La juridiction du premier président au regard de l’arrêt de l’exécution provisoire et du sursis à l’exécution

I- Rappel des principes essentiels

I-1. - Les cas d’exécution provisoire de plein droit
I-2. - Les cas d’interdiction de l’exécution provisoire

II. - L’arrêt de l’exécution provisoire

II-1. - Règles d’ordre général

II-2. - L’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée par le juge

II-3. - L’arrêt de l’exécution provisoire de plein droit

II-4. - Le régime dérogatoire applicable en matière de procédure collective

III. - L’aménagement de l’exécution provisoire

III-1. - L’aménagement de l’exécution provisoire ordonnée par le juge

III-2. - L’aménagement de l’exécution provisoire de plein droit

IV. - Le sursis à l’exécution des mesures ordonnées par le juge de l’exécution

L’objet de la présente fiche est, après avoir rappelé les principes essentiels (I), de préciser les pouvoirs des premiers présidents, ou de leurs délégataires, en ce qui concerne l’arrêt (II) et l’aménagement (III) de l’exécution provisoire, qui est soit attachée de plein droit à la décision du juge de première instance soit ordonnée par lui, ainsi que le sursis à l’exécution des mesures ordonnées par le juge de l’exécution (IV).

I. - Rappel des principes essentiels

I-1. - Les cas d’exécution provisoire de plein droit

Sans prétendre dresser la liste exhaustive des décisions bénéficiant de l’exécution provisoire de plein droit, on rappellera toutefois que sont, notamment, exécutoires de plein droit :

A. - les ordonnances de référé, les décisions qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l’instance, notamment une ordonnance de non-conciliation, celles qui ordonnent des mesures conservatoires ainsi que les ordonnances du juge de la mise en état qui accordent une provision au créancier (article 514, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile ; 2e Civ., 18 novembre 1999, Bull. 1999, II, n° 170, pourvoi n° 97-12.709 ; 13 janvier 2000, Bull. 2000, II, n° 5, pourvoi n° 99-13.265) ;

B. - les décisions du juge aux affaires familiales se prononçant, après le prononcé du divorce, sur la modification des mesures accessoires (article 1087, alinéa 1, du nouveau code de procédure civile) ;

C. - les décisions rendues en matière d’autorité parentale (article 1179 du nouveau code de procédure civile, qui renvoie aux articles 1084 à 1087 du même code) ;

D. - le jugement fixant le montant de la contribution aux charges du mariage (article 1069-5 du nouveau code de procédure civile) ;

E. - les décisions par lesquelles le juge compétent liquide ou supprime l’astreinte (article 37 de la loi du 9 juillet 1991) ;

 F. - en droit du travail, certaines dispositions des jugements rendus par les conseils de prud’hommes en vertu de l’article R. 516-37 du code du travail.

 En application des dispositions combinées des articles R. 516-18 et R. 516-17 du code du travail, les condamnations prononcées au titre des créances suivantes sont assorties de l’exécution provisoire de plein droit : les salaires, accessoires de salaires et de commissions ; indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ; pour les contrats à durée déterminée, l’indemnité de fin de contrat ; l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité spéciale de licenciement prévues en cas de rupture du contrat à la suite d’un accident du travail, l’indemnité de précarité d’emploi pour les travailleurs temporaires.

 En vertu de l’article L. 122-3-13 du code du travail, la décision par laquelle le conseil de prud’hommes statue sur une demande de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est exécutoire de plein droit.

 Sont donc essentiellement exclus de l’exécution provisoire de plein droit, les dommages-intérêts, notamment en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

 G. - En matière de procédures collectives, la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 pour la sauvegarde des entreprises et le décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 pris pour son application sont entrés en vigueur le 1er janvier 2006.

