L'état de
surendettement
Textes applicables. - C. consom., art. L.
331-2, L. 331-3, L. 331-7. - Circ. Secr. d'État à l'Industrie et Secr. d'État à
la santé et à l'action sociale, 10 juin 1999; D. no 99-831, 17 sept. 1999. -
Instr. min., 13 oct. 1999, relative à la mesure gracieuse visant les
contribuables surendettés et les chômeurs. - Circ. DIRM/DGCL/DAS no 99-468 du
10 août 1999. - Instr. DGI, 5 févr. 1999, relative au contentieux de l'impôt,
BOI 13 S-1-99, JCP E 1999, p. 432.
Définition. L'article L. 331-2 du Code de la
consommation définit le surendettement comme la situation dans laquelle le
débiteur de bonne foi, personne physique, est dans l'impossibilité manifeste de
faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à
échoir. ,
C'est à la commission de surendettement que revient
la mission de vérifier, en vertu de l'article L. 331-3 alinéa 2 du même code,
que le débiteur répond aux exigences ci-dessus décrites.
Afin
de déterminer concrètement le surendettement du
débiteur, la commission procédera en deux temps. Tout
d'abord, son secrétariat
recensera l'ensemble des ressources et des charges du débiteur',
sans
distinguer du reste selon que les dettes seront ou non susceptibles
d'être
rééchelonnées, reportées' voire le cas
échéant annulées (C. consom., art. L.
331-7-1 al. 3). Ensuite seulement, la commission comparera ces
éléments les uns
aux autres' pour déterminer si oui ou non le demandeur se trouve
dans la
situation visée à l'article L 331-2 (sur les conditions
de détermination du
surendettement, V. Chapitre 23). L'objet du présent chapitre
porte sur les
éléments qui précisément sont pris en
considération pour l'appréciation d'une situation
de surendettement.
1.
L’inventaire des éléments d'actif
Ressources. Aux termes de l'article L.
331-3 alinéa 3 du Code de la consommation, le débiteur est tenu de déclarer à
la commission les éléments actifs et passifs de son patrimoine. La loi utilise
le terme « éléments actifs » sans donner davantage d'indication sur son
contenu. C'est en fait la Cour de cassation qui a précisé la portée de cette
disposition en considérant que la notion de surendettement doit s'interpréter
de façon extensive', ce qui signifie que tous les éléments d'actif - et de
passif - du demandeur doivent être pris en compte dans l'analyse de son état'.
Sont dès lors concernées, en tout premier lieu,
l'ensemble des ressources, présentes et futures, du débiteur et/ou celles de sa
famille quelle qu'en soit la nature - régulières ou non -, leur origine"
ou leur caractère imposable ou non' et même si certaines allocations ont un
caractère insaisissable. Il s'agira donc en pratique des salaires, allocations
diverses, revenu minimum d'insertion, revenus mobiliers, revenus de transferts,
loyers, etc.
Aide
Personnalisée au Logement. En revanche, s'agissant de l'aide personnalisée au logement, la Cour
de cassation a estimé qu'elle ne pouvait être prise en compte dans les
ressources du débiteur car celui-ci n'est pas libre d'en disposer pour faire
face à ses dettes' (v. notamment circ. 16 janv. 1992, min. Équipement et min.
Affaires sociales, relative aux conséquences de l'application de la loi du 31
décembre 1989. sur les procédures de maintien et de calcul des aides
personnalisées au logement en cas d'impayés).
Niveau de
ressources.
La loi ne fait pas de distinction selon le niveau de ressources des demandeurs.
En effet, la recevabilité de la procédure ne s'apprécie pas au regard des seuls
revenus, fussent-ils importants ou relativement importants, mais au regard de
la capacité des intéressés à faire face, avec leurs ressources, aux dettes
contractées'. Il en résulte qu'un dossier déposé par un débiteur déclarant des
revenus élevés ne doit pas être a priori écarté'. De la même façon, la
faiblesse des ressources du débiteur ne peut, en aucun cas, justifier un rejet
de sa demande (Circ. min. préc., § 2.1.1, al. 1)3
Absence de
ressources.
On ne peut donc pas partager l'attitude adoptée par certaines commissions et
quelques tribunaux pour qui la recevabilité d'une action aux fins de
redressement conventionnel exige que le demandeur disposât d'une capacité de
remboursement suffisante pour permettre l'élaboration d'une solution réaliste 4
. Cette pratique, qui aboutit, à l'opposé de l'esprit de la loi, à écarter les
dossiers faisant apparaître les situations les plus compromises - hélas les
plus nombreuses aujourd'hui -, a été sévèrement condamnée par la circulaire
ministérielle du 28 septembre 1995 et apparait désormais abandonnée. La loi du
29 juillet 1998 préc. a été votée pour, précisément, apporter une réponse aux
cas les plus dramatiques, où le surendettement ne résulte pas d'un excès
d'endettement mais d'une insuffisance, voire d'une inexistence de ressources.
Biens
mobiliers et immobiliers. L'état de surendettement ne s'apprécie pas seulement par rapport aux
revenus du demandeur. L'ensemble des biens mobiliers et immobiliers appartenant
au débiteur doivent également être retenus pour l'appréciation du
surendettement', y compris bien entendu l'immeuble qui constitue son logement6
. La Cour de cassation a précisé, en effet, que pour être surendetté, il faut
se trouver dans l'impossibilité de rembourser ses dettes en réalisant
l'ensemble de son actif patrimonial. En d'autres termes, celui qui possède un
capital immobilier et des revenus n'est surendetté que si cet ensemble ne lui
permet pas d'apurer la totalité de son passif. Ce point donne lieu toutefois à
des solutions jurisprudentielles divergentes parmi les juridictions du second
degré.
Si de manière constante, les commissions prennent en
considération tant les revenus que les biens immobilisés, la mise en oeuvre de
ce principe se traduit de deux façons distinctes dans la pratique' :soit elles
refusent l'ouverture de la procédure au motif que l'aliénation de l'actif
permettrait au débiteur de faire face à l'ensemble de ses dettes exigibles et à
échoir9 (la cour de Paris a ainsi débouté un débiteur qui n'avait pas réalisé,
Préalablement à la requête devant la commission, la vente d'un bien figurant à
l'actif familial, fût-il en indivision
soit elles ouvrent la procédure, mais conditionnent les mesures de
redressement à la vente des biens du débiteur
1.TI Aubervilliers, 12 avr. 1990, Gaz. Pal. 1. 317,
note A. Gourio.
