L'EXPERTISE
Préambule :
Il convient d'apporter une précision terminologique, conduisant à distinguer l'expertise judiciaire de l'expertise extra-judiciaire, qu'elle soit unilatérale ou amiable.
L'expertise judiciaire est celle, ordonnée par le juge, en application des dispositions des articles 143 à 174, 232 à 248 et 263 à 284-1 du nouveau Code de procédure civile. Quant à "l'expertise" ordonnée en application de l'article L. 621-8 du Code de commerce, si elle peut recevoir cette qualification dans la mesure où elle est aussi ordonnée par un juge, les règles de l'expertise judiciaire ne lui sont cependant pas applicables (Com., 24 novembre 1998, pourvoi n° 94-19.890 ; 16 février 1999, pourvois nos 96-21.669 et 96-22.489 ; 8 juin 1999, Bull., IV, n° 120, p. 98).
L'expertise unilatérale, qualifiée généralement d'expertise officieuse, est une expertise extra-judiciaire, sollicitée par une partie à un litige auprès d'un expert qu'elle rémunère.
L'expertise amiable est une expertise extra-judiciaire diligentée, à la demande conjointe des parties concernées, en vertu d'une clause contractuelle ou d'un accord, soit par un expert désigné d'un choix commun, soit par deux experts choisis respectivement par chaque partie.
Si certains arrêts paraissent assimiler l'expertise unilatérale et l'expertise amiable (1re Civ., 13 avril 1999, Bull., I, n° 134, p. 87 ; 24 septembre 2002, Bull., I, n° 220, p. 169), il est, en revanche, essentiel de faire la distinction entre l'expertise judiciaire et l'expertise extra-judiciaire, leurs régimes étant différents dans la mesure où seule la première est régie par les dispositions spécifiques du nouveau Code de procédure civile et où la seconde ne relève d'aucun régime particulier mais doit néanmoins être soumise à la contradiction lors du débat judiciaire.
1 - le recours à l'expertise judiciaire :
1 - 1 : la décision ordonnant une mesure d'expertise :
Le recours à une expertise judiciaire relève du pouvoir souverain des juges du fond qui, conformément à l'article 144 du nouveau Code de procédure civile, peuvent l'ordonner, en tout état de cause, soit d'office, sans avoir à solliciter les observations des parties, soit à la demande de celles-ci, ou bien la refuser (2e Civ., 16 décembre 2004, Bull., II, n° 529, p. 452). De même, la faculté de refuser de désigner plusieurs experts et de n'en désigner qu'un seul pour l'exécution d'une mesure d'instruction relève du pouvoir discrétionnaire des juges du fond (2e Civ., 13 juillet 2005, pourvoi n° 03-19.945). De même encore, les juges du fond apprécient souverainement la carence du demandeur dans l'administration de la preuve, qui justifie le refus d'une mesure d'instruction destinée à la suppléer (1re Civ., 26 juin 2001, Bull., I, n° 191, p. 121).
Toutefois, il y a lieu de préciser que, sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, une expertise in futurum ne peut être ordonnée que si les conditions posées par ce texte sont réunies. Par ailleurs, il a été jugé qu'une expertise, qui a pour effet de mettre en cause la force probante d'un acte authentique, ne peut être ordonnée sur le fondement de ce texte, même préalablement à une procédure d'inscription de faux (1re Civ., 11 juin 2003, Bull., I, n° 139, p. 109).
Si l'article 150 du nouveau Code de procédure civile énonce que la décision qui ordonne ou modifie et celle qui refuse d'ordonner ou de modifier une mesure d'instruction ne sont susceptibles d'un recours immédiat que dans les cas spécifiés par la loi, l'article 272 du même Code prévoit que "la décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime". S'agissant d'une décision mixte, qui tranche, dans son dispositif, une partie du principal et ordonne une mesure d'instruction (tel un jugement qui statue sur le principe de la responsabilité et ordonne une expertise), elle peut, en vertu de l'article 544, être immédiatement frappée d'appel, dès lors que l'appel est général, alors qu'elle ne peut l'être qu'avec l'autorisation du premier président si l'appel est limité à la mesure d'expertise. Mais un jugement qui se borne, dans son dispositif, à ordonner une expertise et le versement d'une provision, ne tranche pas une partie du principal, ce dont il résulte que la cour d'appel doit déclarer d'office l'appel irrecevable (Ch. mixte, 25 octobre 2004, Bull., Ch. mixte, n° 3, p. 6). De même, n'est pas recevable le pourvoi formé indépendamment de la décision sur le fond contre un arrêt ayant confirmé un jugement, qui avait annulé un rapport d'expertise et désigné un nouvel expert, après avoir rejeté des moyens de nullité invoqués à l'encontre de ce jugement, un tel arrêt n'ayant pas tranché le principal ni statué sur un incident mettant fin à l'instance (2e Civ., 8 avril 2004, Bull., II, n° 170, p. 143). Par ailleurs, il faut rappeler que la cassation totale d'un arrêt entraîne de plein droit la nullité de l'expertise qu'il avait ordonnée (3e Civ., 31 octobre 2001, Bull., III, n° 116, p. 89) mais rien n'interdit aux parties de s'accorder à en faire état comme élément de preuve lorsqu'il est corroboré par d'autres éléments.