 Ces textes ne sont pas applicables aux procédures en cours, à l’exception, aux termes de l’article 191 de cette loi et de l’article 361 du décret, de certaines de leurs dispositions (voir la circulaire d’application du 9 janvier 2006 et, pour les difficultés d’application des textes nouveaux, notamment les dispositions transitoires, voir le site de la Cour de cassation sur la loi de sauvegarde des entreprises, rubrique « Actualité jurisprudence », « Chambre commerciale, financière et économique », « Loi de sauvegarde des entreprises »).

 Deux régimes sont donc susceptibles de coexister.

 a) L’article 155, alinéa 1, du décret du 27 décembre 1985, pris pour l’application de la loi du 25 janvier 1985, pose en principe que les jugements et ordonnances rendus en matière de redressement et de liquidation judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire, à l’exception de ceux qui sont mentionnés aux articles 34, 78 et au deuxième alinéa de l’article 159 de la loi du 25 janvier 1985 (devenus articles L. 621­25, L. 621-80 et L. 622-21 du code de commerce) ainsi que ceux qui prononcent la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article 192 de ladite loi (article L. 625-8 du code de commerce).

 Les exceptions visées par ce texte concernent :

 - d’abord, pour l’essentiel, la vente des biens du débiteur grevés de sûretés et l’attribution du prix ; - ensuite les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer.

 
b) L’article 328, alinéa 1, du décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005, pris pour l’application de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, pose en principe que les jugements rendus en matière de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire, à l’exception des jugements et ordonnances rendus en application des articles L. 622-8, L. 626-22, du deuxième alinéa de l’article L. 642-25, L. 651-2, L. 652-1, des articles L. 663-1 à L. 663-4 et L. 653-8 du code de commerce.

 Les exceptions visées par ce texte concernent :

 
- d’abord, pour l’essentiel, la vente des biens du débiteur grevés de sûretés et l’attribution du prix ;

- ensuite, les décisions qui prononcent la faillite personnelle, une condamnation pour insuffisance d’actif d’un dirigeant d’une personne morale ou qui mettent la totalité ou une partie des dettes sociales à la charge du dirigeant ;

 - enfin, les dispositions du jugement concernant les frais de procédure. I-2. - Les cas d’interdiction de l’exécution provisoire

 
Les cas d’interdiction d’exécution provisoire sont exceptionnels. On peut citer la prestation compensatoire fixée par la décision qui prononce le divorce (article 1080-1 du nouveau code de procédure civile), le jugement qui déclare le faux (article 310 du nouveau code de procédure civile).

Faisant application de l’article 178 du décret du 27 novembre 1991, la Cour de cassation juge que les décisions rendues par le bâtonnier en matière de contestation d’honoraires ne peuvent être assorties de l’exécution provisoire par celui-ci (1re Civ., 9 avril 2002, Bull. 2002, I, n° 113, pourvoi n° 99-19.761).

 
Il faut souligner que l’article 46 du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, entré en vigueur le 1er mars 2006 et applicable aux procédures en cours, a abrogé l’alinéa 2 de l’article 515 du nouveau code de procédure civile interdisant d’ordonner l’exécution provisoire pour les dépens.

II. - L’arrêt de l’exécution provisoire 

II-1. - Règles d’ordre général

La demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire ou au sursis à l’exécution est subordonnée à l’existence d’un appel et non au dépôt des conclusions d’appel (cf. pour le sursis à exécution : 2e Civ., 20 décembre 2001, Bull. 2001, II, n° 201, pourvoi n° 00-17.029).

Elle est introduite selon les règles de droit commun du référé, par voie d’assignation, soit à une audience habituelle soit, en cas d’urgence, d’heure à heure.

En l’état des textes applicables, la constitution d’avoué pour cette instance autonome, distincte de l’instance au fond de l’appel, n’est pas obligatoire (au contraire, pour les ordonnances sur requête, la constitution d’avoué est obligatoire : article 959 du nouveau code de procédure civile).

