justice34. Ces conciliateurs peuvent être saisis sans aucune forme par toute personne qu’elle soit physique ou morale. Leur mission permet de faciliter le règlement amiable des litiges, en dehors de toute procédure judiciaire. Mais ils peuvent également, dans le cadre des procédures applicables aux tribunaux d’instance, procéder aux tentatives préalables de conciliation prévues aux articles 830 et 840 du NCPC35.

La demande de tentative préalable de conciliation de l’article 830 du NCPC aurait pu, aux dires de certains, être une technique intéressante en permettant aux parties de saisir le juge d’instance de manière très simple et au juge de s’efforcer de les concilier puis, en cas d’échec, de statuer directement sur le litige. Mais, au regret des praticiens, le décret du 22 juin 1996 a transformé cette procédure en un simple renvoi à un conciliateur de justice. Le juge d’instance n’opère plus lui-même la tentative préalable de conciliation prévue par l’article 840 du NCPC. Alors que l’on dénombre 483 000 affaires terminées en 2002 par les tribunaux d’instance, ils ont procédé à 9 000 tentatives préalables de conciliation, dont 5 620 se sont soldées par une conciliation.

Hier, le juge de paix avait le temps d’écouter les parties, d’étudier leurs dossiers, de soupeser leurs moyens, de tenter de les concilier et à défaut de dégager des solutions le plus souvent acceptées. Son successeur, le juge d’instance est confronté au problème permanent et obsédant, de la gestion de son temps. On lui demande de « faire bien », mais surtout de « faire vite », c’est-à-dire de tenir un rythme dont le mouvement, trop rapide, le contraint à effectuer un choix, non seulement entre la qualité ou la quantité, mais entre les différents types de litiges en fonction de leur « importance présumée ». Surinvesti par des préoccupations gestionnaires, le juge déçoit le plaideur venu en personne à l’audience, confiant, avec l’idée de pouvoir instaurer un dialogue fructueux en présence d’un magistrat attentif et serein. En réalité, ce qui attend le justiciable, c’est un président d’audience qui le presse, lui donne l’impression de ne pas l’écouter ou de ne pas vouloir l’entendre, et qui semble davantage préoccupé d’évacuer le rôle que de recevoir ses explications. Avare de son temps, le juge « délègue » aux MARC tout un pan du contentieux qu’il qualifie être de « masse » parce qu’il est quantitativement important, répétitif, mais d’un faible enjeu financier. MARC dont on verra dans la « Section II », qu’ils sont parfois loin de constituer une réponse substitutive appropriée, notamment en matière de litiges liés à la consommation.


Il résulte de l’ensemble de ces constats qu’aujourd’hui, une majorité de petits litiges civils, et notamment de litiges de la consommation, n’accède pas au juge, surtout lorsqu’ils ne bénéficient pas de l’aide juridictionnelle totale. Rappelons qu’actuellement, seuls 27 % des ménages français remplissent les conditions de bénéfice d’une telle aide. Pour une majorité de Français, l’alternative est décevante et dommageable : un règlement à l’amiable par l’intermédiaire d’une association ou d’un conciliateur de justice, ou bien, l’abandon de son droit en se soumettant à la partie la plus puissante.

La petitesse du montant d’un litige ne justifie pas qu’il soit soustrait à l’emprise du droit. « Ils ne sont petits que si on les isole les uns des autres : ils prennent une dimension considérable quand on les envisage dans leur multiplicité »36. Le consommateur a le droit d’agir en justice lorsqu’il estime que ses intérêts ont été bafoués.

Au civil, ce sont surtout les litiges locatifs ou de la consommation qui sont touchés. A l’égard de tels contentieux, l’augmentation quantitative des moyens n’apporterait pas forcément une véritable solution au problème. Pour être plus rapide et systématique, le traitement n’en serait pas forcément plus adapté. La procédure actuelle se révèle inadaptée pour traiter des litiges modestes et stéréotypés.

A cette inadaptation de l’offre institutionnelle s’ajoute un sentiment d’exclusion tel que bon nombre d’habitants pensent n’avoir que des obligations, des contraintes. La notion de citoyens libres et égaux en droits est vécue comme une virtualité. Devant les premières juridictions de proximité que sont les tribunaux d’instance, la plupart des défendeurs ne comparaissent pas pour assurer la défense de leurs intérêts, parce qu’ils n’en voient pas l’utilité. Ce qui entraîne la condamnation pure et simple des défendeurs. Dans le domaine des litiges de faible importance liés au droit de la consommation, véritable contentieux de masse, les litiges sont le plus souvent abandonnés par les plaideurs qui en ressentent une frustration énorme à l’égard de la justice.


B- L’échec de la recomposition de la carte judiciaire


Une meilleure adaptation des réponses de la justice aux besoins des populations pose également la question de la répartition de ses moyens sur tout le territoire.

Des projets de rationalisation de l’outil existant sont apparus. Partant du constat que la tâche des juges et des fonctionnaires de justice est inégalement répartie, ils visent à supprimer un certain nombre de petits tribunaux et à en spécialiser d’autres. Il s’agit alors d’un mouvement de centralisation et de spécialisation. Le risque, c’est qu’en accroissant la taille de certains tribunaux s’ensuive une perte de productivité ou d’efficience liée justement à cet accroissement. Enfin, la suppression d’une juridiction locale entraîne des inconvénients économiques pour la ville désertée qui perd en outre son statut de « ville judiciaire ». Cette vision globale, rationalisante, et technocratique sacrifie la valeur de la justice judiciaire de proximité.

La justice a peu évolué dans ses structures depuis le Premier Empire jusqu’à 1958. La première grande rupture que connut l’institution fut celle voulue par Michel Debré en 195837, dans le cadre plus vaste de la réforme de l’Etat38. Il procéda à la réforme de l’organisation judiciaire par la suppression des justices de paix et de 150 tribunaux d’arrondissement39. Il établit des tribunaux de grande instance comme juridiction de droit commun40. Cette réforme visait à construire une justice digne d’un Etat moderne, en rationalisant le mode d’intervention des juges par la suppression de multiples micro-juridictions, en les éloignant de la dépendance des notables locaux41. Elle engendrera un mouvement de « rétractation » du système de la justice dans la société.

La quête de nouveaux maillages judiciaires adaptés aux évolutions territoriales est restée en suspens jusqu’à ce que la loi du 8 février 1995 ouvre la voie à une recomposition de la carte judiciaire, affranchie de toute référence à un découpage administratif, par divers procédés : extension à toutes les juridictions des audiences foraines, institution des chambres détachées des tribunaux de grande instance, généralisation du principe de la fixation par décret en Conseil d’Etat du ressort des Cours d’appel, tribunaux de grande instance et tribunaux d’instance. Toutes ces mesures devaient faciliter la réussite d’un objectif qui déjà à l’époque était d’assurer le maintien d’une justice de proximité.

Il apparaissait impératif à l’époque de tirer les conséquences du décalage entre les évolutions socio-démographiques et la carte judiciaire. 85 % des Français vivent en zones urbaines. Mais les tribunaux restent positionnés géographiquement comme au début du siècle dernier. Trop de villes nouvelles sont dépourvues de tribunaux accessibles et le dispositif de maisons de justice et du droit, consacré légalement depuis 1998, est encore loin de couvrir l’ensemble du tissu urbain. Le constat est celui d’une inadaptation de la carte judiciaire tenant aux écarts de population dans chaque ressort, à la répartition géographique inégale et à l’insuffisance d’activité de certains tribunaux qui n’atteindraient pas un seuil de bon fonctionnement, ainsi qu’à des écarts de charge de travail par magistrat ou par fonctionnaire. Il s’agit de rendre effectif le « droit au droit » par l’accès territorial facilité. Mais l’expérience des « Maisons de justice et du droit » ont révélé qu’il ne suffit pas de se déplacer dans les quartiers pour faciliter l’accès à la justice, ni pour faciliter la compréhension des réalités par la justice.

Les juges de paix tenaient des audiences foraines et, aujourd’hui encore, le juge d’instance peut être autorisé à tenir des audiences hors de son siège habituel. La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a introduit un nouveau titre dans le Code de l’organisation judiciaire. L’article L. 7-10-1-1 dispose que « les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent tenir des audiences foraines dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ». Cette disposition qui avait pour but d’inciter à un plus large usage de cette possibilité de « justice itinérante », se déplaçant au gré des besoins resta lettre morte. En effet, les juridictions utilisent peu cette faculté.

La loi du 8 février 1995 offre une autre possibilité, qui est un moyen terme, consistant à créer des chambres détachées à l’intérieur d’un tribunal de grande instance42. C’est une forme de décentralisation et de délégation censée favoriser la justice de proximité, en créant une antenne du tribunal dans un autre endroit de son ressort. L’idée était par exemple de créer une chambre détachée au siège de certains tribunaux d’instance, ou en un autre endroit, pour connaître des affaires familiales dont le nombre croit sans cesse et qui exigent un traitement de proximité. Mais dans les faits, cela n’était pas très différent d’une audience foraine dans la mesure où les juges désignés venaient au siège de la chambre détachée quelques jours par mois.

La loi du 8 février 1995 pose également la règle selon laquelle le siège et le ressort des Cours d’appel, des tribunaux de grande instance sont fixés par décret en Conseil d’Etat. Ces dispositions donnent au gouvernement les moyens de dessiner une nouvelle carte judiciaire de la France. Le but était alors de la « rafraîchir » afin d’assurer, par un découpage rationnel, le maintien d’une justice de proximité, un meilleur emploi des magistrats et fonctionnaires de justice, ainsi qu’une certaine spécialisation pour les contentieux les plus complexes. La suppression des petites juridictions devait permettre d’optimiser les moyens en hommes ainsi qu’en locaux et en matériel.

Les réformes portant sur le personnel judiciaire ont abouti à la loi organique du 19 janvier 199543, créant des magistrats à titre temporaire pour exercer des fonctions de juge d’instance ou d’assesseur dans les formations collégiales de tribunaux de grande instance. Le législateur ajoute ainsi une nouvelle modalité, bien qu’accessoire, de recrutement des juges du premier degré parmi des professionnels du droit ou parmi des personnes ayant une expérience professionnelle suffisamment ancienne pouvant exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires44. Cette réforme n'a pas encore eu de suite, faute d'une volonté politique suffisante pour assurer le recrutement de ces magistrats45. Seulement treize magistrats exerçant à titre temporaire ont effectivement été recrutés depuis 1995. L’institution des magistrats à titre temporaire par la loi de 1995 participait déjà à cette volonté d’un retour à l’ancienne tradition des juges de paix.


Les tentatives du législateur pour organiser une meilleure répartition des moyens du tribunal d’instance sur l’ensemble du territoire ont échoué et n’ont pas permis de pallier l’inadaptation plus profonde que révèle son fonctionnement actuel à l’égard du contentieux de la vie quotidienne.

Les « Maisons de justice et du droit »46 ont certes permis d’atténuer l’inadaptation de la carte judiciaire, de l’offre de justice à la demande réelle des populations47. Mais les modes alternatifs de règlement des conflits dont elles sont le cadre, si ils sont adaptés au traitement des litiges de voisinage, révèlent toutes leurs limites s’agissant du traitement du contentieux de masse lié à la consommation.



§2 Limites des procédures de règlement amiable des conflits



Les Maisons de justice et du droit ainsi que les expériences de médiation et de délégation sont apparues comme une nouvelle voie de traitement des contentieux de masse. Partant du constat que tous les conflits n’appellent pas nécessairement une réponse judiciaire, les MARC ont ainsi bénéficié d’une « recommandation sénatoriale » au sein du rapport de la mission d’information sur les moyens de la justice, publié en 199748. Ils apparaissaient alors avec évidence comme le seul moyen de répondre qualitativement et quantitativement aux problèmes des contentieux de masse. La loi du 18 décembre 1998 a permis d’apporter les garanties nécessaires à la généralisation de leur application.

La conciliation a été favorisée, tant dans le cadre des juridictions existantes que par l’accroissement de la conciliation ou de la médiation extrajudiciaire. La création des « Maisons de justice et du droit » a participé de ce mouvement, même si ces dernières jouent davantage un rôle au pénal qu’au civil49.

L’enjeu, face aux contentieux de masse, a résidé principalement dans le fait de distinguer les différents niveaux de réponse juridique censés permettre aux magistrats de rendre une justice de qualité que ne permettait plus une surcharge permanente d’activité. Cette orientation, sans engendrer un désengagement face à la demande de droit, visait à mieux distinguer la phase de négociation de l’éventuelle phase contentieuse devant le juge.

Les articles 21 et 26 de la loi du 8 février 1995 réglementent la conciliation et la médiation judiciaires. S’agissant de la conciliation, le texte de 1995 prolonge les dispositions existantes50. Aussi bien celles concernant le conciliateur institué par le décret du 20 mars 1978, que celles consacrées par les articles 21 et 127 à 131 du NCPC à la mission générale de conciliation du juge51.

Figure à l’article 21, dans les principes directeurs du procès, l’avertissement qu’ « il entre dans la mission du juge de concilier les parties ». Mais le juge n’a plus matériellement le temps de conduire une conciliation. En outre, on a pu lui dénier la capacité de suggérer une conciliation sans préjuger, prenant également en compte l’idée que le juge n’est pas nécessairement le mieux placé pour suggérer des solutions de compromis autres que celles résultant de l’application des règles de droit. La loi du 8 février 1995 a donné au juge, une fois saisi, la possibilité de se décharger en renvoyant les parties consentantes devant un conciliateur52.

Les médiations civiles déléguées judiciairement, ou préalables à toutes instances judiciaires, sont également des techniques qui permettent d’éviter les procès contentieux. S’agissant de l’ouverture de la médiation judiciaire, le juge peut y recourir « en tout état de la procédure et y compris en référé ». On retrouve un champ d’intervention aussi vaste que celui ouvert à la conciliation par les articles 127 à 131 du NCPC53. Le rôle du médiateur est d’organiser l’audition des parties, la confrontation de leurs prétentions, l’élaboration d’une proposition d’accord alors que la conciliation est davantage perçue comme une occasion procurée aux parties de chercher elles-mêmes les termes d’un compromis. Cette médiation en matière civile peut être confiée à un médiateur, personne morale ou personne physique, choisi par le juge. Mais très souvent, le juge confie la médiation au conciliateur de justice. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il existe dans le public une confusion entre conciliation et médiation en matière civile54.


Ces MARC présentent l’avantage d’apporter une solution pacifique au conflit : l’issue amiable d’un litige entraîne un moindre traumatisme aux parties et laisse moins de « cicatrices » qu’un jugement. Elles ont cet effet bénéfique en cas de succès, mais sans comporter les garanties de la justice, ce qui ne les rend pas recevables dans tous les types de contentieux. Si elles s’avèrent très positives pour les petits conflits de voisinage, leurs effets sont désastreux sur les litiges liés à la consommation. C’est pour cette raison que les MARC ne doivent pas devenir « un substitut économique viable pour une organisation juridictionnelle défectueuse au risque de constituer une forme subtile de déni de justice55. »


Les MARC sans être remis en cause révèlent leurs limites dans le traitement des petits litiges. Tout d’abord et aux yeux de certains, le bénévolat total sur lequel repose le système concernant les conciliateurs de justice restreint considérablement les possibilités de recrutement : ils font généralement défaut pendant la période d’été et certaines juridictions en manquent cruellement tout au long de l’année. Les MJD rencontrent également une certaine crise de croissance liée à l’augmentation de leur fréquentation. Les délais d’attente pour rencontrer le conciliateur augmentent avec l’ancienneté d’implantation des MJD et peuvent s’élever jusqu’à deux mois.

Ensuite, l’exigence d’une expérience en matière juridique d’au moins trois ans et d’une aptitude particulière à la conciliation, suffit à les rendre compétents s’agissant de litiges de voisinages, mais apparaît inadaptée aux litiges de consommation qui constituent pourtant l’essentiel des petits litiges. D’autant que la plupart des entreprises mises en cause par le consommateur n’ont aucune volonté conciliatrice. En outre, les associations œuvrant dans le domaine de l’assistance juridique dissuadent les particuliers d’y recourir car un consommateur dont le bon droit est manifeste a plus à perdre qu’à gagner dans une conciliation. Il y a en effet dans la conciliation dirigée une contradiction interne. Celle-ci se traduit par un rapport de forces. Le gagnant sera celui qui cédera le moins, le perdant le plus accommodant. Une prime est donnée à l’intransigeance. Elle recèle des effets pervers.

Le conciliateur de justice est amené à jouer un rôle de plus en plus important à l’intérieur du Tribunal d’instance pour « libérer » les audiences d’une masse de litiges, improprement qualifiés de « petits », or ce conciliateur n’a pas le pouvoir de trancher le litige. Marc Véricel fait très justement remarquer, et ce n’est pas Jean Calais-Auloy qui le contredira56, que « l’idée selon laquelle les petits litiges n’ont pas besoin d’un juge n’est pas acceptable car elle traduit une méconnaissance profonde des réalités quotidiennes ». S’il est vrai que, pour beaucoup de ces différends, les intérêts qu’ils mettent en cause paraissent négligeables, ils n’en demeurent pas moins complexes à appréhender parfois. Un litige peut être grave dans ses enjeux mais techniquement simple, et appeler, en dépit de son caractère répétitif qui l’assimile à un contentieux de masse, un traitement approprié que le conciliateur n’est pas à même de lui apporter. La complexité technique d’un litige n’est pas systématiquement proportionnelle au montant de la demande. Souvent dans ces contentieux de masse, relégués, l’une des parties vit un des moments importants de son existence. Aussi une « déjudiciarisation » peut être perçue comme une démission du service public de la justice.


D’autres vont même plus loin, comme M. Camous qui considère que « les modes de règlement non juridictionnel » des litiges, et notamment la conciliation, constituent une source de régression de la protection des consommateurs à la fois parce que leur usage fait oublier l’existence des délais pour agir en justice et parce que l’application de la norme juridique y est souvent évincée au profit d’une notion d’équité qui est généralement moins favorable aux consommateurs »57. En matière de consommation, les délais de prescription peuvent en effet se révéler très brefs58. Ces derniers montrent tout le danger qu’une conciliation peut receler lorsqu’elle se révèle impossible. Or certains professionnels aguerris, font délibérément traîner certains règlements amiables ou instituent dans le contrat ces recours amiables comme un préalable obligatoire de l’action en justice.


Actuellement beaucoup de « petits litiges » échappent ainsi aux garanties que seul un système judiciaire peut apporter et dont les plaideurs, aussi modestes soient-ils ne sauraient être privés. Si les solutions négociées peuvent apporter une réponse plus adaptée à de nombreux litiges et qu’elles doivent, dans le cadre de l’institution judiciaire, trouver leur place à coté de la réponse classique qu’est le jugement, elles ne doivent en aucun cas se substituer au juge d’instance.

La loi du 18 décembre 1998 sur « l’accès au droit et la résolution amiable des conflits » a déçu. L’extension des circuits de médiation extrajudiciaire a pris le dessus sur la démarche globale attendu qui devait unifier l’accès au droit et l’accès à la justice. Or s’il est effectivement nécessaire de développer les modes non judiciaires de règlement des conflits, c’est à la condition qu’ils ne se substituent pas à la possibilité de saisir le juge. Sous prétexte d’organiser une « prévention » des litiges, le législateur privilégie le traitement non judiciaire des contentieux. Avec les MARC, « on feint d’éviter le litige, mais en réalité, on évite le juge ». Une telle démarche judiciarise les instances d’évitement du juge au lieu de le placer comme recours ultime et nécessaire en cas d’échec des modes amiables et alternatifs de résolution des conflits. La loi du 18 décembre 1998 a fini par dissocier l’accès au droit de l’accès à l’action, alors qu’ils auraient dû rester complémentaires, le premier ne pouvant remplacer le second et vice-versa.


Les MARC ont largement répondu aux attentes des citoyens en développant un « droit au droit » 59. Mais aujourd’hui sans être remises en cause, ces avancées ne sont plus adaptées à une autre demande qui s’est faite jour et qui s’oriente de plus en plus vers un « droit au juge ». Le recours aux modes dits alternatifs de résolution des litiges engendre une méconnaissance du « droit de chacun à entendre dire son droit ». Ces modes sont finalement perçus, plus comme une alternative à la justice que comme une justice alternative.

Est ainsi fortement dénoncée l’attitude qui consiste à justifier le traitement des petits litiges par les M.A.R.C, par le désengorgement subséquent et salvateur qu’ils apportent aux tribunaux d’instance. Le traitement des contentieux de masse doit être abordé de manière moins gestionnaire qu’auparavant. Si l’on perçoit l’intérêt d’envisager pour les petites affaires la voie de la médiation ou de la conciliation, il ne faut pas cependant que ce choix réponde purement et simplement à un souci de gestion des flux. Même si les MARC réussissent à désencombrer les tribunaux en permettant une solution plus rapide des litiges, une écoute plus sensible à l’équité, ces MARC sont critiquables s’ils n’ont d’autre justification que la gestion de la pénurie. Car dans ce cas, ils font obstacle comme on l’a vu, au droit de recourir au juge.


Les MARC ont consacré un autre processus que la procédure judiciaire traditionnelle, en envisageant le règlement du litige en se référant à d’autres normes que le droit, comme l’équité. Or si l’équité peut permettre l’accès au droit, elle ne permet pas l’accès au juge. Les juridictions de proximité répondent ainsi à une attente à laquelle actuellement, ni les modes alternatifs de règlement des litiges, ni les juridictions encombrées, ne peuvent répondre.

A l'instar de la justice civile, la justice pénale connaît également des difficultés de traitement de son « petit contentieux » auquel l’inauguration d’une « troisième voie », entre le classement sans suite et la poursuite, ne répond qu’imparfaitement.

SECTION II : L’ABSENCE DE REPONSES ADAPTEES A LA PRIMO-DELINQUANCE


L’encombrement du tribunal de police, entraîne une gestion qualitative et quantitative du contentieux au moyen de classements sans suite « secs ». Ces pratiques de régulation des flux s’effectuent au détriment du traitement juridictionnel de la primo-délinquance, délinquance visible qui génère un sentiment d’insécurité important (§1). La multiplication des alternatives aux poursuites, si elle permet une diversification appropriée de la réponse pénale au contentieux de la petite délinquance, ne constitue pas une solution substitutive adaptée et à même d’enrayer le sentiment d’insécurité ambiant et le sentiment d’impunité du délinquant (§2).



§1 Une réponse juridictionnelle impossible


Le petit contentieux pénal dont il est ici question est avant tout de nature contraventionnelle et relève du tribunal de police. Cette distinction des juridictions pénale et civile ne doit toutefois pas faire perdre de vue les liaisons qui existent entre ces deux aspects de l’activité judiciaire, y compris d’un point de vue structurel puisque le tribunal de police n’est que le tribunal d’instance statuant en matière de simple police60. Dans les petits tribunaux, où les personnels, peu nombreux, ne sont pas spécialisés, ce sont les mêmes magistrats qui tiennent, selon les jours, l’audience civile et l’audience pénale. Aussi les mêmes causes produisent les mêmes effets : l’encombrement des tribunaux de police causé cette fois par l’augmentation des faits de petite délinquance, engendre un traitement inadapté de la primo-délinquance61. En effet, ce traitement est avant tout dicté par des préoccupations gestionnaires qui impliquent un traitement prioritaire des faits de délinquance considérés comme les plus graves.


En 2001, sur ces 1 327 848 affaires « poursuivables »62, 434 475, soit 32,7 %, ont donné lieu à un classement sans suite pour inopportunité des poursuites63. Les motifs principalement invoqués pour ces classements dits « classements secs » sont, pour 40 %, la prise en considération de la faible gravité des faits et, pour 25 %, le fait que les enquêtes sont restées infructueuses, alors même que l'auteur était connu, parce que l'enquête n'a pas permis de le localiser ou que la faible gravité de l'infraction n'a pas paru justifier de recherches plus approfondies. Pour le reste, 46,8% ont fait l'objet de poursuites, 0,1% d'une composition pénale et 20,3% de mesures alternatives aux poursuites.

Lorsque des poursuites sont engagées, elles sont, pour 59,7 % d'entre elles, renvoyées devant le tribunal correctionnel et, pour 25,2 % devant le tribunal de police. Toutefois, alors même que le nombre d'affaires portées devant les tribunaux correctionnels et de police a baissé depuis 1999, la durée moyenne des procédures pénales ayant abouti à une condamnation a augmenté tant pour le jugement des délits et des contraventions de 5ème classe que des crimes. S'agissant des peines prononcées, on observe une diminution du nombre de peines privatives de liberté, dont la part dans le total est passée de 21,9 % à 17,1 % entre 1993 et 2000. A l'inverse, durant cette même période, les amendes ont fortement augmenté pour représenter 35 % des peines prononcées en 2000. Les peines de substitution se sont également développées.


La délinquance est aujourd’hui urbaine, massive, rajeunie, reliée sans s’y réduire aux phénomènes d’exclusion et de crise économique. Elle se nourrit de l’affaiblissement des modes traditionnels de socialisation (travail, famille, école, église, mouvement ouvrier). La transformation quantitative et qualitative de la délinquance64 a suscité un débat de fond sur la réforme globale de l’ordonnance du 2 février 1945, que le législateur du 9 septembre 2002 a repris à son compte. Le rapport du Sénat rendu public en juin 2002 « La République en quête de respect 65» constate une délinquance juvénile plus massive, plus violente, commise par des mineurs de plus en plus jeunes. Le nombre des mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 14,92 % entre 1997 et 2001, passant de 154 037 à 177 017. Ils représentent à eux seuls 21 % du total des mis en cause. Christine Lazerges reconnaît que le problème de la délinquance des mineurs recèle une très forte charge symbolique à l’origine selon elle d’une certaine « fièvre législative » : « De tout temps, la délinquance des jeunes a suscité des angoisses collectives sur le devenir des sociétés et la difficulté à construire chez tout adolescent un sentiment d’appartenance garant de sa socialisation.66 »

La délinquance des mineurs est principalement une délinquance de voie publique, donc une délinquance visible67. Elle est caractérisée aussi par le développement des incivilités qui échappent aux chiffres de la criminalité apparente68. Difficilement quantifiables, ces infractions aux règles élémentaires de la vie en société commises par les jeunes, sont mal répertoriées et ne constituent pas toujours des infractions pénales. Il peut s’agir d’injures, d’agressions verbales, de troubles du voisinage, de dégradations de boites aux lettres ou de cages d’escalier. Elles sont liées à l’anonymat, à la densification de l’habitat, à la dégradation du lien social. Elles participent au phénomène de la délinquance urbaine et au développement du sentiment d’insécurité. Elles sont perçues comme la traduction de l’absence de réponse individuelle ou collective au désordre, à l’abandon, au défaut de régulation sociale et donc comme le signal que plus personne n’a le souci de faire respecter l’ordre. Il existe une causalité forte entre ces troubles à l’ « ordre en public » et les troubles classics à « l’ordre public »69. Les incivilités questionnent la légitimité de l’élargissement du champ de l’action policière et judiciaire. Ainsi, le simple respect du droit pénal positif sera insuffisant pour créer les conditions du « bien-vivre-ensemble » dans une société démocratique, car les incivilités se situent en dehors de la loi pénale, sauf à ce que cette dernière envahisse tout le champ de la vie privée et de la vie sociale. Le fait qu’elles ne soient pas systématiquement poursuivies, contribue au développement d'un sentiment de grand désabusement, voire de défiance, à l'égard de l'institution judiciaire.

L’insécurité, protéiforme, peut résulter également de la circulation routière, mais c’est l’insécurité urbaine souvent plus banale, moins dramatique mais perçue comme déstabilisante, exaspérante qui exacerbe le sentiment d’insécurité. L’absence de réponses adaptées à cette délinquance urbaine composée d’infractions contre les biens et d’incivilités, favorisée par le délitement du lien social, est à l’origine de l’amplification du sentiment d’insécurité qui ne doit pas être confondu avec l’insécurité réelle. Les caractéristiques de cette délinquance appellent des réponses fortes de la part des pouvoirs publics.


Mais face à l’augmentation de ce contentieux et à la stagnation de ses moyens matériels et humains, le service public de la justice est contraint de mettre en place des pratiques d’autorégulation. Ainsi se multiplient les classements sans suite prononcés par le parquet. Le tri quantitatif et qualitatif des affaires traitées, se fait au détriment du contentieux de la « petite délinquance », et plus précisément de la primo-délinquance . Les réponses judiciaires ne gagnent pas en efficacité. La victime ne trouve pas compensation à son préjudice, la responsabilisation du délinquant est mal assurée, la distribution des sanctions est aléatoire.

La petite délinquance bénéficie d’un taux de classement sans suite encore beaucoup trop élevé. Il en va de même pour toutes les petites affaires simples ne donnant pas lieu à contestation sérieuse quant aux faits. Même si le nombre de classements secs est à la baisse, il témoigne du défaut de traitement de la primo-délinquance des mineurs puisque le fait que l'auteur de l'infraction soit un mineur ou un primo-délinquant constitue précisément un motif fréquent de classement. Ces contentieux sont purement et simplement ignorés.

Le pouvoir de classement sans suite s’inscrit dans le cadre du principe d’opportunité des poursuites qui appartient au seul procureur. Celui-ci peut également classer une affaire après une solution négociée, en particulier lorsque le préjudice de la victime est réparé. Mais trop souvent encore, sont pratiqués des « classements secs » pour des raisons d’opportunité, qui correspondent uniquement à des impératifs de surencombrement. Les classements sans suites, trop nombreux, deviennent un véritable mode de régulation des flux contentieux. Le taux de réponse pénale est jugé insuffisant, il révèle toute l'impuissance de la justice à l’égard du petit contentieux et ne favorise pas la prévention de la récidive. Ces pratiques difficilement acceptables pour les citoyens, contribuent à accroître leur sentiment d’insécurité.


Alors que les « classements secs » sont jugés trop nombreux et inadaptés au traitement de la petite délinquance, qu’elle soit « urbaine » ou liée à la sécurité routière, les procédures se font toujours plus lentes.

La loi du 15 juin 2000 a intégré dans le Code de procédure pénale, les principes directeurs du procès pénal, au nombre desquels figure « l’obligation de statuer sur une accusation dans un délai raisonnable ». Cette insertion explicite en tête du code, d’un principe fondamental, reste encore symbolique car la durée moyenne de traitement des affaires pénales ne cesse de s'allonger.

Pourtant la notion de proximité temporelle de la réponse pénale revêt une importance particulière dans la justice des mineurs. Elle permet une mise en adéquation entre le temps judiciaire et le temps vécu par le jeune. Il existe un lien essentiel entre l’efficacité d’une mesure et sa proximité temporelle, qui est directement en relation avec la compréhension qu’a le jeune de la mesure. Le risque de « perte de sens » est important dans le cadre d’une mesure tardive. Par ailleurs, avec le temps s’installe également l’oubli. De plus, perte de sens et oubli peuvent engendrer, outre l’incompréhension, un sentiment de harcèlement, voire d’injustice chez un jeune qui a, entre temps, « tourné le dos à son comportement transgressif ». Ainsi, la rapidité du traitement permet de lutter efficacement contre le sentiment d’impunité et d’assurer une prise de conscience responsabilisante. Elle limite les risques de réitération

Si le jugement intervient dans un délai suffisant pour que le jeune ait pu faire ses preuves, mais pas trop long pour que la sanction ait encore un sens, le procès sera vraiment utile. Il permettra de juger aussi bien l’infraction commise que les efforts faits par le jeune pour sortir d’une spirale de la délinquance.


Répondre plus vite et plus efficacement à la délinquance quotidienne en répondant à tous les actes de primo-délinquance afin de mieux prévenir la récidive, constituent des attentes qui s’inscrivaient déjà dans un contexte de débat sur la sécurité dès le colloque de Villepinte du 24 octobre 1997 au cours duquel fut définie la politique gouvernementale en matière de sécurité et où le Premier ministre Lionel Jospin, après la garde des Sceaux de l’époque, Mme Guigou, rappela en particulier qu’à chaque acte délictueux devait correspondre une réponse judiciaire adaptée, rapide, visible et compréhensible par l’opinion.

Estimant que l'insécurité « est la première des inégalités » et qu'« elle mine notre pays », le président-candidat Jacques Chirac s’est prononcé lui, de manière plus directe en 2002 pour « l'impunité zéro ». Le politique s’empare du sujet parce que, bien plus que les dysfonctionnements perceptibles en matière civile, le problème de la petite délinquance concentre toutes les attentes de la population et qu’en ce sens il porte atteinte à la « cohésion nationale ».

La capacité du système judiciaire à offrir un traitement juridictionnel aux « petites affaires pénales du quotidien » qui lui sont soumises, se pose avec d'autant plus d'acuité que le taux d'élucidation des infractions constatées devrait augmenter grâce aux moyens importants dévolus aux forces de sécurité par la loi n° 2002-1094 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure70. L'enjeu est important : faute de réponse pénale adaptée ou même effective, c'est toute l'autorité de l'Etat qui risquerait d’être mise en cause.

On soulignera pour conclure ce paragraphe, que l’efficacité de la théorie de la « tolérance zéro », reprise à mots couverts par l’ancien Premier Ministre Lionel Jospin et dans une variante « impunité zéro » par le président-candidat Jacques Chirac, est contestée et qu’elle trouve un détracteur de poids en la personne de Loic Wacquant71. A l’origine, ce sont les principes directeurs de la politique policière et judiciaire de la ville de New York qui ont fait de cette dernière la vitrine mondiale de cette doctrine, « en accordant aux forces de l’ordre un blanc-seing pour pourchasser agressivement la petite délinquance et repousser les mendiants et les sans-abri dans les quartiers déshérités » afin de « rétablir la qualité de vie des New-Yorkais ». Mais c’est le criminologue américain James Q. Wilson qui a formulé le premier en 1982 la théorie dite « du carreau cassé », adaptation du dicton populaire « qui vole un œuf, vole un bœuf ». Cette théorie soutient que c’est en luttant pied à pied contre les petits désordres quotidiens que l’on fait reculer la criminalité. Séduisante par sa simplicité et son impact positif sur le sentiment d’insécurité, cette doctrine peut devenir un « instrument de légitimation de la gestion policière et judiciaire de la pauvreté », car la question de la délinquance est aussi celle de l’urbanisation, de l’industrialisation et de la pauvreté.



§2 Limites des alternatives aux poursuites


Après avoir progressé entre 1997 et 2000 pour passer de 64 % à 67,9 %, le taux de réponse pénale, qui mesure la part des affaires poursuivables ayant fait l'objet de poursuites ou de mesures alternatives, a légèrement baissé pour s'établir à 67,3 % en 2001. La progression entre 1997 et 2001 de ce taux est essentiellement due au développement des procédures alternatives aux poursuites : représentant 12 % des affaires poursuivables en 1997, elles atteignent désormais 20,3 %. Leur développement résulte pour une large part du recours de plus en plus important aux procédures de rappel à la loi et d'avertissement, dont le nombre a été plus que doublé depuis 1998 pour représenter 47,7 % des procédures alternatives aux poursuites en 2001. Ces mesures sont le plus souvent décidées par les délégués du procureur et portent sur des faits de petite délinquance.

Les « Maisons de justice et du droit , structures créées pour rapprocher la justice du citoyen, constituent le cadre d’accueil privilégié de la mise en œuvre de ces mesures alternatives de traitement pénal72. Elles sont placées par la loi sous l’autorité des chefs de juridiction du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles sont situées. Contribuent ainsi à la construction d’un réseau de justice de proximité, 84 MJD et plus d’une soixantaine d’antennes de justice73, au coté de 473 tribunaux d’instance et de 181 tribunaux de grande instance. La loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 a consacré les MJD dans une place institutionnelle de « présence judiciaire » de proximité74.

Elles permettent d’aider la Justice pénale à faire face à l’explosion des contentieux et à restaurer son image. Elle prend en charge une petite délinquance, facteur d’insécurité et de préjudices, actuellement insuffisamment traitée. Il s’agit également de favoriser une réponse rapide aux premiers actes de délinquance des mineurs. La nature du contentieux traité est caractérisée par la primo-délinquance, des infractions de faible gravité, non contestées, et par le contentieux pénal familial. En les implantant prioritairement dans des zones sensibles, le but est de réinstaller des services publics et non de stigmatiser davantage un quartier. Ainsi leur localisation donne à leur action l’apparence de la décentralisation75. Pourtant la proximité de la justice mise en œuvre par les MJD est peut-être moins spatiale mais temporelle et humaine76.

Trois types de réponse participent de ce mouvement : la médiation-réparation qui rapproche le délinquant de la victime en vue de réparer le préjudice résultant de l’infraction, la convocation pour un rappel solennel au respect de la loi, et enfin, le classement du dossier sous respect d’une condition fixée par le procureur77.

Toutes ces mesures déclinent une « troisième voie » entre l’acte de poursuite traditionnel devant une juridiction pénale et le classement sans suite « sec », qui marque l’abandon des poursuites par le parquet et qui comme on l’a vu, est parfois l’aveu d’une réponse pénale impossible au vu des priorités gestionnaires du tribunal de police. Ce constat a participé au développement des mesures alternatives aux poursuites, qui mettent fin à l'action publique tout en permettant une réparation directe ou indirecte du dommage ou une réinsertion de l'auteur afin de mieux traiter certaines formes de délinquance vis-à-vis desquelles le rituel du procès pénal peut paraître inadéquat ou impossible78.

Le classement sans suite sous condition par opposition au classement sans suite « sec » est un terme générique qui englobe toutes les situations où le parquet, au lieu de poursuivre, prend l’une des mesures suivantes79 : rappel à la loi, orientation du délinquant vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, demande de régularisation de la situation au regard de la loi, réparation du dommage causé, médiation. Ainsi, la médiation pénale est une des mesures qui pourra aboutir à un classement sans suite et en est l’une des conditions.

Introduite par la loi du 4 janvier 1993, sous la forme d’un nouvel article 12-1 de l’ordonnance du 2 février 1945, la mesure de réparation est une réponse spécifique aux mineurs qui diffère de la médiation pénale. Elle constitue un processus éducatif qui tend d’une part à responsabiliser le mineur en favorisant la prise de conscience du préjudice causé et d’autre part, à le réconcilier avec lui-même et la victime par la réparation. Lorsqu’une mesure de réparation est décidée, par le procureur de la République, le juge chargé de l’instruction de l’affaire, le juge des enfants, le tribunal pour enfants, la cour d’assise des mineurs, peuvent proposer au mineur une activité ou une mesure d’aide ou de réparation en faveur de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité. La décision, à laquelle sont systématiquement associés les parents, dépend de l’accord du mineur et de la victime. Les mesures de réparation ne sont pas aussi souvent utilisées qu’elles devraient l’être car les juges des enfants ne disposent pas suffisamment de temps pour expliquer aux jeunes et à leur famille ce qu’est une mesure de réparation et ensuite faire un bilan avec le jeune de la mesure qu’il a effectuée. De plus les services éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse sont souvent surchargés et de ce fait, les juges des enfants « s’autocensurent » pour ne leur adresser que les mesures les plus graves80.


Les critères de choix d’envoi entre ces différentes alternatives sont laissés à l’appréciation du procureur dans le cadre de l’opportunité des poursuites. Mais quelques priorités convergentes émergent : l’envoi en médiation ne peut se justifier que si l’auteur a clairement reconnu les faits et s’il s’agit d’un délit mineur. Elle s’adresse avant tout à des primo-délinquants. Elle ne peut convenir à une personne déjà encrée dans la délinquance. Elle est particulièrement recommandée lorsque les parties se connaissent et sont destinées à se côtoyer à nouveau (conflits familiaux ou de voisinage). Dans ce cas, une médiation qui tente de rétablir un lien est préférable à un procès qui fige le différend. Elle répond à trois objectifs : elle assure une réparation qui ne se résume pas à l’indemnisation de la victime mais peut comporter une dimension symbolique, elle met fin au trouble résultant de l’infraction, en ce cas, la restauration du lien social comporte un effet préventif, enfin elle contribue au reclassement de l’auteur en le responsabilisant sans le stigmatiser. Parmi toutes les mesures alternatives à la disposition du procureur, la médiation pénale est celle qui prend le plus en compte les intérêts de la victime. C’est une justice négociée qui aident les individus à se réapproprier leur différend et à redevenir des sujets de droit. Elle constitue le fer de lance de la justice de proximité. Elle est révélatrice d’une nouvelle conception de la justice garante de la paix sociale. Une réponse rapide et effective au dommage moral et matériel subi par la victime permet de diminuer le sentiment d’impunité et d’améliorer l’adéquation de la réponse pénale à l’évolution de la délinquance en apportant une réponse ciblée. Le rôle du parquet n’est pas de « juger » mais d’authentifier l’accord auquel les parties sont parvenues grâce aux efforts du médiateur. Qu’elle ait abouti ou échoué, son résultat ne lie pas le procureur de la République. En théorie seulement, elle n’empêche pas le procureur de mettre l’action publique en mouvement en dépit du résultat obtenu par le médiateur.

Bien que les deux mesures soient décidées par le procureur de la République préalablement à la mise en mouvement de l’action publique, médiation et composition pénale se distinguent nettement. La composition pénale peut être décidée par le procureur de la République pour certaines infractions énumérées par la loi pour éviter les poursuites à l’encontre de leurs auteurs. Cette mesure tend à trouver une solution négociée entre l’Etat et le délinquant (et non plus entre le délinquant et la victime). Ainsi, lorsque ce dernier accepte le principe de la composition, l’amende est au profit du Trésor public (et non de la victime).


Ces mesures dites « alternatives » ou de « troisième voie », ont été développées davantage pour faire face aux difficultés qu’avaient les magistrats de la jeunesse à absorber un contentieux de masse à travers des structures en nombre insuffisant, que pour promouvoir véritablement de nouvelles réponses.

Si les alternatives aux poursuites ont d’abord mis en relief la relativité du procès traditionnel comme mode automatiquement pertinent de règlement des conflits, elles ont été détournées de leur finalité d’ « alternative aux poursuites pénales » pour revêtir une finalité plus gestionnaire en devenant une « alternative aux juridictions encombrées ». Elles apparaissent de plus en plus comme un instrument visant à la fois à remédier à l’engorgement des tribunaux et à mettre en pratique le concept importé des Etats-Unis et fortement médiatisé de la « tolérance zéro », lequel implique une forte réduction du taux de classements sans suite « secs » des parquets. Elles ont en effet permis d’offrir une réponse pénale là où, précédemment, il n’y en avait pas et ont permis de faire diminuer le nombre de classements sans suite dont l’auteur est connu.

Mais les « Maisons de justice » ne peuvent se concevoir en termes d’alternative absolue au « juridictionnel ». Elles doivent simplement rester le cadre d’alternatives aux poursuites lorsqu’elles apparaissent justifiées. Elles doivent rester un outil complémentaire à l’audience. Il ne s’agit pas de substituer un modèle extra-juridictionnel au modèle juridictionnel mais de prendre conscience de leur complémentarité et de la nécessité qu’ils ont à coexister. Aucun des deux modèles ne peut espérer se développer harmonieusement sans l’autre. Ce sont deux logiques différentes qui permettent une diversification de l’offre de justice.

Les MJD ne peuvent combler en totalité le vide de la pratique juridique causé par le surencombrement des juridictions, en raison même de leurs finalités. Il ne faut pas mélanger les structures et les missions. Si la création des maisons de justice procède d’un sentiment d’échec de la justice pénale, elles ne prennent leur sens que dans leur articulation avec le fonctionnement de la justice classique auquel elles ne peuvent se substituer dans la réponse pénale.

Les MJD participent à une logique de « déjudiciarisation » des conflits. Or la « dépénalisation » du traitement de certaines infractions dites « délits quotidiens », n’est pas une réponse automatiquement adaptée à toutes les formes de petite délinquance. Elle est une réponse parmi d’autres et elle doit le rester. Il est ainsi des cas où la mise en scène et l’organisation du contradictoire par un tiers institué sont indispensables, chaque fois en particulier que la gravité de l’acte ne pourra pas être comprise par son auteur sans un certain « cérémonial juridictionnel », que l’on ne trouve justement pas dans les MJD. Dans ces hypothèses, l’auteur ne retirera de la mesure qu’un immense sentiment d’impunité. En revanche, l’alternative aux poursuites recouvre tout son intérêt lorsque les parties sont « condamnées » à rester en rapport au delà du règlement juridictionnel.


Certains s’inquiètent justement de savoir si l’on ne va pas vers un affaiblissement de l’efficacité, pratique et symbolique, du pénal. En substituant un modèle de justice restauratrice au modèle classic de type rétributif, on entamerait le noyau dur du système répressif. La justice de proximité telle qu’elle est exercée par les MJD constituerait une « justice light » accusée d’émousser le dispositif criminel en le diluant dans le « social » et en sapant à la base la notion de punition81.


Différente du traitement pénal traditionnel, l’action développée dans les « Maisons de justice » se veut néanmoins judiciaire. Leur action en matière pénale a pour base l’intervention d’un magistrat du parquet. Ici, le médiateur est un magistrat du parquet et n’est donc pas réellement un tiers même si on constate cependant la généralisation de l’office des « magistrats honoraires », retraités, qui apporte une garantie de compétence et qui ont le temps que n’ont pas assez les magistrats en exercice et qu’exige la logique de la médiation.

Mais ces alternatives ont aussi pour effet pervers, de déplacer le centre de gravité de la justice pénale. Elles transfèrent la fonction de juger au procureur ou à son délégué, en court-circuitant la défense ainsi que tout débat sur la culpabilité. Certes, l’adhésion indispensable des parties aux propositions du parquet constitue une sérieuse garantie, mais ce consentement est faussé par la menace du renvoi devant le tribunal correctionnel. De même, si une victime ne veut pas voir sa plainte classée purement et simplement sans suite, elle se trouve parfois dans l’obligation de négocier avec son agresseur pour trouver un terrain d’entente.

En se révélant être une possible solution pour réduire l’engorgement des juridictions, elles prêtent ainsi le flanc aux accusations de justice à deux vitesses. Les parquets qui exercent seuls des fonctions explicitement juridictionnelles au sein de ces MJD dans le cadre de leur pouvoir d’opportunité sont apparus comme les symboles du développement d’ « une justice sans règles, de procès sans juges, de sanctions sans jugement »82. Depuis la loi du 23 juin 1999, les délégués du procureur qui officient dans les MJD ont désormais le pouvoir de prononcer des peines : amendes, réparation du préjudice, retrait du permis de conduire, réalisation d’un travail d’intérêt général. Or, c’est une mise en cause d’un principe fondamental du droit français selon lequel, une peine ne peut être prononcée que par un tribunal, au terme d’un débat contradictoire dans lequel l’accusé peut se défendre avec un avocat. De plus, ces délégués du procureur de la République, nouvelle catégorie d’agents de la justice pénale, sont des agents contractuels dont le statut n’est défini par aucune loi et qui sont souvent en pratique des policiers ou gendarmes à la retraite, qui permettent au procureur de sous-traiter une partie du contentieux de la petite délinquance. Sans avocats, sans juges du siège et avec des délégués du procureur qui sont d’anciens collègues, les policiers ont ainsi le champ libre pour traiter les « violences urbaines ». Les avocats, comme beaucoup de juges pour enfants, voient dans ce pouvoir donné au parquet, la possibilité d’un certain nombre de dérives. Les avocats regrettent, du fait de leur absence, de ne pas être à même d’aider le mineur et de ne pas pouvoir lui apporter la garantie d’un regard extérieur. Au contraire, lorsque le parquet décide de poursuivre, l’avocat est présent à tous les stades de la procédure.


Les défenseurs des MJD ont eux-mêmes pris conscience des limites d’un tel appauvrissement de la justice pénale puisqu’ils la réservent aux seules dégradations, violences légères et aux affaires de faible gravité relevant du contentieux pénal de la famille. Pour toutes les autres infractions, il faudra dans 80 % des cas, se résoudre à un classement sans suite, seule une infraction sur cinq donnant lieu à une poursuite83. Or ces 80 % de classements sans suite peuvent s’apparenter à un déni de justice, une absence de réponse de l’institution judiciaire génératrice d’un sentiment d’impunité.

On voit ainsi poindre à coté du premier problème qui exclut de voir dans la « troisième voie » ouverte par l’alternative aux poursuites, une solution palliative adaptée au dysfonctionnement de la voie juridictionnelle encombrée, un second problème, lié au fait qu’il existe aussi des cas où de toute manière seule le classement sans suite « sec » est possible. En effet, certaines infractions se trouvent être d’un côté trop peu graves pour occasionner une poursuite de la part de la justice classique, et de l’autre trop graves pour mériter une proposition d’alternative aux poursuites. Là encore, ce classement sans suite « sec », véritable pis-aller s’accompagnera d’un très fort sentiment d’impunité.

