Présentation des principales dispositions du décret n° 2008-484 du 22 mai 2008 relatif à la procédure devant la Cour de cassation
Emmanuel PUTMAN
Professeur à l'Université d'Aix-Marseille III
et par Olivier SALATI
Maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille III

C. 03 1. Chapitre 1er du décret : dispositions relatives à la procédure devant la Cour de cassation. Les modifications apportées par les articles 2 et 5 du décret du 22 mai 2008 concernent d'abord les articles 611-1, lui-même issu du décret du 26 février 1999, et 978 du Code de procédure civile. Le premier de ces textes dispose désormais qu'« hors les cas où la notification de la décision susceptible de pourvoi incombe au greffe de la juridiction qui l'a rendue, la décision attaquée est – le terme “préalablement” issu de la rédaction de 1999 est supprimé – signifiée, à peine d'irrecevabilité du pourvoi, avant l'expiration du délai prévu à l'article 978 ». Or, remplacé lui aussi, l'article 978 alinéa 1 pose qu'« à peine de déchéance constatée par ordonnance du premier président…, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois – et non plus cinq – à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation (anc. réd. : “et signifier au défendeur”) un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée. (Texte ajouté :) Le mémoire doit, sous la même sanction, être notifié dans le même délai aux avocats des autres parties. Si le défendeur n'a pas constitué avocat, le mémoire doit lui être signifié au plus tard dans le mois suivant l'expiration de ce délai ». La condition de recevabilité du pourvoi tenant à ce que le jugement attaqué doit avoir été préalablement signifié par la partie perdante, a donc, d'une certaine façon, vécu si l'on comprend bien le nouvel article 611-1 du Code de procédure civile. Désormais, le demandeur forme son pourvoi par déclaration au greffe de la Cour et il a quatre mois pour signifier la décision attaquée, ainsi que pour remettre son mémoire ampliatif. Le « préalable » de signification a disparu, mais pas « l'irrecevabilité » menaçante du pourvoi qui sera prononcée par la Cour de cassation si le délai de signification n'a pas été respecté. La nouvelle procédure nous semble tout de même plus souple pour le demandeur, à ceci près qu'il ne devra pas oublier de « compter » avec le délai-butoir de l'article 528-1 du Code de procédure civile, puisque si le jugement n'a finalement pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé (il attend par exemple vingt et un mois, plus le quatrième et dernier mois après avoir formé le pourvoi), il ne sera plus recevable à exercer le recours.

Ensuite, prenant acte de l'harmonisation du contenu de la déclaration de pourvoi avec celui des autres actes introductifs d'instance (CPC, art. 58) par le décret du 28 décembre 2005, l'article 3 du décret du 22 mai 2008 précise, dans le nouvel article 975 alinéa 1 du Code de procédure civile, que les mentions de la déclaration sont exigées « à peine de nullité ». On l'avait compris, mais la clarification ne nuit pas.

La création d'un article 979-1 du Code de procédure civile par l'article 7 du décret est encore à signaler. En effet, pour que les magistrats de la Cour de cassation aient la meilleure connaissance possible de l'affaire qui est soumise à leur contrôle, le demandeur, outre une copie de la décision attaquée et de ses actes de signification, « doit également joindre les pièces invoquées à l'appui du pourvoi et – voici la nouveauté – une copie des dernières conclusions que les parties au pourvoi ont déposées devant la juridiction dont émane la décision attaquée ». Par ailleurs, à l'image de la procédure contentieuse devant le tribunal de grande instance avec mise en état (CPC, art. 763, 765, 770 et 779 al. 2), un nouvel article 981 du Code de procédure civile, créé par l'article 8 du décret du 22 mai 2008, dispose que « le conseiller chargé du rapport peut demander à l'avocat du demandeur qu'il lui communique, dans le délai qu'il fixe, toute pièce utile à l'instruction de l'affaire ». La procédure s'accélère vraiment puisque désormais, selon l'article 982 du Code de procédure civile modifié par l'article 9 du décret, le défendeur au pourvoi ne dispose plus que d'un délai de « deux » mois, au lieu de trois auparavant, à compter de la signification du mémoire du demandeur pour remettre au greffe de la Cour le sien en réponse.

L'article 12 du décret confirme, s'il en était besoin, qu'il existe bien une juridiction du Premier président de la Cour de cassation en matière de retrait du rôle et, particulièrement, de constatation de la péremption. On sait (v. J. et L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 3e éd., 2003, n° 111.11 et s., et 111.141) que le retrait du rôle du pourvoi faute d'exécution de l'arrêt attaqué sanctionne un défaut de diligence du demandeur correspondant à la définition de la radiation de l'article 381 du Code de procédure civile, qui peut entraîner, dans un délai de deux ans à compter de son prononcé, à défaut de toute diligence des parties, l'extinction de l'instance en cassation par l'effet de la péremption. La décision constatant l'acquisition de la péremption a un caractère juridictionnel, ce qui ressort clairement de l'alinéa 2 nouveau de l'article 1009-2 du Code de procédure civile : « le premier président ou son délégué peut, même d'office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption ».