L’ordonnance du premier président de la cour d’appel qui statue en référé, en vertu des pouvoirs propres que lui confèrent les articles 524 à 526 du nouveau code de procédure civile, sur une demande tendant à voir ordonner ou arrêter l’exécution provisoire du jugement frappé d’appel, met fin à l’instance autonome introduite devant ce magistrat, de sorte que sa décision est susceptible d’un pourvoi immédiat (Ass. plén., 2 novembre 1990, Bull. 1990, Ass. plén., n° 11, pourvoi n° 90-12.698).

Il en résulte également que le premier président doit statuer sur les dépens de cette instance, sans pouvoir énoncer que les dépens du référé suivront ceux de l’instance principale (2e Civ., 29 octobre 1990, Bull. 1990, II, n° 222, pourvoi n° 89-14.925).

Par conséquent, les formules, « disons que les dépens suivront ceux du fond » et « réservons les dépens », sont à proscrire.

La distraction des dépens ne peut être ordonnée que dans les matières où le ministère d’avoué est obligatoire (2e Civ., 22 mai 1995, Bull. 1995, II, n° 152, pourvoi n° 93-17.426 ; 20 juin 1996, Bull. 1996, II, n° 172, pourvoi n° 94-12.370). Il s’ensuit que, dans l’instance en référé, il n’y a pas lieu de prévoir un droit de recouvrement au profit des avoués.

L’application de l’article 699 du nouveau code de procédure civile est très fréquemment sollicitée par les avoués et l’on peut rejeter cette demande par la formule suivante :

Et attendu qu’aucune disposition légale n’imposant le concours d’un avoué pour assigner ou défendre en référé, il n’y a pas lieu à application de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le caractère abusif de la demande de suspension ou d’arrêt de l’exécution provisoire peut être sanctionné par l’octroi de dommages-intérêts : le premier président qui relève que cette demande a été introduite avec légèreté et mauvaise foi, et dans le seul but de faire échec au jugement sans démontrer que l’exécution de celui-ci provoquerait des conséquences manifestement excessives sur la situation du demandeur et constate que cette procédure a causé un préjudice au bénéficiaire du jugement, peut décider que la procédure est abusive et dilatoire et allouer des dommages-intérêts (2e Civ., 12 novembre 1997, Bull. 1997, II, n° 274, pourvoi n° 95-20.280)1.

Le premier président ne peut remettre en cause les effets des actes d’exécution accomplis ou les paiements effectués antérieurement à sa décision (2e Civ., 24 septembre 1997, Bull. 1997, II, n° 238, pourvoi n° 94­19.485 ; 31 janvier 2002, Bull. 2002, II, n° 11, pourvoi n° 00-11.881).

Cependant, lorsqu’une saisie-attribution a été pratiquée sur le fondement d’un jugement assorti de l’exécution provisoire, le premier président statuant en référé, saisi d’une demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire, ne peut déclarer cette demande irrecevable en retenant que l’exécution provisoire du jugement a été consommée par la saisie-attribution, sans constater que le paiement n’était pas différé (2e Civ., 23 octobre 1996, inédit, pourvoi n° 95-22.269).

La Cour de cassation a récemment jugé que le premier président, saisi sur le fondement de l’article 524 du nouveau code de procédure civile, n’a pas le pouvoir d’accorder un délai de grâce (2e Civ., 14 septembre 2006, Bull. 2006, II, n° 223, pourvoi n° 05-21.300).

Il faut rappeler que lorsque l’exécution provisoire de mesures accessoires à un jugement prononçant le divorce a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée sur le fondement de l’article 524 du nouveau code de procédure civile. Les parties ne peuvent agir que pour en obtenir la modification, en cas de survenance d’un fait nouveau, dans les conditions prévues par l’article 1083 du même code (2e Civ., 28 janvier 1998, Bull. 1998, II, n° 34, pourvoi n° 96-19.799).