L'expert commis peut être récusé par l'une des parties (article 234 du nouveau Code de procédure civile), la cause de récusation étant appréciée souverainement par les juges du fond. Il convient de préciser que l'article 341 du nouveau Code de procédure civile, auquel renvoie l'article 234 et qui prévoit des cas de récusation, n'épuise pas nécessairement l'exigence d'impartialité requise de tout expert judiciaire (1re Civ., 28 avril 1998, Bull., I, n° 155, p. 98 ; 2e Civ., 5 décembre 2002, Bull., II, n° 275, p. 218). La demande de récusation, qui doit intervenir avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de récusation, ne peut plus être formée après le dépôt du rapport d'expertise (3e Civ., 20 juin 1979, Bull., III, n° 139 ; 2e Civ., 5 décembre 2002, Bull., II, n° 279, p. 220). L'expert étant un auxiliaire de justice commis par le juge n'est pas un tiers au litige et, de ce fait, n'a pas qualité pour former tierce opposition à la décision de récusation dont il est l'objet (2e Civ., 24 juin 2004, Bull., II, n° 314, p. 265).
Il faut encore indiquer que les décisions qui se prononcent sur une demande de changement d'expert ne sont pas soumises aux dispositions de l'article 170 du nouveau Code de procédure civile relatives à l'exécution des mesures d'instruction (2e Civ., 18 octobre 2001, Bull., II, n° 158, p. 107). La décision par laquelle un tribunal rejette une demande de remplacement d'un expert et la récusation de celui-ci met fin à une instance incidente, indépendante de la procédure principale qui l'a fait naître, de sorte qu'elle est susceptible d'appel devant la cour d'appel dont la décision est elle-même susceptible de pourvoi en cassation (2e Civ., 23 juin 2005, pourvoi n° 03-16.627).
Le cas particulier des expertises ordonnées en matière de procédures collectives : l'article L. 621-8 du Code de commerce prévoit que l'administrateur désigné dans le jugement d'ouverture peut demander la désignation d'un ou plusieurs experts. Il a été jugé qu'une telle expertise, destinée à réunir des informations sur la situation économique et comptable de l'entreprise en redressement judiciaire et à rechercher des faits susceptibles d'établir la date de cessation des paiements, la qualité d'éventuel dirigeant de fait de certaines personnes et de révéler les éventuelles fautes de gestion, ne constitue pas une mesure d'instruction au sens des articles 232 et suivants du nouveau Code de procédure civile et que, dès lors, les articles 237 et 238 du nouveau Code de procédure civile ne lui sont pas applicables, la cour d'appel appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve contenus dans ce rapport qui doit, cependant, être régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties (Com., 25 novembre 1997, pourvoi n° 95-17.631 ; 16 février 1999, pourvoi n° 96-21.669 ; 15 février 2000, Bull., IV, n° 33, p. 26 ; 30 octobre 2000, Bull., IV, n° 172, p. 152 ; 2e Civ., 7 novembre 2002, Bull., II, n° 246, p. 191).
1 - 2 : la mission de l'expert :
Les juges du fond fixent souverainement l'étendue de la mission confiée à l'expert (1re Civ., 26 novembre 1980, Bull., I, n° 308 ; 2e Civ., 16 décembre 2004, Bull., II, n° 529, p. 452). Au-delà des prescriptions des articles 265 et 269 du nouveau Code de procédure civile relatives au contenu de la décision, cette mission doit être formulée de manière claire et précise, afin d'en circonscrire le champ, d'en délimiter l'objet, d'en définir la finalité, eu égard, bien entendu, à l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties, ainsi que d'en régler la durée.
A titre d'exemple, des projets de missions sont proposés en annexe.
1 - 3 : les modalités d'exécution de la mesure d'expertise :
* L'expert, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée. Les actes accomplis en méconnaissance de cette obligation ne peuvent valoir opérations d'expertise. Ainsi, viole l'article 233 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel qui refuse d'annuler une expertise dont les réunions ont été tenues par le conjoint de l'expert (2e Civ., 27 avril 2000, Bull., II, n° 68, p. 47), étant ajouté que, en une telle occurrence, la demande d'annulation du rapport d'expertise ne peut être déclarée irrecevable pour le motif, inopérant, que le demandeur l'avait présentée pour la première fois en appel et avait conclu au fond après le dépôt du rapport (2e Civ., 7 mai 2002, Bull., II, n° 90, p. 72). Cependant, l'expert peut déléguer à des collaborateurs des tâches purement matérielles ; il ne peut, en revanche, leur déléguer des actes d'exécution à caractère technique inhérents à sa mission, telles des opérations de mesurage de propriétés, lesquels ne peuvent être, le cas échéant, exécutés que sous sa direction, son contrôle ou sa surveillance (2e Civ., 10 juin 2004, Bull., II, n° 286, p 242). Par ailleurs, les éléments d'un rapport d'expertise déposé au cours d'une instance, fût-elle atteinte par la péremption, peuvent être retenus à titre de renseignements et utilisés comme tels par le nouvel expert désigné dans la nouvelle instance, après réassignation, et auquel il ne saurait être fait grief de ne pas avoir accompli personnellement sa mission (2e Civ., 7 novembre 2002, pourvoi n° 01-03.352).