2.Hypothèse cependant peu fréquente en pratique.
3.Cass.
lre civ., 17 janv. 1993, 2 arrêts, Bull. no 41.
4.TI Saint-julien-en-Genevoix, 21 nov. 1990;
Versailles, 7 mars 1991, RTD com. 1991, p. 448,no 2.
5. Concrètement, il s'agira de la maison
d'habitation, du véhicule, des meubles et objets en tout genre, utilitaires ou
non dont il a la propriété. V. en ce sens : Cass. 11, civ., 31 mars 1992, Bull.
civ. 1, no 109; Douai, 31 oct. 1990, Rev, proc. coll., no 1, 1992, p. 43, note
P.-M. Le Corre; Versailles, 7 mars 1991, RTD com. 1991. 448, no 2 obs. G.
Paisant; Paris, 3 juill. 1991, JCP éd. E, 1991, 1, panor. 1245; Toulouse, 25
nov. 1991, Banque et Droit, ne 23, mai-juin 1992.
6.Cass.
Jre Civ., le' déc. 1998, Bull. civ. 1, no 342; D. 1999, somm. p. 284, obs.
Willmann; RTDcom., 53 (3), juill. Sept. 2000, p. 732, obs. Paisant.
7. La cour de Paris a ainsi considéré que « la
propriété d'un bien immobilier est tout à fait étrangère à l'absence de
trésorerie, seul critère à prendre en considération dans les procédures de
surendettement». En l'espèce, le débiteur possédait deux biens immobiliers,
l'un situé à Paris, l'autre au Brésil : 81 ch., sect. C, 24 nov. 1999, S
98/70014, Mllejoly c/StéCrédit Logement, inédit. A l'inverse, la Cour d'appel
de Nancy a jugé « qu'il appartient ( ... ) au juge de vérifier que le débiteur
est bien surendetté, c'est-à-dire que la charge globale de remboursement échue
et non échue xcède ses capacités de remboursement en prenant en compte l'intégralité
des éléments d'actif du patrimoine du débiteur, y compris la valeur vénale d'un
bien immobilier, même s'il s'agit du logement u débiteur» : 11 juin 2001, arrêt
01/00022, SA Sté Lorraine de Crédit immobilier de France c/Mme Beauzee et a.,
inédit.
8.V. sur cet aspect, F. Verdun, comm. sous Cass. lle
civ., 23 mars 1999, arrêt no 645 D et ler avr. 1999, arrêt no 758 D, in «
Surendettement des particuliers », Rev. proc. coll., chron., no 4, sept.
1999,p.153.
9.Cass. 11, civ. 20 mars 1991, D. 1991, IR p. 128.
Biens
professionnels.
Dans l'hypothèse où le requérant exerçant une profession libérale déclare un
surendettement d'origine essentiellement privée, le patrimoine qui sera pris en
compte pour l'appréciation de sa situation financière comprendra en plus, outre
les biens immobiliers et mobiliers de caractère domestique, un cabinet -
c'est-à-dire des éléments corporels (instruments, local professionnel) - et des
éléments incorporels - en particulier la clientèle attachée à son cabinet -
voire, le cas échéant, un droit au bail.
Points,particuliers
Demandes
séparées.
Il est fréquent, en pratique, que des demandes de redressement conventionnel
soient déposées séparément par deux époux ou, au contraire, par un seul des
deux conjoints alors que, dans tous les cas, les dettes déclarées s'avèrent
communes soit en vertu d'une solidarité légale, soit en vertu d'un contrat4 .
Dans ce cas, il parait préférable d'attraire à la procédure le conjoint qui ne
s'est pas manifesté et de l'associer à la demande formulée par l'autre conjoint
ou, en présence de deux déclarations séparées, de les fusionner pour n'en faire
qu'une, afin, notamment, que soient globalisées les ressources du ménage.
Concubins. il semble, par ailleurs,
que cette approche globale des revenus soit possible s'agissant d'une demande
d'accès à la procédure présentée par deux personnes vivant en concubinage'. La
loi conduit à adopter à cet égard une attitude pragmatique puisque c'est
finalement la globalisation des ressources du couple, légitime ou non, qui
permettra d'établir un plan. Il en va différemment lorsque la liaison ne
présente pas les caractéristiques d'une vie maritale stable et notoire et si le
concubin ne contribue pas au paiement des charges du couple".
Autres cas. Les commissions sont parfois
confrontées à des saisines conjointes motivées par l'existence de charges
communes à des débiteurs partageant le même logement, Il s'agit, la plupart du
temps, de membres d'une même famille (tante et neveu, ascendant et
petits-enfants ... ). Dans ces cas de figure, les commissions adoptent une
approche empreinte de pragmatisme. Ce n'est, en effet, que lorsqu'il existe un
endettement commun qu'il est envisageable de traiter conjointement ces
dossiers. Pour le reste, les modalités demeurent comparables à celles mises en
oeuvre dans le cas susvisé des concubins.
1.Paris, 3 juill. 1991, D. 1991, IR p. 259.
2.Cette alternative ne semble pas être aussi
tranchée lorsqu'il appartient au juge de se prononcer sur l'état de
surendettement; sous l'empire de la loi anc. du 31 déc. 1989, la Cour de
cassation avait jugé « qu'il appartient au juge de rechercher si la valeur de
l'immeuble à usage locatif dont le débiteur est propriétaire n'est pas
suffisante pour que celui-ci puisse, au besoin en l'aliénant, faire face à
l'ensemble de ses dettes » : Cass. 11 civ., 31 mars 1992, Bull. inf. C. cass.,
no 347. Une lecture stricte de cet arrêt laisse penser, en effet, que dans un
tel cas, le rejet de la demande s'impose pour absence de surendettement
caractérisé.
1J.-L. Vallens, ALD 1990, 93, no 36.
4.Sur la question de la confrontation de la loi
Neiertz aux problèmes des régimes matrimoniaux, on se reportera avec profit aux
études suivantes : J.-J. Taisne, « La loi Nelertz face au droit patrimonial de
la famille », Dr. et patrimoine, no 90, févr. 2001; v. Laforest-Tacchini, La
procédure de traitement du surendettement à l'épreuve des régimes matrimoniaux,
thèse de doctorat, 2000; F.Leghait-Georget, « Régimes matrimoniaux des époux,
évaluation et traitement dusurendettement», Rev. huissiers ~000, p. 332 et s.