Enfin, il convient de souligner que l’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire n’a lieu qu’aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d’en réparer les conséquences dommageables (Ass. plén., 24 février 2006, Bull. 2006, Ass. plén., n° 2, pourvoi n° 05­12.679).

1 NB : le fondement : 1382 du code civil ou 32-1 du nouveau code de procédure civile, ce dernier texte autorisant également le prononcé d’une amende civile de 15 à 3 000 euros, étant toutefois rappelé que, selon l’article 87 du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, les dispositions de l’article 77 de ce décret portant le maximum de l’amende civile à la somme de 3 000 euros « ne sont applicables qu’aux instances introduites et procédures diligentées après la date de son entrée en vigueur », soit le 1er mars 2006.

II-2. - L’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée par le juge

Selon l’article 515 du nouveau code de procédure civile, hors les cas où elle est interdite par la loi (cf. I-2 ), l’exécution provisoire peut être ordonnée par le juge dans tous les cas lorsqu’elle apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.

L’exécution provisoire ordonnée ne peut être arrêtée, en cas d’appel, par le premier président statuant en référé que si elle risque d’entraîner pour le débiteur des conséquences manifestement excessives compte tenu de ses facultés de paiement ou des facultés de remboursement du créancier (Ass. plén., 2 novembre 1990, Bull. 1990, Ass. plén., n° 11, pourvoi n° 90-12.698). Toute autre considération est inopérante (ainsi, par exemple, les conséquences de l’inexécution du jugement entraînées pour le créancier, considération étrangère à l’examen des facultés de remboursement de ce dernier : 2e Civ., 24 mai 2006, inédit, pourvoi n° 03-20.375).

Les critères d’appréciation tenant aux facultés de paiement du débiteur ou aux facultés de remboursement du créancier sont alternatifs et non cumulatifs.

La jurisprudence est ferme et constante : il n’entre pas dans les pouvoirs du premier président d’apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision entreprise (2e Civ., 5 juin 1996, Bull. 1996, II, n° 139, pourvoi n° 94­12.803 ; 27 novembre 1996, Bull. 1996, II, n° 270, pourvoi n° 95-10.384 ; 12 novembre 1997, Bull. 1997, II, n° 274, pourvoi n° 95-20.280 ; 2e Civ., 14 octobre 2004, inédit, pourvoi n° 02-19.816 ; Com., 12 juillet 2005, inédit, pourvoi n° 02-12.398). Le caractère manifestement excessif de l’exécution provisoire ne peut être déduit d’une méconnaissance prétendue des droits de la défense ou du principe de la contradiction ou, d’une façon générale, d’une irrégularité de la procédure.

En effet, la Cour de cassation a jugé que si l’article 524 du nouveau code de procédure civile permet au premier président d’arrêter l’exécution d’un jugement lorsqu’elle est interdite par la loi, il ne lui donne pas le pouvoir de déduire cette interdiction de la prétendue irrégularité du jugement (2e Civ., 12 mars 1997, Bull. 1997, II, n° 75, pourvoi n° 96-14.326).

On peut donc rejeter les moyens de fond ainsi :

Attendu qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du premier président, ou de son délégataire, saisi d’une demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée par le juge, d’apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision entreprise ;

Attendu que les moyens invoqués, dans la mesure où ils critiquent au fond la décision entreprise, sont inopérants ;

A noter que le premier président peut toujours user de la faculté que lui offre l’article 917, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile de fixer l’affaire pour un examen prioritaire au fond, sans avoir besoin de motiver sa décision…

L’appréciation du caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution relève du pouvoir souverain du premier président (2e Civ., 29 mai 1991, Bull. 1991, II, n° 169, pourvoi n° 89-22.002 ; 5 février 1997, Bull. 1997, II, n° 36, pourvoi n° 94-21.070). Toutefois, le pouvoir souverain, à la différence du pouvoir discrétionnaire, ne dispense pas le juge de motiver sa décision.