Toutefois, en vertu de l'article 278 du nouveau Code de procédure civile, l'expert peut prendre l'initiative, sans en référer au juge, de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne (3e Civ., 23 octobre 1984, Bull., III, n° 172 ; 2e Civ., 19 février 1997, Bull., II, n° 49, p. 28 ; 23 octobre 2003, Bull., II, n° 323, p. 262) et à condition que cela ne s'accompagne pas d'une délégation de pouvoirs ou ne constitue pas une véritable "sous-traitance" (3e Civ., 8 avril 1999, Bull., III, n° 89, p. 61). A cet égard, la cour d'appel doit rechercher si l'expert n'avait pas délégué l'accomplissement de sa mission (même référence). L'expert peut confier à un tiers qui dispose des instruments appropriés, l'exécution d'investigations à caractère technique, sans manquer pour autant à son obligation de remplir personnellement sa mission et sans méconnaître les exigences du procès équitable (2e Civ., 16 mai 2002, Bull., II, n° 101, p. 80).
Aux termes de l'article 238 du nouveau Code de procédure civile, "l'expert doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis, ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties, et ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique", cette dernière prohibition interdisant, en conséquence, à la juridiction de déléguer ses pouvoirs à l'expert. Il a été jugé "qu'aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation des obligations imposées par l' article 238 du nouveau Code de procédure civile au technicien commis" (1re Civ., 7 juillet 1998, Bull., I, n° 239, p. 165), cette solution jurisprudentielle, qui vise essentiellement l'hypothèse où l'expert a excédé la mission impartie (3e Civ., 17 juillet 1996, Bull., III, n° 186, p. 118, approuvant une cour d'appel d'avoir privé d'effet les propositions de l'expert en tant qu'elles concernaient un dépassement de sa mission) ou a porté proprio motu des appréciations d'ordre juridique, ne conduisant cependant pas à écarter la violation de ce texte lorsque, à tort, les juges du fond ont effectivement délégué leurs pouvoirs à l'expert. Au demeurant, la juridiction peut, sans annuler le rapport d'expertise, lorsque l'expert a mal apprécié les conséquences juridiques de ses constatations, prendre en considération les seules appréciations de l'expert qu'elle a estimées utiles à sa démonstration (3e Civ., 18 février 2004, pourvoi n° 02-20.531) et faire abstraction des appréciations juridiques qu'il a portées (3e Civ., 21 janvier 2004, pourvoi n° 02-14.346). Les juges du fond sont aussi en droit de s'approprier l'avis de l'expert, même si celui-ci a exprimé une opinion excédant les limites de sa mission (3e Civ., 5 mars 2003, Bull., III, n° 55, p. 52 ; contra, 17 juillet 1996, cité précédemment).
* Les parties et les tiers doivent apporter leur concours aux mesures d'instruction (article 160 du nouveau Code de procédure civile) et le technicien peut leur demander communication de tous documents (article 243 du nouveau Code de procédure civile). S'agissant des parties, l'article 275 prévoit qu'en cas de carence dans la production des pièces nécessaires, outre les prérogatives du juge chargé de suivre le déroulement de l'expertise, la juridiction de jugement peut tirer toute conséquence de droit du défaut de communication des documents à l'expert. Conformément à ces dispositions, ayant relevé qu'une société, en refusant de communiquer à l'expert des documents qu'elle était en mesure de produire, avait mis obstacle à l'accomplissement de la mission d'expertise, une cour d'appel, tirant les conséquences de ce refus, a tranché, à bon droit, le litige au vu des seuls éléments qui lui étaient soumis et dont elle a apprécié souverainement la valeur et la portée (Soc., 26 mars 1996, pourvoi n° 94-43.024). De même, il a été jugé que n'inverse pas la charge de la preuve la cour d'appel qui, pour ordonner à l'une des sociétés d'un même groupe de produire certaines pièces, sans avoir à rechercher si celle-ci les détenait personnellement ou si une autre société du groupe les possédait, retient qu'au regard de la position commune des sociétés du groupe au cours des opérations d'expertise, l'existence desdites pièces est vraisemblable et qu'elles lui sont normalement accessibles (2e Civ., 23 septembre 2004, Bull., II, n° 428, p. 362).
* S'agissant tout particulièrement des expertises en matière médicale, la Cour de cassation s'est attachée à préciser les modalités de leur exécution dans le but de concilier le secret médical et l'exercice de leurs droits par les parties. Ainsi, "si le juge civil a le pouvoir d'ordonner à un tiers de communiquer à l'expert les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, il ne peut, en l'absence de disposition législative spécifique, contraindre un établissement de santé à lui transmettre des informations couvertes par le secret sans l'accord de la personne concernée ou de ses ayants droit, le secret médical constituant un empêchement légitime que l'établissement de santé a la faculté d'invoquer" (1re Civ., 7 décembre 2004, Bull., I, n° 306, p. 256) ; il ne peut davantage "contraindre un médecin à lui transmettre des informations couvertes par le secret lorsque la personne concernée ou ses ayants droit s'y sont opposés" (1re Civ., 15 juin 2004, Bull., I, n° 171, p. 142). Cependant, il faut relever que, les experts étant tenus eux aussi au secret professionnel, un médecin se trouve, par l'effet de l'article 901 du Code civil qui vaut autorisation au sens de l'ancien article 378 du Code pénal ou au sens de l'article 226-14 du Code pénal, déchargé de son obligation relativement aux faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa profession et la finalité du secret professionnel étant la protection du non-professionnel qui les a confiés, leur révélation peut être faite aux experts et à des personnes qui ont un intérêt légitime à faire valoir cette protection, de sorte que la remise d'un certificat par un médecin aux experts n'est pas irrégulière, dès lors que ce témoignage constituait l'un des moyens de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit d'une personne lors de la rédaction de testaments litigieux et que, dans le cas contraire, l'héritier ou les légataires auraient été empêchés de faire valoir leurs droits (1re Civ., 2 mars 2004, Bull., I, n° 69, p 55, s'agissant d'une expertise pour laquelle les experts avaient pour mission de déterminer si une personne était saine d'esprit au moment de la rédaction de testaments olographes ; 22 mai 2002, Bull., I, n° 144, p. 111, idem, s'agissant d'une donation) ; mais les experts ne doivent pas communiquer les documents médicaux aux parties, auxquelles il incombe de désigner un médecin pour en prendre connaissance, à défaut de quoi la cour d'appel n'a pas à constater qu'elles ont été mises en mesure de débattre contradictoirement des résultats de l'examen de ces documents médicaux (mêmes arrêts).