Pour le sociologue Thierry Oblet84, « loin de constituer une réponse globale et ciblée à la délinquance d’adaptation et à l’exclusion des mineurs, les MJD soulignent davantage l’urgence de concevoir une juridiction où le parquet et le siège trouveraient chacun leur place dans une logique d’action où l’éducatif demeurerait prioritaire tout en s’appuyant sur la réaffirmation du droit que permet le judiciaire ». « (…) Sans une politique pénale claire, et une prise en compte par le siège de la logique qui la sous-tend, l’effort de diversification des réponses qu’incarnent les MJD risque d’être frappé d’incohérence. (…) cela veut dire que si un jeune mène à bien une mesure de réparation et l’autre pas : l’un n’ira pas devant le tribunal et l’autre ira. Mais si celui qui va devant le tribunal voit son affaire classée quelle est la pertinence si le résultat in fine est le même ? »

D’autres invoquent l’intérêt qu’il y aurait à rendre la justice dans les MJD, et ce, au sens juridictionnel du terme, au moins dans le domaine des contraventions. La police nationale elle-même souhaitait que la MJD puisse avoir le statut de tribunal de police, afin que leur intervention consacre une gestion plus adaptée des situations rencontrées.


Confrontées à des contentieux de masse, les réponses que les gouvernements successifs de droite comme de gauche ont essayé de privilégier dans le cadre d’une politique pénale finalement similaire en dépit de la variation des dénominations, sont les réponses dites « alternatives ». Ces alternatives au procès pénal ne sont pas contestables en leur principe. Elles permettent au parquet de s’affranchir de la réponse binaire : poursuite ou classement sans suite. Elles rendent possibles dans une certaine mesure l’ajustement du volume des poursuites à la capacité de juger de la juridiction. Elles modernisent surtout la pédagogie de la répression et prennent mieux en compte la protection des victimes. Mais ces mesures n’ont réussi ni à fournir une réponse adaptée à la primo-délinquance, ni à rassurer des populations qui s’inquiètent aujourd’hui de plus en plus du phénomène de la délinquance des mineurs.



La nécessité de créer un « juge de proximité » provient d'un constat très simple, comme on vient de l’exposer, tenant au fait qu'il n'existe pas aujourd'hui de réponse adaptée au traitement des petits litiges de la vie quotidienne. La juridiction de proximité affiche ainsi la volonté de rapprocher la justice des justiciables en permettant un règlement rapide des « petits litiges de la vie quotidienne ». La juridiction de proximité comble un vide de la pratique juridique causé par le surencombrement des juridictions, vide que les MJD ne peuvent combler en totalité, en raison même de leurs finalités85.

Il est nécessaire pour bien comprendre ce que sera cette juridiction de proximité ou du moins ce que pour l’instant elle entend être, de la réintégrer dans un mouvement d’ensemble plus vaste, celui de la « justice de proximité », les mêmes motifs président à leur création. Cette nouvelle juridiction que l’on vient de créer est liée à la réflexion contemporaine sur la diversification des modalités de régulation des conflits englobant les modes de règlement alternatif des litiges, complémentaires des formes classiques de justice fondées sur l’application du droit par les tribunaux. Les avantages des modes alternatifs de règlement des litiges sont soulignés mais ne comblent pas toutes les attentes comme on l’a vu.

Avec l’apparition de la juridiction de proximité, le mouvement de « justice de proximité » incarné par les MJD se réoriente. Il ne sera plus seulement perçu comme une diversion par rapport au droit, mais comme une façon de prendre acte des évolutions de la société et notamment du poids que l’insécurité a pris dans la vie quotidienne urbaine. On veut assurer une « présence judiciaire 86» plus consistante, « plus juridictionnelle ».

On oppose traditionnellement la justice alternative qui place la société au centre de ses préoccupations à la justice classique qui mettrait la loi au centre de son dispositif. La juridiction de proximité tend à supprimer cette opposition. Sans participer complètement d’une troisième voie, elle veut réconcilier cette dernière avec la justice dite « traditionnelle » en leur rendant leur complémentarité perdue, en participant de l’une et de l’autre et en étant elle-même issue de l’une et de l’autre.

L’instauration d’une juridiction de proximité permettra en outre de restaurer l’image des MJD qui ont pu être taxées de « justice basse », par opposition à une justice haute rendue dans les tribunaux. La présence d’une juridiction de proximité au sein des MJD, va redonner un sens à ces MJD, qui finissaient par apparaître comme un « pis-aller » à destination de la petite délinquance. Ce que la réforme souhaite, c’est que le procureur puisse enfin exercer une véritable décision d’opportunité entre le caractère rétributif d’une sanction prononcée par le juge de proximité et les vertus réparatrices et éducatives d’une mesure d’alternative aux poursuites. Ainsi la mise en œuvre des alternatives aux poursuites aura pour effet d’accroître véritablement l’étendue de la réponse pénale des parquets, et non plus de limiter le recours aux réponses classiques pour cause de surencombrement des tribunaux. L’émancipation des contraintes juridiques pour le traitement de certaines infractions va recouvrir son sens parfois perdu, en raison de la prise en compte intempestive des impératifs gestionnaires. Le modèle de justice restauratrice ne sera plus perçu comme un palliatif. Ce faisant on vise à « réarmer » les MJD dans une dynamique sécuritaire clairement assumée par le Gouvernement. La justice de proximité ainsi réarmée ne pourra plus se voir taxée d’être devenue l’emblème d’un « appauvrissement du pénal ».

La compétence donnée au juge de proximité en matière pénale s’inscrit dans cette logique : faire en sorte que les infractions, même les plus petites reçoivent une réponse pénale effective. Cette intervention rapide dans le champ des petites infractions commises par des primo-délinquants doit contribuer à l’effort de prévention de la récidive. Il y participe en déchargeant les tribunaux de police87 (en matière d’infractions contraventionnelles) ainsi que les tribunaux de grandes instances (en matière de composition pénale), créant au surplus dans cette dernière hypothèse une proximité entre le lieu où se déroule la mesure de composition et le lieu où se déroulera sa validation. Notons cependant que le tribunal correctionnel conserve la compétence exclusive pour le jugement des délits, le juge de proximité ne bénéficiant d'aucun transfert en la matière.

La juridiction de proximité s’annonce comme un retour à une certaine solennité mais dans un cadre célébrant la proximité : la MJD. Il s’agira d’une justice formelle dans un cadre informel et dédié à la proximité. Cela permettra aux MJD d’intégrer dans leur fonctionnement un élément de rituel qui leur faisait sans doute défaut : le juge fait son entrée dans les MJD. Cette mutation incorpore les évolutions de la demande sociale, consacrant tout à la fois les attentes traditionnelles de « droit au droit », et celle plus récente de « droit au juge ». La juridiction de proximité tout en faisant partie du mouvement de « justice de proximité » constituerait une alternative à cette dernière telle qu’elle s’exerce dans les MJD, par la réappropriation du caractère rétributif de la peine qu’elle engendre, manifestant par là une volonté de regagner le lieu du « tribunal ».

Dans tous les cas où l’infraction se trouve être d’un côté trop peu grave pour occasionner une poursuite de la part de la justice classique, et de l’autre trop grave pour mériter une proposition d’alternative aux poursuites, les juridictions de proximité viennent opportunément compléter les mécanismes d’alternative aux poursuites, en répondant par une sanction là où actuellement seul un classement avait des chances d’être préconisé. En ce sens elles participent à la tolérance zéro, en apportant une réponse pénale à des infractions qui échappaient jusqu’à présent au champ d’application traditionnel des justices « classique » et « alternative ».



Cependant, si au vu des dysfonctionnements rencontrés par la juridiction d’instance, « une  réforme » était bien attendue, on va voir dans un « Chapitre II », que pour autant, « la réforme proposée par le Gouvernement » a pu sembler inattendue ou du moins fort discutée. Les intentions qui président à la création de la juridiction de proximité tout en manifestant une parfaite compréhension des motifs de cette attente, n’ont pas réussi à la combler : la réforme que les professionnels du droit et la doctrine appelaient de leurs vœux ne consistait manifestement pas en la création d’un nouvel ordre de juridiction.

CHAPITRE II : UNE REFORME DISCUTEE



Une réforme était « attendue », celle proposée par le Gouvernement et consistant à créer un nouvel ordre de juridiction, la « juridiction de proximité », fut âprement « discutée » par les principaux acteurs de l’institution judiciaire dont les critiques furent unanimes (Sections I), d’autant qu’au vu des réflexions présentes dans les propositions de réforme précédentes, rien ne pouvait laisser présager de la création ex-nihilo d’une « juridiction de proximité » composée uniquement de magistrats non professionnels (Section II).



SECTION I : LES CRITIQUES SUSCITEES PAR LA REFORME


Les moyens mis en œuvre par le Gouvernement, d’abord pour répondre aux attentes des citoyens ont d’une part suscité les critiques des professionnels du droit dont on a peu tenu peu compte, (§1), et d’autre part engendré, les mises en garde d’un certain nombre d’institutionnels, qui tout en ayant plus de poids, ne modifieront pas en profondeur le contenu de la réforme, mais joueront leur rôle de simples garde-fous (§2).


§1 Critiques des professionnels


La critique unanime des professionnels du droit portent autant sur le fond de la réforme (B), que sur la méthode employée par le Gouvernement dont la préoccupation n’était pas tant l’obtention d’un consensus, qu’une adoption rapide d’un projet porteur d’un sens avant tout politique (A).


A- Critiques sur la méthode


D’un abord séduisant quant à ses objectifs, cette nouvelle juridiction de proximité est censée assurer une réponse simple, rapide et efficace aux petits litiges de la vie quotidienne, le contenu de la réforme, de même que la méthode employée pour la faire voter ont cependant suscité la critique quasi-unanime des magistrats professionnels.

Certains ont pu qualifier de « rapide », voire de « précipitée », la manière avec laquelle le projet a été mis en forme par le nouveau Gouvernement. Selon les vœux du Président-candidat, Jacques Chirac, le premier ministre a convoqué, au lendemain des élections présidentielles et immédiatement après le renouvellement de l’Assemblée Nationale, le 16 juin 2002, une cession parlementaire extraordinaire afin d’examiner les projets de loi prioritaires, au nombre desquels figurait la création d’une « justice de proximité »88. Le nouveau ministre de la justice, Dominique Perben, n’a disposé que d'une quinzaine de jours pour présenter, au conseil des ministres du 29 mai 2002 une communication sur une loi de programmation de cinq ans pour la justice89.

C’est dans ce contexte passionnel et marqué par l’urgence que fut voté ce texte le 3 août 2002, selon la procédure d’urgence de l’article 45 alinéa 3 de la Constitution, procédure qui permet d’éviter les navettes parlementaires. Tout projet de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. Mais lorsque le gouvernement déclare l’urgence, après une seule lecture dans chacune d’entre elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. Le texte élaboré par cette commission peut être soumis par le gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du gouvernement.

Le projet de loi de d’orientation et de programmation pour la justice, qui a été présenté en conseil des ministres, le 17 juillet 2002, par le garde des sceaux, Dominique Perben, a donc été adopté définitivement en un temps record, moins d’un mois plus tard, le 3 août 2002. Pourtant, son contenu était dense, la création d’un nouvel ordre de juridiction n’était pas la moindre de ses innovations. Ce texte qui touchait aux libertés publiques aurait mérité un véritable débat de fond.

La « marche forcée » imprimée à cette réforme a également mis mal à l’aise un certain nombre de parlementaires de la majorité, en raison de l’absence de débat de fond possible. « Nous sommes en train de rater la cible », s'est ainsi alerté Pierre Albertini. Au moment d’expliquer le vote de son groupe, UDF, qui a voté en faveur de la réforme, M. Albertini, devait déclaré, amer : « Personnellement, j'aurais préféré m'abstenir. Ce texte manque de vision globale, de courage politique. Mais le choix a été fait d'envoyer un signe à l'opinion90. » Ce parlementaire, inquiet, réclamait une procédure d'accès simplifiée au juge de proximité, menacé, le cas échéant, de n'être qu'un « copier-coller » du juge d'instance. Avec l'opposition, il critiquait également le dessaisissement possible du juge de proximité en cas de « difficultés juridiques sérieuses ».

Autre exemple, lorsque les sénateurs ont adopté, en première lecture, le 26 juillet 2002, après seulement deux jours de débats, le projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice. La séance avait commencé par un vœu, celui de finir avant le week-end, et un encouragement du vice-président : « Hier, nous avons été deux fois plus rapides que la moyenne habituelle. » L’objectif était d’adopter le texte avant la fin de la session extraordinaire fixée le 4 août 200291. Cette séance avait pourtant débuté par un contre-temps : la majorité présente dans l'Hémicycle, composée d'une dizaine d'élus en début de séance, était en minorité, contraignant le vice-président à suspendre par deux fois les débats « afin d'y voir plus clair ». Face aux rangées de sièges vides qui tenaient lieu de représentation nationale, Robert Badinter92 renonçait même à défendre un amendement, dénonçant cette « obscure clarté », résultant, selon lui, de la « procédure d'urgence » décrétée par le Gouvernement93. Le texte qui devait, selon M. Perben, « rétablir le lien entre les Français et leurs responsables politiques », a finalement été adopté vers minuit par 22 voix contre 10, dans des conditions de travail qui n'ont échappé à personne.

Dans la nuit du 1er au 2 août 2002, au moment d'aborder la question de la délinquance des mineurs, les députés socialistes ne sont plus que six dans l'Hémicycle pour affirmer leur « opposition totale et frontale » au projet d'orientation et de programmation sur la justice. Pressés d'adopter le texte dans sa version définitive avant le 4 août 2002, terme de la session extraordinaire, les députés ont eux aussi décidé « d'emballer les débats »94. En moins d’un mois et au cours de la plus longue session extraordinaire depuis 1986, un véritable « marathon législatif », le Gouvernement Raffarin a pu parer au plus pressé : répondre à « l'attente immédiate » des Français et honorer les engagements prioritaires du Président Jacques Chirac95.

Le garde des sceaux a justifié le choix d'une procédure parlementaire d'urgence pour son texte par la promesse du gouvernement de « tenir ses engagements ». « J'ai entendu le message du premier tour de l'élection présidentielle, c'était un message d'inquiétude, pour ne pas dire d'agacement et en tout cas d'insatisfaction à l'égard des questions de sécurité », a t-il affirmé96. Pour ce dossier, la chancellerie espère un « démarrage rapide » et « sans fausse note ». En effet, s’agissant d’une promesse de campagne électorale du Président de la République, la création d'une nouvelle forme de justice de proximité revêt un enjeu politique.

La méthode employée ne fait que révéler l’intention sous-jacente du Gouvernement dans le contenu même de la réforme : l’option retenue, la création ex-nihilo d’un nouvel ordre de juridiction, est peut-être moins ambitieuse qu’elle n’y paraît, elle vise, par une politique avant tout d’ « affichage », le court-terme à « satisfaire rapidement » les attentes des citoyens en « bouleversant le moins possible » le système judiciaire actuel. Le corps des magistrats de l’ordre judiciaire n’est pas dupe. Aussi, leurs critiques très virulentes, parfois maladroites et contre-productives ne sont que le signe de leur profond désarroi face à une réforme dont ils sont les grands oubliés alors qu’ils étaient les premiers concernés. Cette réforme s’est faite sans eux, sans concertation. Leurs réactions « épidermiques » expriment un divorce profond entre les juges et le politique. Les magistrats, lassés des problèmes récurrents de l’institution judiciaire qu’ils subissent au quotidien sont désormais dans l’incapacité de croire en un changement positif. Ils ont en outre le sentiment qu’aucune de leurs attentes et de leurs propositions n’ont été entendues. Les séquelles risquent d’être profondes et pourraient entamer dans les mois qui viennent la mise en œuvre de cette réforme.

Il faut dissocier les critiques portant sur le volet réformant la procédure pénale de celles qui portent sur le volet visant à instituer une juridiction de proximité. Dominique Perben, garde des sceaux, a présenté sa propre réforme sur la justice, comme un des « deux piliers » de la lutte contre l'insécurité. Le premier pilier étant constitué par loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (Lopsi), la première adoptée par le Parlement, qui augmente les crédits alloués à la police et à la gendarmerie et instaure également une « nouvelle architecture institutionnelle » pilotée par le Conseil de sécurité intérieure, présidé par le chef de l'Etat.

Mais de l’ensemble des projets du ministre de la justice, c’est le projet de création des « juges de proximité » qui a le plus inquiéter la magistrature même si les médias ont peu commenté cette partie du projet, préférant stigmatiser le second volet de la réforme réformant la procédure pénale, et qualifié de projet « 100 % sécuritaire », qui stigmatise « les classes dangereuses » et instaure une réponse « uniquement répressive » à la délinquance des mineurs.


Alors que la réprobation était unanime, le débat parlementaire n’a pas eu lieu, et la presse fut une bien mauvaise tribune pour les magistrats par ses effets de loupe grossissante et ses amalgames.



B- Critiques sur le contenu


Les critiques des professionnels du droit sont unanimes et émanent principalement des « corps de la profession » qui se trouvent être principalement concernés par les transferts de compétence au juge de proximité, il s’agit des juges d’instance (1), des magistrats spécialistes de l’enfance (2) et des conciliateurs de justice (3), mais les syndicats de magistrats (4), de même que les avocats (5), partagent avec force leur revendication. La doctrine quant à elle, sans condamner la réforme fait preuve d’un scepticisme certain (6).



1) Critiques des juges d’instance

Directement menacés par cette nouvelle juridiction qui empiète sur leurs compétences, les juges d’instance, qui traitent actuellement des petits litiges du quotidien que le projet transfère aux juge de proximité, s’en sont émus dès le début. Inspirés des anciens juges de paix, qui avaient été supprimés en 1958 au profit des juges d'instance, les juges de proximité pourront, au civil, trancher tous les litiges entre particuliers portant sur moins de 1 500 euros, compétence aujourd'hui dévolue aux juges d'instance. Ils pourront également, au pénal, juger des contraventions de police. La création d’une « justice de proximité », rendue par des juges non professionnels, sous forme de vacations est contestée dans son principe même, elle est perçue comme une « concurrence », « un empiètement sur leur fonction ».

Certains ont vu dans le choix d’un juge non professionnel, en charge à titre principal d’appliquer le droit à de petits litiges en suivant la procédure prévue pour le tribunal d’instance, un doublon d’un échelon déjà existant mais avec un juge de moindre qualité. Ils se sont alors demandés dans quelle mesure ce nouveau juge pouvait être mieux placé qu’un juge d’instance pour intervenir sur le même terrain. Ce sont les mêmes qui ont alors regretté que le projet n’aboutisse pas à la création d’une instance plus originale chargée de régler les litiges autrement que ne le fait déjà le juge d’instance, en ayant justement en vue la recherche de solutions équitables. Il est à noter que le projet initial a d’ailleurs été amendé par le Sénat dans cet état d’esprit. Mais ces adjonctions n’ont pas été retenues car elles se conciliaient difficilement avec la logique de départ.

Dans un communiqué, l’Association nationale des juges d’instance (ANJI) estime ainsi qu’ « il n’est nul besoin de trouver des juges d’occasion, sauf si, sous le couvert d’un allègement de procédure, il s’agit de supprimer des garanties essentielles pour le justiciable : accès à un juge objectivement impartial, qui rendra un jugement motivé, soumis à la critique des parties, qui pourront alors se déterminer sur l’exercice d’une voie de recours 97». L’offense faite aux juges d’instance est également sémantique. Le nom de juridiction de proximité est malvenu dans la mesure où il peut donner l’impression erronée que jusqu’à présent il n’y avait pas de juridiction de proximité. Or, « les juges d’instance sont en effets depuis 25 ans de vrais juges de proximité ».

Premiers concernés, les juges d'instance sont en effet particulièrement choqués par la réforme, dans laquelle ils lisent une négation de leur action. Ils estiment irrecevable l’argument du Gouvernement selon lequel il n’existerait pas aujourd’hui de solution adaptée pour juger les petits litiges de la vie quotidienne et les petites infractions. Pour eux, la justice d’instance permet déjà cette justice de proximité gratuite, simple d’accès, où la représentation par avocat n’est pas obligatoire, où la procédure est orale et dans laquelle le juge a la possibilité de concilier les parties. Ils soulignent en outre que l’avantage de cette justice d’instance est qu’elle est rendue par des juges professionnels dotés d’un statut garantissant leur indépendance et leur impartialité. Ils soupçonnent le Gouvernement de vouloir faire disparaître les tribunaux d’instance, pour appuyer leur démonstration, ils invoquent l’annexe de la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 qui proposerait la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance.

Il existe 473 tribunaux d'instance, accessibles, puisqu'il suffit d'une simple déclaration au greffe pour les litiges de moins de 3 800 euros, et peu coûteuse, puisque la présence des avocats n'est pas obligatoire. Enfin, elle est relativement rapide : en 2001, les juges d'instance ont tranché 491 762 affaires en 5,3 mois en moyenne, contre 9,3 mois au tribunal de grande instance et 17,8 mois en appel.

La justice d'instance règle les contentieux de la vie courante, crédits à la consommation, litiges entre bailleurs et locataires, travaux mal effectués, contestations de funérailles, de frais de scolarité, d'élagage des arbres... Simples au premier abord, ces affaires font en réalité appel à des notions juridiques complexes. Les juges d'instance ne comprennent pas "pourquoi un juge non professionnel serait plus compétent qu'un professionnel pour régler ces litiges". Ils craignent au contraire que les juges de proximité n'aient la tentation de trancher avec « bon sens », et non « en droit ». « Juger en équité n'est pas forcément la meilleure façon de régler les petits litiges, analyse Evelyne Sire-Marin, présidente du SM et ancienne juge d'instance. Pour contourner la complexité des affaires, le juge de proximité aura sûrement la tentation de couper la poire en deux. Or, la justice, ce n'est pas chacun a à moitié raison ou à moitié tort98. » « Ce projet part du postulat qu'un juge non professionnel sera plus à l'écoute des citoyens que le magistrat qui a fait des années d'études juridiques, ce qui nous semble une aberration, s'est indignée Mme Pecaut-Rivolier, représentant les juges d’instance. C'est une remise en cause des fondements de la justice extrêmement préjudiciable pour le justiciable et, à terme, cela signifie le démantèlement de la justice d'instance ».

Ils stigmatisent enfin l’aspect « gestionnaire » de la réforme, le projet de loi de finances pour 2003 ne créant que 180 postes de magistrats, soit 120 de moins que prévu par le plan de recrutement quinquennal sur lequel le précédent Gouvernement s’était engagé suite justement aux mouvements des professionnels de la justice de 2000 / 2001. Le choix de recruter 3 300 juges de proximité masquerait en réalité la volonté de supprimer les 473 tribunaux d’instance qui permettent eux un égal accès à tous, au service public de la justice, qu’ils soient simples particuliers ou plaideurs institutionnels. Les juges de proximité, en réservant leur compétence aux simples particuliers pour les besoins de leur vie non professionnelle, permettrait a contrario aux seules personnes morales comme les sociétés de crédit et les sociétés propriétaires de logements d’avoir accès à la seule vraie justice qui soit, celle du TI ou du TGI, les seules qui soient à même de garantir le « droit au droit ».

Pour ces professionnels du droit, le développement de la justice de proximité aurait dû conduire le Gouvernement à envisager un renforcement des moyens matériels et humains des tribunaux d’instance en facilitant l’accès à l’aide juridictionnelle et en recrutant des fonctionnaires, des greffiers et des magistrats afin que les tribunaux d’instance aient les véritables moyens d’accueillir les justiciables et rendre la justice dans les meilleurs conditions possibles.

Estimant que la création d'un nouvel ordre juridictionnel constituait une « source plus que prévisible de problèmes à venir », l'ancien garde des sceaux Robert Badinter, venant au soutien des juges d’instance, a également regretté la méthode employée et martelé ses convictions : « Cette justice existe déjà dans les tribunaux d'instance. C'est là qu'il faut la faire prospérer. Voilà ce que la concertation aurait certainement apporté99. » L'ancien président du Conseil constitutionnel a enfin « émis des doutes sur la constitutionnalité » de la compétence pénale octroyée aux juges de proximité, arguant qu'il « revient seulement aux magistrats professionnels » de prononcer des sanctions pénales100.

L'Association nationale des juges d'instance a ainsi affirmé sa crainte que « les tribunaux d'instance deviennent des coquilles vides » alors que ce sont « les juridictions qui fonctionnent le mieux ». M. Perben s'est efforcé de réfuter ces critiques en assurant que « justice de proximité et justice d'instance collaboreront étroitement ». Cette protestation contre une concurrence déloyale de « juges au rabais » par les juges d’instance n’a pas toujours été comprise et entendu dans l’opinion comme en témoigne certaines réactions dans la presse dans la rubrique « courrier des lecteurs »101.


2) Critiques des conciliateurs de justice


La création de la justice de proximité vient également empiéter sur un mode de résolution des conflits aussi discret qu'efficace : la conciliation de justice. Les 1 850 conciliateurs bénévoles ont pour tâche de trouver des solutions amiables, en évitant le procès. Les juges d'instance leur délèguent les petites affaires, et ils parviennent, une fois sur deux, à un accord entre les parties. Leurs dossiers recoupent exactement ceux des futurs juges de proximité, et les conciliateurs, eux aussi, s'inquiètent. "La justice de proximité va affaiblir nos fonctions et nous conduire à disparaître, déplore Nelly Bonnart-Pontay, présidente de l'Association nationale des conciliateurs de justice. Nous faisons un véritable travail de justice de paix. Les gens veulent se concilier et non se déchirer au tribunal. La justice leur fait peur."

Devant le concert de critiques, le ministre de la justice se veut rassurant et prêt à reculer ? : « Le juge de proximité interviendra subsidiairement et la conciliation pourra continuer. Nous étudions également une piste, en concertation avec les professionnels, afin que le juge de proximité puisse travailler sous l'organisation du permanent qu'est le juge d'instance. » La chancellerie avait-elle pris la mesure de l’ampleur de la contestation au sein des professionnels du droit ? « La justice de proximité ressuscite le fantasme de l'ancien juge de paix, analyse Jacques Faget, chercheur au CNRS. Mais, à l'heure de la conciliation et de la médiation citoyenne, cette réforme prend le contre-pied des politiques de délestage de la justice. C'est comme si on faisait marche arrière en rejudiciarisant des conflits qui se régulaient progressivement par un autre biais102. »




3) Critiques des magistrats spécialistes de l’enfance


Après les juges d’instance et les conciliateurs de justice, les magistrats spécialisés dans le traitement pénal des mineurs se sont émus à leur tour de la compétence octroyée au juge de proximité dans cette matière qui à leur yeux, requiert toutes les compétences d’un magistrat professionnel expérimenté. Jean-Pierre Rosenczveig, président du Tribunal pour enfant de Bobigny dénonce l’approche purement idéologique qui a présidé à la réforme, sans pour autant stigmatiser la politique d’un Gouvernement de Droite, car pour lui cette loi nouvelle n’est pas une révolution dans la mesure où elle était également en germe dans les promesses de campagne du candidat Lionel Jospin103. Il ajoute à son propos que c’est justement « la grande force et la grande perversité de la loi Perben que de n’avoir pas voulu être révolutionnaire ». Il dénonce l’attitude du « politique » en général, qui n’a pas hésité à « flatter » les préoccupations sécuritaires de la population afin tout à la fois de « cristalliser » et de galvaniser leur électorat. Mais il ajoute aussitôt que ces dispositions qui sont nettement idéologiques, auront le sort de telles dispositions « une fois les spots médiatiques éteints »104.

S’il reconnaît, sur le fond, que le texte a suscité de fortes réserves des professionnels, « rarement aussi unanimes », il souligne avec beaucoup de justesse que c’est plus l’état d’esprit entourant le travail parlementaire que les dispositions qui ont choqué. Pour lui, on a finalement plus assisté à un procès de la méthode qu’à un procès du projet de loi.

Sur le contenu de la loi, il déplore le fait qu’elle s’attaque avant tout à la prévention de la récidive plutôt qu’à la primo-délinquance. Pour lui, les juges de proximité ne vont constituer qu’un « étiage de plus dans une justice dont on dit qu’elle est justement trop compliquée et trop lente à se mettre en branle ». Et la perspective de leur existence « nie le travail fait par les délégués du procureur » ainsi que « le temps réel et la troisième voie développés par les parquets depuis 1996 ».

C’est finalement toute l’intention sécuritaire qui sous-tend l’institution de ce nouveau juge qu’il dénonce lorsqu’il déclare : « On entend s’installer sur le registre de la prise de conscience sous-tendue par la peur de la sanction ». Alors que c’est une toute autre voie qu’il préconise en tant que président d’un Tribunal pour enfant. « S’agissant de primo-délinquants, auteurs de faits pas trop graves, on devrait engager un travail éducatif ». Et pour lui le juge de proximité va retarder la mobilisation de ces moyens éducatifs. C’est en ce sens, qu’il estime que cette nouvelle juridiction porte atteinte à l’ordonnance de 1945. Il rappelle que ces juges ne seront pas spécialisés, et ne recevront pas non plus de formation spéciale. Sa plus grande crainte est que ce système génère à terme des multirécidivistes. Pour lui, les vraies questions n’ont une nouvelle fois de plus pas été posées : « A l’égard de jeunes qui ne respectent pas la loi, il n’y a qu’une solution : la sanction. Personne ne se demande pourquoi, à supposer que l’hypothèse soit fondée, ces jeunes ne respectent pas la loi. On pose pour principe que l’on est délinquant parce qu’on le veut ; il suffirait de ne plus vouloir pour ne plus l’être. Sans nier la part du choix de vie, le discours est un peu simpliste et, à l’expérience, inadapté (…) En fait, c’est au terreau social et économique qu’il faut s’attaquer. »

Se fondant sur le rapport de la commission sénatoriale sur la délinquance juvénile, « La République en quête de respect »105, il affirme que la réponse par la loi ne s’imposait pas sur le plan institutionnel, qu’une dynamique existait déjà et que des instruments étaient disponibles : « Tout un chacun sait que ce sont moins les moyens législatifs qui sont indispensables que les moyens matériel et humain (greffiers, éducateurs, enseignants) (…) En privilégiant le registre purement répressif, on ré-enclenche une stratégie d’exclusion et de punition à l’égard des milieux populaires. Non pas qu’il faille excuser des passages à l’acte, mais on ne peut à l’inverse penser qu’en réactualisant des interdits et en les sanctionnant on va amener à la socialisation les personnes concernées ».

Martine de Maximy, juge des enfants et représentante de l'Association des magistrats de la jeunesse, partage la même inquiétude : le projet constitue « une atteinte extrêmement grave » à l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante, en ce qu'il affecte « le principe de primauté de l'éducatif sur le répressif » et remet en cause, par la création d'un juge de proximité compétent pour les petits délits commis par des mineurs, « la spécialisation du juge des enfants ». « Les enfants et les adolescents deviennent des groupes dangereux qu'il ne faut plus éduquer mais sanctionner, et ce dès 10 ans »,

Philippe Chaillou, président de la chambre des mineurs à la Cour d'appel de Paris, dénonce, dans un entretien au Monde, une extension de « l'outil répressif », alors « qu'on ne s'attaque pas aux causes du phénomène » de la délinquance. « Je suis d'abord choqué que, sur un sujet aussi grave et délicat que la délinquance des mineurs, ce projet de loi arrive de manière aussi rapide devant le Parlement, sans débat de fond préalable avec les professionnels. Ce texte pèche en effet par son manque de perspective, en proposant une réponse uniquement judiciaire à un dysfonctionnement social majeur. Alors que la délinquance des mineurs fait déjà l'objet d'une pénalisation sans précédent depuis dix ans, le gouvernement s'apprête à élargir l'outil répressif sans s'attaquer aux causes mêmes du phénomène. On n'infléchira pas durablement le processus sans prendre à bras-le-corps la question des quartiers, celle des mineurs étrangers isolés ou celle de la violence de notre société. Depuis le XVIIIe siècle, la question de la délinquance des mineurs est aussi celle de l'urbanisation, de l'industrialisation et de la pauvreté, une perspective totalement absente du projet de loi. J'ai un peu le sentiment que la France cherche à copier l'Angleterre, où l'incarcération de 3 500 mineurs n'a pas enrayé le processus. (…) Avec l'arrivée de juges de proximité, sans aucune formation, on brouille les repères alors qu'on a déjà ajouté au juge des enfants le procureur et le délégué du procureur. »

En ne donnant qu'une réponse sécuritaire à un dysfonctionnement social majeur dont les causes sont multiples et anciennes, le Gouvernement est accusé d’engranger le bénéfice de l'action rapide. Aux dépens d'une certaine idée des libertés et de l'éducation.

Le ministre de la justice tiendra compte d’une partie de ces « remontrances » en redéfinissant de manière plus restrictive la compétence du juge de proximité à l’égard des mineurs. M. Perben a affirmé que le juge de proximité serait « un vrai juge, nommé après avis du Conseil supérieur de la magistrature et dont on vérifiera la capacité à remplir sa mission ». Il a également assuré avoir « tenu compte des observations des organisations professionnelles » en circonscrivant leur compétence à l'égard des mineurs aux délits relevant d'une contravention de 4e classe, dont la liste sera établie par décret106. La limitation de la compétence du juge de proximité aux contraventions des quatre premières classe permet ainsi de préserver le champ de compétence des juridictions pour enfants.


4) Critiques des syndicats de magistrats


Après les réactions des acteurs directement concernés par les transferts de compétence au juge de proximité, c’est toute la magistrature qui a apporté son soutien dans l’opposition à l’instauration d’une « juridiction de proximité ».

Onze associations et syndicats de professionnels du monde judiciaire ont signé un « manifeste » condamnant la création d’une juridiction de proximité107. Cet appel reflète l’opinion d’une majorité de magistrats. En effet, l’USM et l’ANJI108, qui en sont signataires, représentent 90 % des magistrats.

Le 26 octobre 2002, les principaux syndicats de la magistrature (S.M., gauche et U.S.M, modérée109) ont dénoncé dans un appel commun un projet qui n’apporte « aucune garantie d’indépendance ni d’impartialité » à la fonction de juge de proximité. Les magistrats s'inquiètent de la mise en place de « juges de proximité » non professionnels, qui risqueraient de rendre « une justice au rabais », une « justice de notables ». Les magistrats redoutent la juxtaposition d'un « objet judiciaire non identifié » qui, au final, entraînerait plus de problèmes qu'il n'en résoudrait110.

Ils dénoncent les prérogatives trop importantes qui sont confiées à ces juges uniques, notamment en matière pénale. En effet, sous couvert de l’octroi qui leur est fait de pouvoir valider les mesures de composition pénale, ce n’est pas seulement la matière contraventionnelle qui leur est déléguée, mais la matière délictuelle. Ce qui signifie qu’il pourra prononcer des amendes jusqu’à 3800 euros, condamner à des suspensions de permis de conduire, à des travaux d’intérêt général et statuer sur le montant des dommages-intérêts demandés par les victimes d’infractions pénales quels que soient les montants d’indemnisation sollicités. En ce sens, l’avis du Conseil d’Etat leur a donné raison dans la mesure où c’est en raison de l’importance des pouvoirs conférés à ce nouveau juge, qu’il a recommandé au Gouvernement de déposer au Parlement un projet de loi organique relatifs au statut des juges de proximité.

L'ancien garde des sceaux, Robert Badinter, craint également que cette nouvelle juridiction réponde plus à un souci d'affichage qu'à un réel besoin d'efficacité. Au contraire, estime-t-il, elle « va au-devant de multiples difficultés », car elle n'offre « aucune des garanties fondamentales d'indépendance, d'impartialité et de compétence ».

Cette position a trouvé un écho dans les tribunaux, comme à Paris, où magistrats du siège et du parquet ont adopté, le 15 novembre 2002, une motion exigeant que la réforme soit différée. Les magistrats parisiens estiment en effet que "le tribunal d'instance incarne cette justice de proximité, facilement accessible et chargée de traiter les litiges de la vie quotidienne". Ils craignent que "la création d'un nouvel ordre de juridiction (...) ne soit source de confusion et de difficultés d'articulation avec le tribunal d'instance"111. A cette époque et alors même que la loi du 9 septembre 2002 venait d’ores et déjà de créer les juridictions de proximité, l’espoir était encore grand qu’elles n’entrent jamais en application. En effet, leur entrée en vigueur était subordonnée et suspendue au vote d’une loi organique.

L’Union syndicale des magistrats fait observer que : «  avec le juge de proximité on crée une nouvelle juridiction, ce qui va nécessairement augmenter le contentieux global d’une justice asphyxiée, avec le coût (notamment pour l’aide juridictionnelle) et la lourdeur que cela va entraîner ». ce syndicat « désapprouve cette logique selon laquelle dans une société le juge doit régler tous les différends entre citoyens ». Ainsi, les magistrats ne voient à travers cette réforme, que la création d’un nouveau besoin de justice alors que l’institution judiciaire a déjà énormément de mal à répondre aux attentes des justiciables. « Pourquoi créer une juridiction nouvelle plutôt que de renforcer les moyens humains et matériels des tribunaux d’instance ? », s’interroge l’USM qui rappelle à cette occasion que le besoin de justice des citoyens s’analyse en terme de qualité et non de quantité.

A l’évocation du recrutement de 3 300 juges de proximité, le syndicat souligne que le ministère envisage de leur confier des missions correspondant à un dixième de temps de travail, ce qui réduit leur nombre à 330 juges à plein temps. Et lorsqu’on explique que le contentieux qui sera transféré à ces nouveaux juges soulagera les tribunaux d’instance, ils confient leurs doutes à ce sujet, compte tenu de la modicité des litiges.

Pour les magistrats, cette nouvelle juridiction, aussi séduisante soit-elle sur le papier, s'apparente à « une mauvaise réponse à un faux problème », selon les termes de Dominique Barella, président de l'USM. « La création de la justice de proximité ne répond à aucun besoin revendiqué par les professionnels, a expliqué Evelyne Sire-Marin, présidente du SM. Au contraire, elle représente un danger pour les justiciables en n'apportant aucune garantie d'indépendance et d'impartialité. » Pour les magistrats, le juge de proximité « cumule deux inconvénients : être juge unique et non professionnel ». La formation de ces nouveaux juges, qui ne dépassera pas quinze jours, ainsi que leur recrutement local, les incitent également à la méfiance : redoutant de futurs conflits d'intérêts entre les métiers d'origine de ces juges et les litiges qu'ils auront à trancher, ils se demandent si l'intention du gouvernement n'est pas de placer « d'anciens commissaires de police pour juger les contraventions » ou « des huissiers pour sanctionner les mauvais payeurs ». « Le juge gêne dès lors qu'il est indépendant et professionnel, a poursuivi M. Barella. On sent poindre le désir de nos autorités de se doter d'une justice à l'anglaise, avec des citoyens retraités rendant une justice maîtrisable et peu coûteuse au niveau local, et au-dessus, une justice professionnelle, emperruquée et coupée des réalités112. »



5) Critiques des avocats


La création d'une justice de proximité, composée de juges non professionnels chargés de trancher les litiges de la vie quotidienne, fédère désormais contre elle la quasi-totalité de la magistrature. Mais les craintes sont aussi perceptibles chez les avocats, même si leurs critiques se sont davantage concentrées sur l’autre volet du projet portant réforme du droit pénal des mineurs et de la procédure pénale. Cela n’a pas empêché l’assemblée générale de la Conférence des Bâtonniers, dès le mois de juillet 2002, et sans attendre l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la justice par le Parlement, d’exprimer ses « plus extrêmes réserves » sur le texte du Garde des Sceaux113, même si, concernant les juges de proximité, leurs propos sont plus mesurés. Ils se déclarent attachés à une justice proche des justiciables et la Conférence des bâtonniers s’est d’ailleurs opposée à la création de « déserts juridiques et judiciaires ». Aussi, ils ne se montrent pas fondamentalement contre la mise en place de juges de proximité à partir du moment où ils sont statutairement conformes aux règles de fonctionnement de la magistrature, que leur statut est validé par le Conseil d’Etat et par le Conseil constitutionnel, et qu’ils présentent des garanties de compétences, de recrutement, et qu’il existe un contrôle sérieux sur la déontologie.

Ils rappellent tout de même les difficultés dans lesquelles se trouvent aujourd’hui un certain nombre de tribunaux d’instance qui ont avant tout besoin d’une aide matérielle. En ce sens, ils mettent en garde le Gouvernement en précisant bien qu’il ne faut pas que les juges de proximité soient confondus avec les 10 000 postes à créer dans les juridictions, et que le rôle de ce nouveau juge doit rester limité. Ils sont réticents à l’idée qu’il puisse intervenir en matière pénale et surtout en matière de justice des mineurs car ce domaine doit rester de la compétence du juge des enfants. Ils insistent sur le fait que les règles de procédure doivent être les mêmes que devant le tribunal d’instance s’agissant du respect du contradictoire, de l’assistance de l’avocat et de l’existence d’une aide juridictionnelle à ce niveau pour les plus démunis.

D’une manière générale, syndicats et instances représentatives de la profession d’avocat se sont inquiétés du « renforcement d’une justice expéditive et d’évacuation judiciaire au mépris des droits de la défense ». Ils ont à ce titre insisté pour que le justiciable soit assisté d’un avocat devant le juge de proximité dans les mêmes conditions que devant les autres juridictions. Ce point a d’ailleurs été revu entre l’annonce des dispositions du projet de loi de programmation et la présentation du projet de loi organique instituant les juges de proximité.



6) Critiques de la doctrine


La doctrine joue son rôle d’arbitre, sans condamner la réforme, elle en dénonce les faiblesses et les incohérences avec force d’arguments. Si leurs positions peuvent apparaître plus mesurées, c’est aussi parce qu’ils sont les premiers à avoir dénoncé les dysfonctionnements actuels de la juridiction d’instance. Autocritique que les juges d’instance ont du mal à faire.

L’idée même de faire appel à d’autres personnes que des magistrats professionnels pour aider les juges d’instance à trancher les petits litiges ne lui apparaît pas, en elle-même, une mauvaise idée, au moins en matière civile. Faire participer de simples citoyens au pouvoir judiciaire lui apparaît être un moyen de rapprocher la justice des justiciables.

D’autres, sans y voir une remise en cause de la justice négociée, ont critiqué la conception a minima que se faisait le Gouvernement de la proximité en confiant des affaires modestes à un « juge intermittent »114 dont la légitimité repose principalement sur une bonne connaissance du droit. Ce choix leur est apparu comme aux antipodes de ce qui se pratique aujourd’hui avec les juges non professionnels des tribunaux de commerce et les conseils de prud’hommes. En effet, la légitimité de ces juridictions spécialisées repose sur la bonne connaissance par les hommes de terrain qui les composent, du contexte dans lequel sont nées les affaires à traiter : il s’agit dans ce cas d’une conception de la proximité soutenue au titre d’une justice citoyenne.

En revanche, le choix fait par le législateur de créer une juridiction supplémentaire est unanimement considéré comme porteur d’un risque d’accroissement de la complexité de la répartition des compétences entre les juridictions de première instance115. Et M. Véricel de faire remarquer, « qu’à la lecture de la loi organique, on ne sait même plus si la juridiction de proximité sera réellement une juridiction nouvelle autonome puisque cette loi confie au magistrat assurant l’administration du tribunal d’instance le rôle d’organiser l’activité et les services de la juridiction de proximité et de fixer la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction »116.

Certains, au nombre desquels figure M. Véricel, se montrent déçu que cette réforme ne s’accompagne d’aucune refonte du système d’accès au droit et à la justice des « petits litiges » des particuliers et notamment d’aucune réforme des mécanismes d’accès au juge, et de traitement par celui-ci de ces litiges. M. Véricel espère, puisque c’est là la raison de leur création, que les juges de proximité auront la disponibilité suffisante pour faire concrètement application des règles de procédure simplifiée que les tribunaux d’instance n’ont plus la possibilité de respecter. Il se demande tout de même si la réforme suffira à permettre l’accès effectif au juge de proximité, de la masse de litige qui échappait au juge d’instance.

A l’unisson, les Professeurs de droit concèdent que plutôt que créer une nouvelle juridiction, il aurait été plus judicieux et plus « sûr », de réorganiser et de renforcer les institutions existantes pour mieux les adapter aux exigences du règlement des petits litiges auxquels sont confrontés les particuliers.

Le Professeur Véricel proposait d’ailleurs que les tribunaux d’instance tiennent régulièrement, une demi-journée d’audience spécifiquement consacrée aux petits litiges de consommation, au cours desquelles seraient traités une dizaine de dossiers seulement, afin de lui donner le temps nécessaire au traitement de ces litiges. « Dans une salle annexe pourrait siéger un conciliateur à qui le juge renverrait aussitôt les dossiers lui paraissant relever de la conciliation »117. Ce système a d’ailleurs été expérimenté avec succès, dans certains tribunaux d’instance, notamment ceux de Paris 14e et de Lagny-sur-Marne.

Aucun des commentateurs n’est réfractaire à l’idée d’un magistrat non-professionnel, à condition qu’il remplisse des conditions de compétence juridique, d’indépendance et d’impartialité très strictes et qu’ils soient par contre intégrés dans l’organisation du TI. M. Véricel proposait que certaines audiences puissent être confiées à des « juges adjoints » non-professionnels. Parallèlement, il exprime son regret le plus vif de ne pas voir l’institution des conciliateurs réformée, pour devenir un « véritable corps de collaborateurs du juge », à la condition que leurs conditions d’aptitudes juridiques et psychologiques soient renforcées, et qu’ils soient intéressés par l’octroi d’une indemnité d’un montant correct, et ce, afin de renouveler le profil traditionnel du conciliateur-notable-retraité.



Le Gouvernement et le Parlement ont décidé d’aller très vite pour instaurer les juridictions de proximité par souci de respecter l’une des promesses électorales du Président de la République. Pour ce faire ils ont dû passer outre un certain nombre d’objections émanant des professionnels du droit, et notamment des magistrats judiciaires ; les mises en garde des institutionnels, elles aussi « dérangeront », mais seront plus suivies. Elles constituent les garde-fous minimums de cette réforme.








§2 Mises en garde des institutionnels


Le projet de loi a donné lieu à trois avis, deux émanent des organes consultatifs que sont la CNCDH (A), et le Conseil d’Etat (B), et un avis plus « spontané », émane du CSM (C). Le Conseil constitutionnel a rendu deux décisions concernant respectivement la loi ordinaire du 9 septembre 2002, et la loi organique du 26 février 2003 dont le contrôle lui revenait « naturellement » (D).


A- Avis de la CNCDH


La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), organe consultatif et indépendant placé auprès du premier ministre, a rendu public le 16 juillet 2002 un avis extrêmement critique sur certaines des dispositions du projet de loi d'orientation et de programmation de la justice, qui devait être présenté, le 17 juillet 2002, en conseil des ministres. Il a jugé ces proposition « insuffisantes », voire « contestables ».

Cet organe consultatif réunit les associations de défense des droits de l'homme et des personnalités qualifiées, il est présidé par le conseiller d'Etat Alain Bacquet, et résume le sentiment exprimé successivement par les défenseurs des enfants, le Conseil d'Etat et des organisations professionnelles d'éducateurs, de magistrats et d'avocats. La chancellerie a indiqué qu'elle « prenait acte » d'un avis défavorable qui ne s'impose pas à elle.

Comme le Conseil d'Etat, la CNCDH estime que la création d'une justice de proximité nécessite le recours à une loi organique, et non à une loi simple comme l'est la loi de programmation. Elle estime qu'en l'état les « éléments statutaires » prévus par la chancellerie pour ces juges, qui seront désignés par les magistrats du siège et du parquet des Cours d'appel, sont « insuffisants et parfois contestables ».

Dans ces conditions, et à la suite de nombreuses organisations de magistrats, d'avocats et d'éducateurs, la Commission « s'inquiète de voir confier le jugement d'affaires pénales à des juges non professionnels » (juges de proximité pour le siège et délégués du procureur de la République pour le parquet.) Elle « s'étonne que la voie choisie pour assurer cette justice de proximité, qui doit aussi être une justice de qualité, soit celle du recours à des juges non professionnels exerçant à temps partiel ».

« Plus contestable encore » aux yeux de la Commission est l'attribution aux juges de proximité d'une compétence pénale à l'égard des mineurs de 13 à 18 ans. La CNCDH se déclare « très opposée à ces dispositions qui permettraient d'écarter, à la seule initiative du ministère public, la compétence du magistrat professionnel qu'est le juge des enfants ».

Estimant que les juges de proximité « ne seront probablement jamais des experts du champ de l'enfance », elle décèle « un risque sérieux de démantèlement du rôle du juge des enfants et de désarticulation du travail global des acteurs de la protection de l'enfance ». Or la Commission estime « grave et injustifiée cette remise en cause » de la spécialisation de la justice des mineurs, qui constitue l'un des « principes essentiels » de l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante. Elle explique que le projet heurte les principes de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France, qui prévoit « la mise en place d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infractions pénales ». La Commission désapprouve d'ailleurs la quasi-totalité des dispositions réformant le droit pénal des mineurs.