L'article 13 du décret de 2008 qui modifie l'article 1015 du Code de procédure civile tire les conséquences de la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui jugeait l'ancienne rédaction de ce texte contraire à l'égalité des citoyens devant la justice. En effet, l'obligation pour le président de provoquer les observations des parties sur les moyens de cassation susceptibles d'être relevés d'office n'était pas prévue pour les moyens de rejet (CE, 5 juill. 1985, RTD civ. 1986, p. 169, obs. J. Normand). Désormais, cette obligation s'applique aussi lorsque le président envisage de rejeter un moyen par substitution d'un moyen de pur droit relevé d'office à un motif erroné.

La technique des visas dans les arrêts de cassation fait quant à elle l'objet d'une réforme un peu timide : certes il s'agira du visa de la « règle de droit » au sens large et non plus seulement du « texte de loi » (CPC, art. 1020, mod. par l'art. 14 D. 22 mai 2008) mais ce visa continue à être prévu uniquement dans les arrêts de cassation et non pas dans tous les arrêts de la Cour. Cela revient à une simple « toilette » du texte, comme dans les dispositions diverses qui font l'objet du chapitre II du décret.

2. Chapitre 2 du décret : dispositions diverses. Elles font la toilette de divers textes existants en remédiant à des oublis étonnants du pouvoir réglementaire ou en se pliant aux règles constitutionnelles de répartition des domaines de la loi et du règlement (art. 34 et 37, Const.), si fâcheusement contraignantes qu'elles soient parfois. Enfin lesdites dispositions diverses intègrent les acquis de l'européanisation du droit et de sa modernisation par les nouvelles technologies.

Tout d'abord, les textes relatifs à l'assistance et à la représentation en justice n'avaient pas tous été mis à jour. L'article 83 de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 accordait l'habilitation à assister et à représenter les parties devant le tribunal paritaire des baux ruraux, d'une part au concubin (auquel devait être ajouté le partenaire pacsé) d'une partie, d'autre part, non seulement au membre mais aussi au salarié d'une organisation professionnelle agricole. Curieusement cela n'avait pas été transcrit dans l'article 884 du Code de procédure civile : c'est désormais chose faite en vertu de l'article 19 du décret du 22 mai 2008.

Quant à la nécessité de respecter les domaines de la loi et du règlement, elle devient une sorte de tracassin constitutionnel. Après avoir remplacé « nouveau Code de procédure civile » par « Code de procédure civile » dans toutes les dispositions législatives en vertu de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, il fallait un décret pour en faire autant dans les dispositions réglementaires : c'est l'objet de l'article 22 du décret du 22 mai 2008.

On se souvient que les dispositions du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, ajoutant le concubin à la liste des personnes habilitées à assister ou représenter une partie devant le juge d'instance et le juge de l'exécution, avaient été annulées par le Conseil d'Etat comme contraires à la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (CE, 6 avr. 2001, Dr. et procéd. 2001, n° 5, J. 78, pp. 315 et s., obs. M. Douchy). Entre-temps la loi de simplification du droit déjà citée est intervenue, accordant au concubin ainsi qu'au partenaire pacsé l'habilitation à assister ou représenter une partie devant le tribunal d'instance, la juridiction de proximité et le juge de l'exécution. Les articles 18 et 20 du décret du 22 mai 2008 peuvent donc, de manière cette fois tout à fait légale, modifier en ce sens l'article 828 du Code de procédure civile et l'article 12 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992.

S'agissant de l'européanisation du droit, le règlement (CE) n° 805-2004 du 21 avril 2004 relatif au titre exécutoire européen a une incidence sur le régime de la certification des actes notariés en vue de leur exécution à l'étranger. Les requêtes aux fins de certification seront présentées au notaire et au titulaire de l'office notarial conservant la minute de l'acte (D. 22 mai 2008, art. 16, modifiant l'art. 509-3 CPC). Cette disposition s'appliquera aux requêtes postérieures au vingtième jour suivant la publication au JOUE de la déclaration de la France relative aux autorités visées par l'article 25 du règlement n° 805-2004 comme habilitées à délivrer la certification.

Enfin, la modernisation du droit par les nouvelles technologies conduit à certaines modifications des règles relatives à la communication par voie électronique (art. 748-1 à 748-6 CPC, résultant du décret n° 2005-1678 du 28 déc. 2005). On sait qu'elles doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2009 mais que leur application anticipée est possible. L'article 21 du décret du 22 mai 2008 modifie les modalités de cette application anticipée décidée par arrêté du garde des Sceaux. Pour les procédures avec représentation obligatoire, l'arrêté est pris après conclusion de conventions entre le président de la juridiction et les auxiliaires de justice. Par ailleurs l'article 748-3 du Code de procédure civile est complété (D. 22 mai 2008, art. 17) pour préciser que l'avis électronique de réception prévu par ce texte tient lieu de visa, cachet ou signature et qu'il n'est pas fait application des dispositions du Code de procédure civile prévoyant la transmission en plusieurs exemplaires et la restitution matérielle des actes et pièces.