REGLES SPECIFIQUES A L’ INSCRIPTION DE NANTISSEMENT JUDICIAIRE PROVISOIRE

 
 Définition.   Une sûreté judiciaire peut être constituée à titre conservatoire sur les      fonds de commerce, les actions, les parts sociales et valeurs mobilières (L. 9 juill. 1991,  art. 77;   D. 31 juill. 1992, art. 250). Elle prend la forme d'une publicité provisoire selon le cas, au tribunal de commerce, à la société émettrice des parts ou auprès des   mandataires et intermédiaires agréés (D. 31 juill. 1992, art. 252 à 254), notifiée  ensuite au débiteur (D., art. 255) et confirmée enfin par une publicité définitive  (D. 31 juill. 1992, art. 260). Les biens grevés d'une sûreté judiciaire demeurent aliéna­ bles (L. 9 juill. 1991, art. 79, al. 1;   C. civ., art. 2078 et 2079). Le nantissement   confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l'objet, par privi­  lège et préférence aux autres créanciers (C. civ., art. 2073).

 
Intérêt pratique.   Le nantissement judiciaire provisoire de fonds de commerce souffre certainement du privilège du Trésor Public sur les créanciers nantis (Cass.    com., 26 oct. 1971, D. 1972, p. 61, note Derrida). Les autres nantissements, créés par la loi de 1991, paraissent recueillir davantage l'adhésion.

 

Textes applicables.   L. no 91 650, art. 67 à 73 et 77 à 79;   D. no 92 755, 31 juill. 1992, art. 252 à 265, mod. par D. no 96 1130, 18 déc. 1996, art. 10;   C. civ.,   art. 2073 à 2084;   L. 17 mars 1909, relative au nantissement des fonds de commerce, devenue C. coin., art. L. 141 5 à L. 143 23.

 Bibliographie.   Bibliographie générale : v. supra no 3 5 07, dispositions applicables à toutes les mesures conservatoires;   Adde.   Ouvrages: M. Jeantin, J. CI. Banque et    crédit, fasc. 2121;   F. Bouttier, J. CI. Entreprise individuelle et fonds de commerce, fasc. 3 2 30.   Chroniques : D. Baraderie, « Le nantissement de droits d'associés et de valeurs mobilières », Gaz. Pal. 1993, 2, doctr. 910.

 
Cumul possible avec les autres mesures conservatoires.   Nonobstant son faible champ d'application, la saisie conservatoire est aussi possible sur certains droit incorporels. La finalité est alors la vente forcée et non pas, comme en matière de  nantissements, un privilège sur le prix en cas de vente : la saisie conservatoire est admise sur les parts sociales, sur des valeurs mobilières, mais non sur un fonds de commerce, sinon pour ses éléments corporels (v. supra no 3659).
 
Biens concernés.   Les nantissements judiciaires provisoires concernent, aux termes légèrement divergents des articles 77 de la loi du 9 juillet 1991 et 250 du décret du 31 juillet 1992, les fonds de commerce, les actions, les parts sociales et les valeurs mobilières. La formulation vise :

- les parts de sociétés (commerciales, civiles immobilières, civiles professionnelles)  et plus généralement tous les droits d'associés qui ne sont pas représentés par des titres       négociables;

 - les valeurs mobilières (admises ou pas à une cote officielle;   la définition en est donnée par L. no 88 1201, 23 déc. 1988, art. ler); il ne semble pas que la notion plus large d'instruments financiers, retenue par la loi du 2 juillet 1996, puisse se substituer dans la loi du 9 juillet 19 91 à celle de valeurs mobilières (eod. loc. no 5 5 7 bis); nous  verrons cependant que les formalités de gage conventionnel des instruments financiers sont en partie applicables au nantissement qui nous occupe ici;

- les éléments des fonds de commerce; une première difficulté surgit à propos des marchandises, traditionnellement exclues des nantissements (CA Paris 18 oct. 1990, juris Data no 026076) à la différence des autres éléments corporels (matériels, mobilier, pour les immeubles, la seule sûreté judiciaire provisoire admissible est l'hypothèque;   une autre difficulté tient au régime des éléments incorporels relevant de la propriété industrielle, car l'Institut national de la propriété industrielle est ici chargé des formalités, à l'exclusion des greffes. Pourtant, le nantissement judiciaire provisoire ne peut pas frapper isolément un des éléments incorporels d'un fonds de commerce, qui tire précisément sa valeur de l'unicité de ces éléments. Nous verrons quelles conséquences en tirer sur le plan des formalités, malgré le silence des textes de 1991 et 1992;

- enfin les démembrements de ces divers droits, à notre avis, mais non les revenus qu'ils procurent.