5.« Lorsqu'il y a vie commune hors mariage, les
ressources des deux concubins doivent être fixées en compte pour apprécier
l'état de surendettement du demandeur » : Paris, 3 juill. 1991, JCP 1991, 1, panor. 1245, V. aussi TI Toul, 9
avr. 1990, D. 1991, somm. p. 52.6,TI Lure, 29 mai 1990, INC-Hebdo, 1990, no
706.
Époux divorcés. La même démarche devrait
pouvoir être retenue en présence d'époux divorcés qui ont contracté
solidairement un ensemble de dettes les ayant placés en situation de
surendettement'. L'idéal serait de ne traiter qu'un seul dossier sous réserve
que l'ex-conjoint qui n'a pas sollicité le bénéfice de la procédure y soit
quand même associé. À cet égard, il va de soi que ni la commission ni le juge
ne peuvent contraindre un ex-conjoint, codébiteur solidaire, à participer à un
plan de redressement conventionnel', même St"celui-ci y a tout intérêt3.
2. Inventaire
des éléments de passif
Généralité.
La notion de surendettement
au sens de l'article L. 331-2 du Code de la consommation susvisé
est
caractérisée, a-t-on dit, par l'impossibilité,
pour le débiteur de bonne foi,
«de faire face à l'ensemble de ses dettes non
professionnelles exigibles et à
échoir». Une distinction est donc formellement
établie entre les dettes
«civiles», «privées» ou
«domestiques» qui tombent à l'évidence dans
le champ
d'application du texte, d'une part, et les dettes contractées au
soutien d'une
activité professionnelle, d'autre part, dont la place dans la
procédure de
surendettement: a fait l'objet d'une large controverse tant doctrinale
que
jurisprudentielle.
Notions de
dettes.
Selon une jurisprudence aujourd'hui bien établie, la loi sur le surendettement
ne distingue nullement entre les charges qui résultent de la nécessité de
régler les dettes de la vie courante et celles provenant du remboursement de
prêts consentis par des établissements de crédit4. S'il est vrai que le
surendettement: résulte, le plus souvent, d'un recours immodéré au crédit, il
s'agit là d'un pur constat factuel, sans portée juridique puisqu'aussi bien la
loi ne limite nullement son champ d'application aux dettes nées d'un contrat de
prêt et qu'elle insiste, au contraire, sur la nécessité d'un traitement le plus
global possible des difficultés du débiteur, lequel suppose nécessairement la
prise en considération de toutes ses dettes 5.
Catégories de
dettes.
Sont donc visées précisément, quelle qu'en soit la nature, les dettes d'origine
contractuelle, statutaire ou légale. Les dettes contractuelles ou statutaires
sont d'abord toutes les dettes liées à des crédits bancaires : emprunts,
locations-ventes, locations avec options d'achat, crédits assortis d'une
garantie hypothécaire, d'un gage ou d'un cautionnement, découverts bancaires et
passifs résultant de l'utilisation des cartes de crédit. Sont également visés
les prêts
1. La Cour de cassation a ainsi jugé, sous l'empire
de la loi du 31 déc. 1989 (anc.), que le fait
pour deux époux d'être tenus solidairement pour des
dettes communes n'est pas de nature à
priver l'un des conjoints du bénéfice des procédures
de règlement amiable ou de redressement
judiciaire civil après leur séparation : Cass. 11,
civ., 17 mai 1993, Contrats, conc., consom. 1993, no 183.
à caractère réglementé tels que les prêts
conventionnés par L'état les prêts d'accession à la propriété2~ ainsi que les
dettes liées à des crédits non bancaires (crédits consentis par certains
vendeurs ou prestataires de services, prêts consentis par les employeurs,
parents ou amis). À ce sujet, il convient de souligner que pour apprécier le
surendettement, commissions et juges doivent prendre en considération non
seulement les dettes échues et restées impayées mais encore la charge
représentée par les échéances à venir des emprunts en cours'.
Dettes de la
vie courante.
Entrent également dans la catégorie des dettes privées les dettes non liées à
une opération de crédit, que l'on qualifie communément de charges de la vie
courante : dettes locatives envers aussi bien des propriétaires privés que des
organismes à caractère social tels les offices d'habitations à loyers modérés,
arriérés de loyer 4~ charges de copropriété, factures d'eau ou d'électricité,
primes d'assurances, frais de scolarité, etc.'. Il est, à ce propos,
indifférent que la créance en cause ait un caractère privilégié'. Notons que la
jurisprudence admet la recevabilité de débiteurs dont le surendettement n'est
généré que par des charges courantes~
Dettes légales. Quant aux dettes légales,
le législateur n'a pas entendu exclure les dettes alimentaires de
l'appréciation des engagements du débiteur malgré le sort particulier que leur
réserve l'article L. 331-7 du Code de la consommation qui interdit à la
commission et d'en aménager le paiement et, a fortiori, d'en réduire ou effacer
le montant. Les dettes d'aliments peuvent prendre d'ailleurs plusieurs formes :
celle d'une obligation consécutive au devoir de verser des aliments résultant
de la loi (entre parent et alliés, C. civ., art. 203) ou de la volonté
individuelle (convention, legs); celle d'une pension (la plus fréquente est la
pension versée par l'un des conjoints divorcés à l'autre); enfin, celle d'une
provision (qui est la pension accordée à l'un des conjoints pour la durée de
l'instance en divorce ou en séparation de corps, en exécution du devoir de
secours entre époux, C. civ., art. 238 al. 5 et 240 al. 2).
Dettes pénales. La question de savoir si
les dettes ayant un caractère pénal peuvent être retenues dans l'assiette du
passif du débiteur n'est pas tranchée par les textes. La réponse n'est donc pas
simple et l'analyse de la jurisprudence rendue en la matière nous conduit à
établir une distinction - sans doute un peu artificielle - selon la gravité de
la condamnation.
1. Cass. 11, civ., 19 mars 1993, D. 1993, IR p. 172;
Toulouse, 30 sept. 1991, Bull. inf. C. cass., 15 févr. 1992, no 338; Riom, 12
févr. 1992, CRCAM du Puy-de-Dôme clBanque La Hénin et a.,aff. no 1199/91,
inédit.
2. Cass. 11 civ., 19 mars 1993, préc.; Reims, 14
mars 1991, JCP éd. E, 1992, IV, 1218; Agen,
25 juin 1991, SA Scirmac cID., arrêt no 276, inédit;
Pau, 19 févr. 1991, Midland Bank, CCF
cIM.,
arrêt no 689/90, inédit.
3.
Cass. lre civ., 13 janv. 1993, Bull. civ. I, no 18; D. 1993, IR p. 40; RTD com.