Il est fréquent que le demandeur sollicite, principalement, l’arrêt de l’exécution provisoire en soutenant que l’exécution met en péril sa situation financière (ou la pérennité de l’entreprise) et, subsidiairement, offre la consignation des causes des condamnations…

Il peut être ainsi répondu :

Attendu que X… ne peut, sans se contredire, prétendre que le paiement des sommes dues au titre de l’exécution du jugement compromettrait la pérennité de l’entreprise et offrir, subsidiairement, la consignation du montant des condamnations.

Le premier président peut cantonner l’exécution provisoire d’une disposition du jugement prononçant une condamnation à une partie du montant de celle-ci (2e Civ., 21 avril 2005, inédit, pourvoi n° 04-13.087) ou arrêter l’exécution provisoire de certaines dispositions de la décision entreprise et la maintenir pour d’autres (Soc., 28 mars 1984, Bull. 1984, V, n° 127, pourvoi n° 81-42.277).

Enfin, en matière de procédures collectives :

- Dans les procédures soumises à la loi du 25 janvier 1985, les jugements prononçant la faillite personnelle ou une mesure d’interdiction de gérer ne sont pas exécutoires de plein droit. L’exécution provisoire d’un jugement prononçant la faillite personnelle (ou une interdiction de gérer) peut être arrêtée, en cas d’appel, si elle risque d’entraîner des circonstances manifestement excessives pour la personne sanctionnée. L’arrêt de l’exécution provisoire n’est donc pas subordonné à l’existence de moyens d’appel sérieux (Com., 29 octobre 2002, inédit, pourvoi n° 99-18.252) ;

- L’article 328 du décret du 28 décembre 2005, pris pour l’application de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, dispose que « par dérogation aux dispositions de l’article 524 du nouveau code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel statuant en référé ne peut arrêter l’exécution provisoire que des jugements mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 661 du code de commerce et au deuxième alinéa de l’article L. 669 du même code, et lorsque les moyens invoqués à l’appui de cet appel apparaissent sérieux ».

Le décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005, procédant par voie de dérogation générale à l’ensemble des dispositions de l’article 524 du nouveau code de procédure civile, ne maintient pas la distinction entre l’exécution provisoire de droit et l’exécution provisoire facultative.

II-3. - L’arrêt de l’exécution provisoire de plein droit

L’article 8 du décret n° 2004-836 du 20 août 2004, applicable depuis le 1er janvier 2005, ajoute à l’article 524 du nouveau code de procédure civile un sixième alinéa, qui énonce :

« Le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 et lorsque l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ».

Il est prématuré d’envisager le contrôle qui pourrait être opéré par la Cour de cassation sur la notion du caractère « manifeste » de la violation du principe de la contradiction ou de la méconnaissance des règles de droit applicables au litige.

Cependant, les conditions posées par le texte sont cumulatives. Dès lors, dans tous les cas où il n’apparaîtra pas que l’exécution de la décision aura des conséquences manifestement excessives (pour le débiteur au regard de ses facultés de paiement ou des facultés de remboursement du créancier), la constatation de l’absence de cette condition suffira à justifier le rejet de la demande.

Rappelons que la Cour de cassation a jugé que l’existence de conséquences manifestement excessives ne peut être déduite d’une prétendue irrégularité du jugement (2e Civ., 12 mars 1997, Bull. 1997, II, n° 75, pourvoi n° 96-14.236).

Le moyen tiré d’un manquement au principe de la contradiction est fréquemment invoqué par une partie au motif que le premier juge a refusé le renvoi sollicité et statué en l’absence de cette partie. En refusant un renvoi sollicité par une partie, le juge, dès lors qu’il constate que cette partie a été régulièrement convoquée, ne fait qu’user de son pouvoir discrétionnaire en décidant de retenir l’affaire, sans méconnaître le principe de la contradiction (2e Civ., 9 octobre 1985, Bull. 1985, II, n° 148, pourvoi n° 84-13.730 ; Soc., 19 juin 1986, Bull. 1986, V, n° 325, pourvoi n° 83-41.455 ; 1re Civ., 18 mai 1989, Bull. 1989, I, n° 200, pourvoi n° 88­12.024).