Plus généralement, c'est la philosophie même du projet qui est sujette à caution, selon la Commission. « Si la réponse pénale, et même carcérale, est parfois indispensable, il reste vrai que s'agissant de la délinquance des mineurs, la réponse éducative est, de loin, celle qui peut changer réellement et durablement le comportement du mineur, explique-t-elle. Or l'avant-projet de loi fait peu de place à ces considérations et ne prévoit pas de mesures visant concrètement et directement à renforcer et améliorer ce qui devrait l'être dans le domaine éducatif. »


B- Avis du Conseil d’Etat


Le Conseil d’Etat a émis des « réserves » sur la création annoncée de « juges de proximité », inscrite dans le projet de loi d’orientation et de programmation de la justice qu’il examinait pour avis, avant qu’il ne soit présenté en conseil des ministres, le 17 juillet 2002.

Il a estimé que le statut de ce nouveau juge nécessitait l’adoption d’une loi organique, et non d’une loi simple, comme l’est la loi de programmation. C’est cet avis du Conseil d’Etat qui a conduit le gouvernement à disjoindre cette mesure du projet de loi118.

Au cours de l’élaboration du texte, la question du statut de ces juges avait placé la chancellerie face à une alternative : soit le garde des Sceaux acceptait de soumettre les « juges de proximité » au statut très protecteur de la magistrature, ce qui leur assurerait l’inamovibilité et les soumettrait à la tutelle du CSM en matière de nominations, soit il préférait les placer hors statut, ce qui lui offrait une plus grande souplesse dans les nominations et la gestion de leurs carrières. Cette seconde solution avait les faveurs du gouvernements car elle présentait un avantage non négligeable au vu du calendrier parlementaire qu’il s’était fixé. Elle permettait d’éviter l’adoption d’une loi organique, obligatoire pour réformer le statut de la magistrature, mais beaucoup plus contraignante qu’une loi simple. De fait, la loi organique qui doit être obligatoirement visée par le Conseil constitutionnel, impose un délai de carence de quinze jours entre sa présentation en conseil des ministres et le début des débats au Parlement. Or, le gouvernement s’est imposé des conditions de rapidité records pour faire adopter son projet de loi. Il comptait en effet pouvoir achever son parcours parlementaire le 3 août 2002, date de la fin de la session extraordinaire du Parlement. Après avoir préparé deux projets de texte, l’un organique, l’autre ordinaire, la chancellerie avait donc décider d’opter pour la solution la plus rapide.

Cet avis n’a pas été partagé par le Conseil d’Etat qui a considéré que le nouveau « juge de proximité » devait pouvoir bénéficier des mêmes garanties statutaires que les autres magistrats. Le fait que ces juges nouveaux puissent exercer des prérogatives en matière pénale, considérée comme plus sensible que la matière civile parce qu’elle met en jeu les libertés publiques, a pesé dans la décision du Conseil d’Etat119.

Le ministère de la justice a pris acte de la position de la juridiction administrative en décidant que la loi de programmation se bornerait à fixer le principe de la création de la juridiction de proximité, tandis que le statut des juges qui la composeraient, a été renvoyé à un projet de loi organique120.

Le garde des sceaux, Dominique Perben, a présenté le 24 juillet 2002 en Conseil des ministres un projet de loi organique réglant le statut des juges de proximité. Distinct du projet de loi de programmation sur la justice, ce texte a été examiné à partir d’octobre par le Parlement avant d'être soumis au Conseil constitutionnel le 24 janvier 2002. Il prévoit que les juges de proximité, magistrats non professionnels exerçant à titre temporaire, seront nommés pour sept ans après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Agés de 35 à 75 ans, ils devront attester d'au moins quatre années d'études de droit et d'une expérience juridique de même durée121. La fonction de juge de proximité pourra être exercée, sous forme de vacations, par des professionnels du droit (avocats, huissiers, notaires) ; la chancellerie prévoit d'en recruter 3 300 d'ici à 2007. Ils sont intégrés au statut de la magistrature.



C- L’avis du CSM


Organe consultatif placé auprès du Président de la République, le CSM a remis à Jacques Chirac le 19 septembre 2002 un « avis spontané » dans lequel il critiquait notamment les conditions de nomination et d’exercice des fonctions de juges de proximité. S’il ne remettait pas en cause le principe de la juridiction de proximité, le CSM estimait toutefois que « toutes les garanties propres à satisfaire au principe d’indépendance » n’étaient pas apportées par le projet de loi. Estimant que certaines des dispositions du projet de loi ne satisfaisaient pas entièrement à « l'exigence d'impartialité » qu'implique la fonction de juger122, le CSM avait alors recommandé de créer des incompatibilités de fonctions. Il a déclaré que la justice ne saurait être rendue par ceux dont l’exercice professionnel peut générer un conflit entre les intérêts qu’ils défendent habituellement et la fonction de juge de proximité. Le CSM considère ainsi que les juges de proximité recrutés parmi les auxiliaires de justice « ne devraient pas pouvoir exercer leurs fonctions dans le ressort de la Cour d'appel où ils ont leur domicile professionnel ». Le Conseil recommande également que ces personnes, quand elles exercent leur profession d'avocat ou de notaire, par exemple, ne puissent accomplir aucun acte professionnel dans le ressort de leur juridiction de proximité. Pour le CSM, ces « règles d'incompatibilité géographique seraient mieux à même de satisfaire aux exigences de la jurisprudence européenne relatives à l'impartialité objective du juge ».


Ses recommandations, bien qu’elles compliquent le recrutement et l’organisation de la justice de proximité ont été suivies par la Chancellerie. Elles ont été reprises par le législateur dans la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité que nous étudierons de manière plus détaillée dans le Chapitre II du Titre II. Ainsi, si le juge de proximité peut exercer une activité professionnelle parallèlement à son activité judiciaire, la loi pose la nécessité pour le juge de proximité de n’avoir aucun lien avec le litige traité ou les parties concernées par l’affaire. De même, les juges de proximité, exerçant professionnellement comme avocats ou notaires, par exemple, ne pourront pas exercer leurs fonctions dans le ressort du tribunal de grande instance où ils ont leur domicile professionnel.

Alors même que le Gouvernement a suivi l’avis du CSM, les relations entre l’Etat et cette institution restent tendues123. Le CSM s’est ainsi vu refuser par l'Elysée la possibilité de rendre public, sur son site Internet, l'avis spontané sur la justice de proximité qu'il avait communiqué au président de la République le 19 septembre 2002 et qui « prenait, en termes polis, ses distances avec la réforme proposée par la chancellerie »124.

Plus récemment, préparant l’installation prochaine des juges de proximité, le président de la République a indiqué aux membres du CSM ce qu'il attendait d'eux, le 23 mai 2003, lors de la séance que le Conseil a tenu à l'Elysée, le chef de l'Etat étant aussi le président du CSM. Son souhait était que les magistrats ne donnent pas l'impression de faire preuve de réticence à l'égard d'un dispositif "prioritaire", auquel, selon lui, "les Français sont favorables". Le CSM, chargé de veiller à l'indépendance de la magistrature a interprété ces propos comme une tentative de pression125.



D- Décisions du Conseil constitutionnel


Le contrôle de constitutionnalité de l’institution de la juridiction de proximité composée de juges non professionnels s’est opéré en deux temps, en raison du vote législatif distinct des dispositions concernant d’une part les compétences, l’organisation et le fonctionnement de la juridiction, et d’autre part, le statut des membres de cette juridiction.

S’agissant de la loi ordinaire d’orientation et de programmation du 9 septembre 2002 déférée au contrôle du Conseil en vertu de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution par une première saisine émanant de plus de soixante députés le 5 août 2002 et, le lendemain, par une saisine émanant de plus de soixante sénateurs126, la saisine n’a porté que sur 11 des 69 articles de la loi. Ainsi, la constitutionnalité de certaines dispositions n’a pas été expressément analysée. En revanche, les cinq articles de la loi consacrés à la juridictions de proximité ont tous été soumis à l’examen du Conseil : les articles 7 à 10 contenus dans le titre III consacré à la juridiction de proximité et l’article 20, consacré aux dispositions relatives au jugement des mineurs par la juridiction de proximité.

Le Conseil constitutionnel a globalement validé, le 29 août 2002127, la loi d'orientation et de programmation sur la justice, émettant néanmoins une « réserve » sur les dispositions relatives à l'instauration d'une justice de proximité128

La mise en œuvre de cette juridiction ne pourra avoir lieu que sous réserve que soit promulguée une loi fixant les conditions de désignation et le statut de leurs membres et que cette loi comporte des garanties d'indépendance et de capacité appropriées pour ces juges non professionnels et eu égard aux missions juridictionnelles qui leur sont confiées dans la loi ordinaire129. Ainsi, les dispositions relatives à la juridiction de proximité contenues dans la loi du 9 septembre 2002 ne déploieront leurs effets qu’après l’adoption du volet statutaire et seulement si celui-ci est déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Par conséquent, si la loi organique du 26 février 2003 n’avait pu voir le jour, c’est tout le titre II de la loi du 9 septembre 2002 qui serait resté définitivement « paralysé » et inappliqué. Cette réserve d’interprétation prend en compte les contraintes de calendrier imposées par le vote d’une loi organique qui n’ont pas permis au Parlement d’examiner ce texte organique concomitamment à celui de la loi d’orientations et de programmation pour la justice au cours de la session extraordinaire de l’été 2002.

Concernant les « orientations » contenues dans le rapport annexé à la loi, le Conseil constitutionnel, qui s’est saisi d’office s’agissant d’une question relative au domaine de la loi, a réitéré le rappel à l'ordre qu’il avait effectué à l’égard de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure n° 2002-1094 du 29 août 2002 (LOPSI). Il avait alors qualifié les orientations du texte de Nicolas Sarkozy sur la sécurité de « déclaration de politique générale qui ne se suffit pas à elle-même pour changer les lois antérieures ». Cette fois encore, il a « dénié d'office toute portée normative » aux orientations contenues dans l'annexe de la loi Perben, qui prévoit notamment d' « améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens », d' « adapter le droit pénal à l'évolution de la délinquance », ou encore d' « améliorer l'accès des citoyens à la justice »130. Les textes législatifs ou réglementaires mettant en œuvre ces orientations pourront donc être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel ou des juridictions administratives131.

La seule censure porte sur l'article 6 dont le Conseil constitutionnel s’est saisi d’office s’agissant également d’une question relative au domaine de la loi132. Cet article prévoyait d'annexer au projet de loi de règlement un rapport ayant pour objet « d'évaluer les résultats obtenus au regard des objectifs fixés ». Comme pour la loi Sarkozy, le Conseil a censuré l'article, estimant que seule une loi de finances pouvait prévoir de telles dispositions. En effet, il méconnaît l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dont l’article 1er réserve à ces dernières toutes les « dispositions législatives destinées à organiser l’information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques » : elles forment le domaine exclusif des lois de finances. La loi ordinaire a empiété sur le domaine réservé aux lois de finances133. C’est finalement la loi de finances pour 2003 n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 qui a ajouté un article 6 à la loi du 9 septembre 2002. Aux termes de cet article, le Gouvernement déposera chaque année sur le bureau de l’Assemblée nationale et sur celui du Sénat à compter de 2004, un rapport d’évaluation de l’application de la loi portant, notamment, sur l’instauration de la juridiction de proximité. Ce rapport sera préparé par une instance extérieure aux services concernés.


Le statut des juges de proximité, contenu dans une loi organique distincte de la loi ordinaire d’orientation et de programmation pour la justice a donné lieu à une deuxième décision du Conseil constitutionnel en date du 20 février 2003134. Aux termes de l’article 61 alinéa 1 de la Constitution, les lois organiques sont obligatoirement transmises au Conseil constitutionnel avant leur promulgation et le Conseil doit statuer sur l’ensemble des dispositions du projet de loi organique sans se contenter de répondre aux critiques ciblées des sénateurs ou députés.

Là encore, le Conseil a déclaré pour l’essentiel la loi organique relative aux juges de proximité conforme à la Constitution.

Il a toutefois assorti sa décision de la précision selon laquelle l’insertion des dispositions propres aux juges de proximité dans l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, n’a ni pour objet ni pour effet d’intégrer les juges de proximité dans le corps des magistrats judiciaires135.

Une première réserve d’interprétation stipule que la compétence juridique et l’aptitude à juger des candidats aux fonctions de juge de proximité devront être strictement appréciées et les places prévues chaque année non nécessairement pourvues en totalité136.

Aux termes d’une seconde réserve d’interprétation, les incompatibilités édictées par le nouvel article 41-22 de l’ordonnance s’appliqueront à l’exercice en commun des professions libérales juridiques comme à leur exercice individuel137.

Le Conseil a également précisé que le nouvel article 41-18 de l’ordonnance de 1958, qui se borne à fixer une règle d’organisation judiciaire, n’avait pas de caractère organique138.

Enfin, le Conseil a censuré l’article 41-17 nouveau de l’ordonnance estimant qu’il ouvrait de façon manifestement excessive la possibilité de se porter candidat aux fonctions de juge de proximité139.

Toutes ces dispositions seront étudiées plus en détail dans le « Chapitre II » du « Titre II ».



Les acteurs du monde judiciaire ont rejeté d’une seule voix le projet Perben visant à l’instauration d’un nouvel ordre de juridiction composé entièrement de magistrats non-professionnels. Les institutionnels n’ont pas cessé de renouveler les mises en garde. La réforme tant attendue a déçu, inquiété et vexé. Il faut dire qu’elle s’écarte de beaucoup et de manière assez surprenante, des propositions de réflexion qui s’était faite jour depuis quelques années. Au lieu d’en faire la synthèse ou de mettre en application les « pistes communes », le Gouvernement a fait le choix d’ « innover » en créant ex-nihilo un nouvel ordre de juridiction plutôt que de « consolider » la juridiction d’instance déjà en place.


Comme on vient de le voir, beaucoup de propositions existaient en ce sens parce que le système tel qu’il existait pouvait être perfectionné, et qu’il ne répondait qu’imparfaitement aux nouvelles attentes des citoyens.

Pourtant le contenu de la loi Perben a déçu, voire irrité. Les ressorts fondateurs de la juridiction de proximité n’ont pas été compris. Ils sont apparus comme peu clairs et vexatoires à l’égard de certains corps professionnels. Cela tient sans doute au caractère intrinsèquement original de l’instrument proposé : il s’agit d’une juridiction, mais composée de juges non professionnels. Elle porte le nom de « juridiction de proximité », mais se détache du mouvement de « justice de proximité », tel qu’il se donnait à voir dans les MJD, car cette juridiction d’un genre nouveau se voit déléguer certaines compétences alors exercées par les tribunaux d’instance et de police.

Cette réforme est l’aboutissement d’un processus d’élaboration conduit « tambour battant ». Les indignations qu’ont suscité le projet parmi la représentation politique et les professionnels du droit sont à la mesure du degré de volontarisme politique.

Le projet retenu par le gouvernement n’a cependant pas opté pour la solution la plus avancée et consistant en une redéfinition des compétences des tribunaux d’instance et tribunaux de police. Certains espèrent que la création de cet échelon ne constitue qu’une première étape expérimentale.

SECTION II : LES PRECEDENTES PROPOSITIONS


Le contenu de la loi Perben a déçu, voire irrité les professionnels du droit. Les ressorts fondateurs de la juridiction de proximité n’ont pas été compris. Ils sont apparus comme peu clairs et vexatoires à l’égard de certains corps professionnels. Cela tient sans doute au caractère intrinsèquement original de l’instrument proposé : il s’agit d’une juridiction, mais composée de juges non professionnels. Elle porte le nom de « juridiction de proximité », mais se détache du mouvement de « justice de proximité », tel qu’il se donne à voir dans les MJD, car cette juridiction d’un genre nouveau se voit déléguer certaines compétences alors exercées par les tribunaux d’instance et de police.

S’il paraît « innovant », le projet retenu par le gouvernement n’a cependant pas opté pour la solution la plus « avancée » et la plus « partagée » et consistant en une redéfinition des compétences des tribunaux d’instance et de police et un renforcement de leurs moyens.

La recherche d'une plus grande proximité a constitué un thème de réflexion privilégiée ces dernières années. De nombreux travaux parlementaires dressent le constat d'une justice trop complexe et trop éloignée des justiciables et ont formulé des propositions afin de remédier à cette situation. Tous s’accordaient sur la nécessité de rendre la justice plus proche des justiciables, c'est-à-dire davantage à l'écoute, plus disponible, plus accessible, plus humaine.

Parmi les nombreuses propositions faites en ce sens, il existait même un consensus pour développer une justice de proximité, mais sans que cela se traduise pour autant par la création d'une nouvelle juridiction. Car aux termes de ces réflexions, si le système ne répondait qu’imparfaitement aux nouvelles attentes des citoyens tel qu’il existait, il pouvait être perfectionné tout en préservant sa structure d’origine. Beaucoup attendait la redéfinition de la place des tribunaux d’instance. On souhaitait qu’ils jouent un rôle primordial en procédant à la redéfinition des contentieux dont ils devraient être saisis.


Différentes pistes de réflexion et différents rapports commandés à différentes époques se rejoignent ainsi, en ce qu’ils préconisent une réorganisation des tribunaux d'instance et des tribunaux de police afin de leur permettre de traiter dans de bonnes conditions tous les contentieux de masse, tout en cultivant leur différence sur les moyens d’y parvenir. Les propositions oscillaient entre la fusion des juridictions d’instance (§1), et l’instauration de juges non-professionnels encadrés par le juge d’instance (§2), mais aucune ne préconisait la création d’une juridiction de proximité autonome, composée exclusivement de magistrats non-professionnels.



§1 La fusion des juridictions de première instance



Pour certains la véritable simplification consistait à créer une seule juridiction de première instance, non pas en sus, mais en lieu et place de tous les tribunaux du premier degré actuels. C’est l’hypothèse de la fusion des juridictions de première instance.

Le doyen J. Héron s’exprimait déjà cette idée en ces termes en 1991 : « Si les règles de compétence territoriale sont indispensables, sauf à décider qu’il n’y aura qu’un seul tribunal pour toute la France, ce qui serait contraire à tout bon sens, l’existence de règles de compétence d’attribution ne relève pas de la même nécessité. On pourrait très bien concevoir qu’il n’existe en France qu’une seule sorte de juridiction du premier degré, dans lesquelles siègeraient des magistrats professionnels statuant à juge unique. La justice serait tout aussi bien rendue. Inversement, le jeu des règles de compétence d’attribution constitue, pour tous les acteurs de la vie judiciaire, une formidable perte d’énergie que rien ne justifie, les raisons invoquées pour expliquer la multiplication des juridictions relevant le plus souvent d’a priori politiques sans valeur réelle140 ».

L’avantage d’une telle fusion des juridictions du premier degré résiderait dans le fait de laisser le président de chaque juridiction répartir les affaires selon la compétence et la disponibilité des magistrats, organisées en chambre spécialisées.

Les partisans d’une telle solution font remarquer qu’un tel système n’est pas irréalisable puisque c’est celui qui fonctionne déjà au second degré : la Cour d’appel est la seule juridiction du second degré, sa plénitude de juridiction exclut toute incompétence ratione materiae, le premier président distribue les affaires aux différentes chambres spécialisées. Ils font remarquer que si « l’unicité des guichets de greffe, expérimentée dans certaines juridictions pilotes, est déjà un progrès141, (…) c’est l’unicité des tribunaux, au sein d’un ressort territorial donné, qui serait encore mieux142. » Ce système permettrait de supprimer les conflits de compétence.

Cette suggestion de refondation de l’organisation judiciaire n’est pas nouvelle, on peut évoquer les propositions de M. Jean-Marie Coulon. Ce dernier, s’il ne faisait qu’esquisser l’hypothèse d’une juridiction unique de première instance, avancait déjà l’idée dans ses « réflexions et propositions sur la procédure civile », que la qualité de la décision rendue au premier degré est la clé de voûte de toute amélioration du système français de justice civile143.

Les « Entretiens de Vendôme », organisés en 2001 par le précédent Gouvernement, avaient souligné l’opportunité de simplifier l’organisation judiciaire en première instance, en fusionnant le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance. Il s’agissait également de promouvoir les modes alternatifs de règlement des conflits en faisant des conciliateurs de justice les délégataires de la mission de conciliation du juge d’instance.

L’Annexe à la loi du 9 septembre 2002 fait référence à un futur « tribunal de première instance », mais cette structure est envisagée « pour parvenir à une gestion plus cohérente des juridictions de grande instance, d’instance et de proximité », ce qui, la désigne moins comme une juridiction unique de première instance, se substituant à celles qui existent actuellement, que comme une structure fédérative de gestion des services judiciaires dans le ressort des tribunaux de grande instance. Cette rationalisation serait appelée à se faire « sans porter atteinte au maillage territorial des implantations judiciaires ».



§2 Des juges non-professionnels encadrés par le juge d’instance


La deuxième grand courant de propositions n’était pas hostile au fait de faire appel à des juges non-professionnels, mais à condition qu’ils soient encadrés par le juge d’instance.

Cette autre solution consistait à renforcer les tribunaux d'instance et à regrouper autour d'un juge d'instance une équipe de juges temporaires, non professionnels exerçant leurs fonctions à l'intérieur du tribunal d'instance. Une telle réforme, plus simple et sans doute susceptible d'être mieux acceptée par les tribunaux d'instance, présentait l’inconvénient d’être plus difficile et plus longue à mettre en œuvre. C’est d’ailleurs ce qui aura sûrement dissuader le Gouvernement de la retenir. En effet et paradoxalement, la solution, plus novatrice, consistant à créer un nouvel échelon de juridiction, est apparue non seulement plus « parlante », mais plus facile à mettre en œuvre rapidement.

Les partisans de ce courant demeurent convaincus que les tribunaux d'instance doivent demeurer le pivot de la justice de proximité. Ils tiennent à préserver et développer cet échelon privilégié.

Ils soulignent au contraire le danger d'une organisation trop rationnelle évoquée lors des entretiens de Vendôme retenant le principe d'une « mutualisation » des moyens et d'un regroupement de tous les contentieux de première instance au sein d'un unique « tribunal de première instance ». Il leur paraît très important de maintenir un schéma d'organisation différencié permettant de distinguer le « petit contentieux », peu technique et où l'approche psychologique s'avère capitale, du « grand contentieux » où une spécialisation poussée est indispensable.
Toutefois, M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois sur le projet de loi organique relatif aux juges de proximité a fait remarquer que la réforme proposée ne paraît pas forcément en contradiction avec cette vision. Une meilleure articulation entre les tribunaux d'instance et les juridictions de proximité, actuellement autonomes, suffirait selon lui, à rendre compatibles ces deux démarches
144. Le service des greffes, commun aux deux juridictions, peut apparaître comme une première avancée en ce sens. Souhaitant aller plus loin, M. Fauchon suggère de s'engager dans la voie d'une expérimentation en matière d'organisation judiciaire : « des juges de proximité pourraient ainsi être rattachés à quelques tribunaux d'instance et encadrés par un juge d'instance qui déciderait de la distribution des affaires en fonction des capacités de chacun. »



En février 1994, MM. Hubert Haenel et Jean Arthuis ont remis au garde des Sceaux de l'époque en février 1995 un rapport regroupant des « propositions pour une justice de proximité » préconisant la création de juges de proximité et une redéfinition des compétences des juridictions de première instance145.

Ce rapport faisait le constat suivant : l’efficacité de la décision de la justice doit s’accommoder de la prise en compte de la dimension humaine des problèmes. La Justice est en crise parce qu’elle s’est éloignée de la société. Elle est perçue comme le moyen d’enrayer le délitement du lien social en France en devenant un « repère ».

Ils proposaient d’une part la création de juges de proximité, suppléant le juge d'instance, rattachés au tribunal d'instance et recrutés soit parmi des greffiers en chef soit parmi des citoyens désireux de participer au fonctionnement de l'institution judiciaire, et d'autre part, un redécoupage des compétences des juridictions de première instance permettant de renforcer l'activité de proximité du tribunal d'instance en allégeant la tâche des actuels juges d'instance.

Le juge doit se borner à « dire le droit ». Une telle affirmation apparaît pour beaucoup comme la solution immédiatement souhaitable pour faire face à l’accroissement de la demande de justice. Le rapport Haenel et Arthuis affirme par exemple que le pouvoir de juger n’est pas autre chose que le pouvoir de dire quelle est la règle de droit applicable et de l’appliquer au cas d’espèce. Ils proposent alors de transférer certaines missions non juridictionnelles à d’autres acteurs. En même temps, il charge ce même juge d’une nouvelle mission, celle de « juger à proximité ». Ce rapport était apparu comme porteur d’une attente contradictoire en voulant à la fois que ce juge soit le serviteur du droit tout en jouant un rôle éminemment social.

Voici résumé à grands traits les trois axes principaux du rapport :

- « Rapprochement de la justice et des français »

Il s’agit de recréer une justice de proximité en développant une logique de partenariat. La création d’un contrat de procédure garantissant un délai maximum pour le traitement d’une l’affaire incarnait la proximité temporelle. Le recadrage et l’implantation des maisons de la justice et du droit : lieu d’accueil, de rencontre et d’information pour l’ensemble des citoyens d’un quartier d’une commune, lieu de règlement des conflits de nature civile et pénale (petite délinquance) incarnait la proximité géographique.

- « Recentrer le juge sur ses missions »

Il s’agit de recentrer les missions du juge en transférant une partie de ses compétences vers d’autres acteurs du monde judiciaire, chargés d’incarner une proximité psychologique  par le renforcement des procédures de conciliation et de médiation pénale.

- « Juger à proximité »

Il s’agit de créer un juge des contentieux de proximité, implanté au niveau du tribunal d’instance et chargé des litiges de la vie quotidienne. Cette option présente un triple avantage, celui de renforcer la présence judiciaire au niveau de l’arrondissement (proximité géographique), d’apporter une aide substantielle au juge d’instance et d’ accélérer le déroulement de l’ensemble des procédures (proximité temporelle) et de multiplier le nombre d’interlocuteurs auprès des justiciables (proximité psychologique).

Ce rapport a posé les bases théoriques de la notion de justice de proximité. La définition de la notion de « justice de proximité » comporte trois dimensions : géographique (problèmes liés à la carte judiciaire, à l’éloignement spatial des tribunaux notamment des quartiers sensibles), temporelle (critique adressée à l’institution judiciaire quant à sa lenteur) et humaine (une justice plus compréhensible, transparence de son action).

Les « Maisons de Justice et du Droit » constituent la principale mise en pratique de ces propositions. Leur mission d’information et d’accueil favorise la proximité temporelle et affective. Sa proximité géographique permet à la politique pénale de s’inscrire sur un territoire, en lien avec la politique de la ville. Mais jusqu’à présent le législateur s’était refusé à consacrer les propositions fournies par le rapport de MM. Haenel et Arthuis relatives au tribunal d’instance et à la création d’un juge de proximité.



Dans le même esprit, en 1996, la mission d'information chargée d'évaluer les moyens de la justice, présidée par M. Charles Jolibois, dont M. Fauchon était le rapporteur, avait souligné la nécessité de rénover les tribunaux d'instance en les réorganisant entièrement afin de leur permettre de traiter dans de bonnes conditions tous les contentieux de masse. Le tribunal d'instance aurait alors été présidé par un juge d’instance-directeur entouré d'une équipe de magistrats non professionnels, qui auraient pu être recrutés parmi les magistrats à titre temporaire146. Ces propositions étaient inspirées du modèle des « magistrates courts » qui permet à la justice britannique d'être rapide, peu coûteuse, pragmatique, et donc véritablement au service de ses justiciables. Elles s’inspiraient également de la conception originelle des juges de paix et de l’expérience des actuelles MJD.

Ce rapport faisait déjà le constat des dysfonctionnements de la justice en stigmatisant le surencombrement des tribunaux d’instance et de police, causé par l’envahissement des contentieux de masse. Il désigne ainsi les litiges qui offrent les caractéristiques communes d’avoir un objet identique, d’être nombreux et de ne présenter des différences que dans les faits. Ces différences ne peuvent plus être prises en compte par le juge par manque de temps. Partant du constat que tous les conflits n’appellent pas nécessairement une réponse judiciaire. Les MARC ont ainsi bénéficié d’une « recommandation sénatoriale » au sein de ce rapport. Elles apparaissaient alors avec évidence comme le seul moyen de répondre qualitativement et quantitativement aux problèmes des contentieux de masse.

Les quatre orientations principales tenaient compte des spécificités de ces contentieux. La première incitait comme on l’a vu au recrutement de magistrats à titre temporaire à même de répondre aux attentes d’une plus grande disponibilité qui apparaissait déjà comme la première qualité attendue de ces nouvelles fonctions. La deuxième orientation visait la généralisation et la valorisation des tentatives de conciliation au civil comme au pénal. La troisième préconisait qu’à défaut de conciliation, le litige devrait être tranché au fond par le même juge après intervention des avocats. Enfin, la quatrième et dernière orientation souhaitait une redéfinition des compétences à partir du concept de « petit contentieux ».


Plus récemment encore, en juillet 2002, la mission d'information de la commission des Lois sur l'évolution des métiers de la justice, présidée par le sénateur M. Jean-Jacques Hyest, a formulé des recommandations tendant à « conforter les tribunaux d'instance comme juges de proximité » et a souhaité l'instauration de « juges de paix délégués » dotés de prérogatives importantes pour régler les conflits à l'amiable, disposant de pouvoirs propres (les accords intervenus par leur entremise ayant automatiquement force exécutoire), et exerçant leurs fonctions « sous le regard du juge d'instance » 147.

A l'heure où « les contentieux de masse conduisent le juge à raisonner de plus en plus en termes de productivité et de rendement », la justice se trouve en effet confrontée à une double exigence contradictoire : celle de la proximité, avec la demande pressante d'une institution plus facile d'accès, aux procédures plus simples et rapides, et celle de la spécialisation des contentieux dont la complexité croissante « conduit à des regroupements de juridictions en pôles de compétence, plus éloignés du justiciable »

Pour résoudre ce paradoxe, la mission d'information présidée par Jean-Jacques Hyest a proposé tout d'abord de « désengorger » la justice en supprimant certaines tâches « inefficaces » effectuées par les juges (comme la cotation ou les paraphes obligatoires de certains registres, les visites semestrielles dans les hôpitaux psychiatriques...). Les magistrats du siège pourraient également être déchargés de certains « contentieux de masse », comme les infractions au code de la route148.

Pour améliorer l'organisation du travail dans les juridictions, la commission des lois suggère par ailleurs de « conforter » le statut « trop précaire » des assistants de justice, ces étudiants recrutés depuis 1995 pour une durée de deux ans renouvelable une fois. Les greffiers, « frustrés et désabusés » par la lourdeur de tâches administratives ingrates et répétitives, pourraient également participer à « l'aide à la décision » du magistrat ou se spécialiser dans les tâches de gestion s'ils étaient mieux formés et plus polyvalents.

Quant aux avocats, dont les rémunérations sont soumises à des « écarts inquiétants », les sénateurs estiment qu'ils doivent bénéficier d'une aide juridictionnelle revalorisée quand ils défendent les justiciables les plus démunis.

Enfin, à l'instar du garde des Sceaux, Dominique Perben, la mission préconise l'instauration d'une « véritable justice de proximité » avec la création, en matière civile, de « juges de paix délégués ». Non professionnels mais « correctement formés », dotés de « larges pouvoirs en matière de règlement des conflits en amont de la procédure judiciaire », ceux-ci seraient l'expression d'une justice « facilement accessible et à l'écoute de chacun ».

En matière pénale, les délégués du procureur, pour l'essentiel des retraités recrutés depuis 2001, deviendraient des magistrats non professionnels, mieux rémunérés, pour accomplir l'ensemble des mesures alternatives aux poursuites « comme le font déjà 140 associations ».



Trois rapports ont donné lieu à un état des lieux identique. Le traitement judiciaire n'est plus approprié aux spécificités du petit contentieux et rend indispensable l'instauration d'une justice de proximité. La nécessité de dégager les autres juridictions de première instance, milite en faveur d'une telle réforme. Il convient en effet de donner aux tribunaux d'instance et aux tribunaux de grande instance une certaine « respiration », ce qui leur permettrait de juger les affaires les plus complexes dans de meilleures conditions et dans des délais plus rapides.

Ce constat a donné lieu à une analyse consensuelle mettant l'accent sur l'urgence d'une réforme en faveur de la justice de proximité. Mais, à la différence de l’option retenue par le Gouvernement, s’ils envisagent l’instauration d’un juge de proximité non-professionnel, ce n’est qu’au soutien et sous la direction du tribunal d’instance.



Le dispositif plus modeste proposé par le Gouvernement a l'important avantage de pouvoir être mis en place rapidement sans grand bouleversement, dès lors que les tribunaux d'instance subsistent dans leur forme actuelle. Toutefois, la création d’un ordre supplémentaire de juridiction de première instance pose d’autres problèmes parmi lesquels celui de rendre plus complexes encore les règles de compétence entre juridictions. On assiste en effet à un morcellement des compétences entre le tribunal d'instance et la juridiction de proximité. De plus, les futurs juges de proximité ne pourront bénéficier de l'encadrement par un tuteur. Enfin, il faudra veiller à ce que les juridictions de proximité ne connaissent pas de difficultés matérielles analogues à celles affectant les autres juridictions de première instance.

La création d'un nouvel échelon judiciaire de proximité est une des réponses possibles mais ne constitue qu'une solution parmi d'autres et comme on vient de la voir, la moins partagée de toutes. Aussi, la doctrine, plus optimiste que les praticiens du droit, espèrent que la création de cet échelon ne constituera qu’une première étape expérimentale, qui finira à plus long terme par rejoindre et avaliser leurs propositions en consacrant le juge d'instance comme le pivot de la justice de proximité. En attendant, les juridictions de proximité vont permettre d’exaucer les souhaits du rapport Vignoble149. Ce rapport proposait d’ouvrir l’éventail des activités judiciaires des MJD, notamment en sollicitant les magistrats du siège et en développant des audiences foraines dans ces structures.


TITRE II : ORGANISATION DE LA JURIDICTION DE PROXIMITE



Afin de mieux répondre aux attentes des citoyens, le Gouvernement a fait le choix de créer ex-nihilo un nouvel ordre de juridiction, la « juridiction de proximité ». Contre toute attente, cette juridiction est autonome, les juges non-professionnels qui la composeront ne bénéficieront d’aucune tutelle de la part du juge d’instance dont ils sont pourtant censés alléger la tâche à travers un transfert partiel de ses compétences en matière pénale et civile. Elle prend donc place dans l’organisation judiciaire au coté des deux premières juridictions de première instance déjà existantes : le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance. Certains ont pu relever que le juge de proximité s’inscrivait au rang de « supplétif judiciaire »150 ou comme « une déclinaison du principe de subsidiarité appliqué à la hiérarchie judiciaire »151.


Cette création d’une juridiction de proximité vise à opérer une distinction plus marquée encore, entre le « petit contentieux » peu technique et où l'approche psychologique s'avère capitale, et le « grand contentieux » où une spécialisation poussée est indispensable. La tentation est grande d’opérer par une vision réductrice, une différenciation entre les matières « complexes » et les matières « faciles » en fonction du taux de compétence ou en fonction de la nature contraventionnelle de l’infraction 152. Alors même qu’il est avéré que la complexité d’une affaire ne dépend pas du seuil de prétention des parties ou du montant de la peine encourue153.

Désormais, dans les matières civiles faisant l’objet d’un transfert de compétence aux juridictions de proximité, la compétence respective des trois juridictions de première instance s’articule autour de deux taux de compétence. Entre le TGI et le TI, le taux de compétence s’élève à 7 600 euros. Le nouveau taux de compétence, permettant de répartir les affaires entre le TI et le juge de proximité est de 1 500 euros. Toute affaire supérieur au « grand taux » relève du TGI, toute affaire supérieur au « petit taux » relève du TI. On réserve au juge de proximité les matières à « faible » teneur juridique, tout en lui permettant par une « curiosité procédurale » de renvoyer celles juridiquement problématiques au juge d’instance dont il était pourtant censé alléger la tâche.

En matière pénale, sa compétence s’étend aux contraventions de police des quatre premières classes à l’égard des mineurs, et des cinq premières classes à l’égard des majeurs, soit un montant maximum de 1 500 euros pour les contraventions de la cinquième classe. Mais l’extension de sa compétence, sur délégation du président du tribunal de grande instance, aux validations des compositions pénale le fait sortir du cadre strictement contraventionnel de ses compétences. Ainsi, en matière pénale, le transfert des compétences au juge de proximité ne se fait pas sur le décalque de celles actuellement attribuées au juge d’instance.

Si la création d’un nouvel ordre de juridiction, n’allège pas autant les tâches du juge d’instance qu’elle le devrait c’est parce que son « autonomie juridictionnelle » « bride » par principe l’étendue du transfert de sa compétence d’attribution. En effet, s’agissant d’une juridiction entièrement composée de juges non-professionnels, les transferts de compétence ne pouvaient qu’être « mesurés » en matière civile et « contestés » en matière pénale. En outre, l’ajout d’un nouvel échelon de proximité rend complexe son articulation avec les juridictions de première instance déjà existantes au risque de ne pas en faciliter l’accès.

Deux lois contribuent à l’organisation de la juridiction de proximité :

- La loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice en date du 9 septembre 2002 ajoute un titre III nouveau consacré à ce nouvel ordre de juridiction dans le livre III du Code de l'organisation judiciaire après le titre II relatif au tribunal d'instance. Les articles L. 331-1 à L. 331-9 du COJ en définissent les règles de fonctionnement et déterminent le champ de ses compétences. Le décret n° 2003-542 du 23 juin 2003 vient préciser les attributions du juge de proximité en complétant la partie réglementaire du Code de l’organisation judiciaire, ajoutant symétriquement à la partie législative, un Titre III consacré à la juridiction de proximité. Compétent à l’égard du petit contentieux, les juges de proximité exercent une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance. (Chapitre I)

- La loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité définit les règles statutaires qui sont applicables aux juges de proximité en matière de recrutement, de nomination, de formation, d’incompatibilité et de discipline. Le décret d’application n° 2003-438 du 15 mai 2003 et l’arrêté du même jour précisent les conditions et modalités du recrutement de ces juges. Les juges de proximité sont soumis au statut de la magistrature, en raison des fonctions qu’ils exercent, sous réserve de quelques aménagements nécessaires liés à l’exercice temporaire des fonctions. Ils ne sont pas membres du corps judiciaire (Chapitre II)


CHAPITRE I : FONCTIONNEMENT DE LA JURIDICTION DE PROXIMITE


L’instauration d’un nouvel échelon de juridiction au sein de l’organisation judiciaire des tribunaux de première instance pose des questions de compétence, de composition, de ressorts, d’organisation et de procédure, réglées par Les articles L. 331-1 à L. 331-9 du COJ. la loi n° 2002–1138 du 9 septembre 2002 portant orientation et programmation pour la justice.


La loi procède à un prélèvement sur le champ de compétence du tribunal d’instance au profit de cette nouvelle juridiction de proximité dotée d’une compétence d’attribution en matière civile et pénale (Section I).

Le juge de proximité constitue une véritable juridiction, rendant des décisions ayant force exécutoire, et statuant à juge unique selon les règles de procédure applicables devant les juridictions dont les compétences leur sont partiellement transférées. (Section II).

On verra que cette nouvelle juridiction qui revendique son « autonomie juridictionnelle » présente toutefois un caractère hybride car elle ne dispose pas d’une autonomie de moyens. Elle est administrativement rattachée au tribunal d’instance dont le président se voit confier la charge de son organisation.


SECTION I : LA COMPETENCE D’ATTRIBUTION DE LA JURIDICTION DE PROXIMITE



Le rapport annexé à la loi du 9 septembre 2002 qui projette les orientations à venir du gouvernement annonce d’emblée que la compétence du juge de proximité pourra être étendue. Les compétences civile et pénale du juge de proximité sont détaillées dans le décret du 23 juin 2003 qui entrera en vigueur à compter du 15 septembre 2003154.

En attendant, le nouvel ordre de juridiction, censé offrir aux justiciables d’aujourd’hui, le sentiment d’une justice plus réceptive aux litiges de faible importance qui contreviennent à leur vie quotidienne, se voit octroyer un champ de compétence civile étroit, moins prometteur que ce qui avait été annoncé. Ces juges devraient traiter 4 % des 500 000 affaires civiles dont sont saisis chaque année les juges d'instance et principalement des litiges liés à la consommation (A). En revanche, et parce que « la notion de proximité a grandi à l’ombre des préoccupations pénales »155, le champ de ses attributions apparaît en cette matière plus significatif et dépasse très largement le cadre des « petits litiges de nature contraventionnelle » en raison notamment de sa compétence en matière de validation des mesures de composition pénale sur délégation du président du tribunal de grande instance (B).



§1 La compétence civile


En matière civile, la juridiction de proximité se voit dotée d’une compétence d’attribution délimitée par l’article L 331-2 du COJ. Dans les conditions fixées par ce dernier article et sur le décalque de la compétence du tribunal d’instance, la juridiction de proximité connaît des actions personnelles et mobilières des particuliers pour les besoins de leur vie non professionnelle (A), des injonctions de faire ou de payer (B), et de l’homologation des accords de conciliation (C).

L’examen détaillé de ces attributions révèlent des compétences plus restreintes que celles annoncées par l’intitulé prometteur d’un « juge des litiges du quotidien », censé impliquer les trois principaux domaines couverts par les litiges locatifs, de consommation et de voisinage. Finalement le juge de proximité apparaît avant tout comme le « juge des consommateurs », sans être pour autant un juge de tous les litiges liés à la consommation.



A- Les actions personnelles et mobilières des particuliers


Il faut distinguer deux cas selon que « la valeur de l’action personnelle et mobilière » peut être déterminée. Dans tous les cas ces actions tendent à consacrer le juge de proximité comme un « juge des consommateurs ».


. Les actions personnelles et mobilières de toute personne physique pour les besoins de sa vie non professionnelle et pour un maximum de 1500 €. Il peut s’agir de l’action en paiement d'une créance, de l’action en exécution d'une obligation de faire, telle qu'une livraison d'un meuble, de l’action en réparation d'un petit préjudice, comme un trouble de voisinage. En matière d’actions personnelles et mobilières, il faudra opérer un choix entre trois juridictions (TGI, TI, et juge de proximité).

Leur compétence respective s’articule autour de deux taux de compétence. Entre le TGI et le TI, le taux de compétence s’élève à 7 600 euros. Le nouveau taux de compétence, permettant de répartir les affaires entre le TI et le juge de proximité est de 1 500 euros. Toute affaire supérieur au « grand taux » relève du TGI, toute affaire supérieur au « petit taux » relève du TI.


. Les actions personnelles et mobilières de toute personne physique pour les besoins de sa vie non professionnelle d’une valeur indéterminées mais qui portent sur des obligations dont le montant n’excède pas 1 500 €156. Aujourd'hui, ces actions indéterminées relèvent de la compétence du tribunal de grande instance et les particuliers, qui doivent constituer avocat, sont peu enclins à les exercer lorsque le montant du litige est faible. C'est par exemple le cas des actions en résolution ou en nullité d'une vente dont le montant est inférieur à 1 500 € (voiture affectée de vices cachés dont le prix de vente est inférieur à 1 500 €).

Nicole Bléry a fait remarquer que la formule n’était pas très heureuse car selon elle, « si on peut évaluer le montant d’une obligation, c’est que sa valeur, et donc celle du litige, n’est pas indéterminée. En effet, une demande est indéterminée lorsque son objet est insusceptible d’une évaluation pécuniaire, soit en raison de sa nature, soit parce qu’il manque lors de sa présentation un élément pour procéder à son calcul (par exemple, demande en réparation d’un préjudice dont l’évaluation suppose une expertise)157.  »

Elle poursuit en relevant que la formule laisse perplexe quant à l’éventualité d’un litige ayant pour origine une obligation inférieure ou égale à 1 500 euros, mais dont l’exécution causerait (par exemple à un tiers) un dommage d’un montant supérieur. En effet, alors que l’évaluation d’un tel litige risque de se révéler technique, il relèvera pourtant du juge de proximité.

L’imprécision du texte engendre ainsi un risque de confusion entre l’évaluation du litige permettant de définir le taux de compétence (et de ressort) et la valeur de l’objet de l’obligation158.


Au vu de ces deux premières compétences, deux remarques s’imposent :

1/ On notera tout d’abord qu’à la différence du tribunal d’instance compétent pour « toutes actions personnelles ou mobilières 159» le juge de proximité ne peut par conséquent intervenir que sur des affaires qui sont à la fois personnelles et mobilières à l’exclusion des demandes relatives à des droits réels mobiliers. L’action personnelle et mobilière est celle qui a pour objet un droit de créance, c’est-à-dire qui tend au paiement d’une somme d’argent. Le juge de proximité n’est donc pas compétent pour connaître notamment des conflits de voisinage alors que ce type de litige constitue une grande partie des différends qui divisent aujourd’hui les citoyens. Ce premier constat contribue à laisser penser qu’au civil, ce juge de proximité sera avant tout le juge des litiges de la consommation portés par les particuliers.

Ensuite, un deuxième constat conforte l’idée selon laquelle le juge de proximité incarnera le « juge des consommateurs », « défenseur d’un droit strictement pécuniaire ». L’article R. 321-2 du COJ réserve en effet au tribunal d’instance, la connaissance des actions dont le contrat de louage d’immeuble est l’objet, y compris les demandes en autorisations, validité, nullité ou mainlevée de saisie gagerie et de saisie revendication, alors même qu’il y aurait contestation de la part d’un tiers, ainsi que les actions relatives à l’application de la loi du 1er septembre 1948. Ainsi, le juge de proximité ne sera pas non plus compétent pour les demandes faites par les particuliers en matière locative, même quand le montant est inférieur à 1 500 Euros.

En revanche, ce « juge des consommateurs » ne sera pas le juge de tous les litiges du quotidien ayant trait à la consommation. En effet, le tribunal d’instance reste exclusivement compétent en matière de crédit à la consommation et de baux d’habitation. La loi du 9 septembre 2002 ne déroge pas aux règles de compétence de l’article L. 311-37 du Code de la consommation qui attribue compétence au seul tribunal d’instance pour traiter des litiges dérivés du crédit mobilier au consommateur.


2/ Il est intéressant enfin de faire remarquer que le juge de proximité sera le juge des seules personnes physiques agissant pour les besoins de leur vie non professionnelle, à l'exclusion des personnes morales, au moins en ce qui concerne le demandeur. Le rapport devant le Sénat justifie cette limitation quant au justiciable demandeur par le « souci de ne pas détourner le juge de proximité de sa mission première qui doit concerner au premier chef les seules personnes physiques ». Il semble que les auteurs de la réforme aient finalement donné la définition du « consommateur ».

Cette justification ne permet pas d’éclairer la distinction opérée par le législateur à l’origine de ce régime dérogatoire, d’autant que les demandeurs solliciteront le plus souvent des décisions à l’encontre de personnes morales. Car en fin de compte, sont visés non seulement les petits litiges entre particuliers, mais aussi ceux qui naissent de contrats de consommation. A cet égard, le même litige peut donc relever d’une autre compétence s’il est porté en justice par une personne morale ou pour les besoins professionnels du demandeur.

Yvon Desdevises y voit là un indice supplémentaire d’une distinction juridique désormais fondamentale entre le droit applicable aux professionnels et celui destiné aux non professionnels.

Par « personnes morales », le législateur a en réalité, surtout eu à cœur d’exclure les « créanciers institutionnels ». Les demandes de ces plaideurs que sont entre autres les banques, EDF et France Télécom relèveront donc comme actuellement du seul tribunal d'instance jusqu'à 7.600 euros. Les tribunaux d’instance continueront donc notamment de traiter les procédures d’impayés diligentées la plupart du temps par ces demandeurs institutionnels, aux fins de délivrance de titres exécutoires. Dans ces procédures, le non-professionnel est défendeur, et très rarement demandeur. Il est en outre traité devant la juridiction dans le cadre de procédures rapides et unilatérales comme l’injonction de payer, qui ne requièrent nullement sa présence. Ce sont donc les demandeurs institutionnels qui étaient jusqu’à présent (et resteront) les premiers bénéficiaires des simplifications de saisine concernant les demandes qui n’excèdent pas 7600 euros160. L’exclusion des demandeurs institutionnels de la juridiction de proximité procède donc d’une tentative de rééquilibrage en faveur des personnes physiques.

Mais ce faisant, le législateur omet l’existence de nombreuses entreprises de petite taille qui auraient sans doute pu trouver auprès de ce nouveau juge un mode de médiation avec des clients défaillants pour des petites sommes, par exemple.

Il ressort finalement de ces développements que l’on a avant tout voulu faire du juge de proximité, un juge du « petit consommateur ». Le chef de compétence qui suit tend également à le démontrer.



B- Les injonctions de faire ou de payer


Le juge connaît également dans les mêmes conditions161, des procédures d'injonction de faire ou de payer applicables dans les limites de la compétence de cette juridiction. Ces procédures permettent au demandeur d'obtenir dans de très brefs délais une décision de justice, en l'absence de la présence du défendeur, qu'il peut faire exécuter immédiatement si le défendeur ne conteste pas la décision. (simplicité de la saisine et rapidité de la réponse judiciaire) Dans ce cadre, la compétence du juge de proximité n’est pas exclusive, elle entre en concurrence avec celle du tribunal d’instance, dans le but de désengorger le contentieux de masse de ce dernier. Cette superposition de compétence laisse le choix au demandeur de saisir l’une ou l’autre de ces deux juridictions et ce, jusqu’à 1500 euros. Au delà et jusqu’à 7600 euros, le tribunal d’instance est exclusivement compétent.