1993, p. 370, note G. Paisant.
4. Paris, 13 nov. 1990, D. 1992, somm. p. 105, obs.
B. Bouloc et P.-L. Chatain.
5. Rép. min. no 36526 du 3 déc. 1990JOAN, CR, 22
nov. 1991, p. 1609.
6. V. au sujet des créances d'EDF-GDF, TI
Puy-en-Velay, 20 juin 1990, D. 1991, somm. p. 51, obs. B. Bouloc et P.-L.
Chatain : « s'il n'est pas contestable que les créances résultant de
fournitures d'électricité et de gaz sont des créances bénéflciant du régime
général sur les biens meubles du débiteur u sens de l'art. 2101 C. civ., cette
qualité ne saurait les soustraire aux dispositions de la loi Niertz ».
7. TI Bergerac, 29 mai 1990, inédit; contra
toutefois : TI Orléans, 12 juill. 1990, C. c/commission du Loiret, inédit.
Amendes. S'agissant de peines
d'amendes ou de condamnations pécuniaires liées à de simples infractions, leur
prise en compte dans la détermination du passif du demandeur est en principe
admise. En effet, faute d'indication contraire dans la loi, rien ne semble
interdire à une commission ou au juge de les retenir'. En revanche, ce type de
dette paraît exclu de la procédure elle-même et n'est donc pas susceptible de
faire l'objet des mesures que la commission ou le juge de l'exécution sont
habilités à prendre. C'est en tout cas ce qui ressort d'un arrêt de la Cour de
cassation qui rappelle que le recouvrement des amendes pénales relève du seul
régime de l'exécution des peines,
Suspension de
la peine.
En effet, il est expressément prévu par l'article 708 du Code de procédure
pénale que l'exécution d'une peine correctionnelle ou de police non privative
de liberté, telle qu'une amende, peut être suspendue ou fractionnée pour motifs
graves d'ordre médical, familial, professionnel ou social. La décision de
suspension ou de fractionnement est prise soit par le ministère public, soit
sur proposition de celui-ci, par le tribunal correctionnel ou de police,
statuant en chambre du conseil, selon que l'exécution de la peine doit être
suspendue pendant plus ou moins de trois mois. Il résulte de ces considérations
que ni la commission, ni le juge du surendettement ne sont fondés à reporter ou
rééchelonner des amendes pénales.
On indiquera que l'Administration avait déjà soutenu
une position similaire au sujet de l'ex-redressement judiciaire civil.
Interrogé sur le sort des dettes d'origine pénale, comme les infractions à la
police des chemins de fer donnant lieu à des amendes, le ministère de la
Justice faisait observer « qu'il ne résulte pas de la loi du 31 décembre 1989
que le législateur ait souhaité déroger à l'article 708 du Code de procédure
pénale »
Escroquerie. En revanche, la
jurisprudence semble adopter une attitude plutôt sévère à l'égard de demandeurs
qui ont fait l'objet d'une condamnation pénale soit pour détournement de fonds
par exemple, soit pour abus de confiance et production de faux. Ici, on
s'éloigne du domaine de la simple contravention pour aborder celui, plus grave,
de l'escroquerie. La question n'est plus alors de savoir si la dette liée au
comportement frauduleux doit ou non être prise en compte au stade de
l'appréciation de l'état de surendettement mais si le dossier dans son ensemble
est ou non recevable en raison du comportement passé du débiteur.
Lien avec le
surendettement.
Les quelques cas de jurisprudence rendus en la matière permettent de considérer
en tout cas que pour exclure un débiteur du bénéfice de la loi, un lien étroit
doit exister entre la situation de surendettement et le comportement pénal du
débiteur à l'origine de son insolvabilité. Ainsi, une juridiction a jugé que
l'incendie commis par un débiteur à l'origine de sa condamnation à des dommages
et intérêts, et par voie de conséquence, de son état de surendettement,
caractérise sa mauvaise foi'. De manière comparable, une cour d'appel a jugé de
mauvaise foi le particulier surendetté qu'un tribunal correctionnel avait
reconnu coupable de quatre faux en écriture privée pour avoir imité la
signature de son conjoint au pied de différents contrats de crédit
1.Un tribunal a ainsi inclus dans les éléments de
passif la dette résultant d'une condamnation à réparation prononcée par un
tribunal correctionnel : TI Troyes, 26 sept. 1990, INC-Hebdo, no 712, 11, févr.
1991, p. 8 in Ch.-H. Gallet, préc. p. 21.
2.CaSS. Jre CiV., arrêt no 1721 P, 17 nov. 1998, Epx
B. clTrésorier principal de Saint-Etienne Sud Ouest, D. 1999, no 23, somm. p.
206 et s., note P.-L. Chatain et F. Ferrière.
3.Rép. min. JO Sénat Q, 13 août 1992, p. 1895. V
aussi: G. Paisant, RTD corn. 1994, p. 782. À noter que certains tribunaux
s'étaient déjà prononcés en ce sens : TI Paris, 31 juill. 1990, TI
Lyon, 6 février 1996, inédits. Une.circulaire du
Ministère de l'Économie et des Finances (Direction de la Comptabilité publique)
du 23 oct. 1995 précise, à cet égard, que dans la mesure où les amendes
infligées par la SNCF font l'objet d'un recouvrement par le comptable du
Trésor, c'est à ce dernier qu'appartient éventuellement le pouvoir d'accorder
des délais de paiement, la commission de surendettement (mais aussi le juge de
l'exécution) ne pouvant, de sa propre autorité, recommander un report, un
rééchelonnement voire une remise de ces dettes.
Dettes des
collectivités publiques. De même, aucune créance d'une collectivité ou d'un établissement
public local, quelle que soit sa nature, n'échappe à la procédure de traitement
des situations de surendettement. Il en résulte que l'ensemble des créances du
secteur public local doit non seulement être retenu dans les éléments de passif
du débiteur mais être intégré à l'ensemble des mesures de redressement visées à
l'article L. 331-7 du Code de la consommation (il pourra s'agir, par exemple,
de frais occasionnés lors d'une hospitalisation et qui n'ont pas été réglés à
l'établissement).
Dettes
sociales.
Pour apprécier sa situation de surendettement, les dettes contractées envers
les organismes de sécurité sociale doivent également être prises en compte dans
l'assiette des engagements du débiteur.