Un autre moyen est fréquemment invoqué en matière prud’homale : l’omission dans le jugement de la mention de la moyenne des trois derniers mois de salaires. La Cour de cassation a jugé que si elle n’est pas rectifiée selon la procédure prévue à l’article 462 du nouveau code de procédure civile, cette omission ne peut être constitutive que d’une difficulté d’exécution (Soc., 28 juin 2001, Bull. 2001, V, n° 237, pourvoi n° 99-43.831). Une telle difficulté relève de la compétence du juge de l’exécution.

Enfin, en matière de presse, il doit être souligné que l’article 64 de la loi du 29 juillet 1881, dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000, dispose que « lorsqu’ont été ordonnées en référé des mesures limitant par quelque moyen que ce soit la diffusion de l’information, le premier président de la cour d’appel statuant en référé peut, en cas d’appel, arrêter l’exécution provisoire de la décision si celle-ci risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ».

 II-4. - Le régime dérogatoire applicable en matière de procédures collectives

- S’agissant des procédures collectives soumises à la loi du 25 janvier 1985, il résulte de l’article 155 du décret du 27 décembre 1985, pris pour l’application de la loi du 25 janvier 1985, que l’exécution provisoire des seuls jugements mentionnés à l’alinéa 2 de ce texte peut être arrêtée en cas d’appel si les moyens invoqués à l’appui de cet appel apparaissent sérieux.

Les jugements visés par ce texte sont ceux qui prononcent la liquidation judiciaire, arrêtent ou rejettent un plan de continuation ou de cession, qui prononcent une condamnation au titre de l’insuffisance d’actif et ouvrent une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à titre de sanction.

Cependant, en l’absence de dispositions spécifiques aux procédures collectives accompagnant le décret n° 2004-836 du 20 août 2004, il est admis par la doctrine que l’exécution provisoire attachée de plein droit à toutes les décisions autres que celles visées à l’article 155 du décret du 27 décembre 1985 peut être arrêtée dans les conditions prévues à l’article 524, alinéa 6, du nouveau code de procédure civile.

Sous réserve de motiver sa décision, le premier président apprécie souverainement le caractère sérieux des moyens invoqués (Com., 17 juillet 2001, inédit, pourvoi n° 98-20.942).

- Dans les procédures collectives soumises à la loi du 26 juillet 2005, rappelons (cf. II-2) que l’article 328 du décret prévoit que « par dérogation à l’article 524 du nouveau code de procédure civile, le premier président ne peut arrêter l’exécution provisoire que des jugements mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 661 du code de commerce et au deuxième alinéa de l’article L. 669 du même code, et lorsque les moyens invoqués à l’appui de l’appel apparaissent sérieux ».

Les jugements visés par ce texte sont ceux qui statuent sur l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement, sur l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire et ceux arrêtant ou rejetant un plan de redressement.

III. - L’aménagement de l’exécution provisoire

III-1. - L’aménagement de l’exécution provisoire ordonnée par le juge

Selon l’article 524, alinéa 1, 2° du nouveau code de procédure civile, le premier président peut prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522 du nouveau code de procédure civile.

La possibilité d’aménager l’exécution provisoire ordonnée par le juge n’est pas subordonnée à la condition que cette exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (2e Civ., 23 janvier 1991, Bull. 1991, II, n° 26, pourvoi n° 89-18.925 ; 29 mars 1995, Bull. 1995, II, n° 112, pourvoi n° 93-16.252 ; Soc., 30 juin 2004, inédit, pourvoi n° 02-19.764).

Cela dit, la possibilité d’aménager l’exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président (2e Civ., 29 mars 1995, Bull. 1995, II, n° 112, pourvoi n° 93-16.252 ; 2e Civ., 26 octobre 2006, inédit, pourvoi n° 04-18.722). Le pouvoir discrétionnaire se caractérisant par une dispense de motivation, on peut se borner à énoncer :

Attendu qu’il y a lieu de faire application de l’article 517 (ou 521) du nouveau code de procédure civile ; ou, au contraire,

Attendu qu’aucune circonstance particulière ne justifie de faire application de l’article 521 ou 522 du nouveau code de procédure civile ;

Le premier président n’ayant pas à motiver sa décision, il suffit même d’énoncer dans le dispositif : Vu l’article 524, alinéa 1, 2° du nouveau code de procédure civile,

Rejetons la demande présentée par…. ; ou bien : ordonnons la consignation… Le premier président a le pouvoir d’aménager partiellement la condamnation. III-2. - L’aménagement de l’exécution provisoire de plein droit

Selon l’article 524 du nouveau code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l’article 521 et à l’article 522.

Lorsque l’exécution provisoire est de droit, le premier président peut, pour toute condamnation au versement d’un capital, ordonner qu’il sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement une part au créancier, sans avoir à rechercher si l’exécution aurait des conséquences manifestement excessives (2e Civ., 16 juillet 1992, Bull. 1992, II, n° 215, pourvoi n° 91-11.280).

Une condamnation à provision ne peut faire l’objet d’une mesure de consignation (article 521, alinéa 1, du nouveau code de procédure civile).

Le premier président ne peut se borner à ordonner la consignation pure et simple ; il ne peut ordonner la remise d’une somme à un séquestre qu’à charge pour ce dernier de verser périodiquement au créancier la part qu’il détermine (Soc., 11 décembre 1990, Bull. 1990, V, n° 642, pourvoi n° 89-13.249).

Dans cet arrêt la Cour de cassation a aussi jugé, implicitement mais nécessairement, que la mesure prévue à l’article 521, alinéa 2, s’applique à toute condamnation et pas seulement en cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel (Soc., 11 décembre 1990, Bull. 1990, V, n° 642, pourvoi n° 89-13.249).

En pratique, de nombreux demandeurs de l’arrêt de l’exécution provisoire de plein droit se bornent à solliciter, subsidiairement, de façon laconique, l’application des dispositions prévues par les articles 521 et 522 du nouveau code de procédure civile et sollicitent l’autorisation de consigner les causes des condamnations, sans plus de précision (parfois même, ils demandent que le créancier consigne les causes des condamnations…).

On peut les rejeter ainsi :

Attendu qu’aux termes de l’article 524 du nouveau code de procédure civile que lorsque l’exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l’article 521 et à l’article 522 du même code ;

Qu’il en résulte que le premier président, ou son délégataire, ne peut autoriser la consignation pure et simple prévue au premier alinéa de l’article 521 ;

Qu’il s’ensuit que la demande ne peut être accueillie.

IV. - Le sursis à l’exécution des mesures ordonnées par le juge de l’exécution

Les recours exercés à l’encontre des décisions du juge de l’exécution qui ordonnent des mesures sont dépourvus d’effet suspensif (article L. 311-12-1, alinéa 5, du code de l’organisation judiciaire ; article 30 du décret du 31 juillet 1992).

Cependant, selon les articles L. 311-12-1, alinéa 5, du code de l’organisation judiciaire et 31, alinéa 3, du décret du 31 juillet 1992, le premier président peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure ordonnée par le juge de l’exécution s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.

Le premier président de la cour d’appel peut ordonner le sursis à l’exécution de toutes les décisions du juge de l’exécution, à l’exception de celles qui, dans les rapports entre créanciers et débiteurs, statuent sur des demandes dépourvues d’effet suspensif, à moins qu’elles n’ordonnent la mainlevée d’une mesure (2e Civ., 25 mars 1999, Bull. 1999, II, n° 59, pourvoi n° 97-15.645).

Dans cet arrêt, il a ainsi été jugé qu’est susceptible de sursis à exécution la décision par laquelle le juge de l’exécution rejette une contestation qui, dirigée contre une saisie-attribution, a pour effet de différer l’exigibilité du paiement au créancier.

La Cour de cassation a précisé qu’en application de l’article 31 du décret du 31 juillet 1992, l’assignation aux fins de sursis à exécution d’une décision de mainlevée de mesures conservatoires, telle qu’une inscription d’hypothèque, délivrée antérieurement à la radiation, proroge les effets attachés à cette inscription jusqu’au prononcé de l’ordonnance du premier président (2e Civ., 7 juillet 2005, Bull. 2005, II, n° 185, pourvoi n° 03­15.469).

En revanche, le premier président ne peut surseoir à l’exécution d’une décision du juge de l’exécution qui, saisi après délivrance d’un commandement aux fins de saisie-vente aux débiteurs, d’une contestation relative au montant des sommes dues, se borne à fixer le montant des sommes restant dues, dès lors que la demande est dépourvue d’effet suspensif (2e Civ., 18 décembre 1996, Bull. 1996, II, n° 305, pourvoi n° 95-12.602).

Par ailleurs, il n’entre pas dans les pouvoirs du premier président de suspendre l’exécution des mesures judiciaires de sûreté, telle qu’une inscription d’hypothèque provisoire, autorisées, sur requête, par le juge de l’exécution (2e Civ., 8 juillet 2004, Bull. 2004, II, n° 372, pourvoi n° 02-14.573).

Les décisions qui statuent uniquement sur des délais de grâce, pour les accorder ou les rejeter, sont exclusives de tout sursis à exécution, dès lors que par leur objet, ces décisions se confondent avec le sursis lui-même.

Les dispositions relatives au sursis à l’exécution ne s’appliquent pas à la décision d’un juge de l’exécution liquidant une astreinte (Avis, 27 juin 1994, Bull. 1994, Avis, n° 18, demande n° 09-40.008), de sorte qu’en suspendant l’exécution provisoire d’un jugement du juge de l’exécution qui liquide une astreinte, le premier président excède ses pouvoirs (2e Civ., 25 juin 1997, Bull. 1997, II, n° 206, pourvoi n° 95-10.537).

La Cour de cassation a précisé, plus généralement, que les dispositions relatives au sursis à l’exécution des décisions du juge de l’exécution ne sont pas applicables lorsque ce dernier statue en matière d’astreinte, soit pour assortir une décision d’une astreinte, soit pour liquider une astreinte précédemment ordonnée, soit pour en modifier la nature ou le taux (2e Civ., 10 février 2000, Bull. 2000, II, n° 28, pourvoi n° 98-13.354).

Le premier président ne peut apprécier la demande de sursis à l’exécution que sur le seul fondement de l’article 31 du décret du 31 juillet 1992, l’article 524 du nouveau code de procédure civile (circonstances manifestement excessives) étant inapplicable (2e Civ., 20 juin 1996, Bull. 1996, II, n° 177, pourvoi n° 93­19.320 ; 2e Civ., 20 décembre 2001, Bull. 2001, II, n° 201, pourvoi n° 00-17.029).

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le premier président détient un pouvoir souverain pour apprécier s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation des décisions du juge de l’exécution (2e Civ., 20 décembre 2001, Bull. 2001, II, n° 201, pourvoi n° 00-17.029 ; 2e Civ., 5 avril 2001, Bull. 2001, II, n° 44, pourvoi n° 99-13.975). Le premier président n’a pas à se référer obligatoirement aux moyens d’appel, les conclusions d’appel n’étant pas encore nécessairement déposées au moment où il statue en référé (2e Civ., 20 décembre 2001, Bull. 2001, II, n° 201, pourvoi n° 00-17.029).