La procédure d’injonction de payer est largement utilisée par les professionnels qui agissent contre des consommateurs, mais elle est rarement utilisable en sens inverse, car les consommateurs sont généralement créanciers d’obligations de faire et non d’obligations de payer. On peut d’emblée en déduire au vu de nos développements précédents162 que l’injonction de payer échappera de ce fait au juge de proximité163, dont la tache se concentrera principalement sur l’injonction de faire. Là encore, cette compétence prédestine le juge de proximité à jouer un rôle tout particulier en matière de consommation.

L’injonction de faire sert avant tout à protéger le consommateur. Mais elle est peu utilisée car elle entre en concurrence directe avec le référé, instrument beaucoup plus souple et adapté. Elle se heurte, en outre, à la difficulté qu’a le créancier à caractériser ses prétentions au regard du domaine assigné à cette procédure (exécution en nature d’une obligation d’origine contractuelle). La proportion élevée de requêtes rejetées révèle que les demandes des requérants sont souvent mal fondées. Enfin, l’injonction de faire est complexe dans son déroulement. En effet, la procédure est en elle-même dépourvue de tout caractère contraignant et l’affaire est nécessairement appelée à une audience à l’expiration du délai imparti par le juge pour l’exécuter164.

L’attribution de cette compétence au juge de proximité peut permettre de relancer cette procédure d’injonction de faire qu’il appréhendera peut-être de manière plus souple que le juge d’instance.



C- L’homologation des accords de conciliation


Le juge de proximité connaît également dans les mêmes conditions des demandes d’homologations, en vue de donner force exécutoire au constat d’accord formé par les parties, à l’issue d’une tentative préalable de conciliation menée en application de l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. Il s’agit de confier au juge de proximité l’homologation de certains accords obtenus par les conciliateurs de justice qui auront recherché un règlement amiable soit à la demande des parties, soit par délégation du juge165. Dès l’instant où le texte a subordonné cette attribution spéciale « aux mêmes conditions », cela signifie que les seules homologations que peut ordonner le juge de proximité se rapportent à des constats d’accord mis en forme à partir des litiges concernant des actions personnelles et mobilières, présentées par des personnes physiques pour les besoins de leur vie non professionnelle, jusqu’à une valeur de 1 500 euros, ou d’une valeur indéterminée mais qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 1 500 euros.

Si on résume toutes les conditions légales pour permettre au juge de proximité d’homologuer un constat d’accord mis en forme par un conciliateur de justice, il est nécessaire : 1) que ce conciliateur ait été désigné par un autre juge dans le cadre d’une instance en cours où les parties ont accepté le principe d’une conciliation ; 2) que le principe de la tentative préalable de conciliation soit prescrit dans la loi ; 3) qu’à l’intérieur de cette instance, la nature et le montant de la somme en litige s’inscrivent dans le cadre étroit de la compétence d’attribution du juge de proximité. Toutes autres demandes d’homologation inscrites dans un constat d’accord rédigé par un conciliateur de justice sont présentées au juge d’instance qui peut leur donner « force exécutoire »166.

On voit ainsi que l’articulation entre les deux institutions de proximité que sont le juge de proximité et le conciliateur est loin d’être optimale dans la mesure où les attributions respectives des deux protagonistes coïncident difficilement. En outre, comme le juge de proximité n’est pas compétent en matière de conflits de voisinage, litiges du quotidien qui se prêtent tout particulièrement à la conciliation, aucun des accords de conciliation obtenus dans cette matière ne pourront être soumis au juge de proximité. Ils devront être homologués par le juge d’instance.



Pour conclure sur la compétence civile du juge de proximité, on peut souligner que le champ de compétence qui lui est dévolu est volontairement ou (involontairement ?) de portée limitée car l'esprit de la réforme s'inscrit principalement dans une démarche expérimentale. Ses principales attributions en matière d’actions personnelles et mobilière, et d’injonction de faire, le désignent avant tout comme le « juge des consommateurs », plutôt que celui « des petits litiges ». Le seuil de prétention des parties fixé à 1.500 euros est très modeste et peut être interprété comme une transition avant l'engagement d’une réforme de l'organisation judiciaire plus profonde.

C’est ainsi que la Chancellerie n'a pas souhaité étendre la compétence du tribunal de proximité aux affaires familiales, compétence exclusive du tribunal de grande instance, contrairement au système britannique.



§2 La compétence pénale


Concernant les attributions pénales du juge de proximité, le principe même de son intervention en matière répressive a été très discuté.

La loi nouvelle ajoute au livre IV du Code de procédure pénale un titre XXIV présentant des « dispositions relatives à la justice de proximité » dans un article unique, le nouvel article 706-72 du même code. Cet article limite la compétence des juridictions de proximité aux seules contraventions de police commises par des personnes physiques dont une liste est dressée par le décret en Conseil d’Etat n° 2003-542 du 23 juin 2003. La lecture de ce décret permet seule de prendre conscience de la portée de cette réforme pénale.

Concernant les majeurs, sa compétence est double : Il sera tout d’abord compétent pour le jugement de certaines contraventions des cinq premières classes167, mais il sera également compétent pour valider les mesures de composition pénale décidées par le parquet, même si l’infraction à l’origine de cette mesure est un délit168 (A). S’agissant des mineurs, sa compétence se limitera au jugement de certaines contraventions des quatre premières classes169. Il exerce à leur égard les attributions du tribunal de police, qui n’est que le tribunal d’instance statuant en matière de police170. La liste de ces contraventions est fixée par le décret en Conseil d'Etat n° 2003-542 du 23 juin 2003 (B).



A- Compétence pénale à l’égard des majeurs


La compétence du juge de proximité à l’égard des majeurs porte à la fois sur les contraventions de police de la 1ère à la 5ième classe (1), et sur la validation des mesures de composition pénale qui dépassent largement le cadre contraventionnel (2).



1) Le jugement de certaines contraventions des cinq premières classes


Dans son article 27, le décret du 23 juin 2003 inaugure la compétence pénale du juge de proximité en lui octroyant un panel de contraventions qui vont concernant les majeurs de la première à la cinquième classe.

La diversité est réellement le maître mot en la matière puisque l’on retrouve tantôt des contraventions traitées dans le nouveau code pénal, tantôt les contraventions des quatre premières classes réprimées par le Code de la route, et enfin, des contraventions trouvant leur source dans des textes assez épars.


Aux termes de l’article R. 53-40 du Code de procédure pénale issu du décret, la juridiction de proximité est compétente pour juger les contraventions de police limitativement énumérées, lorsqu’elles sont commises par des personnes physiques. Le texte distingue huit grands domaines d’interventions qui relèvent respectivement du code pénal, du code de la route171, du code de la santé publique172, du code forestier173, du code des débits de boissons174, du décret du 22 mars 1942 relatif à la police des chemins de fer175, du décret du 27 juin 1996 relatif à la lutte contre la rage176, et du décret du 29 décembre 1999 relatif à la détention de chiens dangereux177.

Parmi les contraventions réprimées par les articles du code pénal et qui vont de la première à la cinquième classe, on peut opérer une sous distinction entre les valeurs qu’elles protègent : les personnes178, les biens179, la nation, l’Etat ou la paix publique180, et les animaux181.


Les interventions du juge de proximité en matière pénale seront donc riches et variées. Une grande partie des contraventions de la première à la quatrième classe (infractions aux règles de stationnement de véhicule ou au code de la route) donne lieu à un volume important, qui s'apparente à un contentieux de masse, répétitif et ne posant aucune difficulté technique et qui constituera à n’en pas douter le terrain d’action privilégié du juge de proximité en matière pénale.

Concernant les contravention de la cinquième classe, les peines sont loin d’être anodines puisque outre l’amende, le juge pourra mettre en œuvre des mesures restrictives de droits telles qu’elles sont prévues à l’article 131-14 du nouveau Code pénal : suspension du permis de conduire, immobilisation du véhicule, confiscation d’armes, retrait du permis de chasse, interdiction d’émettre des chèques, confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit. Toutes ces mesures peuvent à la fois se cumuler avec une peine d’amende en application de l’article 131-15, et se cumuler entre elles.

Le Conseil Constitutionnel a jugé ces transferts de compétence en matière pénale, conforme à l’article 66 de la Constitution182 car aucune mesure privative de liberté n’a été attribuée au juge de proximité183. Quant aux peines, autres que d’amende, susceptibles d’être prononcées en matière contraventionnelle184 et qui ont suscité beaucoup d’inquiétude parmi les professionnels du droit, elles ne peuvent être assimilées à des atteintes à la liberté individuelle au sens de l’article 66. La « liberté individuelle » à laquelle cet article fait référence renvoie aux notions de « sûreté » et « d’habeas corpus » et non à une conception large des droits de la personne185.



2) La validation des mesures de composition pénale


Le deuxième domaine de compétence du juge de proximité en matière pénale concerne la possibilité que lui réserve la loi de valider les mesures de composition pénale décidées par le parquet, sur délégation du président du tribunal de grande instance186. Cette voie nouvelle est créée dans le but de permettre au parquet, dans la mesure où il l'estime nécessaire et adapté, de privilégier la rapidité de la réponse pénale. Elle permettra de décharger utilement et de soulager les présidents de tribunaux de grande instance, sur lesquels pèsent déjà de lourdes tâches de nature à la fois juridictionnelle et administrative.

Le chapitre II de la loi du 9 septembre 2002 est consacré aux « dispositions relatives à la composition pénale » qu’il modifie. Cette procédure est issue de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale. Il s’agit de permettre au procureur de la République, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de proposer à une personne majeure reconnaissant avoir commis un ou plusieurs délits, de se soumettre à certaines mesures qui doivent recevoir l’accord de l’auteur de l’infraction et être validées par le président du tribunal, qui peut procéder à l’audition de l’auteur des faits et de la victime. La composition pénale s’applique aux seules infractions visées par la loi187. En cas de refus de la mesure, le défaut d’exécution ou le rejet de la demande de validation, le procureur de la République apprécie la suite à donner à la procédure.

Actuellement, si la personne accepte d'exécuter la mesure proposée par le parquet, la proposition de composition pénale est validée, soit par le président du tribunal de grande instance en matière de délit (article 41-2 du code de procédure pénale), soit par le juge d'instance s'agissant de certaines contraventions (article 41-3 du même code). On peut remarquer que l’article 706-72 nouveau du même code instituant un Titre vingt-quatre relatif à la « juridiction de proximité » ne fait aucune distinction entre la nature délictuelle ou contraventionnelle de l’infraction à l’origine de la mesure de composition puisqu’il donne compétence au juge de proximité pour valider indistinctement les mesures relevant tant de l’article 41-2 que de l’article 41-3. Le juge de proximité est susceptible dès lors de se voir octroyer, sur délégation du président du tribunal de grande instance, une compétence plus étendue que celle du juge d’instance en matière de composition pénale. Il sera alors susceptible de valider des compositions pénales non seulement en matière de contravention, mais également en matière délictuelle, ce qui signifie que le juge de proximité pourra prononcer des amendes jusqu’à 3800 euros, condamner à des suspensions de permis de conduire, à des travaux d’intérêt général et statuer sur le montant des dommages-intérêts demandés par les victimes d’infractions pénales quels que soient les montant d’indemnisation sollicités.

La loi du 9 septembre 2002 ne s’est pas contentée d’attribuer à la nouvelle juridiction de proximité, sur délégation du président du TGI, la validation de la composition pénale, elle en profite pour modifier substantiellement cette dernière dans le sens d’une simplification et d’un renforcement de son efficacité. (Titre IV de la loi)


- Extension du domaine d’application de la composition pénale188

La première modification concerne le champ d’application de la composition pénale. Un an plus tôt, la loi sur la sécurité quotidienne n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 avait déjà contribué à son extension189.

La procédure est d’abord étendue au délit de recel190. Cette extension prend effet immédiatement puisqu’il s’agit d’une disposition de procédure pénale, qui évite au surplus à l’auteur du délit de faire l’objet de poursuites aboutissant à une condamnation pénale par nature plus sévère que les mesures de composition pénale. Elle peut donc s’appliquer à des recels commis avant la publication de la loi. Cette extension répond à une demande des praticiens. Elle présente en effet un intérêt dans les procédures mettant en cause plusieurs personnes lorsque l’une d’entre elles peut se voir reprocher le délit de recel des infractions commises par les autres, hypothèse dans lesquelles il n’était pas possible de procéder à une composition pénale, sauf à opérer une disjonction des procédures.

En l’état actuel du droit et parmi les contraventions, seules les violences et dégradations légères sont susceptibles de permettre la composition pénale. L’article 41-3 du Code de procédure pénale tel que modifié par la loi Perben prévoit une extension non négligeable du domaine contraventionnel de la composition pénale puisque le pouvoir réglementaire est habilité à prendre un décret en Conseil d’Etat visant de nouvelles contraventions. Cette réforme était attendue en l’état du surencombrement des tribunaux correctionnels. Cette extension est évidemment subordonnées à la publication de ce décret191.


- Allongement de quatre à six mois de la mesure de remise du permis de conduire

La durée maximale de la mesure de remise du permis de conduire prévue par l’article 41-2 a été portée de quatre à six mois pour permettre d’apporter une réponse plus ferme au délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique dans le cadre de la composition pénale. Cette mesure étant moins sévère que la peine encourue en cas de poursuites pénales, elle s’applique immédiatement, y compris à des faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi.


- Création de la mesure de stage ou de formation

La deuxième modification concerne les mesures susceptibles d’être prononcées comme « sanction » de composition et proposées par le parquet. Il en est ajouté une, consistant dans le suivi d’un stage ou d’une formation dans un service ou organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois et ce, dans un délai qui ne peut être supérieur à dix-huit mois192. La durée de trois mois est censée permettre une certaine prise de conscience et une utilité du stage193. Ces modifications s’encrent dans un contexte de renforcement de la sécurité routière, l’un des chantiers prioritaires du quinquennat, voulue par le Président de la République194.


- Suppression du droit pour les intéressés de demander leur audition par le juge chargé de valider la composition pénale

L’allégement de la phase de validation de la composition pénale se caractérise par la suppression de l’auditions des parties devant le président du tribunal et corrélativement, par la perte d’un droit pour les parties.

C’est le souci de simplifier la procédure de composition pénale qui a conduit le législateur à supprimer ce droit dont disposaient l’auteur des faits et la victime de demander leur audition par le magistrat chargé de valider les mesures proposées. Ce dernier peut toujours procéder à une telle audition s’il l’estime nécessaire, mais celle-ci n’est plus de droit à la demande des intéressés.

Les mentions relatives à la notification de ce droit dans les imprimés de composition pénales devront donc être supprimées. La circulaire d’application précise toutefois qu’aucune nullité ne pourra résulter d’une notification erronée. Seules les demandes d’audition formées avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions pourront être prises en compte195.


- Inscription des compositions pénales au casier judiciaire

S’agissant d’une mesure plutôt favorable à l’auteur d’une infraction, la loi Perben prévoit pourtant, contrairement à l’esprit de « dépénalisation » qui présida à sa création, l’inscription de la mesure au bulletin n° 1 du casier judiciaire des compositions pénales exécutées. Ce bulletin n° 1 du casier judiciaire n’est accessible qu’aux seules autorités judiciaires196.

Cette inscription est toutefois sans incidence sur l’application des règles de la récidive. En terme de répression, cette inscription permettra aux parquets et aux juridictions de mieux connaître les antécédents de la personne, en cas de commission d’une nouvelle infraction, avant de se prononcer sur l’action publique ou sur le choix de la peine.

Les articles 41-2, 768, 769 et 775 du Code de procédure pénale ont été modifiés afin de prévoir les conditions d’inscription et de conservation au casier judiciaire des mentions relatives aux compositions pénales. Ces dispositions devront toutefois être précisées par décret avant de recevoir application.


B- Compétence pénale à l’égard des mineurs



A l'égard des mineurs, la juridiction de proximité n’est compétente que pour les contraventions des quatre premières classes relevant de l’article 706-72 du Code de procédure pénale197. Il faut donc se référer à la liste des contraventions énumérées dans le décret du 23 juin 2003 et précédemment évoquée concernant la compétence du juge de proximité à l’égard des majeurs.

En vertu de l’article 21 modifié de l’ordonnance du 2 février 1945, il peut, à l’encontre des mineurs de plus de treize ans, décider d’une simple admonestation ou de la peine d’amende prévue par la loi. A l’encontre des mineurs de moins de treize ans, seule l’admonestation sera possible. Le juge pourra également décider d’une mesure de surveillance dans l’intérêt du mineur. Enfin, il pourra transmettre le dossier au juge des enfants qui décidera du placement du mineur sous le régime de la liberté surveillée. Ces compétences sont aujourd’hui assurées par les délégués du procureur, dans le cadre du traitement en temps réel des infractions, appliqué par les parquets des mineurs.

La limitation de la compétence du juge de proximité aux contraventions des quatre premières classe permet de préserver le champ de compétence des juridictions pour enfants. Le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs conservent ainsi leur compétence s’agissant des contraventions de cinquième classe, des délits et des crimes.

L’examen des dispositions du titre III de la loi du 9 septembre 2002 donne l’occasion au Conseil constitutionnel de définir les principes devant gouverner toute réforme du régime de la responsabilité pénale des mineurs. Dans sa décision du 29 août 2002198, il dégage en la matière deux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. En vertu du premier, le législateur doit maintenir l’excuse de minorité : la responsabilité pénale des mineurs doit être atténuée en fonction de leur âge. Le second, oblige les pouvoirs publics intervenant dans la répression des infractions commises par les mineurs à poursuivre en priorité une finalité éducative. Il précise ensuite que cet objectif implique une individualisation de la mesure prenant en considération l’âge et la personnalité du délinquant, et encadre son prononcé par l’exigence du recours à « une juridiction spécialisée » ou de respect d’une « procédure appropriée ». Or, certains ont interprété le transfert de compétence au juge de proximité comme la voie d'une « déspécialisation » des juridictions pour mineurs, entamée en matière d’infraction de nature contraventionnelle.

Mais Ces contraventions des quatre premières relevaient jusqu’à présent de la compétence du tribunal de police. Il ne s’agit que d’un transfert au juge de proximité, juge non professionnel certes, mais chargé d’appliquer les mêmes règles de procédure et de fond que le tribunal de police. C’est pour cette raison que le Conseil constitutionnel n’a pas censuré cet aménagement, non constitutif d’une atteinte au principe de spécialisation des juridictions pour mineurs, consacré lors de l’examen de la même loi comme un principe constitutionnel au titre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.


Au plan de l’application des principes généraux du droit pénal aux mineurs, la loi modifie également le premier alinéa de l’article 122-8 du nouveau Code pénal. Elle fait de la capacité de discernement le critère d’engagement de la responsabilité pénale du mineur, consacrant ainsi une notion dégagée par la jurisprudence. L’ordonnance n° 45-2658 du 2 février 1945 ne fixait pas d’âge plancher, la question s’était posée de savoir si tous les mineurs, quel que soit leur âge, pouvaient être reconnus coupables d’une infraction dès lors que leur implication matérielle dans cette dernière était constatée. Dans l’arrêt Laboube du 13 décembre 1956, la chambre criminelle de la Cour de cassation a tranché en considérant que, conformément aux principes généraux du droit, le mineur doit avoir compris et voulu l’acte qui lui est reproché. Ainsi, de manière constante, les juridictions pénales considèrent qu’une infraction ne peut être imputée à un mineur qu’à la condition qu’il soit doué de discernement199.

Est ainsi supprimée une ambiguïté résultant des textes précédents, selon laquelle les mineurs de treize ans, parce qu’ils ne pouvaient pas être condamnés à une peine, étaient parfois considérés comme pénalement irresponsables. A l’exception de l’infans qui n’accède pas au discernement, les mineurs sont donc pénalement responsables même s’ils peuvent bénéficier légalement d’une exemption de peine au profit de mesures éducatives ou encore d’une diminution de peine en fonction de leur âge. Le seuil de la minorité pénale est donc expressément fondé sur le discernement en-deçà duquel il n’y a pas de responsabilité pénale200. En consacrant cette notion de « discernement », le législateur refuse donc de fixer un seuil de minorité pénale, règle pourtant connue de la plupart des droits pénaux européens et affirmée par la Convention internationale des droits de l’enfant. Ainsi c’est le choix de la souplesse qui a été fait en confiant au juge un pouvoir d’appréciation.


En conclusion sur la compétence pénale du juge de proximité à l’égard des mineurs, on soulignera que la finalité de ce transfert de compétence pour les contraventions des quatre premières classes est de faciliter le jugement des mineurs. certains considèrent qu’il s’agit là d’une atteinte supplémentaire apportée par la loi au principe de spécialisation des juridictions. Le Conseil constitutionnel a bien tempéré cette critique adressée à la loi en rappelant qu’en la matière, le juge de proximité ne fait que remplacer le juge de police. Mais, malgré la constitutionnalité déclarée de la loi sur ce point et qui plus est sans réserves, les praticiens restent sceptiques sur l’efficacité de cette réforme dans un domaine aussi sensible.

Même si ce contentieux échappait traditionnellement aux juridictions pour mineurs, les professeurs de droit qui ont commenté plus spécifiquement les dispositions de la loi portant sur les mineurs ont unanimement fait part de leur plus grande réserve sur cette modification de l’article 21 de l’ordonnance de 1945 qui oriente les mineurs vers une juridiction dont on ne connaît pas encore « les pratiques ». En effet, ils font remarquer que la commission par des mineurs d’une contravention n’est jamais bénigne. Outre le fait que de telles infractions peuvent tout de même être punies de 750 euros201, un tel comportement peut être annonciateur d’un début de « carrière criminelle », révélateur d’une situation de danger et revêtir une signification particulière lorsqu’il émane d’un mineur.

De fait, ce contentieux revêt une importance et un enjeu particulier qui ne se résume pas à la faible gravité de l’atteinte portée à l’ordre public sanctionnée par une contravention. Le processus de socialisation du mineur et la promotion d’une pédagogie de la responsabilité qui imprègne l’ordonnance ne se réalisent pas par le seul prononcé d’une peine.

Or ces commentateurs à l’unisson avec les magistrats, se demandent si le juge de proximité aura le « savoir-faire » requis pour juger de l’opportunité d’une admonestation, du prononcé d’une amende, du transfert du dossier au juge des enfants pour que le mineur soit éventuellement placé sous le régime de la liberté surveillée. Ce transfert vient contrarier le travail de prévention que leur spécialisation leur permet d’effectuer au quotidien. Le parti pris d’une primauté de l’éducatif sur le répressif qui se dégage de l’ordonnance du 2 février 1945 semble être quelque peu remis en cause par l’attribution de ce contentieux sensible à un magistrat non professionnel et non spécialisé.



Plus généralement et concernant à la fois les mineurs et les majeurs, le Conseil Constitutionnel a jugé ces transferts de compétence en matière pénale, conforme à l’article 66 de la Constitution202 car aucunes mesures privatives de liberté n’a été attribuée au juge de proximité203. Quant aux peines, autres que d’amende, susceptibles d’être prononcées en matière contraventionnelle204 (suspension du permis de conduire, du permis de chasse, confiscation d’armes etc.)205, elles ne peuvent comme on l’a vu précédemment, être assimilées à des atteintes à la liberté individuelle au sens de l’article 66. La « liberté individuelle » à laquelle il fait référence renvoie aux notions de « sûreté » et « d’habeas corpus » et non à une conception large des droits de la personne206.

Le législateur n’a pas non plus méconnu l’étendue de sa compétence en confiant au décret en Conseil d’Etat du 23 juin 2003, le soin de préciser celles de ces contraventions qui seront transférées car il a pris la précaution de préciser dans le nouvel article 706-72 du CPP qu’il ne pourrait s’agir que de contraventions de police207. Ce qui permet de garantir que la juridiction de proximité ne sera pas habilitée à prononcer une peine privative de liberté, ces peines relevant, depuis la réforme du Code pénal, des seules infractions délictuelles ou criminelles à l’exclusion des contraventions de police208. Le renvoi au décret est d’autant moins choquant pour des contraventions, que leur institution relève du domaine réglementaire. Non seulement elles ne sont pas sanctionnées par des peines privatives de liberté mais elles ne sont passibles que d’amendes d’un montant inférieur à celui prévu pour les délits, soit d’un montant maximum de 1 500 euros pour les contraventions de la cinquième classe209.

Comme certains l’ont fait remarqué le juge de proximité statuant en matière contraventionnelle et le tribunal de police constitueront dans les faits, au sein de l’ordre judiciaire, un même degré pénal. Dans ces conditions, il était opportun de renvoyer au décret la répartition détaillée des contraventions de police entre les deux juges, « de manière à régler plus souplement la montée en puissance de la nouvelle juridiction »210.

Il n’en demeure pas moins que l’on donne à un juge non professionnel le pouvoir de prononcer une sanction pénale. C’est pour cette raison qu’il a semblé plus prudent et de meilleure garantie de disjoindre dans une loi organique la question de son statut et de son mode de recrutement. Ceci explique la réserve du Conseil constitutionnel, qui a reporté l’examen de cette partie de la loi à l’examen de la loi organique.



On relèvera qu’en matière pénale la loi est d’interprétation stricte. Ne risque-t-il pour autant d’y avoir aucunes « difficultés sérieuses » d’interprétation ou d’application ? Les auteurs de la loi le pensent puisqu’à la différence de la matière civile, aucune faculté de renvoi n’est prévue en matière pénale en ce cas. Mais c’est peut-être aussi parce que la faculté d’interjeter appel reste ouverte en matière de contraventions et ce, aux termes de l’article 546 du CPP auquel l’article 706-72 nouveau renvoie.


SECTION II : LA PROCEDURE DEVANT LA JURIDICTION DE PROXIMITE



Le Conseil constitutionnel considère que le fait d’étendre aux juridictions de proximité les règles de procédure applicables devant les juridictions dont les compétences leur sont partiellement transférées suffit à justifier du respect de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le Conseil fait aujourd’hui de cet article 16 le vecteur essentiel des droits procéduraux. Exigeant des droits garantis, il justifie l’énoncé de principes qui se rattachent à la sécurité juridique211.

Une observation générale s’impose : il n’y a donc pas de simplification de la procédure devant la juridiction de proximité. Ce constat peut surprendre au vu des motifs de la loi qui assuraient de la nécessité de procéder à une simplification du traitement de certaines affaires par la justice.

En matière pénale et selon l’article 706-72 du Code de procédure pénale, c’est la procédure applicable devant le tribunal de police qui doit être suivie (§2). En matière civile, le nouvel article L. 331-3 du Code de l’organisation judiciaire renvoie aux règles de procédure applicables devant le tribunal d’instance, et l’on observe même quelques curiosité procédurales (§1). Enfin, on examinera les éléments d’articulation voire la « promiscuité » qu’il peut exister entre ce nouvel ordre de juridiction et le tribunal d’instance. Son « autonomie juridictionnelle » affichée tranche avec sa « dépendance administrative » à l’égard du tribunal d’instance (§3).



§1 La procédure en matière civile



La juridiction de proximité statue en droit, selon la procédure suivie devant le tribunal d’instance212. La loi n’a pas prévu de procédure spéciale instituée par décret.

Actuellement, la procédure devant le tribunal d'instance relève du domaine réglementaire. Il convient de se reporter au nouveau code de procédure civile :

. Le tribunal d’instance peut être saisi de quatre façons différentes. Il en est de même pour la juridiction de proximité. L'instance contentieuse peut être introduite soit par assignation à toutes fins, par requête conjointe, par présentation volontaire des parties devant le juge ou encore par simple déclaration au greffe. On ne peut donc pas parler de « procédure simplifiée ». Elle ne sera pas plus simple ni plus efficace que celle qui est actuellement suivie devant le tribunal d’instance.

. la représentation par avocat n'est pas obligatoire (article 827 NCPC). Les parties peuvent se faire « assister » et « représenter » devant le juge de proximité dans les mêmes conditions que devant le Tribunal d’instance. Rappelons à cet effet que devant le tribunal d’instance, les parties peuvent se faire assister ou représenter par un avocat, leur conjoint, leurs parents ou alliés en ligne directe, leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus. La possibilité d’une défense sans assistance ni représentation offre une facilité d'accès certaine au justiciable, mais présente néanmoins le double inconvénient de priver le justiciable des conseils d'un juriste confirmé et de ne pas établir de filtre aux recours213.

. la procédure est orale et le justiciable peut formuler ses prétentions de manière verbale à l'audience (article 843 NCPC).


Cette réforme ne s’inscrit pas dans le cadre des modes de règlements alternatifs, il n’est plus question ici d’une « justice douce », voire informelle ou moins technique, mais d’une procédure à conduire dans le respect des règles lourdes et parfois complexes, pour les justiciables, qui régissent la procédure ordinaire devant les juridictions civiles de droit commun. Au surplus, on voit bien que cette procédure ne sera pas gratuite puisqu’une intervention d’huissier de justice sera nécessaire, au moins pour la délivrance des assignations introductives d’instance et pour la signification des jugements.


- On notera la place particulière faite à la conciliation. Tandis que le juge d’instance « s’efforce de concilier les parties » selon les termes du nouveau Code de procédure civile, le juge de proximité se prononce « après avoir cherché à concilier les parties », selon les termes de l’article L. 331-3 du Code de l’organisation judiciaire. La procédure comprend ainsi une phase de conciliation préalable « obligatoire »214. Il faut noter que jusqu’à présent et sauf exception légale (conseil des prud’hommes, tribunal paritaire des baux ruraux), il n’y avait pas de tentative obligatoire de conciliation dans les procès civils. Le juge avait alors seulement la faculté de concilier les parties, à toute hauteur de la procédure215. Un grand nombre d'interlocuteurs rencontrés par la mission d'information de la Commission des Lois sur l'évolution des métiers de la justice avaient justement souligné que les juges d'instance n'avaient bien souvent pas le temps de tenter de concilier les parties. Fonde-t-on ici sur le juge de proximité, tous les espoirs déçus par le juge d’instance ? Rien n’est moins sûr au vu des dispositions qui suivent.

Le renvoi à la procédure devant le Tribunal d’instance rend l’article 830 du NCPC applicable, de sorte que la conciliation pourra être soit le fait du juge, soit le fait du conciliateur de justice. S’il peut procéder lui-même à cette tentative dans les conditions du tribunal d’instance qui varient selon le mode de saisine216, il peut aussi, avec l’accord des parties, ou même sans leur accord (et c’est là une grande nouveauté), désigner un tiers conciliateur217. Si la tentative de conciliation échoue, il statue selon les règles de procédure applicables devant le tribunal d’instance : il rend alors un véritable jugement, en dernier ressort.

Cette faculté qu’a le juge de proximité, de la même façon que le juge d’instance, de pouvoir déléguer la conciliation à un conciliateur de justice, laisse perplexe quand on sait que ces juges non professionnels sont justement choisis pour leur faculté d’écoute, et notamment parmi les conciliateurs.


- Pouvoir d’injonction du juge en matière de conciliation judiciaire218

L’article 8 de la loi et l’article 18 du décret du 23 juin 2003219 méritent l’attention en ce sens qu’ils donnent le pouvoir au juge de proximité, par décision insusceptible de recours, en l’absence d’accord des parties pour procéder à une conciliation, d’enjoindre les parties de rencontrer un conciliateur qu’il désigne à cet effet pour les informer sur l’objet et le déroulement de la mesure de conciliation. Cette nouvelle disposition est également applicable à l’égard du juge d’instance. Son but est d’inciter fermement les parties à se concilier, sans pouvoir évidemment leur imposer de s’entendre. Cette disposition paraît finalement privilégier le recours aux conciliateurs de justice (plutôt que la conciliation par le juge de proximité lui-même.)

Ce pouvoir d’injonction représente la sanction, non systématique mais laissée à l’appréciation discrétionnaire de juge, du refus des parties de voir leur litige confié à un conciliateur de justice. Le refus des parties ne porterait en effet pas tant sur le principe de même de la tentative de conciliation que sur sa « délégation » à un conciliateur de justice.

On remarquera surtout que là où la loi, celle du 8 février 1995, exigeait un accord strict des parties, pour la nomination d’un conciliateur, la loi du 9 septembre 2002 et le décret du 23 juin 2003, viennent ressusciter une pratique parisienne que la loi de 1995 s’était non seulement refusée à légaliser, mais encore, qu’elle avait semble-t-il voulu interdire. En effet, à l’époque point n’était besoin de venir réglementer la conciliation par une loi. De fait, un texte de loi n’était pas nécessaire pour que le juge puisse, après avoir obtenu l’accord des parties, désigner une tierce personne en qualité de conciliateur. Au départ et lors des débats qui présidèrent au vote de la loi, le projet de loi avait pour objet de faire reconnaître par une loi, une pratique parisienne selon laquelle la nomination d’un conciliateur pouvait être décidée par le juge, sans le consentement des parties : dans ces conditions, on comprend qu’il ait fallu que le législateur prévoit ses devoirs et la durée de sa mission. Mais les sénateurs de l’époque ont à juste raison estimé, que la nomination d’un conciliateur au cours d’un procès n’avait de sens que si les parties en étaient d’accords220. Ce faisant, en subordonnant la nomination à l’accord des parties, le Sénat avait vidé le texte de sa substance. Et la raison pour laquelle ces articles du projet de loi n’ont pourtant pas été supprimés serait politique. Selon MM.Héron et Wiederkehr, il s’agissait alors pour le Parlement de marquer non seulement sa franche opposition à la pratique parisienne, mais de l’interdire221. On s’étonnera donc de voir réapparaître au détour de cette loi et de ce décret une pratique que le législateur entendait condamner.

Enfin, on soulignera que ce « forçage » de la conciliation est tout bonnement contraire à sa philosophie qui fait de l’accord des parties la condition de son succès. Peut-on « forcer » les personnes à se concilier devant un tiers ? Les termes même « d’injonction » et de « conciliation » sont antinomiques. Ne risque-t-on pas de « braquer » définitivement les parties ? En autorisant le juge à passer outre la volonté des parties, l’article 8 de la loi du 9 septembre 2002 porte atteinte au principe fondamental du caractère strictement volontaire de l’entrée en conciliation. Mais cette atteinte est d’autant plus grave que ce principe a pour corollaire le droit de toute personne à un tribunal ou « droit au juge ». C’est parce que l’entrée en conciliation emporte renonciation provisoire au droit au juge qu’elle nécessite le consentement des parties. Une fois l’injonction prononcée, les parties oseront-elles encore refuser l’offre du tiers d’entrer en conciliation ? Si l’intention première d’améliorer l’information des justiciables sur la conciliation est louable, sa mise en œuvre au moyen d’une contrainte est inappropriée et dommageable pour l’image du juge de proximité censé « écouter » et « prendre en considération la volonté des parties ».

Souhaitons que cette mesure fasse seulement partie des nombreuses dispositions visant à « délester » le juge d’instance, et qu’il ne s’agisse que d’une délégation au conciliateur, de la recherche d’un accord de principe sur la conciliation elle-même. A ce stade, cela pourrait tout de même signifier qu’il ne participe plus de la mission du juge, de tenter de concilier les parties ; le juge ne prenant lui-même plus le temps de la recherche d’un accord de principe sur cette conciliation. Si la loi avalise ainsi l’idée répandue selon laquelle le juge n’est pas nécessairement le mieux placé pour suggérer des solutions de compromis autres que celles résultant de l’application des règles de droit, la loi fait disparaître une mesure de précaution qui contribuait à préserver les chances d’une solution amiable du conflit, et consistant pour le juge à la recherche préalable d’un accord des parties.

Pourtant certains auteurs, partant du constat qu’il arrive aux parties d’accepter le jeu de la conciliation par un tiers par l’effet d’une crainte révérencielle à l’égard du juge, souhaitaient justement que le juge qui décide de recourir à la conciliation par un tiers, le fasse en invitant les parties à se rendre devant le tiers désigné à cette fin pour lui faire savoir si elles acceptent ou non le principe d’un traitement négocié du différend. Mais même dans cette hypothèse, il ne faut pas non plus sous-estimer les éventuelles pressions qu’une partie pourra exercer sur l’autre. Aussi il peut paraître opportun de prévoir que l’accord des parties soit recueilli séparément, ou que le juge leur rappelle expressément que l’entrée en conciliation est facultative et qu’elles peuvent y renoncer sans encourir de sanction.


- Il statue en premier et dernier ressort, excluant ainsi toute possibilité d'appel. L’appel semble être écarté même en cas d’appel-nullité puisque la voie de l’appel est fermée. En cas de litige sur la compétence, la voie du contredit devant la cour d’appel n’est pas non plus ouverte. La seule voie de recours ouverte est un pourvoi en cassation. Cette dérogation au double degré de juridiction se justifie par la faible valeur du litige qui rend inopportun l'engagement de frais coûteux. L'exclusion de l'appel des jugements revêt un intérêt pratique permettant d'éviter l'encombrement des ours d'appel et un allongement de la durée des procès.

Cette situation n'a rien de choquant puisque le code de l'organisation judiciaire fixe déjà un seuil en deçà duquel l'appel est impossible pour le tribunal d’instance. Ce taux est actuellement fixé à 3.800 euros222. Jusqu'à cette valeur, le tribunal d'instance223, comme le tribunal de grande instance224 jugent les litiges sans possibilité d'interjeter appel. Au-delà de ce seuil, les affaires sont jugées à charge d'appel.

Comme ce qui se passe actuellement, les litiges civils personnels mobiliers n'excédant pas la valeur de 1.500 euros continueront d'être jugés en dernier ressort. Notons que les litiges de même nature d'une valeur comprise entre 1.500 et 3.800 euros seraient également toujours jugés en dernier ressort par le tribunal d'instance.

Les règles relatives au taux de dernier ressort ne sont donc pas modifiées mais plutôt appliquées au nouvel échelon de proximité.


- Le renvoi au juge d’instance en cas de difficultés juridiques sérieuses

Le juge de proximité sera donc l’unique juge du fait pour les affaires relevant de sa compétence, la Cour de cassation ne pouvant que trancher des questions de droit.

Mais, disposition unique en droit français, le législateur a prévu qu’en cas de difficultés juridiques sérieuses225, le juge de proximité pourra renvoyer au juge d'instance, sur demande des parties ou d'office226, les affaires qui impliqueront une analyse juridique sur l'application d'une règle de droit ou sur l'interprétation de l'obligation liant les parties227.

Normalement, un juge qui statue en droit ne peut décliner sa compétence sans commettre un déni de justice. Il ne s’agit ni d’un appel, ni d’un déclinatoire de compétence, ni d’un « renvoi préjudiciel »228. Le tribunal d’instance auquel l’affaire est renvoyée, doit statuer comme juridiction de proximité. C’est ce qui permet au législateur de sauvegarder le principe d’égalité en évitant que des affaires de même nature soient jugées par des juridictions différentes229.

Ce mécanisme de renvoi traduit la conscience qu’à eu le législateur des difficultés qu’un juge non professionnel pourrait rencontrer dans le fait d’avoir à appréhender les différentes disciplines juridiques. Mais il peut trahir également la défiance du législateur à l’égard de la compétence juridique de ces nouveaux juges, compétence qui souleva une polémique concernant le recrutement de non-juristes. Face à une difficulté juridique dépassant ses capacités, le juge non professionnel est incité à renvoyer le dossier à plus qualifié que lui.

Ce nouveau pouvoir juridictionnel révélateur des ambiguïtés de la situation du juge de proximité a suscité les railleries des commentateurs. Pour n’en citer qu’un, Yvon Desdevises s’interroge en ces termes : « le juge de proximité [serait] un « vrai juge » qui peut ne pas statuer si les affaires (de moins de 1500 euros !) qu’on lui soumet sont trop compliquées et qui s’en remettra alors à un autre juge (encore plus vrai ?), autre juge qui statuera malgré tout en tant que juge de proximité, pour qu’on ne puisse pas dire que des affaires de même nature sont jugées par des juridictions différentes (…) ». En tout état de cause, cette faculté de renvoi contribue à instaurer un certain rapport hiérarchique entre le juge de proximité et le juge d’instance, puisqu’en cas de difficulté, le juge de proximité peut « s’en remettre » au juge d’instance, même si ce dernier statuera comme juge de proximité.

D’autres ont pu faire remarquer et de manière moins polémique, que cette faculté de renvoi au juge d’instance limite l’intérêt d’une juridiction de proximité dont le but est justement de désengorger le tribunal d’instance et de raccourcir les délais de jugement. On entrevoit ainsi que l’intérêt du recours à la juridiction de proximité concernera surtout les litiges « pré-réglés » par les parties et leurs avocats qui auront alors pour fonction première de rechercher un accord amiable et non de soulever une « difficulté juridique sérieuse ». La « logique juridictionnelle », pourtant avancée, serait écartée au profit de la recherche d’un équilibre entre « justice privée » et « force exécutoire ». Ce constat renvoie à l’idée selon laquelle les petits litiges qui mettent en œuvre peu de droit peuvent relever d’un juge non professionnel statuant en équité et ne méritent pas d’accaparer l’attention de magistrats professionnels dont il convient de recentrer l’activité sur l’interprétation de la loi. Ce renvoi en cas de difficulté sérieuse apparaît alors nécessaire parce que la décision est rendue en premier et dernier ressort et qu'il permettra d'unifier la jurisprudence sur un point de droit complexe impliquant une analyse juridique plus poussée.

Cette disposition, aussi « justifiable » soit-elle, reste étonnante en ce qu’elle modifie profondément la conception que l’on peut avoir du juge. Elle ouvre la faculté d’une part, pour un juge de renoncer à exercer sa fonction lorsque des doutes sur ses propres compétences apparaissent230 et d’autre part, aux parties, d’évaluer la compétence de son propre juge231. Robert Badinter, n’avait pas manqué de s’en étonner lors des débats au Sénat. Il doutait de sa licéité au regard de l’article 5 du NCPC, imposant au juge qu’il se prononce sur « tout ce qui est demandé »232. Enfin, comme le font remarquer Catherine Coleno et Jean-Jacques Barbiéri, il n’est pas certain que les débats au cours desquels il sera discuté de la capacité du juge à trancher la difficulté seront toujours conformes à l’idée que l’on peut se faire de la dignité de la justice233.

Le Conseil constitutionnel n’y a vu aucune rupture de l’égalité devant la justice234. Il a considéré que le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, sous la seule réserve que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées. Il estime que la différence de situation, qui tient ici au caractère difficile du problème posé, peut justifier une différence de procédure dans l’intérêt des parties, à condition que les garanties apportées dans l’un et l’autre cas soient équivalentes en ce qui concerne les droits de la défense et notamment l’existence d’une procédure juste et équitable235. Le Conseil considère en l’espèce que ces exigences sont suffisamment garanties par le fait que le tribunal « statuera comme juge de proximité », ce qui est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Un grand nombre de procédures aujourd’hui en vigueur sont d’ailleurs susceptibles de conforter cette décision en ce qu’elles autorisent qu’une affaire soit jugée selon une procédure différente de la procédure habituelle, ou du moins par une formation composée de façon différente de la formation habituelle236.

La pratique nous informera sur l’ampleur du recours à cette procédure et sur la compétence juridique des juges de proximité. La juridiction de proximité incarnera-t-elle une « juridiction-humilité 237» ?

Le décret du 23 août 2003 précise la nature de cette « faculté de renvoi pour difficulté juridique sérieuse ». Il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire et en tant que telle insusceptible de recours. Le juge d’instance reprend la procédure en l’état où l’a laissée le juge de proximité. Il peut réentendre les parties si elles ont déjà plaidé. Il statue en tant que juridiction de proximité.

Le décret précise également, en modifiant le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, que si le juge de proximité utilise la faculté de renvoi qui lui est octroyée par l’article 847-4 nouveau du NCPC, le bénéfice de l’aide subsiste devant la nouvelle juridiction appelée à connaître du litige sans qu’il soit besoin d’une nouvelle admission238.


- Répartition des compétences

Ajouter une nouvelle juridiction au paysage juridictionnel français déjà fort encombré, va le rendre plus complexe. Sans être hostiles à l’idée même d’une justice plus proche des justiciables, certains auteurs estiment inévitable la multiplication des incidents de compétence et le ralentissement du cours de la justice qui s’en suivra. Il va dorénavant falloir effectuer un choix entre trois juridictions pour déterminer quelle est celle qui est apte à statuer. C’est la première difficulté que va rencontrer le justiciable. Choisir la bonne juridiction n’est pas une chose évidente239.

La juridiction de proximité connaît de toutes les demandes incidentes, exceptions ou moyens de défense qui ne soulèvent pas une question relevant de la compétence exclusive d’une autre juridiction240. Toutefois, si l’exception ou le moyen de défense implique l’examen d’une question de nature immobilière pétitoire, la juridiction doit relever son incompétence au profit du tribunal de grande instance241.

L’article 847-5 nouveau du NCPC apporte une réponse aux conflits pouvant naître de la répartition des compétences entre le juge de proximité et le juge d’instance. La règle de principe est que le juge de proximité a l’obligation de renvoyer au juge d’instance toutes les exceptions de compétence. En outre, le juge de proximité peut toujours relever d’office son incompétence et inversement, cette faculté est offerte au tribunal d’instance au profit du juge de proximité. Si la décision du juge d’instance concerne exclusivement sa propre compétence ou la compétence des juges de proximité de son ressort, sa décision ne pourra fait l’objet d’aucun recours242.

Enfin, le décret maintient l’application des articles 96 et 97 du NCPC qui aménagent, de manière générale, la procédure de renvoi des parties devant la juridiction désignée compétente par la juridiction primitivement saisie.

La multiplication des échelons de compétence entraîne une multiplication des risques d’incidents de compétence et ne constitue donc pas un facteur de simplification. Le juge de proximité ne pourra pas connaître de demande additionnelle ou reconventionnelle excédent sa compétence. Toutefois la question de l’utilisation qui sera faite de la technique de la prorogation de compétence, reste posée243. Cette technique permet aux parties, dans les termes de l’article 41 du NCPC, de convenir éventuellement et dès lors que le litige est né, que leur différend sera jugé par une juridiction bien que celle-ci soit incompétente en raison du montant de la demande. Ce qui permettrait aux parties, par le jeu de l’évolution du litige, de rendre de manière artificielle, le TI ou le TGI compétent.



A l'instar du tribunal d'instance, la procédure suivie devant le tribunal de proximité se caractérise par une simplicité formelle et un accès facile au juge. Elle répond ainsi à la nécessité d'offrir un mode de gestion des conflits où le juge et le justiciable sont en contact direct et permanent tout au long de l'instance.

Il faut souhaiter que s’organise une bonne interventions respectives des trois partenaires aujourd’hui concernés que sont le juge d’instance, le juge de proximité, et le conciliateur de justice.



§2 La procédure en matière pénale



La crainte d’une justice à deux vitesses s’exprime par le fait que la nouvelle juridiction statue à juge unique avec un juge non-professionnel. La recherche de la simplicité, de l’efficacité et de la rapidité des procédures rendait inévitable la mise à l’écart d’une formation collégiale, qui pourtant aurait apporté une garantie supplémentaire en faisant de la décision, le résultat d’une discussion et non l’expression d’un juge unique, et qui plus est non-professionnel.

Ce faisant, la juridiction de proximité, empruntent à la procédure du tribunal de police qui siège également à juge unique. La technique institutionnelle du juge unique n’est pas critiquable tant qu’elle se cantonne au jugement des infractions de nature contraventionnelle, ce qui correspond à la limite de compétence impartie à la juridiction de proximité. On rappellera que le Conseil constitutionnel a interdit la généralisation du juge unique à tous les délits dans une décision en date du 23 juillet 1975244.


En matière de contraventions, l’article L 331-5 du Code de l’organisation judiciaire calque la définition des règles de fonctionnement et de la représentation du ministère public sur l’article 706-72 du Code de procédure pénale pour les majeurs (A), et sur l'article 21 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, pour les mineurs (B). De même qu’en matière civile, il n’y a pas de simplification de la procédure.

C’est pour cette raison que le Conseil constitutionnel n’a pas retenu dans sa décision du 29 août 2002, l’atteinte à la « garantie des droits » de l’article 16 de la Déclaration de 1789 dans la mesure où les règles de procédure applicables devant le juge de proximité statuant en matière contraventionnelle sont celles aujourd’hui en vigueur auprès du tribunal de police245. Cette identité de règles de procédure assure leur conformité au modèle de procédure juste et équitable garantissant les droits des parties246.



A- La procédure pénale à l’égard des majeurs


Quant aux règles applicables pour les majeurs, l’article 706-72 nouveau du Code de procédure pénale renvoie pour la procédure aux articles 521 à 549 du même code. Ainsi, ce sont les règles applicables devant le tribunal de police qui vaudront également pour la juridiction de proximité.

La compétence ratione loci sera la même que celle du tribunal de police, à savoir : le lieu de commission, de constatation de l’infraction, ou de résidence du prévenu.