Cette notion de dettes sociales n'est pas définie
dans la loi; il semble qu'elle recouvre un champ plutôt large. Il pourra
s'agir, notamment, des échéances impayées relatives à des prêts consentis par
les services d'action sociale des Caisses d'Allocations Familiales (prêt à
l'amélioration à l'habitat - CSS, art. 541-1 -, prêt à l'équipement ménager,
prêt au cadre de vie)' ou des échéances de cotisations non réglées par des
employeurs en situation de surendettement et dues au titre de l'emploi
d'assistantes maternelles ou d'employés de maison (hypothèse assez rare en
pratique). Seront également concernées les dettes vis-à-vis des offices
d'habitations à loyer modéré (pour plus de détails, v infra nos 3 1.2 5 et
42.14) 1.
1.CA
Colmar, 29 août 1995, RTD. com. 1997, p. 140, obs. G. Paisant.
2.CA Toulouse, 29 oct. 1990, C. clCaixa bank,
inédit. Le TI de Saintes n'a pas non plus reconnu la qualité de débiteur de
bonne foi à une personne qui avait été condamnée par un tribunal correctionnel
pour escroquerie, 5 avr. 1990, L. cISté Sofrac et a., inédit.
3.Pour une application du principe à l'impôt sur le
revenu, v. TI Grenoble, 3 oct. 2000, Mme Attia clBanque Populaire du Dauphiné,
Juris-Data no 2001-165412, Contrats, conc, consom., oct. 2001, p. 26.
4.Sur cet aspect, v. TI Nogent-sur-Marne, 20 juill.
1990, Gaz. Pal. 1991.1, somm. p. 56; Quot,
Jur.
no 14, 31 janv. 1991, p. 13.
5.Cass.
Jre civ., 20 oct. 1998, Contrats, conc., consom. 1999, comm. no 34, note G.
Raymond;Cass. 11, civ., 12 janv. 1994, no 92-04. 206, Contrats, conc., consom. 1994, no 89,
note G. Raymond.
6.Cass. 11 civ., 18 févr. 1992, D. J992, 317, note
G. Paisant déjà cité; Contrats, conc., consom. 1992, no 123, obs. G. Raymond.
7. Les àettes parafiscales sont énumérées chaque
année en annexe à la loi de finances.
8. C'est en tout cas ce que nous laisse penser
l'analyse de la jurisprudence la plus récente.
9. Sur cette notion de dettes sociales, v. D. 1997,
no 25, somm. p. 199 et D. 1999, no 23, somm p.
210, obs. P.-L. Chatain et F. Ferrière.
Dette unique. La loi Neiertz ne fait pas
dépendre l'état de surendettement du nombre de dettes que le débiteur est dans
l'impossibilité d'honorer; ce qui compte, c'est la somme que l'intéressé est
dans l'impossibilité manifeste d'acquitter. C'est ainsi que la Cour de
cassation a confirmé une jurisprudence bien établie chez les juridictions du
second degré' selon laquelle la procédure de surendettement peut être ouverte
pour le non-paiement d'une seule dette, en l'occurrence une dette de
cautionnement, - sous réserve, bien entendu, des exigences des articles L. 331-2
et L. 333-3 précités'.
Dettes
professionnelles. La circulaire, ministérielle du 24 Mars 1999 précitée, en son § 2.2,
considère comme professionnelle toute dette ayant un rapport direct ou indirect
avec l'activité économique exercée par le débiteur. Cette définition reste
cependant assez vague et laisse subsister quelques interrogations sur l'étendue
même de la notion'.
Professionnels
retirés des affaires. On a vu que les commerçants, les artisans et les agriculteurs en
activité sont exclus des dispositions de la loi; aussi bien, la question des
dettes professionnelles ne se pose-t-elle essentiellement que pour les
débiteurs retirés des affaires ou membres de professions indépendantes qui
déclarent, en même temps que leurs dettes domestiques, une part plus ou moins
importante de dettes professionnelles contractées au soutien de leur activité,
présente ou passée. A ce sujet, la Cour de cassation a tout d'abord précisé que
l'existence de dettes professionnelles présentant un lien certain avec
l'ancienne activité du demandeur « n'exclut pas l'intéressé du bénéfice de la
loi Neiertz ». Dès lors, la présence dans un dossier de surendettement de
dettes de cette nature, c'est-à-dire, concrètement, de dettes nées pour les
besoins ou à l'occasion de l'activité professionnelle du débiteur ne constitue
pas un obstacle, selon la cour suprême, à l'application de la loi'. Cette
interprétation rejoint celle du Secrétaire d'Etat à la consommation qui avait.
indiqué, en son temps, que les personnes déclarant à la fois des dettes
professionnelles et des dettes privées étaient susceptibles de solliciter le
bénéfice de la loi « dès lors que leur surendettement a aussi une origine
domestique » cir aux préfets, 26 nov. 19906; la circulaire du 24 mars 1999
reprend les mêmes termes de ce texte abrogé).
Endettement
exclusivement professionnel. Inversement, il est bien clair qu'un débiteur dont la situation de
surendettement: ne résulte que de dettes professionnelles ne peut solliciter le
bénéfice de la procédure - même si l'intéressé a cessé depuis plus d'un an
toute activité professionnelle - tout comme celui qui, affichant des dettes
professionnelles et une dette civile, n'est pas en situation de surendettement
au regard de cette seule dette.
1. TI Rouen, 8 juin 1990, Gaz. Pal. 1990. 2, somm.
p. 457.
2. v notamment Douai, 26 mars 1992, RTD com 1992, p.
866.
3. Cass. 11 civ. 24 mars 1993, RTD coin. 1993, p.
370, obs. G. Paisant.
4.Ainsi a-t-il été jugé que les sommes dues par le
surendetté à son employeur, allouées par le tribunal correctionnel, ont un
caractère de réparation et ne constituent pas une dette professionnelle : TI
Troyes, 26 sept. 1990, INC-Hebdo 1991, no 712.
5.Cass. 11 civ., arrêts Gros et Morel, D. 1992, IR
p. 143 et 144; aussi, Cass. 11 civ., 31 mars 1992, Sever c/banque de France et
Épx Douroux &CFF et a., INC-Hebdo no 774, 12 juin 1992, p. 9; v. dans le
même sens, Metz, 24 avr 1990, Rec. jur. Est, no 3/90, p. 140. Dans un sens
comparable, la Haute juridiction a estimé qu'un juge ne peut écarter la
procédure de surendettement sans vérifier que les dettes non professionnelles
ne suffisant pas, à elles seules, à placer le débiteur en situation de
surendettement: : Cass. 111 civ 7 nov. 2000, Bull. civ 1, no 285; JCP 2001, IV,
1010; Contrats, conc. consom., 2001, no 36, note Raymond.