 

Section 1 FORMALITÉS DE PUBLICITÉ PROVISOIRE ET SIGNIFICATION

 Mentions principales.   La publicité provisoire ne relève pas du monopole des huissiers de justice, n'étant pas un acte d'exécution (L. 9 juill. 1991, art. 18 modif).  L’inscription provisoire de nantissement sur un fonds de commerce est opérée par le dépôt au greffe du tribunal de commerce de deux bordereaux sur papier libre contenant:

1) La désignation du créancier, son élection de domicile dans le ressort du tribunal de commerce où se trouve situé le fonds et la désignation du débiteur;

 2) L'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel l'inscription est requise;

 3) L'indication du capital de la créance et de ses accessoires. On remarquera que la désignation précise du fonds, requise en matière de nantissement conventionnel (L. 17 mars 1909, art. 24, devenu C. com., art. L. 143 17), ne l'est pas en matière de nantissement judiciaire provisoire; cette exigence ne réapparaît qu'au stade de la publi­ cité définitive (v. infra no 3988).Le nantissement des parts sociales est opéré par la signification à la société d'un acte contenant:

              1)La désignation du créancier et celle du débiteur;

              2) L’indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel la sûreté est requise;

              3)L'indication du capital de la créance et de ses accessoires.

En outre, s'il s'agit d'une société civile immatriculée, l'acte de nantissement est publié au registre du commerce et des sociétés.

Le nantissement grève l'ensemble des parts à moins qu'il ne soit autrement précisé dans l'acte (ID. 31 juill. 1992, art. 253). En matière de sociétés civiles, les modalités formelles de transcription du nantissement sont celles de l'article 1866 du Code civil  et du décret no 78 704 du 3 juillet 1978 (D. 3 juill. 1978, art. 53 à 57); il n'existe pas de texte comparable pour les sociétés commerciales : les praticiens suggèrent généralement d'opérer comme en matière de sociétés civiles.

Le nantissement des valeurs mobilières est opéré par la signification d'une déclaration à l'une des personnes mentionnées aux articles 178 à 181 du décret du 31 juillet 1992 selon le cas.

 Cette déclaration contient

             1)La désignation du créancier et du débiteur;

              2) L'indication de l'autorisation ou du titre en venu duquel la sûreté est requise;

              3)L'indication du capital de la créance et de ses accessoires

 

 
            RÈGLES SPÉCIFIQUES À CHAQUE SÛRETÉ JUDICIAIRE PROVISOIRE

 Le nantissement grève l'ensemble des valeurs mobilières à moins qu'il ne soit autrement précisé dans l'acte.

 Le nantissement est formalisé auprès du tiers dans les formes prescrites par la loi du 3 janvier 1983 modifiée par celle du 2 juillet 1996 et de son décret d'application du 21 mai 1997; cependant, et comme en matière de fonds de commerce, les exigences de ces divers textes ne sont pas tout à fait les mêmes au stade provisoire : il nous semble que la nature et le nombre des valeurs nanties peut n'être détaillé que lors de la publicité définitive.

 
Formalités complémentaires   Cas particulier des droits de propriété indus­trielle.   Sur production du certificat du greffier qui aura reçu l'acte de nantissement du fonds de commerce, l'Insitut national de la propriété industrielle (INPI) devra être avisé dans les termes et conditions des articles 24 et 25 de la loi du 17 mars 1909 (respectivement devenus C. com., art. L. 143 17 et abrogé), transposables du nantisse­ment conventionnel au nantissement judiciaire (en ce sens, Putman et Coupet, ]. CI.Procédure civile form., op. cit., biblio., no 69). Malheureusement, bien souvent, le créan­cier n'aura pas les éléments requis par l'Inpi et le nantissement sur les éléments du fonds tels que brevets, marques, dessins, risque de rester lettre morte.