Le ministère public sera représenté conformément aux articles 45 à 48 du Code de procédure pénale par le procureur de la République s’agissant des contraventions de cinquième classe ; par le commissaire de police ou le procureur de la république lui même, s’il le juge utile, s’agissant des contraventions des quatre premières classes247. Enfin, s’agissant d’infractions en matière forestière, cette représentation sera assurée par un ingénieur des eaux et forêts, un chef de district ou un agent technique désigné par le conservateur des eaux et forêts.

Quant à la procédure, conformément au renvoi à celle valable devant le tribunal de police, les règles relatives aux procédures simplifiées telles que l'amende forfaitaire ou l'ordonnance pénale seront applicables248. En fonction des infractions définies dans le décret du 23 juin 2003 et dont la juridiction de proximité pourra être saisie, il est possible de préciser que les deux procédures seront effectivement applicables devant la nouvelle juridiction249.

La saisine de ce juge de proximité pourra s'effectuer, soit par renvoi de la juridiction d'instruction, soit par la comparution volontaire des parties, soit par la citation délivrée directement au prévenu et à la personne civilement responsable de l'infraction.

Le renvoi à l’article 534 autorise le juge de proximité à procéder à l’estimation des dommages, au constat par procès-verbal ou à la réalisation de tout acte requérant célérité, ce qui constitue une habilitation importante.

Il pourrait d’ailleurs se poser une difficulté si le juge constatait des dommages civils supérieurs aux 1500 euros pour lequel il est compétent et ce, en vertu de l’article 539 a2 du Code de procédure pénale qui l’autorise à statuer s’il y a lieu sur l’action civile conformément aux dispositions de l’article 464 alinéa 2 et 3 auquel il est renvoyé.

Quant à l’administration de la preuve, il est procédé là aussi par renvoi aux articles 427 à 457 du Code de procédure pénale. Le procès-verbal dressé par la personne habilitée à le réaliser fait foi jusqu’à preuve contraire rapportée par écrit ou témoignage250.

Le juge de proximité prononcera la peine de contravention s’il estime que les faits constatés constituent une des contraventions visées par le décret n° 2003-542 du 23 juin 2003, à moins que le prévenu bénéficie d’une exemption de peine. En pareil cas, sa compétence quant à l’appréciation de l’action civile reste entière251.

Mais, s’il estime que les faits qu’il constate ne relèvent pas de sa compétence parce qu’ils sont constitutifs de délits ou de crimes, il doit se déclarer incompétent et renvoyer le ministère à mieux se pourvoir.

Aux termes de l’article 544 a2, le prévenu d’une infraction punissable d’une simple peine peut ne pas être personnellement présent et se faire représenter par un avocat ou par un fondé de pouvoir.

Les règles de droit commun relatives au jugement par défaut252 ainsi que celles relatives à l’opposition253 sont applicables.

S’agissant de la validation des mesures de composition pénale, le nouvel article 706-72 du CPP renvoie aux dispositions actuelles des articles 41-2 et 41-3 du CPP.

Enfin, concernant l’appel des décisions des juridiction de proximité en matière pénale, les articles 546 à 549 sont applicables. Bénéficie d’un droit d’appel la partie civile dans tous les cas, lorsque des dommages et intérêts ont été alloués au prévenu, mais également le prévenu, la personne civilement responsable, le procureur de la République, le procureur général ainsi que l’officier du ministère public près le juge de proximité lorsque les sanctions encourues relèvent de contraventions de cinquième classe254, ou lorsque a été prononcée une peine de suspension de permis de conduire ou lorsque la peine d’amende prononcée est supérieure au maximum de l’amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe255.

L’appel est porté devant la Cour d’appel et doit être formé dans les délais de dix jours à compter du prononcé de la décision pour les personnes présentes, ou à compter de sa signification pour les autres. A ce délai de dix jours s’ajoute un nouveau délai de cinq jours en plus des dix jours pour les autres parties lorsque l’une a interjeté appel256.



B- La procédure pénale à l’égard des mineurs


Quant aux règles applicables aux mineurs, le texte renvoie à l’article 21 de l’ordonnance de 1945. Le nouvel alinéa de l’article 21 dispose que « pour les contraventions de police des quatre premières classes relevant de l’article 706-72 du Code de procédure pénale, le juge de proximité exerce les attributions du tribunal de police dans les conditions prévues au présent article. »

Le particularisme de cette procédure concerne les règles de publicité pour lesquelles il est renvoyé à l’article 14 de l’ordonnance : jugement séparé de chaque auteur, publicité restreinte, interdiction de tout compte-rendu, jugement public en présence du mineur.

Quant aux recours, conformément à l’avant dernier alinéa de l’article 21, l’appel des décisions sera porté devant la Cour d’appel dans les conditions prévues à l’article 7 de l’ordonnance n° 58-1274 du 22 décembre 1958 relative à l’organisation des juridictions pour enfants.

Le Conseil constitutionnel reconnaît l’autonomie du droit pénal des mineurs dont les règles du procès pénal sont la traduction formelle d’un droit substantiel spécifique aux mineurs.



§3 Articulation avec la juridiction d’instance


Il existe une proximité importante entre les juridictions d’instance et de proximité au point que l’on peut se demander si l’autonomie tant décriée des nouvelles juridictions ne restera pas finalement théorique. En effet, les compétences de la seconde sont « prélevées » sur les compétences actuelles de la première. Le première remplace la seconde en cas d’indisponibilité. La seconde peut renvoyer des affaires à la première. Les règles de procédure leur sont communes et comme on va le voir dans ce paragraphe, les moyens matériels seront partagés. La loi organique du 26 février 2003 vient d’ailleurs confirmer cette « satellisation » des juridictions de proximité par les tribunaux d’instance.


La nouvelle juridiction qui rend des décisions ayant force exécutoire en matière civile et pénale, statue à juge unique, rien que de très banal pour une juridiction dont la compétence est strictement limitée aux petits litiges civils inférieurs à 1500 euros ainsi qu’à certaines contraventions. D’ailleurs, la juridiction de proximité, empruntent à la procédure du tribunal de police et du tribunal d’instance qui siègent également à juge unique257. Mais le fait que ce soit un juge non professionnel qui statue à juge unique a nourri les craintes d’une justice à deux vitesses. En fait, la recherche de la simplicité, de l’efficacité et de la rapidité des procédures rendait inévitable la mise à l’écart d’une formation collégiale, qui pourtant aurait apporté une garantie supplémentaire en faisant de la décision, le résultat d’une discussion et non l’expression d’un juge unique et qui plus est non-professionnel.


Ces juridictions qui statuent à juge unique, peuvent tenir des audiences foraines en tout lieu public approprié de leur ressort dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’Etat du 23 juin 2003. Aux termes de l’article R. 321-44 du COJ, ces audiences peuvent se tenir à la mairie258, ainsi que dans les « Maisons de justice et du droit » et tout local ouvert au public et aménagé à cet effet. On notera que ce sont ces mêmes lieux qui accueillent déjà les conciliateurs de justice.

Ce concept de « justice itinérante », se déplaçant au gré des besoins, pour tenir des audiences foraines périodiques, n’est pas nouveau. Les juges de paix tenaient des audiences foraines et, aujourd’hui encore, le juge d’instance peut être autorisé à tenir des audiences hors de son siège habituel. La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a introduit un nouveau titre dans le Code de l’organisation judiciaire. L’article L. 7-10-1-1 du COJ dispose que « les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent tenir des audiences foraines dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ». Cette disposition avait pour but d’inciter à un plus large usage de cette possibilité. La généralisation des audiences foraines devait faciliter la réussite d’un objectif qui déjà à l’époque était d’assurer le maintien d’une justice de proximité. Mais il semblerait toutefois qu'actuellement, les juridictions utilisent peu cette faculté. C'est pourquoi le Gouvernement a tenu à rappeler l'existence d'un tel mécanisme afin de marquer la nette volonté de le faire fonctionner plus activement dans les juridictions de proximité. Le juge de proximité pourra donc se déplacer dans tout le ressort afin de répondre au plus près aux besoins locaux de la population. Elles sont censées assurer une présence judiciaire au niveau le plus pertinent afin d'offrir au justiciable un juge facilement accessible. Une telle solution est apparu préférable à l'implantation d'une juridiction par canton, inspirée des anciennes justices de paix, qui aurait conduit à accroître l'éparpillement des juridictions sur le territoire.

Cette faculté réservée par la loi au juge de proximité lui permettra donc, si nécessaire et pour l’organisation d’une meilleure justice, de siéger ailleurs que dans la salle d’audience du Tribunal d’instance auquel il est rattaché. Néanmoins, ses audiences étant publiques, puisque s’imposent à lui les règles du NCPC, il risque de se poser le problème des locaux à « découvrir », suffisamment grand pour contenir tout le public. On relèvera encore que dans la majorité des cas, alors que pour cause d’encombrement, les tribunaux d’instance ne peuvent pas accueillir dans leurs locaux les conciliateurs de justice, ils devront néanmoins trouver sans délai des cabinets de travail disponibles pour y installer les nouveaux magistrats de proximité.


L’article L. 331-1 du COJ affirme clairement que ce sont de nouvelles juridictions qui se trouvent ainsi créées dans le ressort de chaque Cour d’appel.

Comme pour toute juridiction, le siège et le ressort sont fixés par décret en Conseil d'État, ce qui permettra éventuellement une installation déconcentrée259. (Art. L. 331-6 COJ)

Des ressorts et des sièges identiques pour la juridiction de proximité et la juridiction d'instance ainsi qu'une même procédure applicable, sont censés assurer au justiciable la garantie d'une continuité du service public de la justice et d'une égalité de traitement260. Actuellement, le ressort du tribunal d'instance prend en principe pour référence l'arrondissement (soit en moyenne une dizaine de cantons), tandis que le ressort du tribunal de grande instance, plus large, a pour référence le département. Le Gouvernement ne s’est pas risqué à ressusciter la notion de « juridiction cantonale », prenant pour siège le canton, comme c’était le cas au XIXème siècle avec les juges de paix.

La logique de ces dispositions est donc d’en faire des juridictions très proches des tribunaux d’instance. On notera qu’un quadrillage plus serré que celui qui est calqué sur les tribunaux d’instance aurait exprimé plus nettement encore la proximité affichée.


La compétence territoriale du juge de proximité en matière civile est déterminée selon les règles applicables au tribunal d’instance261.


La Chancellerie a prévu une mutualisation des moyens financiers et humains des juridictions de proximité et d’instance, qui partageront les mêmes locaux, mais aussi le même personnel et notamment les greffiers.

Les articles L. 811-1 et R. 811-7 modifiés du Code de l’organisation judiciaire prévoient la dotation aux juridictions de proximité d’un secrétariat-greffe relevant de la fonction publique. C’est le siège du tribunal d'instance qui va accueillir celui du tribunal de proximité et partager son secrétariat-greffe afin de rendre le juge de proximité très accessible, mais au risque de créer une structure plus lourde à gérer262.

Il est manifeste que le rôle du greffier sera ici particulièrement renforcé. On attend de lui qu’il apparaisse comme c’est aujourd’hui le cas pour les juridictions commerciales, comme un véritable « sachant », à même de conseiller les juges non professionnels. On ne peut s’empêcher une comparaison avec la procédure en vigueur en Grande-Bretagne, au cours de laquelle c’est le greffier qui littéralement « met en forme » la décision rendue par le juge.


L’article L. 331-9 du COJ illustre bien cette proximité à l’égard du tribunal d’instance. En effet, pour pallier toute difficulté éventuelle de recrutement ou pour répondre aux cas d'absence ou d'empêchement du juge de proximité désigné, il est prévu que le juge d'instance du ressort, dans ces hypothèses, pourra exercer les fonctions du juge de proximité. Il s'agit, d'une part, de permettre une mise en place progressive des tribunaux de proximité qui ne fonctionneront véritablement qu'après l'entrée en fonction des juges de proximité. Le dispositif proposé vise donc à éviter une paralysie du traitement judiciaire en cas d’insuffisance d’effectif. Cette disposition vise, d'autre part, à prendre en compte la spécificité du recrutement des futurs juges de proximité qui pourraient continuer l'exercice de leur profession d'origine concomitamment aux fonctions judiciaires. Il n'est donc pas exclu qu'ils soient parfois soumis à certains empêchements liés à leur activité professionnelle ou qu’ils fassent tout simplement défaut.


Compte tenu des relations étroites que ne manqueront pas d'entretenir juridictions de proximité et tribunaux d'instance - ressort identique, secrétariat-greffe commun, connexité des compétences, faculté de renvoi au juge d'instance en cas de difficulté sur le fond, il été jugé préférable de confier l'organisation de l'activité et des services de la juridiction de proximité au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance dans le ressort duquel se trouve la juridiction de proximité.

On remarquera que de manière bien incongrue, c’est à l’article 41-18 nouveau de l’ordonnance de 1958, issu de la loi organique du 26 février 2003 relative au statut des juges de proximité, que l’on trouve une règle d’organisation importante de la juridiction de proximité puisqu’elle désigne l’autorité chargée de la diriger. « L’organisation de l’activité et des services de la juridiction de proximité est confiée au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l’administration du tribunal d’instance dans le ressort duquel se trouve la juridiction de proximité. » Il s’agissait de remédier à une lacune de la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. Dans sa décision en date du 20 février 2003 chargée d’examiner le projet de loi organique, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de relever que cet article, sans être contraire à la Constitution, n’avait que la valeur de la loi ordinaire dans laquelle il aurait dû prendre place.

Selon le décret du 23 juin 2003, applicable à compter du 15 septembre 2003, il est procédé à l’installation des juges de proximité, en séance publique, par le magistrat chargé de la direction et de l’administration du tribunal d’instance dans le ressort duquel la juridiction de proximité a son siège263. Celui-là même qui aux termes de l’article 41-18 nouveau de l’ordonnance de 1958 est chargé de diriger la juridiction de proximité. Il fixe également par une ordonnance annuelle la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction.

En application des dispositions de l’article L. 331-8, ce même magistrat fixe par ordonnance, en fonction des nécessités locales et après avis des chefs du tribunal de grande instance, le lieu, le jour et la nature des audiences que peut tenir la juridiction de proximité en tout lieu public approprié autre que celui où est fixé son siège264.


Le juge de proximité élabore annuellement un rapport général d’activité adressé au magistrat chargé de la direction et de l’administration du tribunal d’instance, qu’ils présentent oralement à l’assemblée, aux termes des l’articles R. 331-6 et R. 762-3 du COJ.

Le décret du 23 juin 2003, détermine également les pouvoirs des chefs de tribunaux de grande instance concernant le fonctionnement des juridictions de proximité de leur ressort. Le président du tribunal de grande instance et le procureur de la République sont chargés de l’inspection des juridictions de proximité de leur ressort. Ce contrôle consiste en la vérification que ces nouvelles juridictions respectent le principe de la bonne administration des services judiciaires et procèdent à une expédition normale des affaires265.


Malgré l’autonomie déclarée de la juridiction de proximité, on assiste au travers de son organisation administrative à une « satellisation » des juridictions de proximité par les tribunaux d’instance, eux-mêmes satellites des tribunaux de grande instance266. La « tutelle administrative » entraînera-t-elle dans les faits une « tutelle juridictionnelle » ? Elle serait en tout cas souhaitable au vu de leur statut : d’une part, des conditions de recrutement ouvertes peuvent engendrer des disparités de « capacité juridique », et d’autre part, aucune garantie statutaire d’indépendance ne peut remplacer une « culture de l’indépendance » qui s’apprend au quotidien et notamment au sein des formations collégiales, dont malheureusement les juges de proximité ne peuvent faire partie.

CHAPITRE II : LE STATUT DES JUGES DE PROXIMITE



La loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juge de proximité constitue la seconde étape de l’instauration d’une juridiction de proximité, initiée par la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. Elle ajoute, à la suite du chapitre V quater de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, un « chapitre V quinquies » relatif aux juges de proximité, largement inspiré du statut des magistrats exerçant à titre temporaire, inséré au « chapitre V quater »267. En effet, Le juge de proximité est également un juge non professionnel qui peut exercer une activité professionnelle concomitamment à ses fonctions judiciaires.

Les nouveaux articles 41-17 à 41-23 insérés dans l’ordonnance, déterminent les règles statutaires qui sont applicables aux juges de proximité en matière de recrutement, de nomination, de formation, d’incompatibilité et de discipline. Le décret d’application n° 2003-438 du 15 mai 2003 et l’arrêté du même jour précisent les conditions et modalités du recrutement des juges de proximité.

C’est à raison de leur caractère organique que les dispositions statutaires relatives au recrutement, à la nomination, à la formation, à la discipline et au statut du juge de proximité ne figurent pas dans la loi du 9 septembre 2002.

On va voir à titre liminaire que les auteurs de la réforme ont dû, pour élaborer ce statut, tenir compte de l’avis du Conseil d’Etat et de la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002.


- De la nécessité d’une loi organique pour garantir le statut des juges de proximité

L’avant-projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice comportait bien à l’origine un volet statutaire mais le Conseil d’Etat a disjoint ce volet, estimant qu’il relevait de la loi organique en vertu de l’article 64 de la Constitution, aux termes duquel les dispositions mettant en cause le statut des magistrats relèvent du domaine de cette catégorie de loi dont on sait qu’elle n’intervient que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution.

Le Conseil d’Etat a estimé que, compte tenu de la nature des attributions confiées au juge de proximité, comme de l’intensité des liens tissés par la loi entre juge d’instance et juge de proximité268, ce dernier se trouve dans la situation d’une catégorie de juge qui existe déjà, celle des juges non professionnels exerçant à titre temporaire au sein des juridictions judiciaires.

Or, le Conseil constitutionnel avait justement considéré que le statut de ces juges temporaires devait les soumettre aux droits et obligations applicables aux magistrats professionnels « sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu’impose l’exercice à titre temporaire de leurs fonctions 269». L’hypothèse était cependant un peu différente de celle des juges de proximité puisque les magistrats exerçant à titre temporaire exerçaient leurs fonctions au sein même des juridictions judiciaires ordinaires, sans constituer comme les juges de proximité, une juridiction à part entière. Dans ces conditions, « leur statut présentait une connexité naturelle avec celui des magistrats professionnels »270 au côté desquels ils exerçaient. En tout état de cause, le Conseil avait admis que le statut des magistrats figure dans une loi organique, bien que ces magistrats exerçant à titre temporaire ne soient pas des magistrats de carrière.

Ainsi, les dispositions statutaires présentes dans l’avant-projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice ont ainsi été reprises dans un texte de loi organique autonome, moyennant quelques modifications.


- Des problèmes posés par un examen distinct des volets institutionnel et statutaire

Les contraintes de calendrier imposées pour le vote d’une loi organique n’ont pas permis au Parlement d’examiner ce texte organique concomitamment à celui de la loi d’orientations et de programmation pour la justice au cours de la session extraordinaire de l’été 2002.

En effet, aux termes de l’article 46 de la Constitution, la procédure d’adoption de ces lois est plus contraignante que celle des lois ordinaires. Les lois organiques ne peuvent être soumises à la discussion et au vote que quinze jours à compter de leur dépôt. En outre, à défaut d’accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur le contenu des dispositions, l’Assemblée ne peut faire prévaloir son point de vue sur celui su Sénat qu’en statuant en dernière lecture à la demande du gouvernement conformément à l’article 45 alinéa 4 et en se prononçant à la majorité absolue de ses membres. Enfin, la transmission du texte avant sa promulgation au Conseil constitutionnel est obligatoire en application de l’article 61 alinéa 1 de la Constitution et le Conseil doit statuer sur l’ensemble des dispositions du projet de loi organique sans se contenter de répondre aux critiques ciblées des sénateurs ou députés.

Il a résulté de cette disjonction de texte et de procédure une adoption anticipée de la loi du 9 septembre 2002 bien qu’elle-même ait été déférée au contrôle du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution271. Lors du contrôle de cette loi ordinaire, le Conseil a précisé dans sa décision du 29 août 2002 que les dispositions relatives à la juridiction de proximité contenues dans cette première loi ne déploieront leurs effets qu’après l’adoption du volet statutaire et seulement si celui-ci est déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Par conséquent, si la loi organique du 26 février 2003 n’avait pu voir le jour, c’est tout le titre II de la loi du 9 septembre 2002 qui serait resté définitivement « paralysé » et inappliqué.

La saisine des parlementaires à l’encontre de la loi ordinaire a justement tenté de remettre en cause cette scission des textes comme entachant de nullité le titre II « inachevé » chargé de définir seulement les compétences, l’organisation et le fonctionnement de la juridiction de proximité. Le Conseil constitutionnel a rejeté l’argument d’ « incompétence négative » du législateur. Le Conseil ne conteste pas qu’au nombre des règles concernant la création de « nouveaux ordres de juridictions » et en vertu de l’article 34 de la Constitution figurent celles relatives au mode de désignation et, plus généralement, au statut de leurs membres272. Mais, le Conseil constitutionnel n’a pas jugé contraire à la Constitution, le fait que les dispositions relatives à la compétence et à l’organisation d’une juridiction soit présentées dans un texte à la fois antérieur et distinct de celui qui est relatif au statut de leurs membres. Il convient toutefois de préciser que l’adoption de ces deux textes n’aurait pas été possible dans l’ordre inverse puisque les garanties d’indépendance et de capacité que doit offrir le statut sont fonction des attributions exercées. A défaut, et s’agissant du statut, le législateur ne serait pas en mesure de se prononcer « en connaissance de cause ».

Cette antériorité de la loi ordinaire conduit cependant selon MM. Mathieu et Verpeaux, à faire de la loi organique, une loi d’application de la loi ordinaire. Ainsi, le contrôle des dispositions législatives contestées permet au Conseil constitutionnel d’adresser au législateur organique un certain nombre de directives. Directives d’autant plus suivies que la loi organique fera nécessairement l’objet d’un contrôle de constitutionnalité273. Ce faisant, le Conseil reporte l’examen de la constitutionnalité des dispositions législatives à celui de la loi organique qui la mettra en œuvre.



Au regard de l’article 64 de la Constitution et aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002, le transfert de compétences judiciaires à un nouvel ordre de juridiction composé de juges non professionnels est possible s’il porte sur une part limitée des attributions dévolues aux juridictions judiciaires ordinaires et si des garanties statutaires appropriées sont prises, permettant de satisfaire à la fois au principe d’indépendance indissociable de l’activité juridictionnelle et aux exigences de capacité. En l’espèce, la première condition est satisfaite comme on l’a montré tout au long du chapitre précédent274.

Quant à la seconde condition, qui tient aux conditions de désignation et au statut des intéressés, le Conseil constitutionnel l’a rappelée dans sa décision du 29 août 2002 et vérifiée lors de l’examen de la loi organique le 20 février 2003. Le statut des juges de proximité satisfait au principe « d’indépendance » (Section II) et aux exigences de « capacité » (Section I) découlant respectivement des articles 16 et 6 de la Déclaration de 1789. Conformément à l’exposé des motifs du projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice, ce statut s’inspire des règles régissant les magistrats à titre temporaire, mais élargit, d’une part, le champ de recrutement et assouplit, d’autre part, la procédure de nomination, pour tenir compte des difficultés rencontrées lors de sa mise en œuvre275.



SECTION I : LES CONDITIONS DE « CAPACITE »



Tenant compte des raisons de la mise en échec du recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire, dans l’élaboration du statut des juges de proximité, catégorie assez proche par certains aspects, les auteurs de la réforme ont pris soin d’élargir les conditions de son recrutement en ouvrant l’accès aux fonctions de juge de proximité à des personnes disposant d’expériences professionnelles variées et non exclusivement juridiques (§1). En contrepartie et pour garantir la qualité de ce recrutement, des conditions de formation permettant une ultime sélection pratique ont été instituées (§2). On voit ainsi que la notion de « capacité » telle qu’elle résulte de l’interprétation de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 par le Conseil constitutionnel qui a approuvé ce dispositif, ne se réduit pas à la seule détention de connaissances théoriques276.



§1 Des conditions de recrutement ouvertes : des compétences juridiques acquises par l’expérience


Le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision du 20 février 2003, « que si aucune règle de valeur constitutionnelle ne s’oppose à des conditions de recrutement différenciées aux fonctions de juge de proximité, c’est à la condition que le législateur organique précise lui-même le niveau de ‘’connaissances’’ ou ‘’d’expériences juridiques’’ auquel doivent répondre les candidats à ces fonctions, de manière à satisfaire aux exigences de capacité qui découlent de l’article 6 de la Déclaration de 1789 » qui seules permettent d’assurer l’égalité des citoyens devant la justice. La question de la définition des critères de recrutement apparaît ainsi cruciale. Ceux qui ont été retenus révèlent que la « capacité » de juger d’un juge de proximité ne s’apprécie pas selon des critères strictement équivalents à ceux actuellement définis pour les autres catégories de magistrats professionnels.


La large ouverture du recrutement sur la société civile qu’a opéré le législateur contribue à diversifier la composition actuelle du corps des magistrats. Elle vise d’une part à tenir compte d’un échec précédent, lors de l’institution d’une nouvelle catégorie de magistrats, les « magistrats exerçant à titre temporaire », causé en partie par le caractère par trop restrictif de ses conditions de recrutement. Mais elle vise surtout et d’autre part, à s’adapter au schéma d'organisation différencié qu’institue la juridiction de proximité qui instaure une véritable distinction entre un « petit contentieux », peu technique et où l'approche psychologique s'avère capitale, et un « grand contentieux » qui seule réclamerait une spécialisation et des compétences juridiques plus poussées. Les critères de sélection retenus s’adaptent à la nature particulière et originale des juridictions de proximité, inspirées des anciens juges de paix ou encore des actuels « magistrates courts » britanniques.


L’ordonnance de 1958 a déjà été confrontée à cette catégorie particulière que sont les magistrats non professionnels exerçant pendant une durée limitée à travers les fonctions de conseillers et avocats généraux près la Cour de cassation en service extraordinaire277, de fonctionnaires détachés temporairement dans les fonctions de magistrats278, les magistrats à titre temporaire279, et enfin les conseillers de Cours d’appel en service extraordinaire280.

On remarquera que la double exigence d’une « compétence et d’une expérience qualifiant particulièrement le candidat pour l’exercice des fonctions judiciaires » figure systématiquement parmi les conditions posées lors des différents recrutements de ces magistrats non professionnels.

Le Conseil constitutionnel s'est toujours efforcé d'examiner avec rigueur les critères de sélection définis pour chacune des catégories de ces magistrats, leur « capacité » constituant une condition de leur indépendance et déterminant la qualité des jugements. Il a par exemple accepté qu'à l'occasion de certains recrutements ne figure dans la loi organique aucune qualification juridique particulière sous réserve que « les connaissances juridiques des candidats » puissent être vérifiées281.

Les critères de sélection sont définis au regard des spécificités de la juridiction dans laquelle les intéressés auront vocation à siéger. L’exigence de qualification et d’expérience ne sont pas les mêmes selon que le magistrat est susceptible d’être nommé dans une juridiction de second ou de premier degré282. La part limitée des compétences dévolues aux juridictions de proximité, ainsi que le fait qu’elles constituent le degré de base des juridictions de première instance, explique la large ouverture dans le recrutement de ses membres.

En outre, les auteurs de la réforme ont tenu compte d’un précédent, celui de l’échec dans le recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire dont les caractéristiques proches de celles du juge de proximité, ont servi d’exemple statutaire283. Les « magistrats exerçant à titre temporaire » peuvent exercer leur fonction comme juge d’instance ou assesseur des tribunaux de grande instance pendant 7 ans. Le critère de recrutement est « la compétence et l’expérience qui qualifient particulièrement ces personnes pour exercer ces fonctions ». La grande originalité à l’époque, est que ces magistrats peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires. La mesure était perçue comme organisant une sorte de temps partiel pour aider les tribunaux de base surchargés.

La création des magistrats exerçant à titre temporaire constituait un mode de recrutement prometteur à même de contribuer à renforcer les moyens humains des tribunaux d’instance. Ils présentaient le mérite de venir diversifier le corps judiciaire en associant le citoyen à la justice « avec pragmatisme et à peu de frais »284. Mais cette réforme n’a pas rencontré le succès escompté dans la mesure où seulement treize de ces magistrats ont pu être recrutés à ce jour285. Aussi, tenant compte des raisons de cet échec dans l’élaboration du statut des juges de proximité, les auteurs de la réforme ont pris soin d’élargir le champ de son recrutement.


Concernant la « compétence juridique théorique » des juges de proximité, l’hétérogénéité de leur recrutement révèle que cette qualité traditionnellement attendue des magistrats n’est pas déterminante pour leur recrutement. Il est vrai que leur compétence d’attribution limitée aux « petits litiges » de la vie quotidienne, est censée les prémunir d’une confrontation à des questions d’une trop grande complexité technique. Rappelons également qu’en matière civile, une faculté de renvoi au juge d’instance statuant comme juge de proximité, a été justement prévue en cas de« difficultés juridiques sérieuses ». En outre certains domaines de compétence sollicitant une grande maîtrise des techniques du droit, comme le contentieux familial ont été délibérément exclus des attributions du juge de proximité.


Avant d’examiner en détail les six « profils » retenus par la loi organique, passons en revue les conditions générales de recrutement qui leur sont communes, énumérées aux termes de l’article 41-17 nouveau de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature.

Le juge de proximité doit avoir entre 35 et 75 ans286. L’âge minimum requis a été volontairement reporté de 30 à 35 ans il apparaissait plus conforme aux spécificités des fonctions de juge de proximité qui exigent « une certaine maturité et une expérience professionnelle suffisamment longue ». D’emblée, la notion d’ « expérience » s’annonce comme un critère de recrutement cruciale.

Ils doivent en outre remplir les conditions prévues à l’article 16 de l’ordonnance de 1958, c’est-à-dire être de nationalité française, jouir de leurs droits civiques, être de bonne moralité en présentant un casier judiciaire vierge, et remplir les conditions d’aptitude physique nécessaires.

Les juges de proximité sont recrutés pour une durée de 7 ans, non renouvelable. Ce dernier point a été très discuté, finalement c’est une durée identique à celle actuellement en vigueur à l’égard des « magistrats exerçant à titre temporaire, qui a été retenue. Le choix de cette durée répond au souci d'assurer, comme le précise le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi organique, « une certaine permanence dans des fonctions qui sont par nature intermittentes » et permet au système judiciaire de bénéficier de juges qui, après un temps d'adaptation, resteront en poste suffisamment longtemps pour mettre à profit l'expérience ainsi acquise et être clairement identifié par les justiciables. Le renouvellement des fonctions n’a en revanche pas été retenu car l'exercice continu durant quatorze ans des fonctions de juge de proximité, fût-il à temps partiel, aurait conduit à le « professionnaliser », ce qui n’a pas été jugé conforme à l'esprit de la réforme.

Sous ces conditions générales, peuvent être nommés aux fonctions de juges de proximité :


1- les anciens magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.

Les anciens magistrats de l'ordre judiciaire visés dans la loi du 26 février 2003, ne concernent que les magistrats membres du corps judiciaire limitativement énumérés à l'article 1 de l'ordonnance relative au statut de la magistrature du 22 décembre 1958, à savoir :

. Les magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation, des Cours d'appel et des tribunaux de première instance ainsi que les magistrats du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice ;

. Les magistrats du siège et du parquet placés respectivement auprès du premier président et du procureur général d'une Cour d'appel et ayant qualité pour exercer les fonctions du grade auquel ils appartiennent à la cour d'appel à laquelle ils sont rattachés et dans l'ensemble des tribunaux de première des tribunaux de première instance du ressort de ladite cour ;

. Les auditeurs de justice.


2 - les personnes âgées de 35 ans au moins que leur compétence et leur expérience qualifient pour exercer ces fonctions, titulaires d’un diplôme bac + 4, et justifiant d’au moins 4 ans d’expérience professionnelle dans le domaine juridique.

Dans cette hypothèses, le diplôme requis n’est pas forcément un diplôme juridique, il suffit qu’il sanctionne un cursus de quatre années d’étude après le baccalauréat. On soulignera que s’il n’est pas non plus requis de diplôme juridique pour présenter le concours de la magistrature, le candidat à l’ENM doit satisfaire à des épreuves de connaissances juridiques spécialisées et d’un niveau élevé, qui permettent une sélection sur la base d’un raisonnement approprié à l’application des textes. On soulignera que les compétences en matière juridique n’équivalent pas à une « culture juridique », qui conditionne justement l’examen d’entrée à l’ENM.


3 - les personnes âgées de 35 ans au moins que leur compétence et leur expérience qualifient pour exercer ces fonctions, membres ou anciens membres des professions libérales juridiques et judiciaires réglementées et justifiant d’au moins 4 ans d’expérience professionnelle dans le domaine juridique.

La condition de diplôme n’est pas exigée, mais en pratique, elle sera remplie puisque les catégories visées sont les avocats, avoués, notaires, avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat, greffiers des tribunaux de commerce, administrateurs et mandataires judiciaires (maîtrise en droit), huissiers, commissaires-priseurs (licence en droit) et experts-comptables.

On notera enfin, s’agissant des deux derniers profils (n° 2 et n°3), qu’à la différence des magistrats exerçant à titre temporaire, c’est une durée d’expérience professionnelle de trois ans plus courte qui a été retenue287.


4 - les personnes justifiant d’au moins 25 ans d’activité dans des fonctions de direction ou d’encadrement dans le domaine juridique les qualifiant pour l’exercice des fonctions judiciaires.

Cette disposition vise des personnes ayant exercé des fonctions de direction ou d’encadrement, sans distinction entre emploi public ou privé.

Le Conseil constitutionnel a censuré en partie l’article 41-17 nouveau de l’ordonnance, estimant qu’il ouvrait de façon manifestement excessive la possibilité de se porter candidat aux fonctions de juge de proximité.

S’agissant en effet de cette troisième catégorie de candidats, le Conseil a estimé que le législateur avait commis une « erreur manifeste » en étendant ces fonctions d’encadrement, sans exigence particulière de connaissances ou d’expériences juridiques, aux anciens responsables de services administratifs, économiques ou sociaux. Ce faisant, il censure le recrutement des non-juristes comme étant contraire à l’article 6 de la Déclaration des droits de 1789, sur l’égalité des citoyens devant la justice.

La possibilité accordée au CSM de subordonner le recrutement à une formation probatoire n’apparaissait pas suffisante pour garantir les compétences des personnes recrutées. Ainsi, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les trois termes : « [domaine] administratif, économique et social », en considérant que le législateur organique aurait dû préciser le niveau de connaissances ou d’expériences juridiques des candidats issus de ces trois secteurs d’activité.


5 - les anciens fonctionnaires de catégorie A et B des services judiciaires que leur expérience qualifie pour l’exercice des fonctions judiciaires.

Sont ici visés les anciens fonctionnaires du Ministère de la Justice et plus particulièrement les anciens greffiers en chef (catégories A) et greffiers (catégorie B)288. Cette rédaction, proposée par les députés, plus restrictive en ce qu’elle n’ouvre l’accès qu’au profit des anciens fonctionnaires issus uniquement des services judiciaires, l’a emporté sur celle des sénateurs d’ouvrir plus largement l’accès aux anciens fonctionnaires et aux anciens militaires de catégorie A, sans distinction d’appartenance aux services judiciaires.


6 - les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins 5 ans289.

Rappelons que pour être nommé conciliateur, il faut justifier d’une expérience en matière juridique de trois ans ou attester d’une compétence et d’une activité particulièrement qualifiée pour cette fonction290. Ils sont nommés par ordonnance motivée du premier président de la Cour d’appel après avis du procureur général près la Cour d’appel et du juge d’instance pour une période d’un an, à l’issue de laquelle ils peuvent être reconduits dans leurs fonctions pour une période renouvelable de deux ans.

La formulation retenue doit être comprise comme excluant l’exercice concomitant des fonctions de juge de proximité et de conciliateur. De fait, le décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice précise que l’exercice de ces fonctions est interdit aux personnes « qui exercent, à quelque titre que ce soit, des activités judiciaires ou qui participent au fonctionnement du service de la justice ».

On notera que les députés ont supprimé la faculté de recruter les assesseurs des tribunaux pour enfants, option qui avait été introduite par le Sénat291.


- Enfin, on peut ajouter une dernière catégorie désignée implicitement aux termes de l’article 41-22 de l’ordonnance, consacré aux incompatibilités liées à l’exercice concomitant d’une activité professionnelle. En effet, Afin de préserver le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, les juges de proximité ne peuvent exercer aucune activité d’agent public, à l’exception, conformément au statut de la magistrature, de celle de professeur et de maître de conférences à l’université. De fait, leur formation, leurs compétences et leur statut les placent dans une position d’indépendance compatible avec l’exercice de fonctions judiciaires292. En revanche, le texte ne précise pas s’ils doivent dispenser ou non un enseignement juridique.


Les conditions du recrutement ont évolué au cours de la navette parlementaire. Le Gouvernement avait d’abord songé à un premier équilibre, privilégiant le recrutement de personnes à profil nettement juridique, au terme duquel seulement deux catégories avaient été retenues : d’une part, les anciens magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif, et d’autre part, les personnes âgées de trente ans au moins, que leur formation juridique293 et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer une fonction judiciaire, sans être intégrés à la magistrature. L’idée était donc que ces magistrats particuliers, extérieurs au corps judiciaire, puissent régler certaines difficultés avec une certaine marge de manœuvre, mais sans méconnaître des règles essentielles du droit lesquelles leur seraient familières du fait de leur formation et de leur profession.

La discussion parlementaire a considérablement élargi les bases du recrutement en autorisant également la nomination d’anciens fonctionnaires des services judiciaires de catégorie A et B, de cadres ayant eu des fonctions de responsabilité pendant au moins vingt-cinq ans, de conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans. D’un coté, le Sénat, prenant en compte la nature du contentieux porté devant les juridictions de proximité, mettait en avant les qualités autres que strictement juridiques que devait requérir les juges de proximité, notamment pour concilier les parties. Il préconisait en conséquence une large ouverture du recrutement faisant primer l’ « expérience de la vie ». D’un autre coté, les députés tentaient de tempérer cette ouverture qu’ils jugeaient excessive. Au final, les conditions de recrutement ont été recentrées sur des candidatures plus adaptées aux missions juridictionnelles imparties aux juges de proximité.

Mais l’équilibre auquel on aboutit est différent de celui du projet gouvernemental et il a été très critiqué car ce sont désormais des magistrats d’origine professionnelle et de formation très diversifiées qui peuvent exercer des fonctions judiciaires, même s’ils ne sont cependant pas intégrés au corps judiciaire, comme on le verra par la suite. Si ce recrutement a l’avantage d’aérer le corps des magistrats professionnels, il doit être utilisé avec prudence, l’élément intégré au corps pouvant ne pas rester totalement indépendant de son milieu d’origine.

Aussi, il appartiendra dans tous les cas et en dernier lieu au CSM d’apprécier si l’expérience du candidat le qualifie pour l’exercice des fonctions judiciaires.


La volonté d’élargir les critères de recrutement répond à deux motivations. Le gouvernement motive son choix d’un magistrat non-professionnel d’abord par « le souci de recrutement d’un nombre de juges de proximité propre à couvrir l’ensemble du territoire » rapidement et, ensuite, par les « modalités de leur intervention, qui privilégiera l’action de terrain et la disponibilité dans le dialogue avec les justiciables ».

Le but premier est d’assurer le succès de la création de cette toute nouvelle juridiction. Le sénateur Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois a ainsi expliqué que « des conditions trop rigides préfigureraient un échec de cette réforme, [que] les juges de proximité doivent être recrutés le plus largement possible parmi les personnes de la société civile. Un déficit de candidatures hypothéquerait gravement l’avenir des juridictions ».

Le caractère hétérogène de cette liste a été justifié dans un second temps par le fait que le « savoir faire », les « qualités psychologiques et humaines » ainsi que la disponibilité étaient aussi importantes que les compétences juridiques, voire primordiales pour la qualités des décisions rendues. Il a été avancé en ce sens que « les citoyens sont en droit d’attendre un juge faisant preuve avant tout de bon sens et disposant d’une bonne connaissance des choses de la vie et d’une grande écoute».

De manière générale, l’expérience professionnelle prend le pas sur le niveau de qualification du diplôme. Et l’expérience semble « qualifier » parce qu’elle s’est déroulée dans le « domaine juridique ». Le jugement des affaires ne se fera pas au moyen de la mise en œuvre d’une « science juridique » mais avec la « connaissance du terrain et de la réalité des problèmes humains » que leur expérience dans le domaine juridique est censée leur apporter.


La première promotion des « 33 élus » donne une idée plus précise de leur profil. Ils sont avocats, anciens juges ou cadres supérieurs en retraite. Parmi eux figure ainsi Claude Hanoteau, ex-directeur de l'Ecole nationale de la magistrature (Sic). Mais le profil-type qui se dégage est un juriste sexagénaire retraité. Les 35 candidats présentés par la chancellerie au Conseil supérieur de la magistrature sont âgés de 57 ans en moyenne (cet âge tourne autour de 62 ans pour les candidats finalement retenus). Les deux tiers d'entre eux sont des hommes. Les avocats et les officiers ministériels (huissiers ou notaires) ont fourni 11 candidatures. Dix autres justifient d'un niveau d'études bac + 4 et des quatre années d'expérience juridique prévues par la loi (maître de conférences, ancien officier de gendarmerie, directeur des impôts). Sept sont d'anciens magistrats des ordres judiciaire ou administratif (ancien conseiller maître à la Cour des comptes, ancien conseiller d'Etat). Quatre justifient, comme le prévoit la loi, de 25 ans d'expérience d'encadrement dans le domaine juridique (tel un ancien secrétaire général du groupe Suez). Trois, enfin, sont des conciliateurs de justice294.



L’appréciation stricte de « l’aptitude des personnes à juger », permet de garantir la qualité des décisions rendues, l’égalité devant la justice, cette exigence découlant de l’article 6 de la Déclaration de 1789, et le bon fonctionnement du service public de la justice. Mais les conditions d’une stricte appréciation de l’aptitude à juger demeurent pour le moins difficiles à garantir lorsqu’elle se fondent principalement sur la notion « d’expérience qualifiant pour l’exercice des fonctions judiciaires ». Aussi, a-t-il été jugé utile de permettre en contre partie, une ultime possibilité de sélection des candidats à travers un stage probatoire en juridiction, à l’initiative du CSM.



§2 Conditions de formation


Pour veiller à ce que des personnes qui n’ont jamais exercé de fonctions juridictionnelles, aient une aptitude à juger suffisante et pour garantir la qualité des décisions rendues, deux garanties ont été ajoutées pour d’une part, « adapter » leur « savoir-faire » à la spécificité de leurs fonctions et d’autre part, pour organiser une ultime sélection destinée à pallier à tout risque « d’erreur de candidature » engendrée par l’ouverture des conditions de recrutement : une période de formation à l’Ecole nationale de la magistrature (B), et un stage probatoire en juridiction, dont l’initiative est laissée au CSM et qui lui permettra d’apprécier concrètement si l’ « expérience » du candidat le « qualifie » pour « l’exercice des fonctions judiciaires » (A).



A- La formation probatoire


La procédure de nomination prévue renvoyant à celle établie par le statut de la magistrature pour les magistrats du siège, ils seront nommés dans leurs fonctions sur proposition du garde des Sceaux, par décret du président de la République pris sur avis conforme de la formation de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège, mais sans intervention de la commission d’avancement, à la différence de ce qui est prévu pour la nomination des magistrats temporaires. M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, a pourtant fait valoir devant la commission des lois, l'importance du rôle de la commission d'avancement qui vérifie les conditions de moralité et le sérieux des candidatures et a regretté que cette dernière n'intervienne pas dans le processus de nomination des juges de proximité. La chancellerie a préférer privilégier une procédure simplifiée pour ne pas compromettre le recrutement des juges de proximité.


La formation offerte aux magistrats exerçant à titre temporaire, elle, n’a pas de caractère probatoire. Le CSM ne peut juger des candidats, puisqu’il doit les nommer avant la période de formation.

Cette lacune a été comblée à l’égard des juges de proximité, même si c’est « in extremis » qu’a été ajoutée cette possibilité de soumettre certains candidats à une formation probatoire.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature peut rendre :

- un avis conforme, soit d’emblée s’il considère que le candidat possède les qualités suffisantes pour être juge de proximité, soit après l’accomplissement d’un stage probatoire295 organisé par l’ENM296. Si le stage est concluant, sa nomination fait l’objet d’un décret signé par le Président de la République. Le candidat devra alors prêter serment et il pourra exercer comme juge de proximité.

- un avis non conforme, qui a pour effet de rejeter la candidature, soit d’emblée, s’il considère que le candidat ne possède pas les qualités suffisantes ou qu’un autre candidat présente de meilleures aptitudes pour être juge de proximité, soit après l’accomplissement d’un stage probatoire297.

La garantie de l’avis conforme du CSM et la faculté qui lui est réservé de soumettre un candidat à un stage en juridiction probatoire, constituent deux leviers complémentaires, le second servant de motivation au premier. Ils permettent au CSM de s’opposer légitimement à une proposition de désignation, sachant qu’il ne peut être passé outre à ce veto.


Dans un premier temps, le garde des sceaux avait exprimé des réserves sur l'octroi d'un caractère probatoire à la formation des juges de proximité, estimant qu'il risquerait de bloquer le processus de recrutement298. Mais les différentes commissions des lois ont attiré l’attention sur les dangers inhérents à une procédure qui conduirait le CSM à nommer des candidats n’ayant pas encore fait leurs preuves. Par la suite, on a considéré que le caractère probatoire de la formation dispensée présentait l’avantage de prendre en compte la spécificité de l'exercice de fonctions juridictionnelles et qu’il constituait même une « soupape de sécurité » particulièrement légitime dans la mesure où les conditions de recrutement des juges de proximité ont été élargies299. De surcroît, le caractère probatoire de la formation correspond à l'exigence d'une bonne administration de la justice. A contrario mais venant au soutien de ce dernier argument, s'agissant des magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et de grande instance, il a justement pu être relevé que la suppression du caractère probatoire de la formation n'a pas entraîné d'augmentation sensible du nombre de personnes recrutées par cette voie, certains considérant même qu'elle a renforcé les réticences du corps judiciaire, ainsi privé de toute possibilité d'évaluation des candidats300. Enfin, c’est dans un souci de souplesse et compte tenu de la variété des profils des candidats, qu’il est apparu préférable de ne pas soumettre l'ensemble des candidats à cette formation probatoire mais de laisser au CSM le soin d'apprécier l'opportunité de soumettre certains candidats à une formation probatoire, les personnes dispensées de celle-ci suivant, en tout état de cause, après leur nomination, une formation destinée à les adapter à l'exercice des fonctions de juge de proximité.


L’article 41-19 organise donc un processus de sélection destiné non seulement à vérifier que le candidat remplit les conditions de recrutement fixées à l’article 41-17, mais au-delà, qu’il remplit des conditions « d’aptitude à juger » lui permettant d’être un « bon juge » au regard des exigences constitutionnelles de compétence, d’impartialité et d’indépendance.

Le Conseil constitutionnel a toutefois assorti sa décision d’une réserve d’interprétation selon laquelle les deux modes de sélection des candidats aux fonctions de juge de proximité que sont la « compétence juridique » et « l’aptitude à juger », devront être strictement appréciés et les places prévues chaque année non nécessairement pourvues en totalité. Ainsi, dans tous les cas où le stage probatoire n’aura pas permis de démontrer la capacité du candidat, il reviendra au CSM d’émettre un avis négatif à sa nomination, même si cet avis a pour effet de ne pas pourvoir un poste offert au recrutement.

Cette réserve est un signal fort à l’adresse du CSM sur les réelles vertus de filtrage que devront avoir les dispositions de l’article 41-19 afin de prévenir toute dérive dans l’application de la loi. Le Conseil postule en effet, concernant les conditions de recrutement de l’article 41-17, que la détention d’un diplôme de droit ou l’exercice d’une profession juridique ne suffit pas à présumer, dans tous les cas, l’aptitude au règlement des contentieux.

Par cette réserve, le Conseil constitutionnel veille à la qualité du recrutement. Rappelons en effet que même si le juge de proximité ne traite que des litiges d’un enjeu financier limité et même si ses attributions sont loin de recouvrir toutes celles du juge d’instance, il jugera seul et en dernier ressort. Il devra donc dans son domaine, aussi restreint soit-il, faire preuve des mêmes connaissances, des mêmes capacités et des mêmes réflexes déontologiques que le juge d’instance. Il en va de l’égalité entre les justiciables.


Actuellement, sur 62 dossiers instruits, la chancellerie a finalement proposé 35 personnes au CSM, pour avis301. Le CSM a rendu son avis définitif le 22 juillet 2003, et retenu 33 candidats sur les 35 que le ministère de la justice a soigneusement présélectionnés.

Treize candidats devront effectuer un stage probatoire, avant de voir leur candidature réexaminée. Les vingt autres ont reçu un avis conforme et sont donc « opérationnels », dont 6 avec un stage abrégé et 14 avec un stage complet.