Etant rappelé que la méconnaissance des dispositions du Code de déontologie médicale peut être invoquée par une partie à l'appui d'une action en dommages-intérêts dirigée contre un médecin, si les dispositions relatives au secret professionnel font obstacle à ce que l'identité d'un malade soit divulguée sans son consentement, toute partie qui se prétend victime d'un dommage doit pouvoir faire effectivement valoir ses droits en justice, de sorte qu'il appartient alors au juge, lorsqu'une expertise impliquant l'accès à des informations couvertes par le secret médical est nécessaire à la manifestation de la vérité, de prescrire des mesures efficaces pour éviter la divulgation de l'identité des malades ou consultants, et le principe du droit à un procès équitable n'est pas méconnu dès lors que, nonobstant les mesures ordonnées à bon droit par la cour d'appel pour éviter la divulgation de l'identité des patients, les parties au litige ont la faculté de désigner un médecin, qui, au cours des opérations d' expertise, pourra prendre connaissance des documents comportant les renseignements d'ordre médical examinés par l'expert (1re Civ., 18 mars 1997, Bull., I, n° 99, p. 65, s'agissant d'une action en concurrence déloyale entre médecins).
* L'article 281 du nouveau Code de procédure civile prévoit l'hypothèse où les parties viennent à se concilier, auquel cas l'expert constate que sa mission est devenue sans objet ; les parties peuvent alors demander au juge de donner force exécutoire à l'acte exprimant leur accord. L'existence d'un tel accord entre les parties doit être constatée conformément au droit commun de la preuve et la constatation de cet accord par un expert est par elle-même insuffisante à l'établir (1re Civ., 11 mars 2003, Bull., I, n° 71, p. 54).
* L'expert est dessaisi par le dépôt de son rapport, de sorte que, postérieurement, il ne peut plus procéder à une nouvelle mesure d'instruction ni à la convocation des parties (3e Civ., 11 février 2004, Bull., III, n° 26, p. 25).
On peut rappeler qu'il appartient à l'expert d'informer le juge de l'avancement de ses opérations et de lui en référer en cas de difficultés, et il incombe au juge de contrôler le bon déroulement de l'expertise, de veiller au respect des délais impartis et de tirer les conséquences des carences des parties ou de l'expert.
2 - l'expertise et le principe de la contradiction :
L'expertise judiciaire est soumise au principe de la contradiction aussi bien pendant son déroulement qu'au stade de la discussion de ses résultats, tandis que l'expertise officieuse, unilatérale ou amiable, n'y est soumise qu'à l'occasion de son invocation dans l'instance (2e Civ., 24 juin 2004, pourvoi n° 02-16.401).
La Cour européenne des droits de l'homme a eu l'occasion d'énoncer que l'exigence du respect du principe de la contradiction, posée par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'étend aux expertises accompagnant la procédure juridictionnelle : "La Cour rappelle que l'un des éléments d'une procédure équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 (article 6-1) est le caractère contradictoire de celle-ci : chaque partie doit en principe avoir la faculté non seulement de faire connaître les éléments qui sont nécessaires au succès de ses prétentions, mais aussi de prendre connaissance et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influencer sa décision. A ce titre, elle précise d'emblée que le respect du contradictoire, comme celui des autres garanties de procédure consacrées par l'article 6 paragraphe 1 (article 6-1), vise l'instance devant un "tribunal" ; il ne peut donc être déduit de cette disposition (article 6-1) un principe général et abstrait selon lequel, lorsqu'un expert a été désigné par un tribunal, les parties doivent avoir dans tous les cas la faculté d'assister aux entretiens conduits par le premier ou de recevoir communication des pièces qu'il a prises en compte. L'essentiel est que les parties puissent participer de manière adéquate à la procédure devant le "tribunal". Par ailleurs, la Convention ne réglemente pas le régime des preuves en tant que tel. La Cour ne saurait donc exclure par principe et in abstracto l'admissibilité d'une preuve recueillie sans respecter les prescriptions du droit national. Il revient aux juridictions internes d'apprécier les éléments obtenus par elles et la pertinence de ceux dont une partie souhaite la production. La Cour a néanmoins pour tâche de rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris la manière dont la preuve a été administrée, a revêtu le caractère équitable voulu par l'article 6 paragraphe 1 (article 6-1). En l'espèce, ... bien que le tribunal administratif ne fût pas juridiquement lié par les conclusions de l'expertise litigieuse, celles-ci étaient susceptibles d'influencer de manière prépondérante son appréciation des faits. Dans de telles circonstances, et eu égard aussi au fait que les juridictions administratives rejetèrent leur demande de nouvelle expertise, les époux X... n'auraient pu faire entendre leur voix de manière effective qu'avant le dépôt du rapport de l'expertise en cause. Aucune difficulté technique ne faisait obstacle à ce qu'ils fussent associés au processus d'élaboration de celui-ci, ladite expertise consistant en l'audition de témoins et l'examen de pièces. Ils furent pourtant empêchés de participer à ladite audition alors que les cinq personnes interrogées par l'expert étaient employées par le CHRN et que parmi elles figuraient le chirurgien qui avait opéré Mlle X... en dernier lieu, et l'anesthésiste. En conséquence, les requérants n'eurent pas la possibilité de contre-interroger ces cinq personnes dont on pouvait légitimement s'attendre à ce qu'elles déposent dans le sens du CHRN, partie adverse à l'instance. Quant aux pièces prises en considération par l'expert, les intéressés n'en eurent connaissance qu'une fois le rapport achevé et communiqué. Ainsi, les époux X... n'eurent pas la possibilité de commenter efficacement l'élément de preuve essentiel. La procédure n'a donc pas revêtu le caractère équitable exigé par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention. Partant, il y a eu violation de cette disposition" (CEDH, 18 mars 1997, X... c/ France. Requête n° 21497/93).