Contentieux du rejet.   En matière de fonds de commerce, le rejet de la formalité est en principe une hypothèse d'école, le greffier n'ayant aucun droit de retarder ou refuser les inscriptions (L. 17 mars 1909, art. 33, al. 1, abrogé à compter de l'entrée en  vigueur de la partie réglementaire du Code de commerce). Mais dans les autres cas, le réceptionnaire de la publicité provisoire est un tiers, dont l'attitude peut être réca­lcitrante. En toute hypothèse, le contentieux est porté devant le juge de l'exécution     (cependant en cas de difficulté née d'une procédure collective, v. supra no, 3 515 et s.).           

 
 Signification au débiteur.   L'huissier de justice retrouve ici un monopole d'action, et l'article 648 NCPC trouve à s'appliquer.

 A peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription ou la signification du nantissement, le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice. Cet acte contient, à peine de nullité:

 1) une copie de l'ordonnance du juge ou du titre en venu duquel la sûreté a été prise; toutefois s'il s'agit d'une obligation notariée ou d'une créance de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il n'est fait mention que de la date, de la nature du titre et du montant de la dette;

 2) l'indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l'article 217;

 3) la reproduction des articles 210 à 219 et 256 (D. 31 juill. 1992, art. 255).

 
 Péremption et renouvellement.   À la différence notable des saisies conservatoires, les sûretés se périment et il faut donc les renouveler (L. 9 juill. 1991, art. 78, al. 2). La publicité provisoire conserve la sûreté pendant trois ans (idem, anc. C. pr. civ., art. 53); elle peut être renouvelée dans la même forme et pour la même durée  (D. 31 juill. 1992, art. 257).

Section 2 EFFETS DE L'INSCRIPTION DE NANTISSEMENT JUDICIAIRE PROVISOIRE

 Aliénabilité du bien grevé.   Déjà posée par la jurisprudence avant la réforme de    1991 (v. historique supra no 3581), la règle est édictée par l'article 79 de la loi du  9 juillet 1991.

 Si le bien est vendu avant que la publicité définitive ait été accomplie, le créancier titulaire de la sûreté judiciaire jouit des mêmes droits que le titulaire d'une sûreté conventionnelle ou légale. Toutefois, la part qui lui revient dans la distribution du prix est consignée (D. 31 juill. 1992, art. 258, al. 1).

 Ainsi, en cas de vente, la sûreté opère théoriquement le même effet de consignation que la saisie conservatoire. Cette consignation dure tant que le créancier n'a pas justifié de l'accomplissement de la publicité définitive; à défaut de cette suite, la somme provenant de la vente est remise aux autres créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur (D. 31 juill. 1992, art. 258, al. 2; - appréc. crit. par Mouly et Cabrillac, Droit des sûretés, 3e éd., Litec, 1995, no 811).

 
La vente après la publicité provisoire rend évidemment absurde la mise en ceuvre de la publicité définitive. Si après la vente du bien, le prix en a été régulièrement consigné pour être distribué, la publicité définitive est remplacée par la signification du titre du créancier à la personne chargée de la répartition du prix, dans le délai de deux mois prévu à l'article 263 (D. 31 juill. 1992, art. 264).

Conservation des droits de vote. - Les droits de vote ne sont pas obérés par le nantissement des parts sociales ou des valeurs mobilières (comp., en matière de saisie conservatoire, supra no 3912, sur la saisie conservatoire des droits incorporels).

Date d'opposabilité. - Les sûretés judiciaires sont opposables aux tiers du jour de l'accomplissement des formalités de publicité (L. 9 juill. 1991, art. 78, al. 1; - sur     l'effet rétroactif de la publicité définitive.

 Concours avec une procédure commerciale collective. - La question est traitée  supra Chapitre Dispositions applicables à toutes les mesures conservatoires.