Deux candidats ont été écartés. Une interprète roumaine auprès des tribunaux, courtier en assurances et titulaire d'un DESS d'urbanisme, avait été choisie par la Cour d'appel de Douai aux dépens d'une dizaine de candidats diplômés en droit, mais n'a pas été retenue par le CSM. Celui-ci a estimé que « l'expérience juridique requise par la loi se mesure par la pratique du droit, et non par l'exercice d'un métier faisant appel à des connaissances juridiques »302.

Les 20 candidats dont la proposition de nomination fait l’objet d’un avis conforme sont d’anciens magistrats de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, des avocats en exercice ou retraités, des maîtres de conférences des universités, d’anciens hauts fonctionnaires ou fonctionnaires de catégorie A, général de gendarmerie retraité, commissaire de police retraité.

Parmi les candidats soumis à un stage probatoire, on compte plusieurs anciens notaires, un huissier de justice en activité des cadres de services juridiques, des conciliateurs de justice, un ancien commissaire de police.

Une poignée d'entre eux entreront donc en fonctions début octobre 2003, après une semaine de formation à l'Ecole nationale de la magistrature.


Quant aux candidats non soumis à la formation, l’article 41-19 alinéa 6, les astreint de toutes manières à une formation organisée par l’ENM et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues par l’article 19 de l’ordonnance statutaire.


B- La formation postérieure à la nomination


Les personnes recrutées ne disposant pas nécessairement de l'expérience de l'exercice de fonctions juridictionnelles, l'article 41-18 de l’ordonnance impose aux juges de proximité de suivre, avant leur entrée en fonction, une formation organisée par l'École nationale de la magistrature. Les modalités particulières de ces formations ont été précisées par le décret du 15 mai 2003 modifiant le décret du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance du 22 décembre 1958.

Afin de permettre, dans l'intérêt du justiciable, au juge de proximité d'être immédiatement opérationnel, il est précisé que cette formation comportera un stage en juridiction, au cours duquel les juges de proximité disposeront des mêmes compétences que celles dévolues aux auditeurs de justice par l'article 19 du statut de la magistrature. Le juge de proximité doit suivre une formation de 5 jours à l’Ecole Nationale de la Magistrature. Cette formation comprend, notamment et sans préjudice de la formation donnée au cours du stage en juridiction, des enseignements portant sur la déontologie, les principes de la procédure et le fonctionnement d’une juridiction, ainsi que l’apprentissage de la technique de rédaction des jugements et de la tenue d’une audience303.

A l’issue de cette première période de 5 jours, il sera astreint en juridiction à :- 24 jours de formation répartis sur 12 semaines en cas de stage probatoire ;

- 16 jours de formation répartis sur 8 semaines en l’absence de stage probatoire304.

Les juges de proximité suivent ensuite, pendant la période d’exercice de leurs fonctions, une formation continue obligatoire d’une durée totale de dix jours305

Enfin, et conformément à l’article 12-1 de l’ordonnance de 1958, l’activité professionnelle de chaque magistrat fait l’objet d’une évaluation tous les deux ans. S’agissant des juges de proximité et dans le souci de renforcer leurs liens avec le tribunal d’instance, elle est précédée d’un entretien avec le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l’administration du service du tribunal d’instance dans le ressort duquel est situé la juridiction de proximité306.


S'il est essentiel que le juge de proximité soit clairement identifié par le justiciable et proche du terrain, il convient également que son statut lui apporte toutes les garanties nécessaires pour se comporter en « bon juge ».


SECTION II : CONDITIONS D’INDEPENDANCE

La loi organique du 26 février 2003 soumet par principe les juges de proximité au statut de la magistrature afin de garantir avec force leur indépendance (§1), sous réserve de quelques aménagements nécessaires liés à l’exercice temporaire des fonctions (§2).



§1 Le symbole de la soumission de principe au statut de la magistrature


Le juge de proximité est un juge à part dans l’organisation judiciaire. Il exerce de manière temporaire et à temps partiel, concomitamment à son activité professionnelle, une part limitée des fonctions normalement réservées aux magistrats professionnels de l’ordre judiciaire, tout en constituant à lui tout seul un nouvel ordre de juridiction autonome et non plus seulement un « corps d’appoint ». Il est soumis au statut de la magistrature mais n’appartient pas au corps des magistrats de l’ordre judiciaire.


- Un juge non professionnel

De nombreuses personnes issues de la société civile sont d'ores et déjà associées au fonctionnement de l'institution judiciaire.

On comptait en 1999, 6 721 magistrats de l’ordre judiciaire, soit un magistrat pour 9 200 habitants contre un pour 3 700 habitants en Allemagne. Il faut ajouter à ces chiffres qui ne concernent que les magistrats professionnels, 21 000 juges non-professionnels (dans les Conseils de prud’hommes, les tribunaux de commerce, les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux paritaires des baux ruraux), les jurés d’assises et les assesseurs des tribunaux pour enfants. En Grande-Bretagne, on trouve même seulement cent magistrats professionnels pour 25 000 non-professionnels307.

On voit bien que l'idée de confier des missions juridictionnelles à des juges non professionnels n'est pas nouvelle et qu’ils occupent, de fait, une place considérable dans le système judiciaire français308. En outre, l'exercice à titre temporaire par des juges non professionnels de fonctions juridictionnelles au sein des juridictions judiciaires a été admis par le Constituant. En effet, le statut de la magistrature ouvre cette possibilité aux fonctionnaires exerçant des fonctions juridictionnelles dans le cadre du détachement judiciaire, aux  conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire, et aux magistrats exerçant à titre temporaire.


En consacrant à l’article 64 de la Constitution, l’existence d’une « autorité judiciaire », composée de magistrats professionnels sous statut, le constituant a certes entendu réserver à ces magistrats des compétences propres dont le « noyau dur » comprend notamment, en vertu de l’article 66 de la Constitution, le jugement des infractions punies par des peines privatives de liberté. Mais il n’a pas remis pour autant en question l’existence de juridictions spécialisées qui, tout en relevant des juridictions judiciaires ou administratives par la voie de l’appel ou de la cassation, sont composées, en tout ou partie, de juges non professionnels (tribunaux de commerce, prud’hommes, tribunaux paritaires des baux ruraux, juridictions ordinales)

Comme l’a jugé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel, le constituant n’a pas interdit à des juges non professionnels d’exercer des fonctions juridictionnelles normalement réservées aux magistrats de carrière. Pour ce faire, le Conseil a posé deux conditions : Il faut d’une part, que les fonctions exercées à titre temporaire par des personnes qui n’entendent pas embrasser la carrière judiciaire ne constituent qu’une part limitée de celles normalement réservées aux magistrats de carrière309. Il faut d’autre part, que soient fixées par la loi organique, des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d’indépendance, qui est indissociable de l’exercice des fonctions judiciaires, et aux exigences de capacités qui découlent de l’article 6 de la Déclaration de 1789310. (n° 98-396 DC du 19 février 1998)

Mais cette jurisprudence n’est pas directement transposable à la juridiction de proximité. A la différence des « magistrats exerçant à titre temporaire » qui étaient chargés d’un temps partiel pour aider les tribunaux de base surchargés, en complétant les effectifs des tribunaux de grande instance, les juges de proximité participent eux de la création d’un nouvel ordre de juridiction, ce qui est très différent311. Pour l’anecdote, on notera que les députés et les sénateurs se sont divisés sur le nom de ces magistrats lors du vote de la loi organique du 19 janvier 1995. Les députés, soutenus par le gouvernement, souhaitaient les désigner sous le terme de « juges de paix ». Finalement, c’est l’opinion des sénateurs qui a prévalu. Il semble que ce soit parce que la loi de 1995 n’a pas institué une juridiction, mais seulement créé une nouvelle sorte statutaire de magistrats que l’appellation « juges de paix » n’ait pas été retenue, afin justement de ne pas susciter de confusion.


- L’exercice d’une part limitée des fonctions normalement réservées aux magistrats implique la soumission au statut

Reprenant une jurisprudence déclinée à plusieurs reprises312, le Conseil constitutionnel a indiqué dans sa décision du 29 août 2002, que « l'article 64 de la Constitution n'interdit pas313, par lui-même, la création des juridictions de proximité dont les membres ne sont pas des magistrats de carrière » mais l'a soumis à une double condition :

. d'une part, ces juges ne doivent exercer qu'une part limitée des compétences dévolues aux tribunaux d'instance et aux tribunaux de police, ce qu'il a considéré être le cas compte tenu des compétences octroyées aux juridictions de proximité dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. Le Conseil avait déjà admis que des non magistrats exercent des fonctions judiciaires pour une durée limitée sous réserve de la fixation d’un certain nombre de garanties. En effet, dans ses décisions de 1992 et 1995 le Conseil contrôlait déjà que le nombre de magistrats exerçant leurs fonctions à titre temporaire, ne représente qu’une petite proportion par rapport au nombre total des magistrats de carrière314.

L’article 41-17 nouveau de l’ordonnance de 1958, issu de la loi organique du 26 février 2003 précise que les juges de proximité ne peuvent exercer qu’ « une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance ». Cette restriction répond à l’exigence de la jurisprudence constitutionnelle.

. d'autre part, la loi statutaire devra comporter des garanties « appropriées » permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles315. Dans sa décision en date du 20 février 2003, le Conseil constitutionnel a validé la loi organique relative au statut des juges de proximité, comme satisfaisant à ces exigences d’indépendance. En l’espèce, c’est la soumission de ces nouveaux juges au statut de la magistrature qui leur confère l’indépendance nécessaire à l’exercice de leur fonction.

L'article 41-20 de l’ordonnance de 1958 soumet les juges de proximité au statut de la magistrature316, conformément aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, rappelées dans sa décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 selon lesquelles « il importe [...] que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions. Cette disposition est destinée, à l'instar des magistrats judiciaires professionnels, à garantir l'indépendance des magistrats même nommés pour un temps limité.

- Un juge qui statue à juge unique et en dernier ressort

Le statut des magistrats judiciaire est le seul et unique statut de la fonction publique à être fixé selon cette procédure législative spécifique régissant la loi organique, plus solennelle que la procédure législative ordinaire. Cette procédure permet d’augmenter leurs garanties constitutionnelles d’indépendance. Le statut organique des magistrats concerne numériquement moins d’un quart des juges, puisqu’il ne s’adresse qu’aux seuls magistrats issus de la carrière judiciaire. Le statut unique du corps des magistrats du siège et du parquet de l’ordre judiciaire, s’applique aux magistrats de carrière ainsi qu’à certains magistrats non professionnels recrutés à titre temporaire, qui comme les juges de proximité sont eux aussi soumis au statut sans être intégrés au corps judiciaire. En revanche, ce statut ne s’applique pas aux juges occasionnels élus (juges consulaires, juges prud’homaux), dont les droits et devoirs sont fixés par un statut législatif spécial, dérogatoire. En effet, il échappe, dans son contenu, à tout contrôle obligatoire et préalable du Conseil constitutionnel et, dans sa pratique, à toute surveillance du CSM. La lecture de la Constitution pouvait laisser penser qu’en réservant au domaine de la loi défini par l’article 34, « le statut des magistrats » et en précisant, dans son article 64 qu’une « loi organique porte statut des magistrats », se trouvaient dissociés le statut des juges occasionnels, de nature législative, et le statut des juges professionnels de carrière, de nature organique. Mais il n’en est rien. « Le statut est dissocié de la fonction »317.

Ainsi cette soumission de principe des juges de proximité au statut de la magistrature n’est pas seulement formelle puisque, au delà de sa signification purement juridique, elle donne à ces nouveaux magistrats une légitimité particulière, bien différente de celle reconnue aux juges consulaires ou prud’homaux et a fortiori aux conciliateurs de justice qui ne sont pas eux, soumis au statut de la magistrature.

Mais c’est aussi parce qu’il existe des différences fondamentales entre les juges de proximité et ces autres juges non-professionnels que leur soumission au statut de la magistrature s’est imposé. Rappelons en effet, que les autres juges non professionnels ne statuent pas à juge unique, mais en collégiale, voire dans des formations d’échevinage318 et sont donc encadrés par un juge professionnel qui leur apporte l’éclairage juridique et processuel indispensable319. En outre, ils statuent le plus souvent à charge d’appel, ce qui ne sera pas le cas des juges de proximité en matière civile, qui statueront à juge unique et en dernier ressort. Enfin, ces juges non professionnels et non soumis au statut de la magistrature sont la plupart du temps élus pour leurs connaissances « techniques » et non juridiques, qu’ils tirent de leur expérience professionnelle. Or les juges de proximité sont sélectionnés pour leur connaissances « juridiques » acquises par l’expérience. Ils sont donc nommés parce qu’ils sont réputés connaître la règle de droit, ce qui fondera leur légitimité.


- Un juge qui n’est pas membre du corps judiciaire

Mais, si les juges de proximité sont soumis au statut de la magistrature, en raison des fonctions qu’ils exercent, ils ne sont pas membres du corps judiciaire. Le Conseil constitutionnel a en effet assorti sa décision en date du 20 février 2003, de la précision selon laquelle l’insertion des dispositions propres aux juges de proximité « dans l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, n’a ni pour objet, ni pour effet d’intégrer les juges de proximité dans le corps judiciaire régi par le statut des magistrats pris par application de l’article 64 de la Constitution320. »

Le fait que les juges de proximité soient assujettis au respect des règles du statut sans pour autant être intégrés dans le corps judiciaire unique, confirme une évolution constatée par M. Renoux, au terme de laquelle on « s’acheminerait vers une perception nouvelle, nettement plus étendue, de l’autorité judiciaire, dont l’enjeu réel serait désormais, la nature même du principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la justice »321. Ce qui pour lui, tend à démontrer que le statut des magistrats est devenu un indice révélateur du niveau de démocratie atteint par un Etat. « Au-delà de la mise en lumière de critères objectifs permettant de s’assurer de l’aptitude à juger et donc de l’égalité des magistrats devant et dans un même statut, on s’achemine vers la recherche d’une garantie d’égalité des citoyens devant la justice, soulignant combien le statut des magistrats, indissociable d’une justice de qualité est devenu un indice révélateur du niveau de démocratie atteint par un Etat ». Il en résulte que le statut peut être dissocié de la fonction.


On soulignera pour conclure que si ce statut apporte des garanties d’indépendance nécessaires au magistrat face aux prérogatives légitimes que détient le pouvoir politique en matière de nomination ou de déclenchement de procédures de sanctions, l’ « indépendance » n’est pas seulement une question de statut. C’est aussi un état d’esprit et une culture chez le juge. Elle s’apprend et se conquiert au quotidien. Elle résulte principalement mais non exclusivement d’un statut approprié. En ce sens seules les méthodes de recrutement peuvent permettre de s’assurer de la présence ou non d’une propension à la servilité. Autrement dit, si un bon statut est un statut offrant des garanties contre certaines pressions, il n’est rien si l’homme qui en bénéficie est par nature servile et enclin à sacrifier certains principes au nom de ses intérêts personnels.


On va maintenant voir que si Les juges de proximité sont soumis au statut de la magistrature, c’est sous la réserve de quelques aménagements nécessaires, liés à l’exercice temporaire des fonctions. Précisons que des dérogations analogues sont prévues par l'ordonnance statutaire pour les magistrats exerçant à titre temporaire. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs, dans sa décision du 20 février 2003322, comme dans celle du 10 janvier 1995, validé ces dérogations estimant qu'elles trouvaient « une justification dans la spécificité des conditions dans lesquelles ces magistrats sont recrutés et exercent leurs fonctions et qu’elles ne méconnaissent pas leur indépendance. Au contraire, on verra qu’elles tendent même à leur assurer l’impartialité objective que réclame leur fonction.


§2 Les aménagements du statut liés à l’exercice temporaire des fonctions


Si les juges de proximité, à l’instar des magistrats de carrière de l’ordre judiciaires, sont soumis au statut de la magistrature, quelques particularités sont toutefois prévues afin de tenir compte du caractère temporaire d’exercice des fonctions. Ces aménagements s’inspirent de ceux instaurés lors de l’élaboration du statut des magistrats à titre temporaire, tout en les adaptant pour tenir compte de l’échec de ce modèle. Ces adaptations concernent les conditions de nomination (A), les incompatibilités liés à l’éventuel exercice concomitant d’une activité professionnelle (B), les conditions de leur rémunération qui prend la forme d’une vacation et non d’un traitement (C), et enfin, le costume de ces juges de proximité (D), car derrière le caractère purement formel et anecdotique de la question, pourrait dépendre l’image que l’on veut donner de ce juge car bien mieux que son statut constitutionnel, le port de cette robe est susceptible d’être considéré plus facilement par l’opinion publique comme le révélateur d’un véritable statut de juge.


A- Conditions de nomination


La durée de la fonction est fixée à sept ans non renouvelable. Cette unicité du mandat est considérée par les députés comme une « garantie de l’indépendance » des juges de proximité et l’a emporté sur la proposition du Sénat qui avait ouvert la possibilité d’un renouvellement de sept ans qui aurait conduit à « professionnaliser » la fonction.

La procédure de nomination des juges de proximité est la même que celle qui est prévue pour les magistrats du siège. Ils sont nommés par décret du président de la République pris sur l’avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège.

Mais dans la mesure où les projets de nomination émanant de la chancellerie sont directement soumis au CSM, c’est une procédure simplifiée qui a été retenue par rapport à celle qui prévaut pour les magistrats exerçant à titre temporaire. Ces derniers bénéficient en effet, d’une garantie supplémentaire car, outre l’avis conforme du CSM, ils sont soumis à un deuxième avis conforme, celui de la commission d’avancement, qui joue un rôle certain dans le contrôle des conditions de moralité et de sérieux des candidats. Mais cette procédure n’a pas été reprise par les promoteurs de la loi organique qui l’ont jugé trop lourde et justement, responsable de l’échec du recrutement des magistrats à titre temporaire.

La loi organique a renvoyé à un décret le soin de déterminer les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature. Ce décret était attendu car jusque là, on ignorait comment et sur quelles bases la Chancellerie opérerait la sélection des candidats déférés à l’appréciation du CSM. Les craintes ont été levées avec la publication du décret n° 2003-438 du 15 mai 2003323.

En effet, et en vertu de son article 35-7, le candidat aux fonctions de juge de proximité dépose sa candidature, adressée au garde des sceaux, auprès des chefs de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle il réside, qui sont chargés de procéder à l’instruction de sa candidature. Ces derniers, après un entretien avec le candidat formulent un avis, et le transmettent au ministère de la Justice, qui procède, le cas échéant, à une instruction complémentaire du dossier. Le Garde des Sceaux propose alors à la formation du Conseil Supérieur de la Magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège pour la nomination sur un poste déterminé, plusieurs candidats dont celui qui lui paraît le plus apte à remplir les fonctions324. La loi Méhaignerie du 19 janvier 1995 instituant les magistrats exerçant à titre temporaire avait confié pour sa part, la sélection initiale à l’assemblée générale des magistrats du siège de la Cour d’appel325.


Le gouvernement prévoit, en cinq ans, de recruter 3 300 juges de proximité, soit l'équivalent d'une trentaine de postes de magistrat à temps plein. La chancellerie veut présenter 150 candidats d'ici à fin septembre au CSM, et 750 avant la fin 2004.

A l’heure actuelle, 1 200 candidatures recevables sont parvenues pour un premier examen dans les Cours d'appel. Parmi ces dossiers, 62 ont été instruits par la chancellerie qui a finalement proposé 35 personnes au CSM, pour avis326. Le CSM qui a rendu son avis définitif le 22 juillet 2003, a retenu 33 candidats sur les 35 que le ministère de la justice avait soigneusement présélectionnés. Ils entreront en fonctions début octobre 2003, après une semaine de formation à l'Ecole nationale de la magistrature. Dominique Perben rencontrera à la mi-septembre dans les locaux de l’E.N.M à Paris les futurs juges de proximité.

Ils commenceront à accomplir leur stage de formation à l’E.N.M à Bordeaux à compter du 29 septembre 2003. Les premiers juges de proximité prendront ainsi leurs fonctions dans les premiers jours d’octobre 2003.


Mais les candidats disponibles pourrait bien être insuffisants. Pour démarrer, dix Cours d'appel sur trente-cinq avaient été sollicitées afin de fournir des candidats. Or celles d'Aix, de Grenoble, de Reims et de Riom n'ont proposé qu'un seul candidat. Le ministère assure que de nombreux fonctionnaires ont manifesté leur souhait de devenir juges et attendent d'être à la retraite pour pouvoir postuler. Il devra néanmoins relancer sa communication pour remplir ses objectifs. D'autant que s'ils sont attendus, les premiers juges de proximité suscitent quelques réticences dans le corps des magistrats de l’ordre judiciaire chargé de les accueillir.

Les personnes concernées seront affectées dans les juridictions de proximité suivantes : Libourne, Martigues, Beauvais, Senlis, Aubervilliers, Pantin, Saint-Ouen, Ivry-sur-Seine, Lorient, Quimper, Rennes, Clermont-Ferrand, Chartres, Dreux, Péronne, Saint-Quentin, Lille, Palaiseau, Boulogne-Billancourt, Puteaux, Compiègne, Bordeaux, Maubeuge, Calais, Douais, Valence, Montreuil-sous-Bois, Boissy-Saint-Léger, Evry, Reims, Nantes, Paimboeuf et Villejuif.


B- Les incompatibilités renforçant l’impartialité


Les juges de proximité, à l'instar des magistrats exerçant, à titre temporaire, bénéficient de la possibilité d'exercer une activité professionnelle concomitante à leurs fonctions judiciaires. Ils ne peuvent donc pas « embrasser » la carrière judiciaire, leur métier s'exerçant à temps partiel327. Ce faisant, leur statut déroge aux dispositions de l’article 8 de l’ordonnance de 1958, qui pose le principe selon lequel « l’exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l’exercice de toutes fonctions publiques et de toute autre activité professionnelle ou salariée »328.

Cette dérogation est cependant entourée de plusieurs garanties destinées à assurer l'indépendance de ces personnes dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles, afin notamment de prévenir tout conflit d'intérêts.


- En premier lieu, si les juges de proximité peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, c’est sous la seule réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. L’appréciation du caractère incompatible de l’activité et du manquement à la dignité relève des dispositions consacrées à sa discipline. Aucune liste d’activités susceptibles de porter atteinte à la dignité et à l’indépendance des fonctions judiciaires n’est prévue.


- Les juges de proximité ne peuvent connaître de litiges présentant un lien avec leur activité professionnelle ou lorsqu’ils entretiennent ou ont entretenu des relations professionnelles avec l’une des parties.

Dans ces cas, le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils sont affectés décide, à leur demande ou à celle de l’une des parties, que l’affaire sera soumise à un autre juge de proximité du même ressort. Cette décision de renvoi est insusceptible de recours. On observera que cette garantie n’est pas complètement efficace puisqu’une partie peut parfaitement ignorer les liens existants entre son adversaire et son juge. En ce sens, la règle d’abstention de l’article 339 du NCPC constitue une garantie intéressante qui complète ce dispositif. En effet, aux termes de cet article : « Le juge qui suppose une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer par un autre juge que désigne le président de la juridiction ».

Le Conseil constitutionnel a examiné la conformité de cette disposition au regard des exigences d’indépendance et d’impartialité du juge au visa de l’article 16 de la Déclaration de 1789. Il a émis une réserve d’interprétation dans son considérant n° 21 aux termes duquel ces dispositions légales « doivent faire obstacle en toutes circonstances à ce qu’un juge connaisse d’un litige en rapport avec ses autres activités professionnelles329. » L’intérêt de cette référence, a-t-il été souligné330, tient à ce que l’article 16 de la Déclaration des droits de 1789 insuffle en droit interne les exigences du procès équitable telles qu’elles sont conçues en droit européen par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ce qui permet d’ancrer dans le droit positif constitutionnel l’ensemble des éléments de la sécurité juridique.

Certains soulignent qu’il s’agira ici davantage de contrôler l’éthique personnelle du juge que son impartialité fonctionnelle, ce qui pose le délicat problème du contrôle du for intérieur du juge. Ces dispositions d’incompatibilité préservent avant tout le juge de proximité des risques de « pré-jugement »331, mais le préserveront-elles pour autant de ceux liés à ses « préjugés » qui relèvent d’une impartialité autrement plus subjective et plus délicate à appréhender.

Mme Coleno et M. Barbieri se demandent d’ailleurs si le recours à un juge cumulant fonctions juridictionnelles et activités professionnelles ne relancera pas la question controversée332 de la responsabilité individuelle des magistrats333. Ces deux auteurs citent en exemple l’hypothèse dans laquelle un juge de proximité n’aurait pas su se « désintéresser d’un dossier civil pour incapacité à le traiter ». Ce faisant, ils font référence à la faculté de renvoi au juge d’instance offerte par la loi du 9 septembre 2002 au juge de proximité, en cas de difficultés juridiques sérieuses et dont il reste le seul juge. En effet, même si le renvoi peut être sollicité par une partie, il revient au seul juge de proximité d'apprécier l'opportunité d'un tel renvoi.


- Une incompatibilité géographique spécifique est prévue pour les membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif réglementaire ou dont le titre est protégé (avocats, notaires, huissier) et leurs salariés. Ils ne peuvent pas exercer leurs fonctions dans le ressort du tribunal de grande instance où se trouve leur domicile professionnel. Inversement, ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction de proximité à laquelle ils sont affectés.

Cette incompatibilité géographique s'ajoute aux dispositions des articles 9-1 et 32 du statut de la magistrature, applicables aux juges de proximité à défaut de toute précision contraire, qui interdisent aux magistrats et anciens magistrats d'exercer une profession libérale juridique et judiciaire dans le « ressort d'une juridiction où ils ont exercé leurs fonctions depuis moins de cinq ans » et empêchent un membre de ces professions d'être nommé magistrat dans le ressort d'un tribunal de grande instance où il aura exercé depuis moins de cinq ans sa profession.

Dans sa décision du 20 février 2003, le Conseil Constitutionnel a considéré que « cette dernière interdiction doit s’entendre comme portant également, le cas échéant, sur l’activité exercée en qualité de membre d’une association ou d’une société qui a pour objet l’exercice en commun de la profession et dans le cadre ou au nom de laquelle exerce l’intéressé »334. Ce qui recouvre l’ensemble des structures d’exercice en groupe quel que soit le degré d’organisation, société civile professionnelle ou société d’exercice libérale par exemple.

Cette réserve d’interprétation vise à ce que les incompatibilités édictées par le nouvel article 41-22 de l’ordonnance s’appliquent à l’exercice en commun des professions libérales juridiques comme à leur exercice à titre individuel.

La géographie judiciaire risque de jouer en la matière, un rôle parfois pervers. Dans tous les cas où les sièges de tribunaux de grande instance limitrophes sont rapprochés, l’interdiction n’apportera pas les garanties recherchées. En ce sens l’impartialité de ceux qui seront par ailleurs membres en exercice d’une profession libérale juridique ou judiciaire risque d’être sujette à caution. Il aurait au moins fallu étendre cette incompatibilité à l’ensemble du ressort des Cours d’appel. C’est d’ailleurs en ce sens que s’est prononcé le CSM dans l’avis qu’il a émis sur la mise en place des juges de proximité. Il existe donc un doute sur l’impartialité des juges-avocats qui peuvent être portés à connaître de dossier défendus par l’un de leurs confrères.

Mais inversement, dans les cas où les sièges de tribunaux de grande instance limitrophes sont éloignés, l’incompatibilité constituera une réelle contrainte pour les professionnels en activités. Finalement, ces derniers pourraient bien être découragés de déposer leur candidature en raison de ces contraintes géographiques, mais dans ce cas, le problème de l’exercice d’une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires ne se poserait plus.


- Afin de préserver le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, les juges de proximité ne peuvent exercer aucune activité d’agent public, à l’exception, conformément au statut de la magistrature, de celle de professeur et de maître de conférences à l’université. En effet, leur formation, leurs compétences et leur statut les placent dans une position d’indépendance compatible avec l’exercice de fonctions judiciaires. En revanche, le texte ne précise pas s’ils doivent dispenser ou non un enseignement juridique.


- Afin de préserver la déontologie des juges de proximité, ces derniers sont astreints à deux obligations. D’une part, en cas de changement d’activité professionnelle, les juges de proximité doivent en informer le premier président de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle ils sont affectés, qui leur fait connaître, le cas échéant, que leur nouvelle activité n’est pas compatible avec l’exercice de leurs fonctions judiciaires. Ce faisant, l’impartialité des juges n’est pas garantie de manière optimale car c’est au juge concerné qu’est abandonné l’initiative d’informer le premier président du changement.

Le Conseil constitutionnel a précisé335, que cette disposition ne confère pas le pouvoir de décision au premier président de la Cour d’appel. Qu’en revanche il appartient à ce dernier, en application de l’article 50-2 de l’ordonnance de 1958, de saisir le CSM s’il estime que l’intéressé a méconnu son obligation d’information ou que sa nouvelle activité est incompatible avec l’exercice de fonctions juridictionnelles336.

D’autre part, Les juges de proximité ne peuvent mentionner cette qualité ni en faire état dans les documents relatifs à l’exercice de leur activité professionnelle, tant pendant la durée de leurs fonctions que postérieurement. Il s’agit de prévenir toute utilisation préjudiciable à l’image de la justice qui pourrait résulter de l’usage de cette qualité.


N’étant magistrats qu’à titre temporaire, les juges de proximité ne peuvent être membres du Conseil supérieur de la magistrature, ni de la commission d’avancement, ni participer à la désignation de ces instances337.

N’ayant pas vocation à faire carrière dans la magistrature, leurs fonctions s’exerçant à titre temporaire et à temps partiel, ils ne peuvent recevoir aucun avancement.

Une dérogation au statut de la magistrature est prévue concernant l'obligation de résidence posée à l'article 13 de l'ordonnance statutaire, selon lequel « les magistrats sont astreints à résider au siège de la juridiction à laquelle ils appartiennent ou sont rattachés ». Une telle disposition est justifiée par l’existence de dispositions posant l'interdiction aux membres de professions libérales juridiques et judiciaires d'exercer leurs fonctions de juges de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où ils ont établi leur domicile professionnel et donc probablement leur domicile personnel.


C- La discipline


Les deux derniers articles de la loi organique déterminent les règles disciplinaires auxquelles les juges de proximité sont soumis. Les articles 41-22 et 41-23 procèdent par renvoi aux dispositions disciplinaires classiques prévues au chapitre VII de l’ordonnance de 1958 qui définit la faute disciplinaire et donne compétence à la formation du Conseil supérieur de la magistrature pour statuer comme conseil de discipline des juges de proximité, comme pour les magistrats du siège.

Le régime disciplinaire applicable aux juges de proximité tient compte de leur spécificité.

Trois sanctions leur sont applicables, au lieu de sept pour les magistrats professionnels : l'avertissement338, la réprimande avec inscription au dossier339 et la fin des fonctions judiciaires340.

En effet, les autres sanctions prévues à l’article 45 de l'ordonnance statutaire, telles que le déplacement d’office, le retrait de certaines fonctions, l’abaissement d’échelon ou la rétrogradation, sont sans objet pour des juges qui ne font pas carrière dans la magistrature.

Ils bénéficient d’une « inamovibilité temporaire » dans la mesure où ils ne peuvent être mutés sans leur consentement. Cette précision a été jugée utile afin de permettre aux juges de proximité qui seraient amenés à déménager, de continuer à exercer leurs fonctions juridictionnelles. En effet, tout silence sur ce point aurait pu être interprété par le Conseil constitutionnel comme une interdiction de toute mutation, même avec l’accord de l’intéressé341.

Durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions judiciaires, les juges de proximité sont astreints à une obligation de réserve comparable à celle qui s’impose aux magistrats exerçant à titre temporaire : ils doivent s’abstenir de toute prise de position publique en relation avec les fonctions judiciaires qu’ils ont exercées.


Beaucoup regretteront qu’en introduisant partiellement dans le statut de la magistrature un nouveau corps, le législateur n’en ait pas profité pour organiser de façon globale le statut de tous les juges non professionnels contribuant ainsi à renforcer le cadre déontologique de chacun.



D- La rémunération

L’article 41-20 de l’ordonnance de 1958 précise que les juges de proximité exercent leur fonction à temps partiel et perçoivent une indemnité de vacation dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

Le Conseil constitutionnel s’était déjà exprimé sur cette question dans sa décision du 10 janvier 1995 concernant les « magistrats exerçant à titre temporaire »342. Le Conseil avait validé le renvoi de leurs conditions de rémunération au pouvoir réglementaire en ces termes : « Si ces magistrats (…) se trouvent, quant à leur rémunération, dans une situation spécifique susceptible d’être régie par un décret en Conseil d’Etat (…) celui-ci ne saurait avoir pour objet que des dispositions de nature pécuniaire [sans pouvoir] comporter des règles de nature à porter atteinte à l’indépendance des magistrats concernés ou au principe d’égalité ».

Aux termes de la loi de programme du 9 septembre 2002, les juges perçoivent une indemnité de vacation calculée par demi-journée. Le montant global s’élève à 31 millions d’euros, soit trois vacations pour une audience. La loi prévoit la création de 330 emplois équivalent temps plein de juges de proximité, ce qui correspond aux 3 300 juges annoncés et 75 240 jours de travail par an. Chaque juge travaillera donc 22 jours par an, soit 44 vacations d’une demi-journée. En concentrant l’activité juridictionnelle sur 11 mois, ce juge tiendra au total, quatre audiences d’une demi-journée par mois, soit une par semaine.

Robert Badinter, lors des débats parlementaires, avait attiré l'attention du garde des Sceaux sur les difficultés susceptibles de résulter d'une indemnisation trop élevée343

Dans la limite des crédits ouverts au budget du ministère de la justice, le décret du 15 mai 2003 attribue aux juges de proximité, pour l’accomplissement des fonctions judiciaires qui leur sont dévolues, une indemnité de vacation forfaitaire dont le taux unitaire est égal à vingt-cinq dix millièmes du traitement brut annuel moyen d’un magistrat du second grade, soit 71,20 euros bruts. Chaque juge pourra, au maximum, en effectuer 15 par mois et 132 dans l'année344.

La Chancellerie s’est inspirée du régime d'indemnisation des magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance défini par le décret n°97-4 du 7 janvier 1997 et l'arrêté du 31 janvier 1997. Ces magistrats sont indemnisés sur la base de vacations ne pouvant dépasser 20 par mois et 120 par an. Le magistrat reçoit une vacation par audience ou par demi-journée de travail (lorsque l'accomplissement des fonctions judiciaires ne correspond pas à la tenue d'une audience), majorée d'une ou deux vacations selon le travail fourni (allouées en fonction du temps de préparation de l'audience et de la rédaction du jugement). Actuellement, le taux indemnitaire de la vacation s'élève à 82,89 euros.

Lorsqu’ils suivent l’une des formations prévues par l’article 41-19 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 , les juges de proximité et les candidats à ces fonctions perçoivent également, pour toute journée de formation continue, dans la limite de dix journées pendant la période d’exercice de leurs fonctions, une indemnité de vacation correspondant au taux unitaire défini plus haut. Cette indemnité s’impute sur leurs vacations annuelles. Le versement de l’indemnité de vacation durant une formation est exclusif du versement de l’indemnité de stage prévue par le décret du 28 mai 1990.

Les juges de proximité et les candidats à ces fonctions sont indemnisés de leur frais de déplacement temporaire dans les conditions prévues par ce même décret du 28 mai 1990.

Les parlementaires avaient dans leur saisine du Conseil, invoqué à l’encontre de la loi du 9 septembre 2002, un moyen de nullité tiré de ce que la rémunération du juge de proximité sous forme de vacations porterait atteinte à la continuité du service public de la justice. Cette allégation est dépourvue de tout fondement car la thèse qui la sous-tend condamnerait sur le plan constitutionnel tout versement de vacations dans les services publics. Le Conseil y a déjà répondu à propos des magistrats exerçant à titre temporaire, lesquels perçoivent une indemnité et non un traitement. Ce mode de rémunération est justifié par le fait qu’ils n’ont pas embrassé la carrière judiciaire et peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires (n° 94-355 DC du 10 janvier 1995)


E- Le costume des juges de proximité

La question s’est posée de savoir s’ils devaient porter la robe ou un signe distinctif. Elle est importante car de la réponse peut dépendre l’image que l’on veut donner de ce juge. Si le costume judiciaire n’est historiquement pas lié à l’imperium du juge, il peut l’être par confusion, dans l’esprit du justiciable. Autrement dit, bien mieux que son statut constitutionnel, le port de cette robe est susceptible d’être considéré plus facilement par l’opinion publique comme le révélateur d’un véritable statut de juge.

Les organisations de magistrats se sont montrés hostiles au port de la robe en opposant le fait que seuls les magistrats professionnels peuvent porter une robe. L’argument ne convainc pas complètement. S’il est vrai que les conseillers prud’homaux, les assesseurs du TASS utilisent un insigne, que les assesseurs du tribunal pour enfants et les membres du tribunal paritaire des baux ruraux n’en portent aucun, il faut noter qu’à contrario, les juges consulaires, magistrats non professionnels du tribunal de commerce, portent bien une robe. Jacques Boedels constate même que plus récemment encore, les parlementaires siégeant à la Cour de justice de la République ont décidé d’adopter la robe, comme costume d’audience, pour la première fois dans l’histoire de cette institution. Pour lui345, le port de la robe par les juges de proximité ne viendrait transgresser aucune tradition historique.

Le décret n° 2003-542 du 23 juin 2003 a décidé de les doter d’une médaille, portée en sautoir346.

Le port d’un ruban avec une médaille se rattache à la tradition révolutionnaire. En effet, à la suite de la suppression des costumes judiciaires en 1790, il avait été décidé de donner aux juges élus de la Révolution, des médailles suspendues à un ruban tricolore. Ces dernières disparurent finalement au profit de la robe avec l’empereur Napoléon Ier.

CONCLUSION


L’institution de cette « juridiction de proximité » permet de prendre conscience de l’importance de la question de la qualité du lien qui doit exister entre les citoyens et leurs juges. Elle a pour ambition de tirer toutes les conséquences du rôle éminent assigné aujourd’hui aux juges, pour la régulation démocratique et l’Etat de droit. L’essor de la justice de proximité sous ses diverses formes paraît inéluctable. Les textes qui viennent d’être adoptés devront être articulés tant avec les principes et les règles de la justice traditionnelle qu’avec les modes alternatifs de règlement des litiges.

Au-delà de la symbolique que réalise leur institution, la question se pose de savoir si ces juridictions vont véritablement remplir la mission qui leur a été confiée de réconcilier les justiciables confrontés à de petits litiges avec le service public de la justice, ce qui implique qu’elles permettent à la majeure partie du contentieux de la vie quotidienne, notamment la matière civile, d’accéder effectivement au juge, mais aussi que les affaires jugées soient réglées de manière satisfaisante.

Deux ombres au tableau. En premier lieu, et malgré les motifs de la loi qui assuraient de la nécessité de procéder à une simplification du traitement de certaines affaires par la justice, aucune simplification de la procédure devant la juridiction de proximité n’a été opérée. En outre, l’ajout d’un nouvel échelon de proximité rend complexe son articulation avec les juridictions de première instance déjà existantes au risque de ne pas en faciliter l’accès.

En second lieu, l’examen détaillé de ces attributions révèlent des compétences plus restreintes que celles annoncées par l’intitulé prometteur d’un juge des « petits litiges » du quotidien censé couvrir les litiges locatifs, de consommation et de voisinage. Finalement le juge de proximité apparaît avant tout comme le « juge des consommateurs », sans être pour autant un juge de tous les litiges liés à la consommation. Le contentieux résiduel qu’ils auront à connaître, s’il ne s’apparente finalement pas à un « contentieux de masse », leur permettra en revanche de bénéficier de tout le temps nécessaire pour être à l’écoute des particuliers relevant de leur juridiction.

Aussi, la doctrine, plus optimiste que les praticiens du droit, espèrent que la création de cet échelon ne constituera qu’une première étape expérimentale, qui finira à plus long terme par rejoindre et avaliser leurs propositions, en consacrant le juge d'instance à la fois comme le « pivot » de la « justice de proximité » et comme le « tuteur » du « juge de proximité ».

Au delà de la question de savoir si l’instauration de ces juridictions de proximité constitue bien la réponse la plus appropriée et la plus « attendue » aux insuffisances de notre système juridictionnel à l’égard du traitement de ces petits litiges des particuliers. Cette loi présente néanmoins le mérite de tenter de résoudre un problème véritable auquel se heurtent chaque année des milliers de citoyens confrontés à un petit litige. On peut simplement espérer qu’elle rende au quotidien des services appréciables aux justiciables. 

La réussite de ce projet, aussi perfectible soit-il, sera tributaire de la qualité du recrutement des juges de proximité. Si les personnes recrutées disposent de compétences juridiques et d’aptitudes à leur fonction bien réelles ainsi que d’une impartialité que l’on ne saurait remettre en doute, ces juges s’intègreront facilement au sein des institutions juridictionnelles, malgré l’hostilité de départ de nombre de magistrats. Par contre, si le recrutement revêt un caractère trop laxiste et que la charge de juge de proximité se trouve confiée à des personnes ne remplissant pas les qualités nécessaires pour les assumer vraiment, ils décevront les justiciables. Toutes les instances qui interviennent dans le processus de recrutement devront donc veiller tout particulièrement à la qualité des recrutements. En effet, des conditions de recrutement ouvertes comportent le risque d’engendrer des disparités de « capacité juridique ». On rappellera enfin, qu’aucune garantie statutaire d’indépendance ne peut remplacer une « culture de l’indépendance » qui s’apprend au quotidien et notamment au sein des formations collégiales, dont malheureusement les juges de proximité ne peuvent faire partie.

La rédaction de cet ouvrage s’achève le 21 août 2003.

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IV- COLLOQUES ET OUVRAGES SPECIAUX


REVUE DROIT ET CULTURES

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COLLOQUE « PROXIMITE, JUSTICE ET JUGES », organisé par la faculté de droit de Saint-Etienne, le TGI de Saint-Étienne et le centre de recherches critiques sur le droit (CERCRID), 14 février 2003

Matin : La notion de justice de proximité, sous la présidence de M. GAGET, Président du TGI de Saint-Etienne

- E. SERVERIN, directeur de recherche au CNRS : La notion de proximité appliquée à la justice.

- M. MICHEL, Procureur de la république auprès du TGI de Saint-Etienne : La justice pénale et la proximité.

- E. CAMOUS, auditeur de justice à l'ENM : Les MARC constituent-ils une justice de proximité ?

- S. LOPEZ, Président du Tribunal Administratif de Lyon : Les Tribunaux Administratifs et la justice de proximité.

- M.C. RIVIER, professeur de Droit privé à l'Université de Saint-Etienne : Justice de proximité en Droit comparé.

Après-midi : Les lois sur la juridiction de proximité, sous la présidence de P. ANCEL, Directeur du CERCRID

- M. GAGET, Président du TGI de Saint-Etienne : Les instruments d'une justice de proximité.

- C.P. BARRIERE, juge d'Instance honoraire et conciliateur : Juges de proximité et conciliateurs.

- Représentant de la Chancellerie : La juridiction de proximité dans la loi.

- M. VERICEL, professeur de Droit privé à l'Université de Saint-Etienne : Justice de proximité et accès au juge.

- H. DALLE, Président du TGI d'Evry : observations à titre de conclusion - Justice de proximité et justice de qualité.


COLLOQUE « LE JUGE DE PROXIMITE », organisé par l’association des étudiants du DEA de droit privé, le centre de droit privé, la faculté de droit et de l’Ecole doctorale droit sciences politiques », à la faculté de Toulouse le 25 mars 2003

- Ouverture, B. Belloc, B. Beignier, L. Rozès

- P. Fauchon : Présentation de la loi sur le juge de proximité. Quelle réforme, pour répondre à quels besoins ?

- C. Coleno : Place et statut du juge de proximité dans l’organisation judiciaire

- J.- J. Barbièri : Le justiciable face au juge de proximité


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- « Les maisons de justice et du droit », Service de l’information et de la communication, Paris, octobre 2000

- « Les maisons de justice et du droit », actes du séminaire de réflexion des 2 et 3 avril 2001, Service de l’information et de la communication, Paris, mai 2001

- « Guide méthodologique sur la politique judiciaire de la ville », Paris, 2001

- « Les MJD et les antennes de justice en France », Dossier d’information, Secrétariat général de la coordination de la politique de la ville, novembre 2001

- « Entretiens de Vendôme », Rapport de synthèse présenté à Madame la Garde des Sceaux, ministre de la justice, par Jean-Paul COLLOMP, inspecteur général des services judiciaires, sept. 2001

- « Entretiens de Vendôme », « Une démarche participative, un diagnostic partagé, des décisions concrètes » (orientations retenues), déc. 2001



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LIENHARD Claude

- « La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, Loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, J.C.P. éd. G., 2002, n° 37, Aperçu rapide, act. 365, p. 1545




LUCHAIRE François

- « Le Conseil constitutionnel et la loi d’orientation de la Justice », (à propos de la décision 2002-461 DC du 29 août 2002), Revue du droit public, 2002, n°6, Chronique constitutionnelle, p. 1619


LWENGA Eca Wa

- « Le cadre légal et réglementaire de la médiation pénale en France », Revue de droit pénal et de criminologie, n° 12, décembre 2002


MARTIN Raymond

- « Rendre au Parlement ce qui lui appartient », D. 2002, n°42, Point de vue, p. 3147


- « La juridiction de proximité et les orientations de la justice (Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002) », Annales des loyers, 1er octobre 2002, p. 1728


MARY Philippe

- « De la justice de proximité aux maisons de justice », Revue de Droit Pénal et de Criminologie, Bruxelles, mars 1998


MATHIEU Bertrand

- « Chronique de jurisprudence constitutionnelle n° 29 : Décision n° 2002-461 D.C. du 29 août 2002 : loi d’orientation et de programmation pour la justice », Petites affiches, 6 janvier 2003, n° 4, p. 10


MATHIEU Bertrand, VERPEAUX Michel

- « Jurisprudence constitutionnelle », J.C.P. 2003, n° 26, 25 juin 2003, p. 1195


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- « Le volet pénal de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 : adversité et diversité », Revue Justices, n° 2, Juillet/Décembre 1995.


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- « Qui a peur de la médiation ? », G.P. 2001, doctr., p. 786





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- « La juridiction de proximité : une tentative attendue de déconcentration judiciaire », D. 2002, n° 43, Chr., p. 3218


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- « A propos du domaine réservé aux lois de finances », (Brèves remarques suscitées par les décisions du Conseil constitutionnel n° 460 D.C. et 461 D.C. des 22 et 29 août 2002), Petites affiches, 14 mai 2003, n° 96, p. 4


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- « décision du conseil constitutionnel du 29 août 2002 sur la loi d’orientation et de programmation pour la justice », D. 2003, n° 17, sommaires commentés, p. 1128


NATALI Franck

- « Les avocats et le ‘’projet de loi Perben’’ », D. 2002, n° 30, Interview, p. 2343


PANSIER Frédéric-Jérome

- « Loi Perben », Commentaire article par article, Les Annonces de la Seine, 5 septembre 2002, p. 1


PERBEN Dominique

- « Projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice 2002-2007, Communication du Garde des Sceaux au Conseil des ministres du 17 juillet 2002 », J.C.P éd. G., 2002, n° 31-35, Aperçu rapide, act. 333, p. 1437 ; J.C.P. éd. G., 2002, n° 25, Actualité n° 277, p. 1121


PERRIN Marie-Daphné

- « Conciliation-Médiation », in « La médiation en débat », dossier, Petites affiches, 26 août 2002, n° 170, p.4


PEYRAT Didier

- « La justice pénale de proximité : faire plus ou mieux faire ? », G. P. 2001, doctr., p. 1528


- « La loi du 18 décembre 1998 (G. P. 99, légis. P. 112) et le décret du 29 octobre 2001 (G. P. 2001, légis. P. 56) : des normes pour la justice de proximité », G. P. 2002, doctr. p. 353


POUYANNE Julia

- « Le nouveau droit pénal intéressant les mineurs, ou la difficulté d’être entre protection et répression », Revue Droit pénal, mai 2003, p. 4


RENOUX Thierry S.

- « Le statut des magistrats, garant de la démocratie », Petites affiches, n° 121, doctr., 18 juin 2003, p. 4


RION Lionel

- « Le temps de la réaction dans la Justice des mineurs. Ou de l’intérêt d’une réaction rapide en matière de délinquance juvénile », Revue de Droit Pénal et de Criminologie, mars 2003, n° 3, Chr., p. 397


ROCHFELD Judith

- « Juridiction de proximité, juridiction-humilité ? », RTDciv., octobre/décembre 2002, p. 849


ROSENCZVEIG Jean-Pierre

- « La loi d’orientation et de programmation sur la justice. Une promesse tenue ? Pas évident », D. 2002, n° 30, Point de vue, p. 2339


SALAS Denis

- « Le juge dans la cité : nouveaux rôles, nouvelle légitimité », Revue Justices, n° 2, Juillet/Décembre 1995.