6.circ aux préfets du 26 nov 1990, BOCCRF, 30 nov
1990.
Appréciation
des dettes professionnelles. Quant à la question de savoir comment appréhender les dettes
professionnelles au stade de l'appréciation et du traitement du surendettement,
il faut souligner que la jurisprudence n'a pas toujours été uniforme 4. Par une
série de décisions, la Cour de cassation a fort opportunément fixé en la
matière plusieurs principes généraux mettant ainsi un terme à des divergences
d'interprétation. Pour la Haute juridiction, la situation de surendettement
doit s'apprécier au regard de l'ensemble des ressources du débiteur quelle
qu'en soit l'origine et en tenant compte des dettes non professionnelles, «
celles ayant un caractère professionnel étant exclues de cette appréciation »
1. Cette approche découle logiquement de l'article L. 331-2 du Code de la
consommation qui ne considère le surendettement que comme une accumulation de
dettes privées'. En effet, cet article définit le surendettement comme
l'impossibilité manifeste pour un débiteur de bonne foi de faire face à
l'ensemble de ses dettes non professionnelles. Cela signifie qu'au stade de
l'analyse du surendettement, donc au moment de la recevabilité, seules les
dettes privées doivent être prises en compte. En d'autres termes, il appartient
aux commissions de rechercher si les dettes non professionnelles déclarées par
le demandeur suffisent à le placer en situation de surendettement quelle que
soit par ailleurs l'importance du passif professionnel et à condition toutefois
que le débiteur ne soit pas au nombre des personnes exclues de la présente
procédure au titre de l'article L. 3 3 3 - 3 du Code de la consommation (v.
supra no 11.15)'.
Intégration
des dettes professionnelles dans le plan. En revanche, les dettes professionnelles « doivent
être prises en considération lors de l'élaboration du plan de redressement
conventionnel " Cette interprétation offre l'avantage d'éviter que des
créanciers tenus à l'écart de la procédure ne conservent leur droit de
poursuite et ne compromettent ainsi la survie du plan. Il reste, bien entendu,
que la recherche d'une solution consensuelle sera souvent vaine en présence
d'un passif professionnel important.
1.Cass. il, civ. 20 déc. 1993, Bull. civ. 1, no 382,
p. 265; CA Limoges, lle ch. 15 janv. 1991, Gaz. Pal. 1991.1, somm. p. 225.
Cass. 11, civ., 7 mars 1995, Bull. civ. 1, no 119.
2.Il résulte de l'art. L. 331-2 que ne peuvent être
prises en considération, pour évaluer la situation de surendettement d'un
débiteur, les dettes nées antérieurement à la cessation de ses activités
commerciales, agricoles ou artisanales, dans la mesure où si le débiteur n'est
plus éligible à une procédure spécifique prévue par la loi, les dettes
considérées ne peuvent changer de nature pour les besoins de la procédure
réservée par le Code de la consommation aux dettes non professionnelles: Cass.
lo' civ., 7 mars 1995, Bull. civ. I, no 119.
3.Cass. 11, civ. 31 mars 1992, INC-Hebdo no 774, 12
juin 1992, p. 8.
4.Pour certains tribunaux, le surendettement devait
s'apprécier au vu de l'ensemble du passif du débiteur, y compris celui
d'origine professionnelle, quitte à faire abstraction de ce dernier au stade du
redressement conventionnel : TI Périgueux, 1,r oCt. 1990, INC-Hebdo, 11, févr.
1991, p. 7; Troyes, 8 août 1990,
ibid. D'autres, en revanche, comparant les deux catégories de dettes, se sont prononcés en faveur de l'application
de la loi lorsque le passif domestique l'emporte sur celui à caractère
professionnel : TI Quimper, 21 sept. 1990, INC-Hebdo, 11, mars 1991, p. 7; v.
aussi, TI Lille, 22 mai 1990, Juris-Data, no 000547.
5. Cass. 11, civ. 18 févr. 1992, Berger, déjà cité.
6.
G. Paisant, art. préc., supra, no 20, JCP 1991, 1, 3 510, no 27.
7. Comme le suggérait naguère la Circ. min. du 26
nov. 1990 préc. à laquelle s'étaient ralliées certaines juridictions du fond :
ainsi, Grenoble, 7 mars 1991, Y cISofinco et a., inédit.
8.Cass. il, civ. 18 févr. 1992,'Gresser clBanque de
France, Bull, civ. I, no 56.
9.Rappr. Cass. 11 civ. 16 juin 1993, D. 1993, IR p.
172. La demande de règlement amiable est
recevable lorsque les dettes personnelles du
débiteur peuvent faire l'objet d'un rééchelonnement indépendamment de celles de
la SARL dont il était le gérant, ces dernières fussent-elles incluses dans la
déclaration de surendettement : Cass. 11, civ., 12 déc. 1995, Contrats, conc.,
consom. 1996, no 50, obs. G. Raymond.
Dettes de jeu. La question de savoir si
les dettes de jeu peuvent ou non entrer dans les éléments de passif du débiteur
reste débattue. Un tribunal ne les a pas incluses dans les mesures de
redressement prononcées en faveur d'un débiteur au motif que les dettes en
cause représentaient le caractère d'une obligation naturelle.
Dettes mixtes. Il est souvent difficile, en
pratique, de faire le départ entre les dettes relevant de l'activité
professionnelle du demandeur et celles qu'il a pu souscrire à titre purement
personnel qui seules sont, normalement, concernées par la loi. La jurisprudence
renonce d'ailleurs à entrer dans ce type de considération qui heurte au
demeurant le principe d'unité du patrimoine. Ainsi, par exemple, en présence de
dettes engagées pour l'achat des murs d'un restaurant - qui n'auraient pas un
caractère professionnel - et les emprunts souscrits pour l'activité commerciale
de l'établissement, il y a lieu de considérer que l'ensemble des dettes
afférentes à l'immeuble relèvent de la création et de l'exploitation d'une
activité professionnelle, et dès lors de les assimiler à des dettes
professionnelles.
La même solution doit être retenue à l'égard des
dettes engagées par une personne exerçant une profession libérale, lorsqu'il
n'est pas possible de distinguer les emprunts souscrits pour l'exercice de sa
profession et ceux contractés pour les besoins strictement domestiques de
l'intéressé, précisément dans le cas d'une résidence principale servant à la
fois d'habitation et de cabinet.