 
Concours avec un autre nantissement. - Les créanciers nantis sont colloqués et payés suivant l'ordre de leur inscription (C. civ., art. 2095 et 2102). L'inscription d'un nantissement judiciaire provisoire prend rang à la date de la formalité initiale, sous réserve d'être confirmée par une publicité définitive, examinée ci-après. On notera que la date d'effet du nantissement judiciaire de valeurs mobilières est celle de signification au tiers, alors que celle du nantissement conventionnel est celle de la déclaration de constitution de gage (L. 3 janv. 1983, art. 29; - v. Delecci, « La réforme des procédures civiles d'exécution, son application aux opérations de banque », 2e éd., Banque 1997,     no 556).

 
Concours avec une saisie. - La saisie, qu'elle soit conservatoire ou acte d'exécution à fin de vente forcée, se produit sur le bien en l'état où il se trouve. Si le bien est nanti, le créancier saisissant en sera nécessairement avisé. Inversement, un nantissement ne saurait être inscrit sur un bien rendu indisponible par une saisie antérieure, serait-elle conservatoire. La question est détaillée aux chapitres susdits.

Section 3  ISSUE DE L'INSCRIPTION DE NANTISSEMENT JUDICIAIRE PROVISOIRE

 Compétence : la compétence du juge qui a autorisé la mesure conservatoire ou à défaut le juge de l’exécution ne reçoit pas ici exception . La plénitude de juridiction du juge de l’exécution  ne doit pas tromper : il se contentera d’examiner si les conditions des mesures conservatoires en général et celles du nantissement judiciaire en particulier, sont réunies. Il est un cas, enfin, où le juge qui a ordonné la mesure ne sera pas celui qui en ordonnerait la radiation : le juge saisi au fond a en effet compétence à cette fin, lorsqu'il a examiné la créance qui fondait le nantissement provisoire (v. infra no 3985).

 Mainlevée, substitution. - La mainlevée amiable de nantissement judiciaire provisoire n'est pas rare : la menace est sérieuse et conduit fréquemment le débiteur à se libérer dès que possible. Cette mainlevée n'appelle pas de commentaires juridiques.

La mainlevée judiciaire, quant à elle, n'obéit pas à des causes ou des formes différentes de celles des mesures conservatoires en général. Les juges devront être    extrêmement précis dans leur dispositif, de façon que le tiers y trouve tous les rensei gnements utiles et ne rejette pas la demande de radiation.Quant aux garanties de substitution que pourrait offrir le débiteur pour recouvrer la disposition des biens saisis, elles ne font pas l'objet de dispositions spécifiques (comp. saisie conservatoire des créances et saisie conservatoire des droits incorporels) :

l'article 72 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991 est cependant d'application générale .

Cantonnement. - L'article 259 du décret du 31 juillet 1992 dispose que lorsque la   valeur des biens grevés est manifestement supérieure au montant des sommes garanties, le débiteur peut faire limiter par le juge les effets de la sûreté provisoire s'il justifie   que les biens demeurant grevés ont une valeur double du montant de ces sommes.

Les juges doivent indiquer pourquoi la sûreté est excessive et s'expliquer sur les   éléments de fait qui permettent leur estimation (à propos d'une hypothèque mais transposable sans difficultés aux nantissements, Cass. 2e civ., 15 juin 1973, Gaz. Pal.    1973, 2, somm. 185; Bull. civ. 11, no 195). 

Caducité. - Contrairement aux saisies conservatoires, les inscriptions de nantisse ment provisoire sont frappées de caducité dans certains cas. La caducité de la publicité provisoire intervient dans deux hypothèses : le défaut de renouvellement avant la fin de la troisième année (v. supra no 3975) et le défaut de publicité définitive (en prin cipe, dans un délai de deux mois après obtention du titre exécutoire; - v. infra no 3987).

À défaut de confirmation dans le délai, la publicité provisoire est caduque a sa radiation peut être demandée au juge de l'exécution (D. 31 juill. 1992, art. 265).

En cas d'extinction de l'instance introduite par le créancier ou si sa demande est   rejetée, la radiation est demandée au juge saisi du fond; à défaut, elle est ordonnée par le juge de l'exécution. La radiation est effectuée sur présentation de la décision passée en force de chose jugée. Les frais sont supportés par le créancier.