La Cour de cassation fait une application particulièrement stricte de ce principe, en application duquel les parties doivent être convoquées et leurs conseils avisés des opérations et réunions d'expertise, et doivent être mis en mesure, en temps utile, de faire valoir leurs observations. Il est acquis que les opérations d'expertise doivent être conduites de façon contradictoire et qu'il ne suffit pas que le rapport ait été débattu à l'audience. Cependant, l'expert n'est pas tenu de convoquer les parties pour procéder à des investigations de caractère purement matériel, tels le mesurage du bruit et les essais acoustiques, dont il a communiqué les résultats aux parties (2e Civ., 13 janvier 2005, pourvoi n° 04-12.623).
Dans la droite ligne de l'arrêt de la Cour de Strasbourg, il a été jugé, au visa des articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile, qu'avait violé ces textes la cour d'appel qui, pour débouter une partie de sa demande en annulation de l'expertise graphologique, avait relevé que l'expert avait convoqué les parties à une réunion au cours de laquelle celles-ci lui avaient remis les pièces de comparaison qu'elles détenaient, qu'il avait procédé à l'analyse de ces pièces, hors la présence des parties, en raison de la spécificité de sa technique et qu'il avait communiqué son rapport aux parties qui avaient pu en débattre contradictoirement, alors que l'expert n'avait pas soumis aux parties les résultats des investigations techniques auxquelles il avait procédé hors leur présence, afin de leur permettre d'être éventuellement à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport (2e Civ., 18 janvier 2001, Bull., II, n° 11, p. 7 ; 1re Civ., 8 juin 2004, pourvoi n° 02-13.379, d'où il ressort que, si la présence des parties ne s'impose pas en permanence et si certaines opérations, comme des analyses en laboratoire, peuvent avoir lieu sans que les parties y soient convoquées, l'expert doit, dans ce cas, soumettre aux parties "les résultats des investigations auxquelles il a procédé hors de leur présence afin de leur permettre d'être éventuellement à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport").
La rigueur de la jurisprudence est constante dès lors que le principe de la contradiction a été méconnu, dispensant les juges du fond de constater l'existence d'un grief (2e Civ., 24 novembre 1999, Bull., II, n° 174, p. 119, s'agissant d'une espèce où l'avocat d'une partie n'avait pas été avisé des opérations d'expertise et n'avait pas été destinataire du rapport de l'expert ; 20 décembre 2001, Bull., II, n° 202, p. 141, s'agissant d'une espèce où l'expert n'avait pas convoqué les parties), l'annulation du rapport étant prononcée alors même que, par la suite, ce rapport aurait été versé aux débats et discuté à l'audience (2e Civ., 13 juin 2002, pourvoi n° 00-22.010). Si l'expert peut procéder à des investigations purement techniques, hors la présence des parties, encore faut-il qu'il les porte à la connaissance de celles-ci pour qu'elles fassent part de leurs observations, de sorte que doit être cassé l'arrêt qui déboute une partie de sa demande d'annulation de l'expertise en écriture au motif que ladite partie avait pris connaissance des pièces de comparaison et avait eu la possibilité de faire connaître ses observations à l'expert, alors que celui-ci n'avait pas soumis aux parties les résultats des investigations techniques auxquelles il avait procédé, hors leur présence, afin de leur permettre d'être éventuellement à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport (2e Civ., 15 mai 2003, Bull., II, n° 147, p. 125). Il en va particulièrement ainsi lorsque la cour d'appel constate que l'expert n'a pas respecté l'obligation d'informer les parties du résultat de ses opérations à l'occasion d'une ultime réunion, qui lui avait été prescrite par un précédent arrêt (2e Civ., 24 février 2005, Bull., II, n° 46, p. 44).
Cette rigueur s'exerce, notamment, en ce qui concerne les expertises médicales. Ainsi, un médecin expert, qui est tenu de respecter le principe de la contradiction pendant la totalité de ses opérations d'expertise, y compris après la phase de l'examen clinique, commet une faute professionnelle grave au sens de l'article 5 de la loi du 29 juin 1971, justifiant la radiation, en faisant participer, après cette phase, à sa réflexion le seul médecin qui avait été désigné par l'une des parties (1re Civ., 1er juin 1999, Bull., I, n° 183, p. 120).