SCHOETTL Jean-Eric

- « La loi d’orientation et de programmation pour la justice devant le conseil constitutionnel », L.P.A., 5 septembre 2002, n° 178, p. 4 ;

G.P., 4 et 5 septembre 2002, n° 247 à 248, p. 3 ;

G.P., 15 et 17 septembre 2002 ; n° 258 à 260, (bulletin législatif n° 11) ;

Petites Affiches, 6 janv. 2003, n° 4, p.10


- « La loi de finances pour 2003 devant le Conseil constitutionnel  (Cons. Const., 27 décembre 2002) », Petites affiches, 7 janvier 2003, n° 5, p. 3


- « Le statut des juges de proximité devant le conseil constitutionnel », L. P. A., 13 mars 2003, n° 52, p. 7


SIRE-MARIN Evelyne

- « L’inquiétude de professionnels du monde judiciaire devant la création des « juges de proximité », D. 2002, n° 44, Point de vue, p. 3275


SOZZI Christian

- « Territoires, espaces et formes de la justice dans la ville », Revue Justices, n° 2, Juillet/Décembre 1995


VARAUT Eric

- « Faut-il supprimer les tribunaux d’instance ? », G. P. 1997, doctr. p. 895


VERICEL Marc

- « Pour une véritable justice de proximité en matière civile », J. C. P. 2003, éd. G, n° 10, Chr. 114, p. 389


WOOG Jean-Claude

- « Les mérites des MARC, la pratique de l’amour obligé et les risques de l’acharnement conciliatoire », G. P., 1999, doctr., p. 1346


WYVEKENS Anne

- « Le traitement de la délinquance urbaine dans les maisons de justice », Justices n° 2, juill-dec, 1995, p. 93



III- ARTICLES DE PRESSE


- Le Monde, 27 novembre 2001, « La montée de l’insécurité est inacceptable. Donc il faut continuer à agir, comme le fait le gouvernement » (Propos recueillis par Patrick Cohen, Gérard Courtois et Pierre-Luc Seguillon).


- Le Monde, 20 novembre 2001, « Une proposition de loi de M. Leonetti (UDF) sur la petite délinquance embarrasse le gouvernement » (Elie Barth)


- Le Monde, 31 janvier 2002, « Présidentielle : Délinquance des mineurs : les propositions des candidats à l'Elysée ».


- Le Monde, 30 mars 2002, « Les projets des deux favoris contre la violence – Pour lutter contre l’insécurité, leurs idées se ressemblent ».


- Le Monde, 7 mai 2002, « Lutte contre l’insécurité et baisse de l’impôt sur le revenu sont les priorités du président », (Jean-Michel Bezat)


- Le Monde, 16 mai 2002, « Dominique Perben annonce « une loi de moyens » pour la justice » (Cécile Prieur)


- Le Monde, 6 juin 2002, « Perben : juges de paix et centres pour mineurs »


- Le Monde, 23 juin 2002, « Les engagements de la campagne »


- Le Monde, 10 juillet 2002, « Des sénateurs prônent l’instauration d’une « véritable justice de proximité » » (Alexandre Garcia)


- Le Monde, 6 juillet 2002, « Des juges de proximité devront régler les « petits litiges de la vie » : les professionnels s'inquiètent de la création d'une « justice au rabais » rendue par des « sous-juges » (Cécile Prieur) ;

« La détention provisoire dès l’âge de 13 ans »


- Le Monde, 13 juillet 2002, « Le Conseil d'Etat s'oppose à la création des « juges de proximité » par une loi simple : Dominique Perben devrait présenter un projet de loi organique à la rentrée » (Cécile Prieur)


- Le Monde, 17 juillet 2002, « Les associations des droits de l'homme sont consternées par le projet de loi sur la justice » (Cécile Prieur)


- Le Monde, 18 juillet 2002, « La réforme de la justice présentée sous le feu des critiques » (Cécile Prieur) ;

« Philippe Chaillou, président de la chambre spéciale des mineurs à la cour d'appel de Paris : « On élargit l'outil répressif sans s'attaquer aux causes du phénomène » (Propos recueillis par Alexandre Garcia » ;

« Le tout-répressif » ;

« Colère contre la prison dès 13 ans »


- Le Monde, 19 juillet 2002, « Dominique Perben défend son texte sur le droit pénal des mineurs et la justice de proximité » (Cécile Prieur)


- Le Monde, 26 juillet 2002, « Le statut des juges de proximité précisé ».


- Le Monde 27 juillet 2002, « Au Sénat, Robert Badinter démonte point par point le projet de loi sur la justice » (Soren Seelow)


- Le Monde, 28 juillet 2002, « Le Sénat a adopté à marche forcée le projet de loi sur la justice » (Soren Seelow)


- Le Monde, 3 août 2002, « Des députés de droite critiquent le projet de loi sur la justice » (Soren Seelow)


- Le Monde, 4 août 2002, « Les députés de droite ont durci le projet de M. Perben » (Soren Seelow)


- Le Monde, 6 août 2002, « Les principaux engagements du candidat Chirac ont été votés par les parlementaires » (Soren Seelow)


- Le Monde, 7 août 2002, « Justice : la loi Perben et les libertés ».


- Le Monde, 13 août 2002, « Des juges de proximité », (Au courrier des lecteurs : Claude Hamel)


- Le Monde, 31 août 2002, « Le Conseil constitutionnel valide la loi d'orientation sur la justice : Une « réserve » émise sur le juge de proximité » (Soren Seelow)


- Le Monde, 25 septembre 2002, « Le Conseil supérieur de la magistrature réservé sur les juges de proximité » (Cécile Prieur)


- Le Monde, 4 octobre 2002, « Au Sénat, Robert Badinter compare la justice de proximité à une « justice de notables » (Patrick Roger)


- Le Monde, 1er novembre 2002, « Les syndicats de magistrats rejettent d'une seule voix la justice de proximité » (Cécile Prieur)


- Le Monde, 20 novembre 2002, « Les juges de proximité suscitent l’inquiétude des magistrats », « Tribunaux d’instance et conciliation », « La double vie de Bénédicte, universitaire et magistrate à titre temporaire » (Cécile Prieur)


- Le Monde, 12 décembre 2002, « Le projet Perben sur la criminalité fait la part belle aux policiers » (Cécile Prieur)


- Le Monde, 15 décembre 2002, « Le candidat choisi par la chancellerie pour être procureur de Nanterre est contesté par le CSM »


- Le Monde, 19 décembre 2002, « L’Assemblée nationale approuve la création de 3 300 postes de juges de proximité en cinq ans » (Philippe Le Cœur)


- Le Monde, 16 janvier 2003, « Les juges de proximité en place dès septembre » (Mathilde Mathieu)


- Le Monde, 21 février 2003, « M. Perben veut réaffirmer la place du politique dans la justice » (Cécile Prieur)


- Le Monde, 23 avril 2003, « Saint Paul Voise martyr des médias » (Régis Guyotat) 


- Le Monde, 22 juillet 2003, « Les 33 premiers ‘’juges de proximité’’ sélectionnés par le Conseil supérieur de la magistrature » (Nathalie Guibert) 



IV- PROJETS DE LOIS, RAPPORTS, LOIS, DECISIONS, DECRETS ET CIRCULAIRES SUR LA JURIDICTION DE PROXIMITE


1) LOI n° 2002–1138 DU 9 SEPTEMBRE 2002 D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE

(JO du 10 septembre 2002, p. 14934)

- Sénat - 1ère lecture
. Projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, n° 362 (2001-2002), déposé le 17 juillet 2002 (urgence déclarée).
. Rapport de MM. Jean-Pierre Schosteck et Pierre Fauchon, au nom de la commission des lois, n° 370 (2001-2002).
. Avis de M. Hubert Haenel, au nom de la commission des finances, n° 374 (2001-2002).
. Discussion les 25 juillet et  26 juillet 2002 et adoption, après déclaration d'urgence, le 26 juillet 2002 (T.A. 110).


- Assemblée nationale - 1ère lecture

. Projet de loi adopté par le Sénat, n° 154.

. Commission des lois, saisie au fond (rapporteur : M. Jean-Luc Warsmann).
. Audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, 
  et de M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice : réunion du 30 juillet 2002.
. Rapport de M. Jean-Luc Warsmann, n° 157.

. Commission des finances, saisie pour avis (rapporteur : M. Jacques Pelissard).
. Avis de M. Jacques Pélissard, n° 158.

. Projet de loi modifié par l'Assemblée nationale en première lecture le 2 août 2002 (T.A. 24).


- Commission mixte paritaire (accord)

. Projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, n° 392 (2001-2002).

. Rapport de MM. Jean-Luc Warsmann, Jean-Pierre Schosteck et Pierre Fauchon [Assemblée nationale, n° 184 ; Sénat, n° 393 (2001-2002)].
. Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale le 3 août 2002 (T.A. 26).

. Projet de loi adopté par le Sénat le 3 août 2002 (T.A. 117) (texte définitif).


- Conseil constitutionnel

. Saisine, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés le 5 août 2002, et par plus de 60 sénateurs le 6 août 2002.
. Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 (
J.O. du 10 septembre 2002)


2) LOI ORGANIQUE n° 2003-153 DU 26 FEVRIER 2003 RELATIVE AUX JUGES DE PROXIMITE

(JO 27 févr. 2003, p. 3479 ; JCP G 2003, act. 66 ; III, 20025)
-
Sénat - 1ère lecture

. Projet de loi organique relatif aux juges de proximité, n° 376 (2001-2002), déposé le 24 juillet 2002.
. Rapport n°404 de  M. Pierre Fauchon au nom de la commission des lois.
. Texte adopté par le sénat n° 242 le 3 octobre 2002.

- Assemblée nationale - 1ère lecture

. Projet de loi organique adopté par le Sénat, n° 242, renvoyé à la commission des lois (rapporteur M. Emile Blessig).

. Examen par la commission des lois au cours de sa réunion du 11 décembre 2002.

. Rapport de M. Emile Blessig, n° 466, déposé le 11 décembre 2002

. Projet de loi organique adopté par l'Assemblée nationale, le 17 décembre 2002, TA n°48.

- Sénat - 2ème lecture

. Projet de loi organique modifié par l'Assemblée nationale n° 103 (2002-2003)
. Rapport de M. Pierre Fauchon, n° 127 (2002-2003), déposé le 15 janvier 2003

. Discussion  et adoption le mercredi 22 janvier 2003, texte définitif n° 50 (2002-2003) 

- Conseil constitutionnel

. Saisine conformément aux dispositions de l'article 61 alinéa 1 de la Constitution, le 24 janvier 2003
. Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 (
JO du 27 févr. 2003, p. 3480 )


3) LOI DE FINANCES POUR 2003 n° 2002-1575 DU 30 DECEMBRE 2002

JO 31 déc. 2002, p. 22025

Art 131 de la loi 30 déc. 2002, qui ajoute un art. 6 à la loi du 9 sept. 2002

- Décision n° 2002-464 D.C. du 27 décembre 2002 (JO du 31 décembre 2002, p. 22103)


4) - CIRCULAIRE de la direction des affaires criminelles et des grâces du 30 octobre 2002, Signalisation des circulaires du 1er octobre au 31 décembre 2002. BO du ministère de la justice n° 88 (1er octobre – 31 décembre 2002). Présentation des dispositions relatives au référé-détention issues de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice (Référé-détention). CRIM 2002-14 E8/30-10-2002. NOR : JUSD0230174C

- CIRCULAIRE de la direction des affaires criminelles et des grâces du 8 novembre 2002, Signalisation des circulaires du 1er octobre au 31 décembre 2002. BO du ministère de la justice n° 88 (1er octobre – 31 décembre 2002). Présentation des dispositions portant réforme du droit pénal des mineurs et de certaines dispositions de droit pénal spécial résultant de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice. CRIM 2002-15 E8/07-11-2002. NOR : JUSD0230177C

- CIRCULAIRE de la direction des affaires criminelles et des grâces du 8 novembre 2002, Signalisation des circulaires du 1er octobre au 31 décembre 2002. BO du ministère de la justice n° 88 (1er octobre – 31 décembre 2002). Présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice (Procédure pénale). CRIM 2002-16 E8/08-11-2002. NOR : JUSD0230179C


5) DECRET n° 2003-438 du 15 mai 2003 modifiant le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature

(JO n° 114 du 17 mai 2003, p. 8488)


6) ARRETE du 15 mai 2003 pris en application de l’article 35-14 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 modifié pris pour l’application de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature

(JO n° 114 du 17 mai 2003, p. 8491)


7) DECRET n° 2003-542 du 23 juin 2003 relatif à la juridiction de proximité et modifiant le Code de l’organisation judiciaire, le nouveau code de procédure civile, le code de procédure pénale (deuxième partie : Décrets en Conseil d’Etat) et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (J.O n° 145 du 25 juin 2003 p. 10632 ; J.C.P G 2003, n° 28 act. 349) NOR : JUSB0310251D



VI- SITES INTERNET


SITE de l’ ASSEMBLEE NATIONALE

-http://www.assemblee-nat.fr/


SITE du SENAT

- http://www.senat.fr/


SITE du CONSEIL CONSTITUTIONNEL

- http://www.conseil-constitutionnel.fr/


SITE du GOUVERNEMENT

- http://www.premier-ministre.gouv.fr


SITE du MINISTERE DE LA JUSTICE

- http://www.justice.gouv.fr/


SITE de l’UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS

- http://www.juripole.u-nancy.fr/USM


SITE du SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE

- http://www.syndicat-magistrature.org/




- TABLE DES MATIERES-


Abréviations p.1

Sommaire p.2


INTRODUCTION p.4



TITRE I : LA GENESE DE LA JURIDICTION DE PROXIMITE p.19


CHAPITRE I : UNE REFORME ATTENDUE p.21



SECTION I : L’ABSENCE DE REPONSES ADAPTEES AU PETIT CONTENTIEUX CIVIL p.23

§1 Une réponse juridictionnelle inadaptée p.23

A- L’impossible traitement spécifique du contentieux de masse par le juge d’instance

B- L’échec de la recomposition de la carte judiciaire p.31


§2 Limites des procédures de règlement amiable des conflits p.34


SECTION II : L’ABSENCE DE REPONSES ADAPTEES A LA PRIMO-

DELINQUANCE p.41


§1 Une réponse juridictionnelle impossible  p.41

§2 Limites des alternatives aux poursuites p.47



CHAPITRE II : UNE REFORME DISCUTEE p.59



SECTION I : LES CRITIQUES SUSCITEES PAR LA REFORME p.59


§1 Critiques des professionnels p.59

A- Critiques sur la méthode p.59

B- Critiques sur le contenu p.63

1) Critiques des juges d’instance p.63

2) Critiques des conciliateurs de justice p.67

3) Critiques des spécialistes de l’enfance p.68

4) Critiques des syndicats de magistrats p.71

5) Critiques des avocats p.73

6) Critiques de la doctrine p.74

§2 Mises en garde des institutionnels p.77

A- Avis de la CNCDH p.77

B- Avis du Conseil d’Etat p.78

C- Avis du CSM p.80

D- Décisions du Conseil constitutionnel p.82


SECTION II : LES PRECEDENTES PROPOSITIONS p.87


§1 La fusion des juridictions de première instance p.88

§2 Des juges non-professionnels encadrés par le juge d’instance p.89




TITRE II : ORGANISATION DE LA JURIDICTION DE PROXIMITE p.97


CHAPITRE I : FONCTIONNEMENT DE LA JURIDICTION DE PROXIMITE p.100


SECTION I : LA COMPETENCE D’ATTRIBUTION DE LA JURIDICTION DE

PROXIMITE p.101


§1 La compétence civile p.101

A- Les actions personnelles et mobilières des particuliers p.102

B- Les injonctions de faire ou de payer p.105

C- L’homologation des accords de conciliation p.106

§2 La compétence pénale p.108

A- Compétence pénale à l’égard des majeurs p.109

1) Le jugement de certaines contraventions des cinq premières classes p.109

2) La validation des mesures de composition pénale p.111

B- Compétence pénale à l’égard des mineurs p.116


SECTION II : LA PROCEDURE DEVANT LA JURIDICTION DE PROXIMITE p.122


§1 La procédure en matière civile p.122

§2 La procédure en matière pénale p.133

A- La procédure pénale à l’égard des majeurs p.134

B- La procédure pénale à l’égard des mineurs p.136

§3 Articulation avec la juridiction d’instance p.137




CHAPITRE II : LE STATUT DES JUGES DE PROXIMITE p.143



SECTION I : DES CONDITIONS DE « CAPACITE » p.147


§1- Conditions de recrutement : des compétences juridiques acquises par

l’expérience p.147

§2- Conditions de formation : l’aptitude à juger p.158

A- La formation probatoire p.158

B- La formation postérieure à la nomination p.162



SECTION II : DES CONDITIONS D’INDEPENDANCE p.164


§1 La soumission de principe au statut de la magistrature p.164

§2 Les aménagements du statut liés à l’exercice temporaire des

fonctions p.170

A- Conditions de nomination p.171

B- Les incompatibilités renforçant l’impartialité p.173

C- La discipline p.178

D- La rémunération p.179

E- Le costume des juges de proximité p.181

CONCLUSION p.183

BIBLIOGRAPHIE p.185























1 Cité par Jean-pierre Gridel, « A propos d’un éventuel retour du juge de paix : réminiscences prospectives », D. 1994, chr., p. 29

2 La douzième.

3 La cession parlementaire extraordinaire s’est ouverte le 2 juillet 2002 et s’est achevée le 3 août 2002.

4 Le Monde, 16 mai 2002, « Dominique Perben annonce « une loi de moyens » pour la justice » (Cécile Prieur)

5 Articles 7 à 10 et article 20 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002.

6 Tribunaux d’instance et tribunaux de grande instance.

7 Contraventions de police de la 1ère à la cinquième classe concernant les majeurs et de la 1ère à la quatrième classe concernant les mineurs.

8 Avis du 17 juillet 2002.

9 Cf. Titre I, Chapitre II, Section I, §2 et Titre II, Chapitre II du présent ouvrage.

10 Loïc Cadiet, Serge Guinchard, « Justice et Ville », Revue Justices n° 2, Juillet/décembre 1995.

11 Le juge ne s’occupe pas des petites choses, c’est-à-dire des petits litiges

12 La non reprise du terme « praetor » est justifié par le fait qu’il s’agit d’un juge d’une certaine importance dans la hiérarchie judiciaire, ce qui ne correspond pas au « juge de proximité ». C’est ce juge non professionnel qui aura la tache exclusive de s’occuper justement de ces petits litiges, auxquels le juge professionnel ne peut donner toute son attention en raison de l’encombrement des juridictions.

13 « Croyez-vous vraiment, questionnait à ce propos le garde des Sceaux, qu’il faut avoir suivi sept ou huit années d’études pour être capable de juger dans les matières définies par notre projet de loi ? Bien sûr que non ! » (D. Perben, JO AN 1er août 2002, p. 2521

En témoignent, dans l’esprit des auteurs de la réforme, les litiges devant en pratique illustrer cette facilité: au titre de la compétence générale des action mobilières personnelles, les auteurs de la réforme renvoyaient aux litiges locatifs, aux litiges liés à la consommation et aux actions en réparation d’une petit préjudice comme en matière de trouble de voisinage ; au titre des injonctions de payer, aux difficultés de paiement en général ; au titre des injonctions de faire, aux cas d’éventuelles difficultés liées à la livraison, la réparation ou le remplacement d’un bien.

14 C. Cointrat, « Quels métiers pour quelle justice ?, Rapport Sénat, n° 345, Mission d’information de la Commission des lois, p. 199.

15 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Parue au JO n° 50 du 28 Février 2002. La « démocratie de proximité », thème de la loi du 27 février 2002, permet aux collectivités locales d’expérimenter dans certains domaines de nouvelles compétences et ouvre clairement le champ de la territorialisation du droit, confirmée par la révision constitutionnelle adoptée le 17 mars 2003, dont le nouvel article 72 autorise les mêmes collectivités à déroger pour un objet et une durée limitée, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. Il s’agit de l’une des quatre réformes décentralisatrices du « quinquennat » de Lionel Jospin, ce projet avait été jugé comme venant à propos après le taux d’abstention record aux municipales de mars 2001. En créant de nouveaux cadres pour la démocratie locale, il devait être un instrument de reconquête citoyenne. La loi a pour objet premier l'approfondissement de la démocratie locale, par le développement de la démocratie participative d'une part, qui permet aux habitants d'être mieux associés à la vie locale et, d'autre part, par le renforcement de la démocratie représentative, afin de fournir aux élus locaux de meilleures conditions d'exercice de leurs mandats.

16 Le développement d'une police de proximité traduit une conception de la présence de la police dans la société, « reposant sur la confiance, la connaissance réciproque et le respect mutuel. Cette police devra être apte à agir en partenariat avec tous les acteurs de la sécurité ». Elle est donc, de ce point de vue, liée à l'instauration d'un partenariat avec les élus locaux, notamment à travers les Contrats Locaux de Sécurité. Mais elle se veut surtout représentative d’une systématisation de la « tolérance zéro ».

17 Ivon Desdevises.

18 Réforme de grande ampleur, la décentralisation a été annoncée par le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin dès sa déclaration de politique générale, le 3 juillet 2002, cette réforme consacre l'existence juridique des régions et reconnaît aux collectivités territoriales en général des compétences élargies. Elle s'articule à ce titre autour de deux principes: la proximité et la cohérence, qui sont autant de leviers pour opérer une "réforme de l'Etat". Cette exigence de cohérence et de proximité est au cœur des nouveaux transferts de compétences reconnues aux collectivités territoriales. Le Premier ministre avait annoncé, dans sa déclaration de politique générale, que la décentralisation s'appuierait sur deux "piliers" : "le pilier régional qui a pour vocation la cohérence et la programmation", et "le pilier de la proximité qui relève de l'échelon départemental et de l'intercommunalité".

L'adoption par le Parlement réuni en Congrès, le 17 mars 2003, du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République a marqué le premier acte de la réforme. Désormais inscrit dans la Constitution, ce texte y introduit diverses dispositions qui consacrent juridiquement "l'organisation décentralisée de la République". Le droit à l’expérimentation permettra pour chaque politique publique, de déterminer le bon niveau d’exercice des compétences. Ainsi les conditions de la mise en œuvre du principe de subsidiarité seront réunies Tel est l’objet du deuxième alinéa de l’article 72, qui dispose que les collectivités territoriales ont vocation à exercer l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à l’échelle de leur ressort.

19 Rapport de la Commission des maires sous la direction de G. Bonnemaison, remis au Garde des Sceaux en 1982. Ce rapport a pour champ de réflexion la délinquance dite quotidienne.

20 La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure n° 2002-1094 du 29 août 2002 rappelle que la sécurité est un droit fondamental et que l’Etat a le devoir de faire reculer durablement l’insécurité. LIENHARD Claude, « La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, Loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, J.C.P. éd. G., 2002, n° 37, Aperçu rapide, act. 365, p. 1545

21 Rapport Peyrefitte, « Réponses à la violence », 1977

22 Dominique Perben, maire RPR de Chalon-sur-Saône depuis 1983, a été nommé le 7 mai 2002, ministre de la justice du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Sa nomination à la Justice a été une surprise. Il n’est pas connu du grand public et n’a aucun lien avec le monde judiciaire. Diplômé de sciences politiques, énarque ayant effectué sa carrière dans la préfectorale, Dominique Perben a été ministre des Dom-Tom sous le gouvernement Balladur (1993_1995) puis ministre de la Fonction publique, de la refonte de l’Etat et de la décentralisation d’Alain Juppé (1995-1997). Rien dans son parcours ne laissait présager qu’il entrerait un jour à la Chancellerie. Ce d’autant plus que le nouveau gouvernement accorde une large place aux juristes. On y dénombre en effet pas moins de quatre avocats : Nicolas Sarkozy, Michèle Alliot-Marie, Jean-Louis Borloo et Patrick Devedjian. Mais aussi un notaire, Alain Lambert, ancien président du Conseil supérieur du notariat, et plusieurs juristes parmi lesquels Gilles de Robien, Renaud Dutreil et Nicole Ameline.

23 Il ne s’agit en réalité que d’une violence indirectement ressentie. Les médias ont une importante responsabilité dans la mesure où ils contribuent quotidiennement à l’exacerbation de ce sentiment. Le dernier exemple en date fait figure de cas d’école. Le 18 avril 2002, deux jours avant le premier tour de la présidentielle, le visage d’un vieillard agressé, Paul voise, avait choqué la France. Les conséquences de ce « tabassage préélectoral » furent lourdes de conséquences. Les médias vont s’emparer de ce qui n’était pourtant qu’un fait divers. Une équipe de TF1 est au chevet de Paul Voise sur son lit d'hôpital, et son visage martyrisé envahit les écrans au 20-Heures de la chaîne. La chaîne LCI passera dix-neuf fois des images en boucle. Mais la course aux images ne semble plus devoir s'arrêter, « comme si le « visage pathétiquement télégénique » de Paul Voise illustrait, mieux que tous les plus beaux discours sur l'insécurité, la « barbarie » des quartiers ». Dès le résultat du 21 avril 2002, ces images-chocs ont été montrées du doigt. Leur surdosage avait-il pu influencer le vote ? La récupération politique a été certes dénoncée, mais trop tard : cet acte crapuleux, mais pas des plus graves, a fait la une des journaux télévisés, alors même que l’on savait que la campagne électorale allait se jouer sur le thème de la sécurité.

24 Sénat, Rapport n° 340 remis le 26 juin 2002, Annexe au procès-verbal de la séance du 27 juin 2002. Jean-Pierre Schosteck, Jean-Claude Carle, « La République en quête de respect », Commission d’enquête sur la délinquance des mineurs.

25 C’est-à-dire dans la tradition de common law d’anciens praticiens (« solicitors » ou « barristers »)

26 COULON Jean-Marie, GRUMBACH Tiennot, « L’égalité devant la justice », Justices, ‘’Ce qui a changé depuis 20 ans’’, Dalloz, 1999, Dossier, p. 83

27 Enquête de satisfaction auprès des usagers de la justice effectuée par l'Institut Louis Harris pour la mission de recherche droit et justice - mai 2001.

28 MM. Haenel et Harthuis, Propositions pour une justice de proximité, rapport de la commission sur la justice de proximité et les missions du juge - remis au garde de Sceaux en février 1994 - p. 46.

29 L'élection instituée en 1790 a rapidement cédé le pas à la nomination de personnes dotées d'une autorité morale et d'une situation sociale établies. A partir de 1926, le législateur exigea de véritables connaissances en droit et un minimum d'expérience professionnelle dans le domaine juridique.

30 On dénombre à l’heure actuelle 473 tribunaux d’instance à la différence des juges de paix qui au départ, même s’ils n’étaient plus que 700 en 1958, étaient implantés dans chacun des 2.092 cantons.

31 Or actuellement, le délai moyen est , aujourd’hui, de 5,3 mois pour les tribunaux d’instance, de 9,3 mois pour les tribunaux de grande instance, et de 17,8 mois pour les Cours d’appel.

32 FAUCHON Pierre, « Quels moyens pour quelle justice ? », Rapport Sénat, n° 49, au nom de la mission d’information chargée d’évaluer les moyens de la justice, présidée par Charles Jolibois, Sénat, 1996-1997.

33 BARRIERE Claude-Philippe, « Nouvelles pratiques des conciliateurs de justice dans les Tribunaux d’instance », G.P., 2001, doctr., p. 270

34 La médiation et la conciliation consistent à aller volontairement devant un tiers pour chercher avec lui un règlement amiable du litige. Le médiateur ou conciliateur ne rend pas un jugement : il aide les parties à trouver une solution. Il existe théoriquement une différence entre médiation et conciliation : le médiateur propose la solution, alors que le conciliateur se borne à œuvrer au rapprochement des parties de façon à ce qu’elles trouvent elles-mêmes la solution.

35 En cas de conciliation, même partielle, il peut être établi un constat d’accord auquel le juge d’instance peut conférer force exécutoire si les parties concernées en expriment la volonté

36 CALAIS-AULOY Jean, STEINMETZ Franck, « Droit de la consommation », Dalloz, coll. Précis, 6e éd., 2003, p. 539

37 Un programme de réformes structurelles pour la justice fut mené « tambour battant » par le garde des Sceaux du général De Gaulle à travers 13 ordonnances et 31 décrets.

38 Les modifications de la carte judiciaire de Poincaré en 1926 furent totalement remises en cause dès 1929 sous la pression des notables locaux.

39 JEAN Jean-Paul, « Les réformes de la justice », Regards sur l’actualité, La documentation française, n° 248, 1999, p. 17

40 La principale modification de la carte judiciaire en un siècle, aura été la suppression, en 1958, de plusieurs milliers d’établissements, les justices de paix, les tribunaux cantonaux et des tribunaux de première instance, auxquels furent substitués des tribunaux de grande instance, en nombre plus réduit.

41 Cette rationalisation marquait une volonté de reprise en main du pouvoir central sur les juges. La gestion des tribunaux, jusque-là confiée aux collectivités locales, a été transférée à l’Etat à compter du 1er janvier 1987, dans un mouvement inverse de celui des transfert de compétence de la décentralisation.

42 C. org. Jud. Art. L. 311-16 et 17

43 La loi a été examinée par le Conseil constitutionnel qui n’en a censuré qu’une disposition mineure de nature budgétaire : cf. la décision n° 94-355 du 10 janvier 1995.

44 Les articles 41-10 et 41-14 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 permettent de recruter deux sortes de magistrats. D’une part, des anciens membres de professions libérales juridiques et judiciaires, d’autre part, des personnes en activité, issues de ces mêmes professions, ainsi que du corps des professeurs et maîtres de conférences des universités. Dans tous les cas, ils ne peuvent être nommés que pour une durée de sept ans non renouvelable.

45 Des conditions de recrutement trop rigides ainsi que le poids des corporatismes ont également contribué à son échec.

46 Au sein de ces MJD coexistent deux missions : l’accès au droit (information, orientation et conseils juridiques) et le traitement judiciaire des conflits (médiation pénale, mesure de réparation pour les mineurs, suivi de l’exécution des mesures judiciaires). L’activité pénale reste prédominante dans l’activité judiciaire des MJD et la conciliation représente l’essentiel des mesures civiles mises en œuvre.

47 Mais certains justiciables se plaignent de la difficulté à appréhender les circuits judiciaires. La création des MJD a pu être considérée comme aboutissant parfois, et paradoxalement à une complexification accrue des parcours pour aller en justice. C’est le risque encouru par toute création de nouvelles structures.

48 FAUCHON Pierre, « Quels moyens pour quelle justice ? », Rapport Sénat, n° 49, au nom de la mission d’information chargée d’évaluer les moyens de la justice, présidée par Charles Jolibois, Sénat, 1996-1997.

49 Le rapport Vignoble proposait d’ouvrir l’éventail des activités judiciaires des MJD, notamment en sollicitant les magistrats du siège et en développant des audiences foraines dans ces structures. Mais la circulaire du 19 mars 1996 est plus mesurée. Elle soumet l’activité juridictionnelle des magistrats du siège à des conditions strictes de procédure et d’opportunité. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, l’activité pénale reste prédominante dans l’activité judiciaire des MJD. La conciliation représente l’essentiel des mesures civiles mises en œuvre. Ainsi, les MJD sont principalement des lieux favorisant l’accès au droit et à l’information juridique.

50 Le texte de 1995 ne concerne que les tentatives de conciliation préalable et prescrites par la loi, devant le tribunal d’instance, quand le demandeur l’exige en application des articles 830 à 835 du NCPC.

51 Aux termes de l’article 21 qui se situe dans les principes directeurs du procès civil, « il entre dans la mission du juge de concilier les parties. » Cette implication du juge n’est pas sans précédent puisque le juge de paix avait, jusqu’en 1949, la charge de conduire une tentative de conciliation obligatoire et préalable à l’instance. Cette mission de conciliation se concilie avec celle énoncée à l’alinéa un de l’article 12, toujours dans les principes directeurs, qui veut que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

52 La loi l’autorise à désigner une tierce personne pour essayer de rapprocher les points de vue des adversaires. Pour préserver les chances d’une solution amiable du conflit, le juge doit au préalable avoir obtenu l’accord des parties. Cet accord doit non seulement porter sur le principe de la délégation à un tiers par le juge de son obligation de procéder à la tentative de conciliation mais aussi sur l’identité du délégataire.

53 La loi exige l’accord préalable des parties pour la médiation comme pour la conciliation judiciaire. Mais elle ouvre davantage les possibilités de médiation tout en lui donnant un statut plus élaboré.

54 Notre propos exclut la médiation familiale qui occupe une place et un statut particuliers. Elle s’exerce souvent dans le champ pénal (non-représentation d’enfants, violences familiales), mais à la différence de la médiation pénale, elle n’est ni une alternative au procès, ni une alternative au classement sans suite. C’est un complément au service que peut apporter la justice. Le médiateur familial n’est pas mandaté par le juge. La médiation familiale peut intervenir en amont ou en aval du judiciaire.

55 MOREAU Jean-François, « Qui a peur de la médiation ? », G.P. 2001, doctr., p. 786

56 CALAIS-AULOY Jean, STEINMETZ Franck, « Droit de la consommation », Dalloz, coll. Précis, 6e éd., 2003, p. 544.

57 V. E. Camous, « Règlements non juridictionnels des litiges de consommation », LGDJ, bibl. de Droit privé, 2002, p. 28

58 Le délai de prescription de l’action exercée par le consommateur est en principe celui du droit commun : 30 ans si l’action est exercée contre un non commerçant (art. 2262, c. civ.), 10 ans si elle l’est contre un commerçant (art. L. 110-4, c. com.). Mais des délais plus courts sont souvent applicables : 1) l’action en responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle le demandeur a pu connaître le dommage, le défaut et l’identité du producteur (art. 1386-17, c. civ.) ; 2) pour le contrat d’assurance, le délai est de 2 ans (art. L. 114-1, c. assur.) ; 3) en matière de vices cachés, l’acheteur doit agir dans un « bref délai » (art. 1648, c. civ), variable selon les cas, il est de l’ordre de quelques mois.

59 Par l’accès au droit offert dans les MJD, on permet aux habitants d’un quartier de prendre conscience qu’ils sont des sujets de droit et en leur facilitant l’exercice de ces droits, on contribue à les sortir de leur sentiment d’être exclus du droit. L’accès au droit constitue un facteur de paix sociale, et donc de prévention de la délinquance. Elle répond aux petits litiges d’ordre civil (consommation, voisinage, logement) en mettant en œuvre des solutions à l’amiable, rapides et de qualité : une conciliation ou une médiation civile, à la demande des personnes en conflit ou proposée par les magistrats.

Il est à noter qu’à l’heure actuelle ce réseau de proximité reste en chantier. En effet, une douzaine de cours d’appel ne disposent encore d’aucune MJD ou antenne de justice. Une cinquantaine de départements en sont dépourvus. La couverture du territoire n’assure pas encore un égal accès à la justice.

60 Et le tribunal correctionnel est le tribunal de grande instance statuant en matière correctionnelle.

61 Une personne interpellée et présentée à la Justice pour la première fois est un primo délinquant. Le multiréitérant effectue plusieurs passages à l’acte sans pour autant être condamné pénalement. Le récidiviste quant à lui a déjà fait l’objet d'une condamnation définitive lorsqu’il est de nouveau appréhendé pour des faits de même nature.

62 En 2001, près de 5,4 millions de plaintes et procès-verbaux ont été reçus par les parquets ; 4,9 millions d'entre eux ont été traités. Sur cette masse, 73 % n'ont pu faire l'objet de poursuites, soit que les infractions aient été mal caractérisées (c'est-à-dire que les faits n'étaient pas constitutifs d'une infraction pénale, que les charges étaient insuffisantes ou que les preuves faisaient défaut) soit que l'auteur de l'infraction soit demeuré inconnu. En 2001, le taux de classement des infractions pour défaut d'élucidation a représenté 66 % des affaires traitées par les parquets. Ainsi, moins de 27 % des affaires traitées par les parquets ont donc été susceptibles de poursuites. Cet indice s'appuie sur la connaissance des motifs de classement sans suite et permet de dégager un nombre d'affaires dites « poursuivables ».

63 Rapport de MM. Jean-Pierre Schosteck et Pierre Fauchon, au nom de la commission des lois du Sénat, sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice, n° 370 (2001-2002).

64 Augmentation significative des faits de violence, de vols avec violence, d’atteintes aux personnes et d’atteintes aux mœurs.

65 Rapport de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs n° 340 de MM. J.-P. Schosteck et J.-C. Carle

66 Lazerges Christine, « Fallait-il modifier l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ? », RSC, Janvier / Mars 2003, p. 172

67 Elle se caractérise notamment par une augmentation significative des faits de violence (+ 16,4 % de vols avec violences entre 1997 et 2000, + 39,5 % d'atteintes aux personnes) et d'atteintes aux mœurs (+ 18,5 %).

68 Echappe aux statistiques de police judiciaire l’ensemble des faits non constatés par les services de Police nationale ou de la Gendarmerie nationale, ou constatés par d’autres services administratifs. Cela explique que les statistiques de police judiciaire ne rendent compte que de certains aspects de la criminalité et de la délinquance, qualifiés de criminalité apparente. C’est cette dernière qui donne des indications sur la criminalité urbaine. Les statistiques policières sont représentatives d’abord de l’activité de la police avant d’être représentatives partiellement de la délinquance urbaine. Enfin, les statistiques judiciaires ne renseignent que sur la criminalité légale, c’est-à-dire l’ensemble des faits délictueux recensés, poursuivis et jugés, ayant donné lieu à une condamnation pénale, mais sans tenir compte des faits classés sans suite ni de ceux ayant donné lieu à une médiation pénale. Seul un recoupement des statistiques policières et judiciaire, doublé d’enquête de victimation, permet d’approcher la criminalité apparente.

69 FRANCIS Vincent, GUILLAIN Christine, DEVRESSE Marie-Sophie, HUBERT Hugues-Olivier, SCOHIER Claire, SCHAUT Christine, « L’application de nouveaux dispositifs socio-pénaux liés aux politiques sécuritaires : des effets voulus aux effets perçus », Revue de Droit Pénal et de Criminologie, mai 2002, p. 557.

70 LIENHARD Claude, « La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, Loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, J.C.P. éd. G., 2002, n° 37, Aperçu rapide, act. 365, p. 1545

71 WACQUANT Loïc, « Les prisons de la misère », Editions ‘’Raisons d’agir’’, 1999, p. 17 et s.

72 Définition de l’alternative aux poursuites pénales : pour les infractions de faible gravité, le ministère public peut décider à l’encontre de l’auteur de l’infraction une mesure de placement aux poursuites pénales devant un tribunal. Cette mesure peut être un rappel à la loi, une composition pénale, une mesure de réparation ou une médiation pénale.

73 Il s’agit de structures qui accomplissent les mêmes missions que les MJD mais qui sont des structures plus légères et non soumises à l’encadrement normatif (loi et décret) des MJD, désormais inscrites dans le Code de l’organisation judiciaire.

74 Selon l’expression employée dans la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, qui a officialisé l’existence des MJD. Décret 2001-1009 du 29 octobre 2001 relatif aux maisons de justice et du droit. Elles constituent un cadre juridique pour accueillir toutes actions d’accès au droit, de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de règlement alternatif des conflits.

75 Ces maisons poursuivent un double but : exercice d’une activité judiciaire pénale, d’une part, exercice d’une activité juridique, d’animation et d’aide aux victimes, d’autre part. Le traitement d’un certain nombre d’affaires pénales dans les maisons de justice, objet de notre propos, ne constitue donc que l’un des deux versants de l’activité de celles-ci.

76 Il est à noter qu’à l’heure actuelle ce réseau de proximité reste en chantier. En effet, une douzaine de cours d’appel ne disposent encore d’aucune MJD ou antenne de justice. Une cinquantaine de départements en sont dépourvus. La couverture du territoire n’assure pas encore un égal accès à la justice.

77 La loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, modifiée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 dispose aux termes de l’article 41-1 du CPP : « S’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action publique, directement ou par délégation :

1° Procéder au rappel auprès de l’auteur des faits des obligations résultant de la loi ;

2° Orienter l’auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ;

3° Demander à l’auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements ;

4° Demander à l’auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci ;

5° Faire procéder, avec l’accord des parties, à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime.

La procédure prévue au présent article suspend la prescription de l’action publique. »

78 Christian Sozzi, « Territoires, espaces et formes de la justice dans la ville », Revue Justices, n° 2, Juillet/Décembre 1995.

79 Article 41-1 du CPP

80 « La violence des jeunes – Diagnostic – Les réponses judiciaires sont-elles satisfaisantes ? », Société Générale des Prisons et de Législation Criminelle, séance du 16 mars 2002, Revue pénitentiaire et de droit pénal, 2002, p. 247.

81 Pour un exemple de cette approche : Georges Fenech, « Tolérance zéro », Grasset, 2001

82 Denis Salas, « Le juge dans la cité : nouveaux rôles, nouvelle légitimité », Revue Justices, n° 2, Juillet/Décembre 1995.

83 Georges Fenech, « Tolérance zéro. En finir avec la criminalité et les violences urbaines », Paris, Grasset, 2001, coll. « Documents français », p. 193.

84 Thierry Oblet, « La justice de proximité, une nouvelle éducation morale ? », Paris, secrétariat général pour la coordination de la politique de la ville du ministère de la Justice, 2001, p. 75

85 Qu’il s’agisse au civil de mettre en œuvre des modes alternatifs de règlement des litiges, ou au pénal, des mesures d’alternative aux poursuites.

86 Termes employées dans la loi du 18 décembre 1998 pour définir le but premier assuré par les MJD.

87 Concernant la répartition des compétences en matière pénale entre les juridictions du premier degré de l'ordre judiciaire, rappelons que :
- les tribunaux d'instance, qui prennent le nom de tribunaux de police, statuent en matière contraventionnelle 
- les tribunaux de grande instance, dénommés alors tribunaux correctionnels, jugent les délits ;
- les cours d'assises sont compétentes pour le jugement des crimes.

88 La cession parlemntaire extraordinire s’est ouverte le 2 juillet 2002 et s’est achevée le 3 août 2002.

89 Le Monde, 16 mai 2002, « Dominique Perben annonce « une loi de moyens » pour la justice » (Cécile Prieur)

90 Le Monde, 4 août 2002, « Les députés de droite ont durci le projet de M. Perben » (Soren Seelow)

91 Le Monde, 28 juillet 2002, « Le Sénat a adopté à marche forcée le projet de loi sur la justice » (Soren Seelow)

92 Sénateur PS, Hauts-de-Seine, ancien garde des Sceaux, ancien président du Conseil constitutionnel.

93 Le Monde 27 juillet 2002, « Au Sénat, Robert Badinter démonte point par point le projet de loi sur la justice » (Soren Seelow)

94 Le Monde, 3 août 2002, « Des députés de droite critiquent le projet de loi sur la justice » (Soren Seelow)

95 Le Monde, 6 août 2002, « Les principaux engagements du candidat Chirac ont été votés par les parlementaires » (Soren Seelow)

96 Le Monde, 19 juillet 2002, « Dominique Perben défend son texte sur le droit pénal des mineurs et la justice de proximité » (Cécile Prieur)

97 Le Monde, 6 juillet 2002, « Des juges de proximité devront régler les « petits litiges de la vie » : les professionnels s'inquiètent de la création d'une « justice au rabais » rendue par des « sous-juges » (Cécile Prieur)

98 Le Monde, 20 novembre 2002, « Les juges de proximité suscitent l’inquiétude des magistrats »

99 Le Monde 27 juillet 2002, « Au Sénat, Robert Badinter démonte point par point le projet de loi sur la justice » (Soren Seelow)

100 Le Monde 27 juillet 2002, « Au Sénat, Robert Badinter démonte point par point le projet de loi sur la justice » (Soren Seelow)

101 Au courrier des lecteurs, Le Monde, 13 août 2002 : « Il paraît que les « vrais juges » protestent contre une concurrence déloyale de juges au rabais. Je voudrais donc porter témoignage de ma propre expérience de la justice où de « vrais juges » ont mis huit ans pour régler un classique dégât des eaux, causé par une fuite sous baignoire, même si cet exemple est sans doute caricatural. Le locataire d'un petit deux-pièces dont je suis l'heureux propriétaire avait provoqué ce dégât des eaux par son imprudence, comme il l'avait admis par écrit, et il était régulièrement assuré. La victime ayant porté plainte, les « vrais juges » ont commis un expert qui s'est contenté de chiffrer les dégâts et d'examiner des problèmes connexes, car la fuite et la responsabilité de l'assureur ne posaient effectivement aucun problème. Au moment du verdict cependant, quatre ans plus tard, cet assureur s'est dégagé par une astuce probablement classique (une complaisante contre-expertise de dernière heure), et, bien que la copropriété soit également assurée, j'ai été condamné comme propriétaire individuel à payer l'intégralité des dégâts, soit l'équivalent de quatre ans de loyers, non déductible d'impôt comme je l'ai appris plus tard ! J'ai donc dû faire appel, avec un meilleur avocat cette fois, pour me sortir de ce pétrin : à nouveau quatre ans plus tard ! Un juge de proximité - ou l'expert lui-même - aurait certainement pu régler simplement et rapidement ce petit problème, à bien moindres frais ». Claude Hamel

102 Le Monde, 20 novembre 2002, « Les juges de proximité suscitent l’inquiétude des magistrats »

103 Un juge fort proche du « juge de proximité » était prôné par Lionel Jospin.

104 Pour appuyer son propos, il cite en guise d’exemple, « les arrêtés des derniers étés prônant de ramener chez eux les enfants de moins de 14 ou 15 ans errant dans les rues qui n’apportaient juridiquement rien au droit existant, mais se voulaient un rappel à l’ordre via les médias, aux parents et aux enfants de certains quartiers ».

105 SCHOSTECK J.-P., CARLE J.-C., « La République en quête de respect », Rapport n° 340 de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, créée en vertu d’une résolution adoptée par le Sénat le 12 février 2002.


106 Le Monde, 19 juillet 2002, « Dominique Perben défend son texte sur le droit pénal des mineurs et la justice de proximité » (Cécile Prieur)

107 Cet appel est signé par les organisations suivantes : AFC (Association Française de Criminologie), AFMJF (Association Française des Magistrats de la Jeunesse), ANJI (Association Nationale des Juges d’Instance), Ligue des droits de l’homme, SAF (Syndicat des Avocats de France), SJA (Syndicat des Juridictions Administratives), SNPES / PJJ / FSU (Protection Judiciaire de la Jeunesse / Fédération Syndicale Unitaire), SM (Syndicat de la Magistrature), USM (Union Syndicale des Magistrats), USMA (Union Syndicale des Magistrats Administratifs).

108 USM (Union Syndicale des Magistrats), ANJI (Association Nationale des Juges d’Instance).

109 Syndicat de la Magistrature et Union Syndicale des Magistrats.

110 Le Monde, 1er novembre 2002, « Les syndicats de magistrats rejettent d'une seule voix la justice de proximité » (Cécile Prieur)

111 Le Monde, 20 novembre 2002, « Les juges de proximité suscitent l’inquiétude des magistrats ».

112 Le Monde, 20 novembre 2002, « Les juges de proximité suscitent l’inquiétude des magistrats ».

113 NATALI Franck, « Les avocats et le ‘’projet de loi Perben’’ », D. 2002, n° 30, Interview, p. 2343

114 DESDEVISES Yvon, « Justice et juridiction de proximité dans la loi du 9 septembre 2002 », Droit et procédures n° 2 (La revue des Huissiers de Justice), mars-avril 2003, p. 68

115 BLERY Corinne, « La compétence civile du nouveau juge de proximité, De quelques questions qu’elle suscite », D. 2003, n° 9, chr., p. 566

116 Article 41-18 nouveau de l’ordonnance du 22 décembre 1958

117 VERICEL Marc, « Pour une véritable justice de proximité en matière civile », J. C. P. 2003, éd. G, n° 10, Chr. 114, p. 389


118 L’avis du Conseil d’Etat n’est pas public, conformément à la tradition républicaine. C’est la chancellerie qui en a livré la teneur à l’Agence-France-Presse, le 11 juillet 2002, avant même que l’assemblée générale du Conseil d’Etat n’ait fini d’en délibérer.

119 Des prérogatives très importantes sont confiées à ces juges uniques, notamment en matière pénale. En effet, sous couvert de l’octroi qui leur est fait de pouvoir valider les mesures de composition pénale, ce n’est pas seulement la matière contraventionnelle qui leur est déléguée, mais la matière délictuelle. Ce qui signifie qu’il pourra prononcer des amendes jusqu’à 3800 euros, condamner à des suspensions de permis de conduire, à des travaux d’intérêt général et statuer sur le montant des dommages-intérêts demandés par les victimes d’infractions pénales quels que soient les montants d’indemnisation sollicités.