Si la part du créancier titulaire de la sûreté provisoire a été consignée, elle est remise, selon le cas, aux créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur.

Contrairement à une thèse soutenue avant la réforme de 1991, il n'est pas possible de procéder valablement à une publicité définitive alors que la publicité provisoire est caduque, même en ne réclamant d'effets face aux tiers qu'à la date de la publicité définitive (plus nuancé, Putman et Coupet, J. -CI. Procédure civile forin., op. cit., biblio.,    no, 6 à 13).

                                    § 2. - Consolidation en publicité définitive

Obtention du titre exécutoire et signification. - Si ce n'est dans le cas où l'inscription de nantissement judiciaire provisoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit la publicité provisoire, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire (D. 31 juill. 1992, art. 215). Cette disposition, générale à toutes les mesures conservatoires, mais source de difficultés notoires, est examinée plus haut (v. supra no, 3568 et s.).

 La signification du titre exécutoire, prévue par l'article 216 du décret du 31 juillet 1992, n'est destinée qu'aux personnes qui se trouvent dans un rapport de droit avec le débiteur et à qui la mesure conservatoire pratiquée impose des obligations. Il a été dit que le conservateur des hypothèques n'en fait pas partie (Cass. avis, 24 janv. 1994, JCP ëd. G 1995, 11, 22392, note Dagot et Malbosc-Cantegril; RTD civ. 1994, p. 428, obs. R. Perrot; D. 1994, somm. p. 347, obs. P. julien) et cet avis semble transposable sans difficultés aux tiers chargés de répertorier les différents nantissements ici examinés.

 Délai de la publicité définitive. - Le texte de l'article 263 du décret du 31 juillet 1992 distingue trois situations.

Si la publicité provisoire a été prise sans titre exécutoire (donc sur autorisation du juge ou avec l'un des quasi-titres de l'article 68 de la loi), ou encore avec un titre exécutoire provisoire, la publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux  mois du jour où le titre constatant définitivement les droits du créancier est passé en force de chose jugée.

- Si la publicité provisoire a été prise avec un titre dont le caractère exécutoire est   subordonné à une procédure d'exequatur, la publicité définitive doit être effectuée dans  un délai de deux mois du jour où la décision d'exequatur est passée en force de chose jugée.

- Enfin, si la publicité provisoire a été mise en ceuvre avec un titre exécutoire définitif,  la publicité définitive doit être effectuée un mois au moins après la signification de la publicité provisoire au débiteur (qui dispose ainsi d'un délai minimal pour réagir) et trois mois au plus après cette signification.

On notera avec soin la nuance, qui ne se retrouve pas en matière de saisies conservatoires, entre titre exécutoire et titre bénéficiant de la force de chose jugée (NCPC art. 501). Notamment, si le jugement qui profite au créancier est frappé d'appel, la publicité définitive peut être considérablement retardée (v. Cass. 31 civ., 3 janv. 1979,   D. 1979, p. 213, note Franck; - 10 mars 1981, JCP ëd. G 1982, 11, 19719, obs.H. Thuillier) et la péremption de la publicité provisoire (v. supra no 3975) devient un risque réel (retenant la responsabilité de l'avocat, Cass. lle civ., 22 févr, 1968, RTD civ. 1968, p. 588, obs. P. Raynaud).

 En raison du caractère contraignant de ces délais, le débiteur ne peut pas retarder la publicité définitive une fois que le titre est obtenu. Ainsi jugé qu'en cas de publicité provisoire sur un immeuble appartenant à une succession, le bénéfice d'inventaire imposé par les héritiers n'empêchait pas la publicité définitive (Cass. 21 civ., 30 juin   1993, Gaz. Pal. 1994, 1, pan. 16; Bull. civ, 11, no 242).

Le délai ne semble pas préfix; il a été proposé de permettre les relevés de forclusion (v. Putman et Coupet, J. -CI. Procédure civile form., op. ciL, biblio., no 5 8).