En revanche, ayant retenu qu'après avoir donné connaissance aux parties de ses premières estimations chiffrées, l'expert avait sollicité les dires de chaque partie au vu desquels il avait établi son rapport définitif comportant des conclusions différentes, une cour d'appel en a déduit, à bon droit, que le principe de la contradiction avait été respecté, sans que l'expert ait eu à reconvoquer les parties, même si le rapport définitif modifiait substantiellement le pré-rapport (3e Civ., 27 mai 1998, Bull., III, n° 112, p. 74 ; 2e Civ., 7 novembre 2002, pourvoi n° 01-03.352). De même, ne méconnaît pas le principe de la contradiction l'expert qui dépose son rapport après avoir reçu d'une des parties un dire contenant des documents et des précisions techniques qu'il avait demandées, dès lors qu'il avait communiqué ce dire et les documents qui y étaient annexés à l'autre partie et qu'il avait accordé aux deux parties un délai pour lui faire parvenir leurs observations (2e Civ., 8 avril 2004, Bull., II, n° 178, p. 150).
L'expert qui a pris l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne doit porter cet avis à la connaissance des parties avant le dépôt du rapport lui-même afin qu'elles soient en mesure d'en discuter devant lui, et il appartient à la partie à qui a été communiqué le rapport du technicien que l'expert s'est adjoint de contester ses conclusions par un dire à l'expert (1re Civ., 15 octobre 1996, Bull., I, n° 354, p. 248 ; 2e Civ., 16 mai 2002, Bull., II, n° 101, p. 80 ; dans le même sens, 2e Civ., 16 janvier 2003, Bull., II, n° 5, p. 5, dans le cas où l'expert avait fait valider ses travaux personnels par un universitaire, sans soumettre aux parties ni annexer à son rapport l'avis qu'il avait sollicité). De même, l'expert, qui a recueilli des informations auprès de sachants, doit soumettre la teneur de ces auditions et documents aux parties afin de leur permettre d'être à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport (2e Civ., 5 décembre 2002, Bull., II, n° 278, p. 220 ; Com., 6 février 2001, pourvoi n° 97-18.264 ; 2e Civ., 16 janvier 2003, Bull., II, n° 5, p. 5, déjà cité). Et, justifie légalement sa décision refusant d'annuler le rapport d'expertise, qui se fonde sur l'avis d'un "sapiteur" consulté par l'expert, la cour d'appel qui relève que les constatations et les investigations effectuées par ce spécialiste chargé d'assister l'expert, l'ont été à l'occasion de réunions auxquelles toutes les parties ont été conviées, dans le respect du principe de la contradiction, qu'il n'est pas justifié que les dires écrits ou verbaux n'aient pas reçu de réponse et que l'expert judiciaire a supervisé l'ensemble des opérations à l'occasion de réunions contradictoires (3e Civ., 4 novembre 1999, Bull., III, n° 210, p. 147). Ajoutons que les avis sollicités par l'expert doivent être annexés à son rapport.
Un rapport d'expertise judiciaire est inopposable à une partie qui n'a été ni appelée ni représentée aux opérations d'expertise et qui invoque cette inopposabilité (1re Civ., 7 mars 2000, Bull., I, n° 79, p. 54 ; 2e Civ., 11 décembre 2003, Bull., II, n° 379, p. 311), et viole le principe de la contradiction l'arrêt qui fonde sa décision uniquement sur une expertise à laquelle l'une des parties n'avait été ni appelée ni représentée et qui avait expressément soutenu qu'elle lui était inopposable (2e Civ., 18 septembre 2003, Bull., II, n° 282, p. 229). Mais la convocation aux réunions n'est pas suffisante, l'expert devant, en outre, soumettre aux parties les résultats des investigations techniques auxquelles il a procédé hors leur présence, afin qu'elles puissent en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport (2e Civ., 18 janvier 2001, Bull., II, n° 11, p. 7 ; 15 mai 2003, Bull., II, n° 147, p. 125 - déjà cités).
Comme cela a déjà été évoqué (cf. 1 - 3 ci-dessus), la mise en oeuvre du principe de la contradiction appelle des précautions dans certaines circonstances, notamment lorsqu'est en jeu le secret médical. Ainsi, une cour d'appel a décidé, à bon droit, que les experts, ayant pour mission de déterminer si une personne était saine d'esprit au moment de la rédaction de testaments olographes, ne devaient pas communiquer directement aux parties les documents médicaux qui leur avaient été transmis en cours d'expertise, et qu'il aurait appartenu à celles-ci de désigner un médecin qui en aurait pris connaissance (1re Civ., 2 mars 2004, Bull., I, n° 69, p. 55).
Les graves conséquences qui découlent de l'annulation d'un rapport d'expertise au regard tant de l'exigence d'un délai raisonnable que de la difficulté d'organiser tardivement une nouvelle mesure, conduisent à en limiter l'étendue et les effets.
La nullité ne frappe que celles des opérations qui ont été effectuées en méconnaissance du principe de la contradiction, de sorte qu'il n'y a alors pas lieu d'annuler le rapport d'expertise dans son intégralité (2e Civ., 12 juin 2003, Bull., II, n° 189, p. 160, rejetant un pourvoi contre un arrêt qui avait refusé d'annuler en totalité une expertise alors que seuls les résultats des opérations d'un "sapiteur" n'avaient pas été communiqués aux parties). De plus, il peut être remédié aux carences de l'expertise par une reprise des opérations affectées d'une violation du principe de la contradiction : ainsi, ne viole pas ce principe ni l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le juge qui, tenant de l'article 177 du nouveau Code de procédure civile le pouvoir de demander à l'expert de reprendre la partie de ses opérations qui n'avaient pas été effectuées contradictoirement, ordonne la réouverture des débats en invitant celui-ci à communiquer aux parties la teneur de l'avis du technicien qu'il avait consulté sans le porter à leur connaissance, à recueillir leurs dires et à y répondre (2e Civ., 24 Juin 2004, Bull., 2004, II, n° 317, p. 267).