120 Le Monde, 19 juillet 2002, « Dominique Perben défend son texte sur le droit pénal des mineurs et la justice de proximité » (Cécile Prieur)

121 Le Monde, 26 juillet 2002, « Le statut des juges de proximité précisé ».

122 Le Monde, 25 septembre 2002, « Le Conseil supérieur de la magistrature réservé sur les juges de proximité » (Cécile Prieur)

123 Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) devrait en effet rendre un avis non conforme, le 16 décembre 2002, à la candidature du magistrat Jean-Claude Thin, qui avait été proposé par le garde des sceaux, Dominique Perben, aux fonctions de procureur de la République près le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine). L'avis négatif du CSM n'est que consultatif et n'engage pas le ministre de la justice, qui peut décider de passer outre. Mais s'agissant d'une nomination aussi sensible que celle du chef du parquet de Nanterre, qui devra, dans un avenir très proche, délivrer des réquisitions sur le dossier du financement de l'ex-RPR, ce refus, dévoilé vendredi 13 décembre 2002 par l'Agence France-Presse, constitue bien le premier accroc officiel entre le CSM et la chancellerie depuis l'installation de M. Perben. En tout état de cause, l'avis non conforme du CSM sur la candidature de M. Thin ne devrait pas améliorer les relations entre cette institution et la chancellerie.

124 Le Monde, 15 décembre 2002, « Le candidat choisi par la chancellerie pour être procureur de Nanterre est contesté par le CSM »

125 Le Monde, 22 juillet 2003, « Les 33 premiers ‘’juges de proximité’’ sélectionnés par le Conseil supérieur de la magistrature » (Nathalie Guibert) 

126 Sachant que les deux saisines mettaient en cause les mêmes dispositions.

127 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002

128 Le garde des sceaux, Dominique Perben, s'est aussitôt félicité de cette annonce : « Après cette décision et malgré les critiques artificielles que mon texte avait suscitées, l'application de la loi va permettre d'améliorer la sécurité des Français », a-t-il déclaré. Le Monde, 31 août 2002, « Le Conseil constitutionnel valide la loi d'orientation sur la justice : Une « réserve » émise sur le juge de proximité » (Soren Seelow)

129 Considérant 15.

130 Au plan de l’organisation judiciaire, il est ainsi prévu une mutualisation des ressources humaines et des moyens budgétaires, dans le cadre d’un futur « tribunal de première instance », pour parvenir à une gestion plus cohérente des juridictions de grande instance, d’instance et de proximité. Il est également prévu une généralisation des guichets uniques de greffe en vue d’améliorer l’accueil personnalisé du justiciable en lui offrant un seul point d’entrée commun à plusieurs juridictions.

131 Considérant 90.

132 Considérant 93.

133 Les lois de programme, bien qu’isolées dans leur spécificité à l’article 34 de la Constitution, n’en sont pas moins des lois ordinaires. Une loi de programmation a vocation à contenir des prévisions financière, planifier des investissements et elle est, à ce titre, mentionnée par l’article 1er de l’ordonnance de 1959, qui permet à ce type de loi de contenir des autorisations de programme, mais elle n’a pas pour autant la qualité d’une loi de finances, seule à même de les traduire en autorisations budgétaires et, pour les autorisations de programme, en crédits de paiement.

134 Déc. n° 2003-466 D.C

135 Considérant 7.

136 Considérant 12.

137 Considérant 20.

138 Considérant 8.

139 Considérant 14.

140 V. Droit judiciaire privé, Précis Domat, éd. Montchrestien, 1ère éd., 1991, p. 588, n° 799. (Inchangé dans 2e éd., 2002, p. 723, n° 924, par T. Le Bars)

141 Cf. le rapport de M. le député J.-L. Warsmann, n° 157.

142 Blery Corinne, « La compétence civile du nouveau juge de proximité, De quelques questions qu’elle suscite », D. 2003, n° 9, chr., p. 566

143 Jean-Marie Coulon, « réflexions et propositions sur la procédure civile », Rapport au garde des Sceaux, La documentation française, 1997.

144 Rapport n°404 de  M. Pierre Fauchon au nom de la commission des lois.

145 Rapport Haenel-Arthuis : « Propositions pour une justice de proximité », rapport de la commission sur la justice de proximité et les missions du juge - remis au garde de Sceaux en février 1994 - p. 46.

Dans leur premier ouvrage, « Justice sinistrée : démocratie en danger », paru en 1991, ils se bornaient à souhaiter un renforcement notable des moyens du juge d’instance alors qu’en 1994, ils préconisaient la création de juges de proximité rattachés au tribunal d’instance.

146 FAUCHON Pierre, « Quels moyens pour quelle justice ? », Rapport Sénat, n° 49, au nom de la mission d’information chargée d’évaluer les moyens de la justice, présidée par Charles Jolibois, Sénat, 1996-1997.

147 COINTRAT Christian, « Quels métiers pour quelle justice ? », Rapport Sénat, n° 345, Mission d’information de la Commission des lois sur l’évolution des métiers de la justice, présidée par M. Jean-Jacques Hyest, Sénat, 2001-2002

148 Qui représentent notamment « la moitié de l'activité pénale des tribunaux correctionnels de Bretagne, en raison des problèmes d'alcoolémie ».

149 VIGNOBLE Gérard, « Les maisons de justice et du droit. Rapport à M. le ministre de la Justice », Paris, ministère de la Justice, 1995.

150 Robert Badinter, JO Sénat, 25 juill. 2002, p. 2082

151 J.-P. Schosteck et P. Fauchon, Rapp. Sénat n° 370, 2001-2002, p. 61

152 « Croyez-vous vraiment, questionnait à ce propos le garde des Sceaux, qu’il faut avoir suivi sept ou huit années d’études pour être capable de juger dans les matières définies par notre projet de loi ? Bien sûr que non ! » (D. Perben, JO AN 1er août 2002, p. 2521

En témoignent, dans l’esprit des auteurs de la réforme, les litiges devant en pratique illustrer cette facilité: au titre de la compétence générale des action mobilières personnelles, les auteurs de la réforme renvoyaient aux litiges locatifs, aux litiges liés à la consommation et aux actions en réparation d’une petit préjudice comme en matière de trouble de voisinage ; au titre des injonctions de payer, aux difficultés de paiement en général ; au titre des injonctions de faire, aux cas d’éventuelles difficultés liées à la livraison, la réparation ou le remplacement d’un bien.

153 C. Cointrat, « Quels métiers pour quelle justice ?, Rapport Sénat, n° 345, Mission d’information de la Commission des lois, p. 199.

154 Articles 30 et 31 du décret du 23 juin 2003. Par une mesure transitoire de bon sens, le décret du 23 juin 2003 précise que le tribunal d’instance compétent primitivement saisi demeure compétent pour statuer sur les procédures introduites antérieurement au 15 septembre 2003, date d’entrée en vigueur du décret d’application.

155 COLENO Catherine, BARBIERI Jean-Jacques, « De minimis curat praetor », Petites Affiches, 22 et 23 juillet 2003, n° 145 et 146, doctr., p.4 et p.6

156 Art. L. 331-2 COJ

157 Blery Corinne, « La compétence civile du nouveau juge de proximité, De quelques questions qu’elle suscite », D. 2003, n° 9, chr., p. 566

158 COLENO Catherine, BARBIERI Jean-Jacques

- « De minimis curat praetor », Petites Affiches, 22 et 23 juillet 2003, n° 145 et 146, doctr., p.4 et p.6

159 Article R. 321-1 COJ

160 Tandis que les procédures destinées plus spécialement aux non-professionnels, comme l’injonction de faire ne font l’objet que d’un usage dérisoire de la part des intéressés.

161 Cette précision vise le montant de la demande ( 1500 €) et l’exigence que celle-ci soit formée par un particulier pour des besoins non professionnels.

162 La compétence du juge de proximité est limitée aux demandes formées par les particuliers pour des besoins non professionnels.

163 Cela vient donc atténuer les inquiétudes quant aux risques liés aux incidents de compétence, de ceux qui faisaient remarquer qu’aux termes de l’article 1406 du NCPC, en matière d’injonction de payer, tout juge saisi à tort a, par exception, le devoir de décliner d’office sa compétence. La compétence étant ici d’ordre public, et même d’un ordre public « renforcé », une compétence d’ordre public « simple » laissant au juge saisi à mauvais escient la faculté de se déclarer d’office incompétent.

164 Très critiquée, notamment par la doctrine, qui a noté qu’il s’agissait d’une procédure compliquée, le « rapport Coulon » préconisait d’ailleurs de la supprimer.

165 En 2000, les conciliateurs furent saisis de 106 891 affaires et sont parvenus, dans 47 % des cas, à une conciliation, cf J.-P. Schosteck et P. Fauchon, Rapp. Sénat n° 370, 2001-2002, p. 69

166 BARRIERE Claude-Philippe, « Le juge de proximité et le conciliateur de justice : partenaires ou concurrents ? », G.P. 24-26 nov. 2002, doctr. p. 3

167 Aux termes de l’article 131-13 du nouveau code pénal, le montant de l’amende oscille entre 38 euros pour les contraventions de la 1ère classe jusqu’à 1500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe.

168 Limitativement énumérés aux articles 41-2 et 41-3 du Code de procédure pénale.

169 A l'heure actuelle, le tribunal de police réprime l'ensemble des contraventions, y compris celles de la cinquième classe. Cette règle ne vaut que pour les personnes majeures, car le tribunal de police n'est compétent à l'égard des mineurs que s'agissant des contraventions des quatre premières classes. Il statue à juge unique. Ce juge est toujours un magistrat professionnel et en principe un juge du tribunal d'instance.

170 Cette distinction des juridictions pénales et des juridictions civiles ne doit toutefois pas faire perdre de vue les liaisons qui existent entre ces deux aspects de l’activité judiciaire d’un point de vue structurel. Le tribunal de police n’est que tribunal d’instance statuant en matière de simple police, le tribunal correctionnel est le tribunal de grande instance statuant en matière correctionnelle. D’ailleurs, dans les petits tribunaux, où les personnels, peu nombreux, ne sont pas spécialisés, ce sont les mêmes magistrats qui tiennent, selon les jours, l’audience civile et l’audience pénale.

171 Toutes les contraventions des quatre premières classes réprimées par le code de la route sont concernées.

172 Articles R. 48-2 : lutte contre les bruits de voisinage ; le premier alinéa de l’article R. 355-28-13 : interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif.

173 Articles R. 322-5 : défense et lutte contre les incendies ; R. 331-3 : protection de tous bois et forêts.

174 Contravention réprimée par l’article R. 4 du code des débits de boissons et des mesures contre l’alcoolisme et relative à la répression de l’ivresse publique.

175 Contraventions réprimées par les articles 80-1, 80-2 et 80-3 du décret n° 42-730 du 22 mars 1942 sur la police, la sûreté et l’exploitation des voies ferrées et d’intérêt général et local et relatives à la police des chemins de fer.

176 Contraventions réprimées par l’article 18 du décret n° 96-596 du 27 juin 1996 relatif à la lutte contre la rage.

177 Contraventions réprimées par l’article 8 du décret n° 99-1164 du 29 décembre 1999 pris pour l’application du chapitre III du titre II du livre II du code rural et relatives à la détention de chiens dangereux.

178 Articles du nouveau code pénal : R. 622-1 : atteintes involontaires à l’intégrité de la personne n’ayant entraîné aucune incapacité de travail ; R. 622-2 : divagation d’animaux dangereux ; R. 623-1 : menaces de violences ; R. 623-2 : bruits ou tapages injurieux ou nocturnes ; R. 623-3 : excitation d’animaux dangereux ; R. 624-1 : violences légères ; R. 624-2 : diffusion de messages contraires à la décence et R. 625-1 : violences ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours.

179 Articles du nouveau code pénal : R. 631-1 : menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration n’entraînant qu’un dommage léger ; R. 632-1 : abandon d’ordures, déchets, matériaux ou autres objets ; R. 634-1 : menaces de destruction, de dégradation ne présentant pas de danger pour les personnes ; R. 635-1 : destructions, dégradations et détériorations dont il n’est résulté qu’un dommage léger ; R. 635-8 : abandon d’épaves de véhicules ou d’ordures, déchets, matériaux et autres objets transportés dans un véhicule.

180 Articles du nouveau code pénal : R. 641-1 : abandon d’armes ou d’objets dangereux ; R. 645-12 : intrusion dans les établissements scolaires.

181 Articles du nouveau code pénal : R. 653-1 : atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité d’un animal ; R. 654-1 : mauvais traitements envers un animal ; R. 655-1 : atteintes volontaires à la vie d’un animal.

182 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002. Selon les deux saisines des parlementaires, la compétence pénale du juge de proximité violait l’article 66 de la Constitution et l’article 16 de la Déclaration de 1789. La conformité de la loi du 9 septembre 2002 à ce dernier article est évoqué dans le paragraphe relatif à la compétence en matière pénale.

183 Selon l’article 66 de la Constitution, nul ne peut être arbitrairement détenu, l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.

184 En vertu des articles 131-14, 131-16 et 131-17 du NCP.

185 Cons. Const. n° 99-416 D.C 23 juillet 99.

186 Actuellement, si la personne accepte d'exécuter la mesure proposée par le parquet, la proposition de composition pénale est validée, soit par le président du tribunal de grande instance en matière de délit (article 41-2 du code de procédure pénale), soit par le juge d'instance s'agissant de certaines contraventions (article 41-3 du même code).

187 Article 42-2 et 3 du Code de procédure pénale par application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 706-72.

188 Infractions du nouveau code pénal pouvant faire l’objet d’une composition pénale avant la loi Perben et la loi sur la sécurité quotidienne : 222-16 : les appels téléphoniques malveillants ou les agressions sonores, réitérés en vue de troubler la tranquillité d’autrui ; 222-11 : violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ; 222-17 et 222-18 : menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ; 227-3 à 227-4-1 : abandon de famille ; 227-5 et 227-9 à 227-11 : atteintes à l’exercice de l’autorité parentale ; 311-3 : vol ; 313-5 : filouterie ; 314-5 et 314-6 : détournement de gage ou d’objets saisi ; 322-1 et 322-2 : destruction ou dégradation d’un bien appartenant à autrui ; 322-12 à 322-14 : menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et fausses alertes ; 433-5 à 433-7 : outrage et rébellion ; 521-1 : sévices graves et actes de cruauté envers les animaux ; articles 28 et 32 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ; article L. 1er du Code de la route ; L. 628 du Code de la santé publique.

189 Articles du nouveau code pénal : 222-13 : violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail.

190 Article 321-1 du nouveau code pénal

191 Pourraient notamment être visées, les contraventions de menaces, de mauvais traitements à animaux ou de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.

192 Le délai de dix-huit mois prévu pour la réalisation de ce stage devrait permettre à l’auteur de l’infraction de s’organiser en vue notamment du maintien de son activité professionnelle.

193 On pense évidemment à un stage en centre de victimes de la route pour une conduite en état d’alcoolémie, mais les exemples sont évidemment plus nombreux.

194 En témoignent, la loi n° 2003-495 du 12 juin 2033 renforçant la lutte contre la violence routière (aggravation de la répression des atteintes involontaires à la vie, suppression des « permis blancs », limitation des contestations abusives en matière d’amende forfaitaire et multiplication des contrôles automatisés, peine complémentaire de stage de sensibilisation à la sécurité routière et création du permis probatoire affecté de seulement six points pour les conducteurs novices), la loi n° 2003-87 du 3 février 2003 relative à la conduite sous l’influence de stupéfiants (qui réprime de deux ans d’emprisonnement le fait de conduire après avoir fait usage de stupéfiants) et le décret n° 2003-293 du 31 mars 2003 relatif à la sécurité routière (qui étend la procédure de l’amende forfaitaire et créé quelques contraventions nouvelles, comme la conduite avec usage d’un téléphone tenu d’une main)

Rappelons qu’au cours de l’année 2002, la violence routière a causé en France près de quatre fois plus de morts que l’attentat du World Trade Center du 11 septembre 2001.

195 CIRCULAIRE de la direction des affaires criminelles et des grâces du 8 novembre 2002, Signalisation des circulaires du 1er octobre au 31 décembre 2002. BO du ministère de la justice n° 88 (1er octobre – 31 décembre 2002). Présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice. CRIM 2002-16 E8/08-11-2002. NOR : JUSD0230179C

196 Article 774 du Code de procédure pénale. A l’exclusion de toute mention au bulletin n° 2, article 775 du Code de procédure pénale.

197 L., art. 20. – Ord., art. 21

198 N° 2002-461 DC, 29 août 2002.

199 Seul le cumul de la culpabilité et de l’imputabilité peut conduire à la responsabilité.

200 Certains auteurs qui attendaient de la loi qu’elle fixe une fois pour toute le seuil de la minorité pénale, continueront de se désoler de ce que notre système abandonne à la jurisprudence le soins de déterminer le seuil minimal de la responsabilité pénale, alors que toute marge d’appréciation concernant la majorité pénale est exclue.

201 Article 131-13 du NCP.

202 Selon les deux saisines des parlementaires, la compétence pénale du juge de proximité violait l’article 66 de la Constitution et l’article 16 de la Déclaration de 1789. La conformité de la loi du 9 septembre 2002 à ce dernier article est évoqué dans le paragraphe relatif à la compétence en matière pénale.

203 Selon l’article 66 de la Constitution, nul ne peut être arbitrairement détenu, l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.

204 En vertu des articles 131-14, 131-16 et 131-17 du NCP.

205 Article 131-14 du NCP.

206 Cons. Const. n° 99-416 D.C 23 juillet 99.

207 Or leur institution est du domaine réglementaire.

208 Les parlementaires (députés et sénateurs) auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution, avaient soulevé l’incompétence négative du législateur, tirée de la rédaction donnée à la première phrase du premier alinéa du nouvel article 706-72 du CPP. Ce renvoi au décret, s’agissant de définir les attributions pénales d’un « nouvel ordre de juridiction » au sens de l’article 34 de la Constitution, méconnaissait, selon les requérants, les prérogatives confiées par le constituant au législateur. Il est vrai qu’au regard de deux des rubriques de l’article 34 de la Constitution (procédure pénale, nouveaux ordres de juridiction), le renvoi au décret pouvait poser problème.

209 Article 131-13 du NCP : « le montant de l’amende est le suivant : 1°) 38 € au plus pour les contraventions de la 1ère classe ; 2°) 150 € au plus pour les contraventions de la 2e classe ; 3°) 450 € au plus pour les contraventions de la 3e classe ; 4°) 750 € au plus pour les contraventions de la 4e classe ; 5°) 1 500 € au plus pour les contraventions de la 5e classe (montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit).

210 SCHOETTL J-E, « La loi d’orientation et de programmation pour la justice devant le conseil constitutionnel », L.P.A., 5 septembre 2002, n° 178, p. 4 

211 L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fondent le droit au recours ou le droit à un procès équitable. C’est sur ce fondement que le Conseil constitutionnel développe un droit des droits fondamentaux qui tend à devenir essentiellement procédural.

212 Article L. 331-3 a1 du Code de l'organisation judiciaire.

213 L'article 828 du NCPC fixe la liste des personnes susceptibles de se voir confier les missions d'assistance et de représentation par les parties. Ces dernières peuvent aussi bien choisir :
- un avocat ;
- un proche (parent ou allié en ligne directe ou en ligne collatérale jusqu'au troisième degré) ;
- une personne exclusivement attachée à leur service personnel ou à leur entreprise.

214 Le juge d’instance étant pour sa part tenu d’une tentative de conciliation également sur le fondement des articles 840, 847 et 847-3 NCPC.

215 Excepté lorsque aux termes de l’article 251 du Code civil, le divorce est demandé pour rupture de la vie commune ou pour faute. Dans ces deux cas, une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire.

216 Si l’on s’en tient aux décrets d’application de l’article 21 de la loi du 8 février 1995 (N° 96-652 du 22 juillet 1996 et n° 98-1231 du 28 décembre 1998.), ne sont pour l’instant visées par ce nouveau texte que les seules procédures de conciliation préalable organisées devant le tribunal d’instance. A savoir, la procédure des articles 830 et suivants du NCPC, qui est purement facultative, ainsi que les procédures de conciliation obligatoire prévues aux articles 840 et suivants dans le cadre de la procédure sur assignation à toutes fins, aux articles 847 et suivants dans le cadre de la procédure sur requête conjointe ou présentation volontaire, et enfin, aux articles 847-3 et suivants dans le cadre de la procédure sur déclaration au greffe. Le point commun de tous ces préalables est qu’ils autorisent expressément le juge à se substituer un tiers-conciliateur dans l’accomplissement de sa mission de conciliation préalable.

217 Article 21 modifié de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 et article 829 modifié du NCPC.

218 On soulignera que ce pouvoir d’injonction reconnu au juge n’est pas totalement nouveau. La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, relative à l’autorité parentale, a déjà attribué au juges aux affaires familiales le pouvoir d’enjoindre aux parents « de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement » de la médiation. (JOLY-HURARD Julie, « Le nouveau pouvoir d’injonction du juge en matière de conciliation judiciaire », D. 2003, n° 14, Chr., p. 928)

219 Article 829 modifié du NCPC

220 Un plaideur ne saisit pas le juge pour que celui-ci le revoie d’autorité devant un conciliateur.

221 HERON Jacques, WIEDERKEHR Georges, « Les réformes de la justice civile », Revue Justices, n° 2, Juillet/Décembre 1995

222 Ce taux a été relevé de 13.000 à 25.000 francs par un décret n° 98-1231 du 18 décembre 1998

223 Article R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire

224 Article R. 311-2 du même code.

225 Les exemples de « difficultés juridiques » donnés au cours des débats visaient à titre d’exemple les problèmes liés au respect des plafonds d’indexation de loyer ou de répartition entre réparations locatives et entretien à la charge du bailleur.

226 Toutefois, il revient au seul juge de proximité d'apprécier l'opportunité d'un tel renvoi.

227 Article L. 331-4 nouveau du COJ issu de la loi du 9 septembre 2002 et Articles 847-4 à 847-5 nouveaux du NCPC issus du décret du 23 juin 2003

228 Elle donne lieu à un renvoi à une juridiction compétente ainsi qu’à sursis à statuer jusqu’à ce que cette dernière se soit prononcée. En l’espèce, cette solution fut écartée car le « renvoi préjudiciel » aurait rendu plus complexe la procédure, renvoyée d’un tribunal à un autre. (J.- P. Schoesteck et P. Fauchon, Rapp. Sénat n° 370, 2001-2002, p. 79)

229 On verra par la suite qu’en cas d’absence ou d’empêchement du juge de proximité ou lorsque le nombre de juges de proximité se révèle insuffisant, les fonctions de ce juge sont exercées par un juge du tribunal d’instance, désigné à cet effet par le président du tribunal de grande instance.

230 Cf. toutefois le dessaisissement par le juge de l’exécution ou le juge aux affaires familiales en faveur du TGI et de sa collégialité, art. L. 311-12-2 et L. 311-10 du COJ.

231 Le risque est également de voir apparaître une forme de prorogation de compétence dans le cas où les parties se mettraient d’accord pour préférer porter l’affaire devant le tribunal d’instance plutôt que devant le juge de proximité, et tenteraient d’en convaincre le juge.

232 JO Sénat, 25 juill. 2002, p. 2082

233 COLENO Catherine, BARBIERI Jean-Jacques, « De minimis curat praetor », Petites Affiches, 22 et 23 juillet 2003, n° 145 et 146, doctr., p.4 et p.6

234 Les deux saisines des parlementaires dénonçaient la rupture de l’égalité devant la justice résultant de la possibilité donnée au juge de proximité de renvoyer une affaire au tribunal d’instance, en invoquant à l’appui de leur démonstration la décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975. Cette décision censure en effet, une disposition accordant un pouvoir discrétionnaire et sans recours au président du tribunal de grande instance, dans toutes les matières relevant du tribunal correctionnel, pour décider si ce tribunal pourra statuer à juge unique.

235 Déc. 461-DC, 29 août 2002.

236 Par exemple les articles L. 311-12-2 et L. 312 du COJ qui permettent au juge de l’exécution ou au juge délégué aux affaires familiales de renvoyer une affaire à une formation collégiale. Ou l’article 398-2 du CPP qui permet au juge unique de renvoyer une affaire au tribunal correctionnel si la complexité des faits le justifie. On pense aussi à l’affectation des dossiers, en fonction de leur difficulté, à des formations de jugement différemment composées au sein d’une même juridiction.

237 ROCHFELD Judith, « Juridiction de proximité, juridiction-humilité ? », RTDciv., octobre/décembre 2002, p. 849

238 Article 28 du décret du 23 juin 2003 modifiant le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

239 C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on a prévu le règlement des incidents de compétence en première instance et dans le cadre d’une voie de recours. Le nouveau code de procédure civile prévoit à cet effet deux voies de recours : l’appel et le contredit. Ils ont chacun un domaine précis et ne sont donc pas en principe interchangeables, sous réserve de l’article 91 du NCPC.

240 L’article 5 du décret du 23 juin 2003 en profite également pour préciser que le tribunal d’instance connaît de toutes les demandes incidentes, exceptions ou moyens de défense qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d’une autre juridiction. (Pas de changement pour les exceptions ou moyens de défense)

241 Art. R. 331-2 COJ, issu du décret du 23 juin 2003 Article 829 modifié du NCPC

 Un plaideur ne saisit pas le juge pour que celui-ci le revoie d’autorité devant un conciliateur.

 HERON Jacques, WIEDERKEHR Georges, « Les réformes de la justice civile », Revue Justices, n° 2, Juillet/Décembre 1995

242 Article 847-5 nouveau alinéa 3 du NCPC : « Le juge d’instance statue sans recours si sa décision concerne seulement sa propre compétence et la compétence des juges de proximité de son ressort. »

243 BLERY Corinne, « La compétence civile du nouveau juge de proximité, De quelques questions qu’elle suscite », D. 2003, n° 9, chr., p. 566

244 Décision n° 75-56 DC.

245 Articles 521 à 549 du Code de procédure pénal

246 Qui découle des articles 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789.

247 Le plus souvent le ministère public est représenté par un commissaire de police lorsqu’il s’agit de contraventions des quatre premières classes

248 Pour accélérer le traitement des affaires le législateur a mis en place des procédures dites simplifiées, écrites, et sans audience de jugement telles que :
- l'amende forfaitaire : La liste des contraventions susceptibles de faire l'objet d'une amende forfaitaire est précisée par le décret en Conseil d'Etat n° 2002-801 du 3 mai 2002. Elle est mise en oeuvre par le parquet, sans intervention du juge de police (et donc du juge de proximité aussi). Lorsque la personne ne s'acquitte pas de l'amende ou conteste l'infraction, elle est alors poursuivie devant le tribunal de police (ici : le juge de proximité);
- l'ordonnance pénale : Elle est mise en oeuvre par le ministère public qui communique le dossier de la poursuite et ses réquisitions au juge du tribunal de police (juge de proximité), qui statue sans débat préalable. En cas d'opposition du contrevenant, l'affaire est portée devant le tribunal de police (ici : juge de proximité). (articles 525 à 530-3 du Code de procédure pénale)

249 Aux infractions suivantes : article 80-1 du décret n°42-730 du 22 mars 1942 sur la police, la sûreté et l’exploitation des voies ferrées d’intérêt général et d’intérêt local, en tant qu’y sont instituées des contraventions aux dispositions des arrêtés préfectoraux concernant la circulation, l’arrêt et le stationnement des véhicules dans les cours de gares, article R. 632-1 du nouveau Code pénal relatif au dépôt ou à l’abandon de matières d’ordures ou de déchets dans les bois, forêts et terrains à boiser, article R. 322-5 du Code forestier relatif à la protection contre l’incendie, l’alinéa premier de l’article R. 331-3 du même code relatif à l’introduction dans les bois, forêts et terrains à boiser de véhicules, bestiaux, animaux de charge ou de monture, article R. 622-2 du nouveau Code pénal relatif à la divagation d’animal et l’article 8 du décret n° 99-1164 du 29 décembre 1999 pris pour l’application du chapitre III du titre II du livre II du Code rural, et relatifs à l’application des articles L. 211-14 et L. 211-16 du Code rural prévoyant la déclaration en mairie, la vaccination, la stérilisation, l’assurance et les conditions de circulation de certains chiens.

250 Article 537 du Code de procédure pénale.

251 Article 542 du Code de procédure pénale.

252 Article 487 et 488 du Code de procédure pénale

253 Article 489 à 495 du Code de procédure pénale

254 Soit 1500 euros d’amende ou 3000 euros en cas de récidive.

255 Soit 150 euros.

256 Article 500 du Code de procédure pénale.

257 Article L. 321-4 du code de l'organisation judiciaire.

258 Ou même à la mairie d’arrondissement avec l’accord du maire.

259 Dès lors que le pouvoir réglementaire se voit confier le soin de déterminer leur siège et leur ressort, la création de chaque tribunal relève également des prérogatives du Gouvernement. Les règles actuelles relatives au siège et au ressort de ces juridictions de première instance sont de nature réglementaire.

260 L. 331-6 du COJ issu de la loi du 9 septembre 2002 et R. 331-4 du COJ issu du décret du 23 juin 2003.

261 Art. R. 331-3 du COJ, issu du décret n°2003-542 du 23 juin 2003

262 Cette précision est utile dans la mesure où le service des secrétariats-greffes de certaines juridictions spécialisées est différent : le secrétariat-greffe du tribunal de commerce est confié à un greffier du tribunal de commerce titulaire de sa charge, celui du tribunal des affaires de sécurité sociale est assuré par un agent de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales.

263 R. 331-5 du COJ

264 R. 321-44 COJ :Pendant la première quinzaine du mois qui précède l’année judiciaire, le magistrat chargé de la direction et de l’administration du tribunal d’instance fixe, après avis des chefs du tribunal de grande instance, le nombre, le jour et la nature des audiences du tribunal d’instance et de la juridiction de proximité.

265 R. 311-38-1 

266 Article L. 321-5 du COJ

267 L. org. n° 95-64 du 19 janvier 1995.

268 Les compétences du second sont « prélevées » sur les compétences actuelles du premier. Le premier remplace le second en cas d’indisponibilité. Le second peut renvoyer des affaires au premier. Les règles de procédure leur sont communes. Les moyens matériels seront partagés.

269 95-355 DC, 10 janvier 1995, RFD const. 1995, 377, note Car 

270 SCHOETTL J-E, « La loi d’orientation et de programmation pour la justice devant le conseil constitutionnel », L.P.A., 5 septembre 2002, n° 178, p. 4 

271 Par une première saisine émanant de plus de soixante députés le 5 août 2002 et, le lendemain, par une saisine émanant de plus de soixante sénateurs. Sachant que les deux saisines mettaient en cause les mêmes dispositions.

272 Le Conseil constitutionnel en a jugé ainsi à propos des personnes appelées à siéger en qualité d’assesseurs au sein des tribunaux pour enfants. (n° 64-312 L du 21 décembre 1964)

273 MATHIEU Bertrand, VERPEAUX Michel, « Jurisprudence constitutionnelle », J.C.P. 2003, n° 26, 25 juin 2003, p. 1195

274 Chapitre I du Titre II

275 Compte tenu des similitudes entre le statut des juges de proximité et celui des magistrats exerçant à titre temporaire, des voix se sont élevées pour faire observer qu’une adaptation du statut de ces derniers, formellement plus simple, aurait permis d’alléger l’économie du projet de loi organique et d’éviter ainsi de créer, peut-être inutilement une nouvelle catégorie de magistrats, aggravant ainsi la complexité du système.

276 En vertu de l’article 6 de la Déclaration des droits de 1789, tous les citoyens sont égaux aux yeux de la loi, ils « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

277 Chapitre V bis, loi org. du 25 février 1992 mod. par la loi org. du 25 juin 2001 : La loi organique n°92-189 du 25 février 1992 a permis à des personnes, titulaires d'un des diplômes exigés pour passer le premier concours de l'Ecole nationale de la magistrature et justifiant d'une activité professionnelle de vingt-cinq ans au moins, les qualifiant particulièrement, d'exercer, à titre temporaire (cinq ans non renouvelables), les fonctions de conseillers ou d'avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation.

278 Chapitre V ter, loi org. du 19 janvier 1995 mod. par la loi org. du 25 juin 2001 : Cette loi organique a également élargi le champ du détachement judiciaire (article 41 de l'ordonnance statutaire). Cette position statutaire permet aux membres de corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration, aux professeurs et aux maîtres de conférence des universités d'exercer des fonctions de magistrat au premier grade ou au second grade pour une durée de cinq ans non renouvelable.

279 Chapitre V quater, loi org. du 19 janvier 1995 : Les magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance sont recrutés parmi des candidats âgés de moins de soixante-cinq ans révolus, justifiant de sept années d'expérience professionnelle les qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires et nommés pour une durée de sept ans non renouvelable.
Cette voie d'accès permet d'exercer la fonction de juge d'instance ou celle d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance (article 41-10). Leur nombre ne peut être supérieur au quart du service des tribunaux d'instance. De même, il ne peut y avoir plus d'un assesseur choisi parmi les magistrats recrutés à titre temporaire dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance.
Une particularité notable de leur statut réside dans la possibilité d'exercer concomitamment les fonctions judiciaires et leur activité professionnelle, sous réserve de la compatibilité de ces activités.
Ils sont rémunérés sur la base de vacations selon un dispositif complexe. A la différence des magistrats professionnels qui bénéficient d'un traitement, ces derniers reçoivent une indemnisation.

280 Qui ont été recrutés jusqu’au 31 décembre 1999, conformément aux dispositions du titre II de la loi organique du 19 janvier 1995. Les conseillers de cour d'appel en service extraordinaire, dont le recrutement a pris fin depuis le 1er janvier 2000, date d'expiration du dispositif. Ce recrutement s'adressait à des personnes titulaires d'un diplôme du niveau de la maîtrise justifiant d'au moins quinze années d'activité professionnelle les qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires ;

281 Il s'agissait des derniers concours exceptionnels de 1998 ou des concours complémentaires créés par la loi organique n°2001-539 du 25 juin 2001.

282 Cf. les notes de bas de page n° 276 et suivant.

283 Chapitre V quater, loi org. du 19 janvier 1995 : Les magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance sont recrutés parmi des candidats âgés de moins de soixante-cinq ans révolus, justifiant de sept années d'expérience professionnelle les qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires et nommés pour une durée de sept ans non renouvelable.
Cette voie d'accès permet d'exercer la fonction de juge d'instance ou celle d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance (article 41-10). Leur nombre ne peut être supérieur au quart du service des tribunaux d'instance. De même, il ne peut y avoir plus d'un assesseur choisi parmi les magistrats recrutés à titre temporaire dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance.
Une particularité notable de leur statut réside dans la possibilité d'exercer concomitamment les fonctions judiciaires et leur activité professionnelle, sous réserve de la compatibilité de ces activités.
Ils sont rémunérés sur la base de vacations selon un dispositif complexe. A la différence des magistrats professionnels qui bénéficient d'un traitement, ces derniers reçoivent une indemnisation.

284 Rapport n°404 de  M. Pierre Fauchon au nom de la commission des lois, sur le projet de loi organique relatif aux juge de proximité.

285 Six ont été recrutés en 1998, 4 en 1999, 2 en 2000, 1 en 2001 et aucun en 2002.

Il est à noter que les différentes voies de recrutement à titre temporaire n'ont par ailleurs pas davantage été utilisées : On recense seulement, au sein de la Cour de cassation, trois conseillers en service extraordinaire sur les huit postes ouverts et un seul avocat général en service extraordinaire sur les deux postes autorisés, ainsi que dix-neuf conseillers de cour d'appel en service extraordinaire sur les cinquante postes autorisés par la loi organique n° 98-105 du 24 février 1998.

In Rapport n°404 de  M. Pierre Fauchon au nom de la commission des lois, sur le projet de loi organique relatif aux juge de proximité

286 L’Assemblée nationale a renoncé à ramener à 30 ans l’âge minimum des juges de proximité. Précisons également que la limite d’âge des magistrats professionnels est fixée, sauf exception, à 65 ans par l’article 76 de l’ordonnance statutaire. On remarquera que la limite d’âge des magistrats exerçant à titre temporaire est fixée à 65 ans, elle aussi. Mais la limite d’âge de 75 ans n’instaure pas de différence de traitement inconstitutionnelle entre juges de proximité et magistrats judiciaires car ils ne sont pas placé dans la même situation et n’exercent pas les mêmes responsabilités. Ensuite, les magistrats judiciaires sont éligibles aux fonctions de juge de proximité à leur retraite et pourront exercer ces nouvelles fonctions jusqu’à 75 ans.

287 Chapitre V quater, loi org. du 19 janvier 1995 : Les magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance sont recrutés parmi des candidats âgés de moins de soixante-cinq ans révolus, justifiant de sept années d'expérience professionnelle les qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires et nommés pour une durée de sept ans non renouvelable.

288 Ce sont les députés qui ont étendu l’accès aux fonctionnaires de catégorie B, ce qui permettait de rendre possible le recrutement des greffiers des tribunaux.

289 Institués par un décret n° 78-381 du 20 mars 1978, ils ont pour mission de faciliter le règlement amiable des conflits individuels (troubles de voisinage, litiges fonciers, malfaçons, problèmes locatifs ou de consommation, exécution des contrats), à l’exception des matières intéressant l’ordre public (état des personnes, droit pénal)

290 Il faut en outre être majeur, jouir de ses droits civils et politiques, et n’être investi d’aucun mandat électif dans le ressort de la cour d’appel où sont exercées les missions.

291 Les tribunaux pour enfants sont composés du juge des enfants, président, et de deux assesseurs désignés parmi les personnes particulièrement compétentes à l’égard des mineurs (enseignants, représentants d’associations agissant dans le domaine de l’enfance, pères ou mères de famille) L. 522-3 du COJ.

Le Sénat avait ouvert dans les mêmes conditions - cinq ans d'expérience - le recrutement des juges de proximité aux assesseurs des tribunaux pour enfants. Nommés assesseurs pour quatre ans, ils devaient donc, pour devenir juges de proximité, avoir été renouvelés dans l'exercice de leurs fonctions une fois. Mais les députés ont estimé que la nature des fonctions exercées antérieurement au sein des tribunaux pour enfants ne les désignait pas particulièrement pour être juge de proximité. En ce sens, ils ont souligné que les compétences du juge de proximité à l'égard des mineurs seront résiduelles, l'article 21 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ne lui donnant compétence que pour les contraventions des quatre premières classes commises par les mineurs.

292 Leur indépendance est constitutionnellement garantie : Cons. Const, 20 janvier 1984, déc. n° 83-165 D.C.

293 On avait avancé le niveau bac plus 4

294 Le Monde, 22 juillet 2003, « Les 33 premiers « juges de proximité » sélectionnés par le Conseil supérieur de la magistrature » (Nathalie Guibert) 

295 Article 41-19 a3 de l’ordonnance du 22 décembre 1958.

296 L’article 41-19 a4 prévoit à cet égard que le directeur de l’ENM établit, sous forme d’un rapport, le bilan du stage probatoire du candidat, qu’il adresse à la formation compétente du CSM et au garde des Sceaux.

297 Article 41-19 a3 de l’ordonnance du 22 décembre 1958

298 Journal officiel, débats parlementaires du Sénat - séance du 2 octobre 2002, p. 2610

299 Rapport de M. Emile Blessig, n° 466, déposé le 11 décembre 2002, Assemblée Nationale.

300 A supposer que la perspective d'une évaluation à l'issue de la formation décourage certains candidats, il est probable que celle-ci fera tomber les réticences éventuelles de la magistrature à l'égard des juges de proximité.

301 Le Monde, 22 juillet 2003, « Les 33 premiers « juges de proximité » sélectionnés par le Conseil supérieur de la magistrature » (Nathalie Guibert) 

302 Dominique Perben s’est réjouit de la démarche pragmatique dont a fait preuve le Conseil qui s’est montré ouvert face à des candidats dont le profil était pour certains à priori atypique, en leur permettant de faire la démonstration de leurs capacités notamment au travers d’un stage probatoire

303 Article 35-10 du décret n° 2003-438 du 15 mai 2003

304 Art. 35-12 du décret n° 2003-438 du 15 mai 2003 : « Le lieu de stage en juridiction est choisi par l’Ecole nationale de la magistrature dans le ressort de la cour d’appel, ou dans celui d’une cour d’appel limitrophe, dont relève la juridiction d’affectation du juge de proximité ou la juridiction pour laquelle une proposition d’affectation du candidat a été faite ».

« Tout candidat ou juge de proximité membre ou ancien membre d’une profession libérale juridique et judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ne peut effectuer ce stage dans une juridiction du ressort du tribunal de grande instance où il exerce, ou a exercé depuis moins de cinq ans, son activité professionnel ».

305 Article 35-13 du décret n° 2003-438 du 15 mai 2003

306 Concernant les magistrats de l’ordre judiciaire, l’article 9 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 donne compétence au premier président de la Cour d’appel pour établir l’évaluation des magistrats du siège de son ressort.

307 Source : Les chiffres clés de la justice, octobre 2000, in VINCENT Jean, GUINCHARD Serge, MONTAGNIER Gabriel, VARINARD André, « Institutions Judiciaires », Dalloz, 6e éd., 2001.

308 On dénombre aujourd'hui 27 000 juges non professionnels : 15 000 conseillers prud'homaux ; 3 200 juges consulaires, 3500 dans les tribunaux paritaires des baux ruraux et 3 400 à 3 500 dans les tribunaux des affaires de sécurité sociale.

309 DC n° 92-305 du 21 février 1992.

310 Egale admissibilité des citoyens « à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

311 MARTIN R., « La juridiction de proximité et les orientations de la justice (Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002) », Annales des loyers, 1er octobre 2002, p. 1728

312 Décision n° 92-305 du 21 février 1992, n° 94-355 du 10 janvier 1995 et n° 98-396 du 19 février 1998.

313 Article 64 de la Constitution : « Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature.

Une loi organique (Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature) porte statut des magistrats.

Les magistrats du siège sont inamovibles. »

314 Décisions n° 92-305 DC, 21 février 1992 et 95-355 DC, 10 janvier 1995, RFD const. 1995, 377, note Car ; Décision n° 98-396 DC, 19 février 1998, JO, 26 février 1998, p. 8976, AJDA 1998, 305, obs. Schoettl.

315 Outre les exigences de capacité vues précédemment dans la « section I », qui découlent de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui pose notamment le principe de l'égale admissibilité des citoyens « à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

316 Les magistrats de l’ordre judiciaire constituent un corps qui est soumis à un régime juridique particulier dans l’Etat. Ce statut est avant tout destiné à maintenir l’indépendance de l’autorité judiciaire dont le Président de la République est le garant.

317 RENOUX Thierry S., « Le statut des magistrats, garant de la démocratie », Petites affiches, n° 121, doctr., 18 juin 2003, p. 4

318 Tribunal paritaire des baux ruraux, tribunal pour enfants, tribunal des affaires de sécurité sociale.

319 Sauf en matière commerciale. C’est pourquoi la justice consulaire a d’ailleurs fait l’objet de critiques importantes. Une réforme législative avait même prévu l’introduction des juges professionnels au sein des tribunaux consulaires pour justement remédier à certains dysfonctionnement causés par le fait que cette juridiction soit entièrement composée de non-professionnels. Cette réforme, très critiquée par les juges consulaires qui se sentent désavoués, n’a pas encore été mise en œuvre.

320 Considérant n° 7.

321 RENOUX Thierry S., « Le statut des magistrats, garant de la démocratie », Petites affiches, n° 121, doctr., 18 juin 2003, p. 4

322 Considérant n° 29.

323 DECRET n° 2003-438 du 15 mai 2003 modifiant le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature (JO n° 114 du 17 mai 2003, p. 8488)

324 Article 35-8 du DECRET n° 2003-438 du 15 mai 2003.

325 C’est ce triple filtrage des candidatures : assemblée générales des magistrats du siège des Cour d’appel, commission d’avancement et CSM qui a été jugé a posteriori comme trop lourd et responsable de l’échec des magistrats exerçant à titre temporaire.

326 Le Monde, 22 juillet 2003, « Les 33 premiers « juges de proximité » sélectionnés par le Conseil supérieur de la magistrature » (Nathalie Guibert) 

327 Article 41-21 nouveau de l’ordonnance de 1958.

328 Article 41-22 nouveau de l’ordonnance de 1958.

329 Déc. n° 2003-466 DC, 20 février 2003. (Considérant 21 et 23)

Le Conseil constitutionnel avait fait la même réserve dans sa décision de 1995 précitée à propos d'un dispositif analogue concernant les magistrats à titre temporaire, « ces dispositions doivent faire obstacle en toutes circonstances à ce qu'un magistrat puisse avoir à connaître d'un litige touchant à quelque question que ce soit en rapport avec ses autres activités professionnelles ».

330 SCHOETTL Jean-Eric, « Le statut des juges de proximité devant le conseil constitutionnel », L. P. A., 13 mars 2003, n° 52, p. 7

331 Les dispositions examinées préservent avant tout le juge de proximité du risque de partialité tenant à l’exercice successif et cumulatif pour la même affaire et au cours de la même instance de fonctions judiciaires distinctes, ou le risque de partialité tenant à la connaissance par le juge des mêmes faits pour les mêmes parties, mais à des instances différentes successives ou parallèles.

332 Actuellement et aux termes de l’article 11-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 découle une irresponsabilité de fait des juges pour faute personnelle se rattachant au service public de la justice. En théorie, la responsabilité des magistrats professionnels peut être engagée pour une faute personnelle se rattachant au service public de la justice, mais uniquement sur l’action récursoire de l’Etat, puisque celui-ci garantit cette responsabilité envers les victimes. La victime doit agir contre l’Etat, garant de l’activité des juges, comme lorsqu’il agit contre l’Etat pour fonctionnement défectueux du service de la justice. En pratique, l’Etat n’exerce jamais l’action récursoire même s’il en a en théorie la faculté.

333 COLENO Catherine, BARBIERI Jean-Jacques, « De minimis curat praetor », Petites Affiches, 22 et 23 juillet 2003, n° 145 et 146, doctr., p.4 et p.6

334 Déc. n° 2003-466 DC, 20 février 2003. (Considérant 20)

335 Déc. n° 2003-466 DC, 20 février 2003. (Considérant 22)

336 Le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 à propos d'un dispositif identique avait fait une remarque similaire concernant les magistrats à titre temporaire : « il n'est conféré « aucun pouvoir de décision au premier président », et seule l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peut seule assurer « le strict respect des conditions de compatibilité de l'exercice des fonctions de magistrat avec celui d'activités d'une autre nature ». Ainsi a-t-il indiqué implicitement qu'il entrait dans les compétences du Conseil supérieur de la magistrature de s'assurer de l'incompatibilité entre l'activité professionnelle des magistrats à titre temporaire et leur fonction judiciaire. »

337 Comme les magistrats exerçant à titre temporaire et définis par la loi organique du 19 janvier 1995.

338 Article 44 de l'ordonnance statutaire. L'avertissement ne constitue pas une sanction disciplinaire au sens strict, et permet à l'inspecteur général des services judiciaires, aux premiers présidents de cour d'appel, aux procureurs généraux, et aux directeurs et aux chefs de l'administration centrale d'attirer l'attention des magistrats placés sous leurs ordres sur tous les faits qui, sans constituer une faute seraient de nature à perturber le bon fonctionnement du service.

339 Article 45-1° de l'ordonnance statutaire de 1958.

340 Les fonctions de juge de proximité prennent fin à leur demande, ou sur sanction disciplinaire prononcée par le Conseil Supérieur de la Magistrature.

341 Dans sa décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il résulte tant des travaux préparatoires que de la loi que l'affectation des magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et de grande instance est prononcée de manière définitive sans que ceux-ci, qui n'ont pas vocation à faire carrière, puissent bénéficier de mutation.

342 Décision 95-355 DC, 10 janvier 1995, RFD const. 1995, 377, note Car.

343 « [...] si l'on recrute des juges non professionnels pour travailler une demi-journée par semaine et qu'on les rémunère à un tarif à peu près équivalent à celui des juges professionnels, imaginez les réactions que cela va susciter ». Journal Officiel Débats parlementaires du Sénat - Séance du 25 juillet 2002 - p. 2136.

344 Art. 35-14 du décret n° 2003-438 du 15 mai 2003 

345 BOEDELS Jacques, avocat au Barreau de Paris est également l’auteur d’un ouvrage intitulé « Les Habits du Pouvoir : la Justice », aux éditions Antebi.

346 Le modèle n’en a pas encore été dessiné, mais il serait le suivant : Un ruban bleu ciel d’une largeur de 75 mm avec en son centre un liseré noir de 5 mm. Le bleu ciel doit rappeler la couleur de la ceinture des magistrats de première de province, tandis que le liseré noir correspond à la ceinture des magistrats du tribunal du ressort des Cours d’appel de Paris et de Versailles.

La médaille d’une dimension de 65 mm ressemblera à celle des conseillers prud’homaux et sera en bronze doré. Elle portera à l’envers une tête féminine de profil, tournée vers la droite et symbolisant la République ainsi que la mention « République française ». Elle sera suspendue à une attache de 75 mm portant un rameau d’olivier.