Il ne sert à rien, pour éviter ces divers périls, de prendre une inscription définitive   avec un titre encore susceptible de recours au fond : une telle inscription précoce ne se substituerait pas rétroactivement à une inscription provisoire antérieure (Cass. com.,27 mai 1997, RTC civ. 1997, 755, note R. Perrot). Il n'est même pas possible de prati quer avec un titre disposant de la force exécutoire provisoire mais non encore de la force de chose jugée (Cass. 2c civ., 24 juin 1998; - TGI Lyon, jex, 18 mai 1999, inéd.; - contra, R. Perrot, note préc.).

Formes de la publicité définitive. - Uinscription de nantissement judiciaire   définitive sur un fonds de commerce est opérée conformément à l'article 24 de la loi      du 17 mars 1909 (D. 31 juill. 1992, art. 261). Les formalités sont donc sensiblement de même teneur que celles examinées supra no, 3971 et suivants à propos de la publicité provisoire; la désignation du fonds se fera cependant plus précise au niveau de la  publicité définitive.

 L'article 262 du décret du 31 juillet 1992 indique le même parallélisme des formes pour les autres types de nantissements. Ce qui a été dit du rÔle de l'Inpi se transpose également.

 Agrément. - Dans tous les cas où le nantissement conventionnel nécessiterait un   agrément, la publicité définitive est l'occasion de requérir cet agrément en matière de nantissement judiciaire. L'article 262 alinéa 2 du décret du 31 juillet 1992 le précise.C'est en effet nécessaire pour le cas où le créancier poursuivant deviendrait associé en remplacement du débiteur défaillant. La formalité est commune à tous les cas de vente forcée de parts sociales et ne peut remettre en cause les droits du poursuivant (pour les SARL, L. no 66-537, 24 juill. 1966, art. 46, devenu C. coin,, art. L. 223-15; - pour les     SA, L. 24 juill. 1966, art. 277, devenu C. coin., art. L. 228-26; - pour les sociétés civiles, C. civ., art. 1867).

 Effet de la publicité définitive. - La publicité définitive donne rang à la publicité provisoire à la date de la formalité initiale, dans la limite des sommes conservées par cette dernière (D. 31 juill. 1992, art. 260). Tel est le seul effet de la publicité définitive: l'aliénabilité de l'immeuble, l'opposabilité du nantissement, les concours avec d'autres poursuites, s'analysent par rapport à la publicité provisoire, dûment  consolidée. La mainlevée du nantissement définitif, sa substitution par d'autres garanties, sa péremption, sont régies comme pour tout autre nantissement (v. Cabrillac et Mouly, Droit des sûretés, 3e éd., Litec, 1995, no, 677 et s. et 703 et s.). Notamment, le juge de l'exécution n'a plus aucune compétence à partir de la publicité définitive (à propos d'une hypothèque, mais transposable sans difficultés, Cass. Ile civ., 5 juin  19 9 6, juris-Data no 002 3 1).

Une inscription définitive qui interviendrait au-delà du délai examiné serait valable mais ne prendrait rang qu'à sa date, et non à celle de l'inscription provisoire devenue caduque.

 

 

 

§ 3. - Réalisation de la sûreté

 

                        Attribution. - I!article 2078 du Code civil permet, en règle générale, l'attribution       du bien nanti au créancier poursuivant. Cette disposition est transposable à tous les        nantissements judiciaires provisoires, dûment consolidés en publicité définitive, à           l'exception notable du nantissement de fonds de commerce (L. 17 mars 1909, art. 8,    al. 2, devenu C. com., art. L. 142-1). Au demeurant, l'attribution intéresse rarement le           créancier.

 

                        Vente forcée. - Les nantissements sont des sûretés qui confèrent un droit de préfé            rence sur le prix. Ils ne débouchent pas, par un quelconque mécanisme de conversion,    sur une vente forcée. Le créancier nanti devra donc, s'il entend faire vendre, procéder à          une saisie-vente. Par postulat, s'il a obtenu la publicité définitive de son nantissement,         c'est qu'il dispose du titre nécessaire pour cette voie d'exécution. On rappellera que      dans le cas du fonds de commerce, la saisie prend une forme très particulière    (L. 17 mars 1909, art. 15 à 23, devenus C. coin., art. L. 143-3 à L. 143-15).