Comme cela a été dit, l'expertise extra-judiciaire, unilatérale et amiable, est, au stade de la discussion des parties, soumise au principe de la contradiction, en application de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile. Le respect ou non de ce principe conditionne la valeur probatoire d'une telle expertise.
S'agissant du cas particulier des mesures d'investigation ordonnées dans les procédures collectives : le rapport établi non-contradictoirement par l'expert désigné dans les conditions prévues à l'article L. 621-8 du Code de commerce doit être régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties (Com., 25 novembre 1997, pourvoi n° 95-17.631 ; 16 février 1999, pourvoi n° 96-21.669 ; 15 février 2000, Bull., IV, n° 33, p. 26). Ainsi, justifie sa décision au regard des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 16 du nouveau Code de procédure civile, une cour d'appel qui retient que, produite aux débats relatifs à une faillite personnelle, une simple étude par un expert-comptable de documents sociaux et comptables, qui n'a pas la valeur probante d'une expertise judiciaire, a été soumise à la discussion contradictoire des parties qui ont eu la possibilité d'en discuter le contenu (2e Civ., 7 novembre 2002, Bull., II, n° 246, p. 191). De même, il a été jugé que les éléments de preuve de la faute de gestion du dirigeant peuvent être puisés dans le seul rapport établi à la demande du juge-commissaire, dès lors que ce document a été régulièrement versé aux débats et soumis à discussion contradictoire (Com., 30 octobre 2000, Bull., 2000, IV, n° 172, p. 152). Toutefois, la chambre sociale a jugé que viole l'article 16 du nouveau Code de procédure civile une cour d'appel qui, pour dénier à une partie la qualité de salarié, se fonde sur le rapport dressé par l'expert désigné par le tribunal de commerce pour examiner la gestion de l'entreprise en redressement judiciaire, alors que l'intéressé a, dans ses écritures, conclu à l'inopposabilité de la mesure d'instruction à laquelle il n'avait été ni partie ni représenté et que l'avis de l'expert constitue le fondement unique de sa décision (Soc., 8 juillet 1997, Bull., V, n° 255, p. 184). Dans le même sens, la deuxième chambre a énoncé que viole l'article 16 du nouveau Code de procédure civile la cour d'appel qui, pour condamner un dirigeant social à payer diverses sommes sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, retient, après avoir relevé que le rapport d'expertise comptable sur lequel le mandataire judiciaire avait fondé sa demande et qui constituait l'unique élément de preuve des fautes de gestion alléguées, n'était pas opposable à ce dirigeant qui n'avait pas été appelé aux opérations d'expertise, que les éléments de preuve des fautes commises pouvaient être puisées dans ce document, dès lors qu'il avait été régulièrement versé aux débats et soumis à discussion contradictoire (2e Civ., 13 juin 2002, pourvoi n° 00-22.010).
3 - La valeur probante du rapport d'expertise :
Selon l'article 246 du nouveau Code de procédure civile, "le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien".
Les juges du fond apprécient souverainement l'objectivité du rapport de l'expert (3e Civ., 20 juin 1979, Bull., III, n° 139) ainsi que sa valeur et sa portée (1re Civ., 7 décembre 1999, Bull., I, n° 337, s'agissant d'un rapport d'expertise médicale en considération duquel la cour d'appel a caractérisé le lien de causalité entre la faute commise et la survenance du dommage ; 2e Civ., 16 mai 2002, Bull., II, n° 101, p. 80). Lorsqu'ils retiennent la valeur probante de l'expertise, le dispositif de la décision, sans avoir nécessairement à comporter une disposition spécifique sur ce point, ne doit, en tout cas, comporter une telle disposition que sous la formulation suivante : la cour (le tribunal) entérine le rapport d'expertise, ou la cour (le tribunal) adopte les conclusions de l'expert judiciaire. Mais, il faut proscrire la formulation inexacte : la cour (le tribunal) homologue le rapport d'expertise, l'homologation consistant à conférer un effet ou un caractère exécutoire à un acte après un contrôle de légalité ou d'opportunité.
Il y a lieu de souligner que la constatation d'un accord entre les parties, mentionnée par un expert dans son rapport, est insuffisante à l'établir, l'existence d'un tel accord devant être constatée conformément au droit commun de la preuve (1re Civ., 11 mars 2003, Bull., I, n° 71, p. 54).
Un rapport d'expertise annulé peut, néanmoins, concourir à l'établissement de la preuve. Il a été jugé qu'il résulte des articles 1315 du Code civil, 175 et 233 du nouveau Code de procédure civile que les éléments d'un rapport d'expertise annulé ne peuvent être retenus à titre de renseignements que s'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier (2e Civ., 23 octobre 2003, Bull., II, n° 323, p. 262). Ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'une partie ne produisait en cause d'appel aucun élément objectif et pertinent établissant le dommage qu'elle invoquait, la cour d'appel n'avait pas à tenir compte des éléments du rapport d'expertise annulé (2e Civ., 24 novembre 1999, Bull., II, n° 174, p. 119). Dans le même ordre d'idée, il a été jugé que les juges du fond sont en droit de s'approprier l'avis de l'expert, même si celui-ci a exprimé une opinion excédant les limites de sa mission (3e Civ., 5 mars 2003, Bull., III, n° 55, p. 52).