Au surplus, aucune différence ne peut être établie
relativement aux frais inhérents à l'usage d'habitation ou professionnel de
l'immeuble. Comment savoir, en effet, face à une facture de téléphone ou
d'électricité, la part de consommation qui revient au cabinet et celle qui doit
être mise à la charge des besoins courants? À la vérité, la loi, en visant les
dettes « non professionnelles », n'autorise pas à opérer un partage au sein
d'une même dette. Ceci explique pourquoi les juges, confrontés à ce type de
situation, n'ont eu d'autres solutions que de débouter le débiteur de sa
demande'.
Dettes
contractées à l'étranger. Il a été indiqué supra que les débiteurs français expatriés peuvent
bénéficier de la loi sous certaines conditions (v. supra n° 11.14). La question
se pose alors de savoir quel est le droit applicable aux dettes contractées
auprès d'un créancier, établissement de crédit le plus souvent, ayant son siège
à l'étranger, la loi étant muette sur ce point. Dans les premières années
d'application de la loi, il avait été considéré que ce type de dettes échappait
complètement au dispositif comme le soutenait la réponse ministérielle suivante
: « L'on voit mal, en effet, comment la législation ou la réglementation
française pourrait s'appliquer à des créanciers étrangers pour des contrats
souscrits à l'étranger, et notamment sur quel fondement juridique un tribunal
français, saisi à la suite de l'échec d'une procédure amiable, pourrait par
exemple décider la réduction de taux d'intérêts ou l'aménagement de dettes
envers des établissements financiers étrangers » 1. Tel n'est pourtant pas le
point de vue de la jurisprudence la plus récente. Dans une espèce datant de
2001, la Cour de cassation s'est en effet prononcée en faveur de l'intégration
des dettes contractées à l'étranger dans le dispositif juridique de traitement
du surendettement 2 .
1. Cass. 11, civ. 31 mars 1992, Bull. civ. I, no
111; D. 1992, 317, note G. Paisant préc.
2. TI Saint-Etienne, 10 mai 1990, Gaz. Pal. 1990. 2, somm. p. 457 in Ch.-H. Gallet, déjà cité.
3. TI Evreux, 14 janv. 1991, D. 1992, somm. p. 103,
note B. Bouloc et P.-L. Chatain.
3.Comparaison
des dettes et des ressources
Concept de
surendettement.
1’article L. 331-2 du Code de la consommation précité se borne à définir le
surendettement: comme la situation dans laquelle le débiteur se trouve dans
l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettès non
professionnelles, exigibles et à échoir. Pour sa part, la Cour de cassation
considère que le débiteur surendetté est celui dont la charge globale de
remboursement échue et non échue excède ses capacités de remboursement'.
Niveau
d'impayés.
En vérité, il n'existe aucun seuil mathématique du surendettement qui pourrait
être défini à partir d'un ratio d'endettement à ne pas dépasser'. Ce que l'on
peut simplement constater, c'est que l'apparition d'incidents de paiement ne saurait
ici suffire pour caractériser une situation de surendettement.
Les
calculs des variations de taux d'impayés par
niveau d'endettement effectués par une société
financière sur un échantillon
important de dossiers sont tout à fait révélateurs
à cet égard. Il est ainsi
démontré que les taux d'impayés ne sont pas
proportionnels aux taux
d'endettement puisque les plus élevés (0,91 %)
apparaissent pour des taux
d'effort de 20 à 30 % et les taux d'impayés les plus
faibles (0,19 %) pour les
ménages endettés à plus de 50 % de leurs
ressources. Les enquêtes menées par le
Centre de Recherche Economique sur l'Épargne, relatives aux
ménages ayant
accédé à la propriété,
établissent, parallèlement, que le revenu moyen de
bénéficiaires de prêts d'accession à la
propriété auprès des sociétés de
crédit
immobilier HLM est le plus faible des établissements
prêteurs et que c'est
pourtant au sein de cette population que le taux de créances
douteuses est le
moins élevé (2,4 % contre 4,6 %) 1.
Taux d'effort. Quant au critère du taux
d'effort auquel s'étaient référés les auteurs du projet de loi de 19896 -
mesuré par le rapport entre les charges d'endettement et le revenu permanent -
il est également imparfait car, pour être significatif, ce taux doit être
pondéré par d'autres critères tenant notamment à la situation patrimoniale,
matrimoniale, aux charges de famille et au niveau de revenu du débiteur. En
particulier, le taux de 60 % cité par le Comité Consultatif du Conseil National
du Crédit et du Titre ne présente qu'un caractère indicatif et ne saurait être
généralement retenu pour apprécier la recevabilité des demandes.
1. Rép. min., no 23908, JO Sénat Q., 2 5 févr. 1993,
p. 330.
2. Cass. 1" civ., 10 juill. 2001, SA BHW
Bausparkasse AG c/Bernard, no 00-04.104 FS-P + B + R: juris-Data, no
2001-010619 Il D. 2001, jur. p. 2412, note C. Rondey; RD bancaire et financier,
A- 5, 2001.
3.
Cass. 1" civ. 13 janv. 1993, Bull. civ. 1, no 18.
4. J. Jamet, Le surendettement des particuliers,
1990, Montchrestien, p. 19.
5. Rapp. Simonin, Sénat, no 40, p. 22.
6. Projet no 488, p. 2.
Comparaison
actif/passif.
Ainsi, faute de définition claire et en l'absence de critère quantitatif
pertinent du surendettement, c'est la comparaison du « passif » et de « l'actif
» du débiteur (actif intégrant les ressources et le patrimoine réalisable) qui
permet à la commission - et au juge - d'apprécier les possibilités de celui-ci
de faire face à l'ensemble de ses dettes, tout en tenant compte des besoins
élémentaires de l'intéressé et de sa famille (sur le minimum vital, v. infra
no, 23.43 et s et de caractériser l'état de surendettement requis par la loi.
Bien que le législateur n'ait pas repris les termes de «revenus» ou de «revenus
disponibles» dans la définition du surendettement, il s'agit bien de constater
«l'impossibilité manifeste» du débiteur d'honorer ses engagements et donc de
comparer ses dettes avec ses ressources. C'est l'insuffisance - voire l'absence
dans les cas les plus dramatiques - de cette capacité de remboursement en
regard du passif exigible (mensualités, retards de paiement ou arriérés
d'emprunt) ou à échoir qui permettra a là commission de statuer sur la
situation de surendettement du débiteur'. En l'absence d'un «particulier ou
d'un ménage en difficulté » type, c'est la méthode du cas par cas qui doit, en
définitive, prévaloir. Ainsi, certaines juridictions ont admis le
surendettement lorsque Jes échéances auxquelles doit faire face un débiteur
excèdent plus de la moitié de ses revenus 2 et, a fortiori, au cas où ses
charges représentent les deux tiers des revenus du demandeur. Au total, le
surendettement est incontestable si le montant de l'endettement dudit débiteur
constitue un multiple de celui de ses revenus'.
Difficultés
passagères.
A contrario, ne sont pas admises au bénéfice de la loi les personnes dont les
remboursements ne représentent que le tiers de leurs ressources 4 ou bien
celles qui rencontrent des difficultés de trésorerie passagères pouvant être
réglées par le délai de grâce de l'article 1244 du Code civil, visé aux
articles 8 de la loi du 10 janvier 1978 et 14 de la loi du 13 juillet 1979 sur
les crédits mobiliers et immobiliers'. l'Etat de surendettement n'est pas non
plus caractérisé lorsque le requérant doit faire face à des remboursements de
prêts représentant plus de la moitié de ses ressources, mais qu'il n'est fait
mention d'aucun retard dans le règlement des échéances, comme dans celui des
charges courantes 6 . Tel est encore le cas lorsque le montant des crédits
souscrits par un emprunteur est en rapport avec ses revenus et lui laisse
mensuellement une somme équivalant au revenu minimum d'insertion pour son
entretien et celui de son enfant, même si cette situation est difficile et
exige une gestion rigoureuse des revenus ainsi que des efforts particuliers
d'économie'.
Surendettement
et cessation des paiements. Comme on vient de le décrire, la notion de surendettement tient
compte du passif exigible et à échoir", traduction du déséquilibre
financier présent et à terme. Par opposition à la cessation des paiements, qui
ne tient compte que du seul actif disponible, dans le présent dispositif, c'est
la totalité de l'actif, y compris l'actif immobilisé, qui est pris en considération
dans l'appréciation de l'état de surendettement déclaré par le débiteur.
1.En somme, c'est la référence à un actif net
négatif, c'est-à-dire à un volume de dettes supérieur à l'actif qui est la plus
communément admise.
2.TI Saint-Avold, 7 mars 1990, INC-Hebdo, 16 nov.
1990, p. 6; TI Guéret, 25 mai 1990, ibid., 1 er févr. 1991, p. 7.
3.Nancy,
29 juin 1990, INC-Hebdo, no 702, 16 nov. 1990, p. 9; TI Paris, XIX, ardt., 13
juill.
1990,
ibid.; TI Troyes, 8 août 1990, INC-Hebdo, no 712, 11, févr. 1991, p. 7, in
Ch.-H. Gallet
préc. p. 24.
4. TI Orléans, 5 avr. 1990, INC-Hebdo, 16 nov. 1990,
p. 7.
5. TI Bonneville, 6 nov. 1990, aff. M, inédit.
6.
TI Saint-Etienne, 25 oct. 1990, INC-Hebdo, no 712, ler févr. 1991, p. 7.
7.
TI Troyes, 3 août 1990, INC-Hebdo no 712, 11, févr. 1991, p. 8.
8.Cass.
lre civ., 13 janv. 1993, Bull. civ. 1, no 18.
Surendettement
prévisible.
Une personne qui n'est pas surendettée au jour où elle saisit la commission
départementale mais dont la situation se dégradera à bref délai doit pouvoir
demander le bénéfice de la procédure'. En effet, la notion de surendettement
doit s'interpréter de manière extensive. Ainsi, il y a surendettement dès lors
que les difficultés sont prévisibles même si elles ne sont pas encore
effectives'.
La lecture des travaux législatifs préparatoires à
la loi du 31 décembre 1989 est à cet égard particulièrement éclairante :
«l'appréciation de la situation du débiteur, telle qu'elle est définie par le
projet de loi, prend en compte aussi bien les dettes exigibles que les dettes à
échoir. Cette approche prévisionnelle de la situation d'endettement apparait
pertinente dès lors qu'elle permet, avant même la survenance des difficultés de
paiement, de prévenir celles-ci (et à condition) que la date et le montant des échéances
soient certains »4 ou bien encore : « en visant toutes les dettes non
professionnelles ( ... ) elle (la définition du surendettement) prend en compte
les difficultés prévisibles de trésorerie et permet de prévenir, dans certains
cas, les incidents de paiements»'. Dans un sens un peu comparable, la Cour de
cassation a jugé que la recevabilité de la procédure ne peut être écartée pour
des motifs hypothétiques, comme le caractère transitoire de la situation de
chômage du demandeur, susceptible de retrouver un emploi et un niveau de
ressources compatible avec le montant de ses engagements, ou encore la
possibilité de demander au juge un délai de grâce,5.
Difficultés
aléatoires.
Bien entendu, on ne saurait retenir les dossiers dans lesquels la survenance
d'une situation de surendettement est particulièrement aléatoire. En effet, la
déclaration déposée par un demandeur doit donner suffisamment d'indices
permettant à la commission de déduire à l'avance, avec une quasi certitude, que
l'intéressé se trouvera dans l'impossibilité manifeste de faire face à
l'ensemble de ses dettes non professionnelles à une date ou une période
déterminée~
1.Cas des biens immobiliers et mobiliers dont la
possession n'est pas indispensable à la vie courante : v. sur cette question,
Dict. perin. Difficultés des entreprises, Surendettement des particuliers,
Chap. I, no 12, 1246 B, (111 sept. 1998).
2.En ce sens, TI Longjumeau, 11 oct. 1990 et TI
Toul, 9 avr. 1990, D. 1991, somm. p. 52, noteB. Bouloc et P.-L. Chatain;
Chambéry, 28 janv. 1991, RTD com. 1991. 448, no 2, obs.
G. Paisant; pour une réfutation, P. Le Cannu, art.
préc. et P.-M. Le Corre, obs. in Rev. proc.
coll., no 1, 1992, p. 43.
3. TI Longjumeau préc.
4. Avis présenté par M. Lanier au nom de la
commission des lois du Sénat, Document no 43,
5. Rapp. de M. Lequillier au nom de la commission
des lois de l'Assemblée Nationale, Documentno 1049, p. 38.
6. Cass. 11 civ. 31 mars 1992, Bull, civ. 1, no 107
[arrêt 3], D. 1992, IR p. 160.
7. CA
Toulouse, 29 oct. 1990, D. 1991, somm. p. 52, note B. Bouloc et P.-L. Chatain.