La jurisprudence tend à conférer une valeur probante à une expertise extra-judiciaire, même unilatérale, dès lors que le rapport, quoique n'ayant pas la valeur d'expertise, a été soumis à la discussion et à la contradiction des parties (1re Civ., 13 avril 1999, Bull., I, n° 134, p. 87, s'agissant d'une expertise qualifiée à tort d'expertise amiable ; Com., 15 février 2000, pourvoi n° 97-16.770 ; 10 juillet 2001, pourvoi n° 98-18.188 ; 1re Civ., 24 septembre 2002, Bull., I, n° 220, p. 169 ; 11 mars 2003, Bull., I, n° 70, p. 53) et que celles-ci ont eu la possibilité d'en discuter le contenu (2e Civ., 7 novembre 2002, Bull., II, n° 246, p. 191 ; 3e Civ., 23 mars 2005, pourvoi n°04-11.455). Il en va d'autant plus ainsi lorsque l'expertise officieuse s'est déroulée contradictoirement (3e Civ., 29 octobre 2003, pourvoi n° 01-11.004, s'agissant d'une expertise authentiquement amiable aux opérations de laquelle les parties avaient été convoquées et avaient participé, de sorte qu'elles s'étaient déroulées de manière contradictoire et qu'aucune réserve n'avait été émise par les parties quant à la responsabilité de l'une d'elles ; dans le même sens : 1re Civ., 22 mai 2001, pourvoi n° 98-14.471). Il a été énoncé que "tout rapport amiable peut valoir, à titre de preuve, dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties" (1re Civ., 24 septembre 2002, Bull., I, n° 220, p. 169 ; 11 mars 2003, Bull., I, n° 70, p. 53), mais encore faut-il que la juridiction ait recherché si la partie adverse avait pu faire valoir son point de vue (3e Civ., 3 octobre 1991, Bull., III, n° 221, p. 130). Une partie peut se prévaloir d'un rapport d'expertise officieuse, qui constitue un élément de preuve admissible quant à la date de la connaissance du vice rédhibitoire par l'acquéreur, même s'il est établi postérieurement au dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire pour critiquer celui-ci (1re Civ., 19 mars 1991, Bull., I, n° 101, p. 66). Cette relative faveur pour les expertises extra-judiciaires, à condition que le principe de la contradiction soit respecté au stade de l'invocation de leurs résultats, peut s'expliquer par le gain de temps et le moindre coût qui en résultent pour les parties.
Les questions relatives à la rémunération des experts sont exposées dans la fiche relative à la vérification et à la contestation de la rémunération des techniciens.
ANNEXE
* s'agissant d'une expertise médicale (consécutive à une pathologie ou un événement traumatique) :
- ordonne une expertise médicale,
- commet pour y procéder M. X..., expert, inscrit sur la liste de la cour d'appel (de la Cour de cassation), avec mission de :
- convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,
- se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
- procéder à l'examen médical de M. Y...,
- indiquer son état antérieur à la survenance de l'événement à l'origine du litige (à préciser),
- rappeler les soins, traitements, opérations et autres interventions à fins curatives, thérapeutiques, de restauration ou de rééducation nécessités par l'événement à l'origine du litige,
- décrire précisément l'état actuel, la date de consolidation et les conséquences qu'il comporte sur l'activité professionnelle et sur la vie personnelle, en mentionnant les atteintes à l'autonomie et la nécessité de l'intervention d'une tierce personne,
- indiquer l'évolution prévisible dans le temps de cet état, soit par suite d'aggravation, soit par suite d'amélioration, en précisant, dans ce dernier cas, les soins, traitements ou interventions auxquels l'intéressé devra se soumettre,
- préciser si et dans quelle mesure cet état actuel et les suites prévisibles sont en lien direct avec l'événement à l'origine du litige,
- rapporter les souffrances physiques et psychiques endurées, quant à leur durée et à leur intensité, consécutives à l'événement à l'origine du litige,
- évaluer les postes de préjudice qui résultent de l'état actuel constaté, par référence aux barèmes d'évaluation de droit commun et aux échelles habituelles, tels que le taux d'incapacité temporaire totale (ITT), le taux d'incapacité temporaire partielle (ITP), le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) subsistant après la consolidation, le pretium doloris, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément,
- rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties,
- mettre, en temps utile, au terme des opérations d'expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexées au rapport,
- fixe à .... euros, le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui sera versé par ...., au plus tard le..., entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de cette juridiction,
- impartit à l'expert, pour le dépôt du rapport d'expertise, un délai de ... mois à compter de l'avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision.
* s'agissant d'une mission en matière de construction :
- ordonne une expertise,
- commet pour y procéder M. X..., expert, inscrit sur la liste de la cour d'appel (de la Cour de cassation), avec mission de :
- convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,
- se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
- se rendre sur les lieux et en faire la description,
- relever et décrire les désordres, malfaçons et inachèvements affectant l'immeuble litigieux, en considération des documents contractuels liant les parties (à préciser),
- en détailler les causes et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels fournisseurs ou intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions,
- indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination,
- indiquer les solutions appropriées pour y remédier,
- préciser et évaluer les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons et inachèvements et par les solutions possibles pour y remédier,
- rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties,
- mettre, en temps utile, au terme des opérations d'expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexées au rapport,
- fixe à .... euros, le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui sera versé par ...., au plus tard le..., entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de cette juridiction,
- impartit à l'expert, pour le dépôt du rapport d'expertise, un délai de ... mois à compter de l'avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision