Les droits fondamentaux du locataire de l'immeuble à usage d'habitation
Rose-Noëlle SCHÜTZ
Professeur à l'Université de Poitiers
Le
bail à usage d'habitation est exemplaire de l'influence croissante des
droits fondamentaux de la personne sur le droit des contrats, dans ses
deux dimensions. Par son objet, qui est d'offrir au locataire un cadre
de vie, il est particulièrement perméable aux droits fondamentaux
reconnus à tout être humain. La loi et la jurisprudence y sanctionnent
donc les discriminations, les stipulations ou les comportements portant
atteinte à la vie privée ou familiale du locataire… Par ailleurs,
apparaissent progressivement des droits fondamentaux propres au
contractant qu'est le locataire. Etant essentiellement le fait du
législateur, ils concernent l'information du locataire, sa sécurité et
sa dignité sous la forme du droit à un logement décent. Dernièrement,
c'est le droit fondamental au logement qui s'est accentué avec la
reconnaissance du droit au logement opposable. Destiné à favoriser
l'acquisition de la qualité de locataire, c'est de tous le plus
difficile à réaliser car la conclusion du bail relève encore, en
principe, de la liberté contractuelle.
I. 01 1. Les droits
fondamentaux du locataire de l'immeuble à usage d'habitation(1)
modèlent le droit du bail. Tous ceux qui pratiquent les baux constatent
la montée de ces droits dans le contrat. Deux phénomènes y contribuent
: le développement des droits fondamentaux de la personne en général,
qui trouve à s'exprimer dans le bail, et l'apparition de droits
fondamentaux propres au locataire. Ainsi, les praticiens savent bien
que lors de la recherche d'un locataire et de l'établissement du
contrat, il faut prendre garde à ne pas retenir de critères
discriminatoires de choix du locataire, à ne pas établir un contrat
portant sur un logement indécent ou à insérer de clauses portant
atteinte à la vie privée et familiale du locataire.
Quelques
exemples significatifs montrent comment les droits fondamentaux
irradient de plus en plus profondément le droit du bail.
Le
locataire invoque de plus en plus souvent et avec succès le respect de
sa vie privée et familiale pour contester la validité de certaines
clauses du contrat ou pour engager la responsabilité du bailleur. Pour
cela, il se fonde parfois sur l'article 9 du Code civil, plus souvent
sur l'article 8-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales et, aujourd'hui, sur certaines
dispositions de la loi du 6 juillet 1989.
Le droit à un logement
décent a été consacré par la loi du 13 décembre 2000 relative à la
solidarité et au renouvellement urbain dans l'article 6 de la loi du 6
juillet 1989 et dans l'article 1719 du Code civil. Dès 1995, avant même
sa consécration par le législateur, le Conseil constitutionnel avait
déclaré ce droit comme étant un objectif à valeur constitutionnelle(2)
fondé sur le droit de chacun de mener une vie familiale normale et le
principe du respect de la dignité humaine.
Enfin on peut évoquer
le droit au logement consacré par l'article 1er de la loi du 6 juillet
1989. On sait que désormais ce droit a pleinement accédé à la vie
juridique depuis la loi du 5 mars 2007 qui a consacré un droit au
logement opposable.
2. La protection des droits fondamentaux du
locataire déborde largement la location d'immeubles à usage
d'habitation soumise exclusivement à la loi du 6 juillet 1989. Au gré
des textes et des décisions judiciaires que nous évoquerons, nous
verrons qu'elle est aussi accordée au locataire d'un logement social
relevant du secteur HLM, à celui bénéficiant d'un bail soumis à la loi
du 1er septembre 1948, et même, dans une plus ou moins large mesure, au
locataire dont le contrat relève en tout ou partie du secteur libre,
telles les locations saisonnières ou les locations meublées.
Cela
s'explique d'abord par l'application partielle de la loi du 6 juillet
1989 aux logements relevant du secteur HLM, aux logements conventionnés
et à ceux encore soumis à la loi du 1er septembre 1948. La loi du 6
juillet 1989 écarte l'application de certaines de ses dispositions à
ces baux particuliers(3). Par conséquent, toutes les autres
dispositions demeurent applicables notamment l'article 1er qui a pour
objet l'interdiction du refus de louer fondé sur un motif
discriminatoire ou l'article 6 qui consacre l'obligation du bailleur de
fournir un logement décent.
Cela résulte aussi de l'application
expresse de quelques dispositions de la loi du 6 juillet 1989, tels les
deux premiers alinéas de l'article 6, à des baux qui n'y sont pas
soumis comme les logements-foyers, les locations meublées, les
logements de fonction et les locations consenties aux travailleurs
saisonniers.
Enfin, tout locataire, quel que soit le secteur
locatif dont il relève, peut invoquer la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'il
estime que l'un de ses droits protégés par cette Convention est atteint
par le comportement du bailleur ou le contenu du bail.
3. Le
bail d'habitation est en effet le cadre juridique qui permet à un
individu de se procurer le local qui abrite sa vie privée et
familiale(4), qui lui permet d'exercer sa liberté religieuse(5) ou sa
liberté d'association(6). Le bailleur, qui ne confère que
temporairement la jouissance de l'immeuble, peut, quant à lui, être
l'auteur de pratiques, parfois discriminatoires, ou de stipulations qui
restreignent les droits fondamentaux du locataire. Le locataire, grâce
à l'effet direct de la Convention européenne, peut alors agir devant
les tribunaux français pour engager la responsabilité du bailleur ou
rendre inefficace la clause du bail portant atteinte aux droits
protégés par la Convention(7).
Le locataire peut aussi invoquer
la Convention européenne pour écarter l'application de dispositions
légales internes qui lui seraient contraires(8). Dans cette hypothèse,
le locataire qui doit avoir épuisé toutes les voies de recours qui lui
étaient ouvertes devant les juridictions internes, dispose, à titre
subsidiaire, d'une action individuelle contre l'Etat devant la Cour
européenne. D'autres Etats ont été condamnés par cette Cour en matière
de bail d'immeuble. Il faudra donc vérifier que la France ne subirait
pas le même sort en comparant nos dispositions légales à celles du pays
condamné.
4. La montée des droits fondamentaux du locataire
retentit inévitablement sur le droit de propriété du bailleur qui
s'amenuise au fur et à mesure que se renforcent les droits du locataire.
Lors
de l'établissement du bail proprement dit, l'atteinte à la propriété
est cependant limitée car le bailleur peut en principe librement fixer
le montant du loyer(9) et la réquisition des logements vacants est
encore peu fréquente(10).
En revanche, l'atteinte est nette au
cours et à la fin du bail car le droit de propriété du bailleur entre
alors en concurrence avec le droit de renouvellement et les droits de
préemption du locataire. Surtout, l'atteinte est manifeste lorsque le
bailleur ne peut obtenir l'exécution d'une décision d'expulsion du
locataire. La protection du droit fondamental du bailleur réapparaî t
alors discrètement. C'est le droit au respect des biens consacré par le
protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme qui peut fonder l'action contre l'Etat du bailleur
qui ne peut récupérer son immeuble. La France a d'ailleurs été
récemment condamnée par la Cour européenne sur le fondement de
l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales qui garantit au propriétaire en
tant que justiciable une procédure équitable et d'une durée
raisonnable(11). Dans cette affaire, l'Etat français avait refusé
d'accorder le concours de la force publique pendant seize ans.
5.
Les droits fondamentaux du locataire se répartissent en deux
catégories. La première correspond à une application des droits
généraux que toute personne peut invoquer dans les différents aspects
de la vie personnelle ou familiale, tel le droit au respect de sa vie
privé et familiale ou le droit de manifester librement sa religion. La
seconde catégorie regroupe des droits spéciaux que seul le locataire
peut invoquer en cette qualité, tel le droit à un logement décent.
Cette
classification ne doit pas occulter les liens qui unissent l'ensemble
des droits fondamentaux du locataire. Ainsi, le droit spécial à un
logement décent découle du droit plus général de chacun au respect de
sa dignité et de sa sécurité. Quant au droit général au respect de la
vie privée, il sous-tend quelques dispositions législatives spéciales
comme l'article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989 qui interdit au
bailleur de demander certains documents au locataire(12).
Malgré
ces nuances, il y a quand même bien deux catégories de droits
fondamentaux qui contribuent à forger le droit moderne du bail : d'une
part, les droits fondamentaux de la personne qui progressivement
s'immiscent dans le bail (I), d'autre part, les droits fondamentaux
spécialement reconnus au locataire (II).
I. Les droits fondamentaux de la personne s'immisçant dans le bail
6.
Les droits fondamentaux de la personne s'immisçant dans le bail ne sont
pas les mêmes selon l'aspect du contrat considéré. S'agissant de sa
formation, c'est presque exclusivement le droit fondamental à l'égalité
qui interdit les pratiques discriminatoires à l'encontre du candidat à
la location (A). En revanche, les relations entre les parties une fois
le contrat conclu peuvent être modelées par plusieurs droits
fondamentaux (B).
A. Interdiction des pratiques discriminatoires à l'encontre du candidat à la location
7.
Les textes et les tribunaux sanctionnent les pratiques discriminatoires
qui conduisent un bailleur, dans la phase de conclusion du contrat(13),
soit à refuser de louer (1), soit à alourdir les obligations du
candidat à la location (2).
1. Le refus de louer
8. Pour
lutter contre les discriminations, la loi de modernisation sociale du
17 janvier 2002 a complété l'article 1er de la loi du 6 juillet 1989
pour interdire les pratiques discriminatoires conduisant au refus de
location par le bailleur. La loi du 5 mars 2007 a, quant à elle,
notablement allongé la liste des documents de l'article 22-2 de la loi
du 6 juillet 1989 que le bailleur ne peut exiger du locataire
préalablement à l'établissement du contrat. Passant de quatre à seize
documents interdits, cette liste comprend les documents jugés inutiles
pour apprécier la solvabilité du locataire(14) mais qui, portés à la
connaissance du bailleur, sont attentatoires au respect de la vie
privée du locataire et qui, pour certains, peuvent permettre des
pratiques discriminatoires.
Ainsi la divulgation du dossier
médical personnel du candidat peut permettre au bailleur qui connaî t
l'état de santé ou le handicap d'écarter pour ce motif un candidat. Il
en est de même du certificat de concubinage qui peut traduire
l'orientation sexuelle, de la photographie qui révèle l'apparence
physique. Cette dernière interdiction est cependant peu efficace
puisque le texte prévoit expressément, depuis la loi du 5 mars 2007,
que le bailleur peut toujours demander que le locataire produise une
pièce justificative d'identité comportant une photographie.
L'article
22-2 a donc en partie vocation à prévenir certaines tentations
discriminatoires du bailleur. Plus généralement l'article 1er de la loi
du 6 juillet 1989 interdit toute discrimination du bailleur conduisant
au refus de louer.
9. L'alinéa 2 de l'article 1er de la loi du 6
juillet 1989 dispose qu'« aucune personne ne peut se voir refuser la
location d'un logement en raison de son origine, son patronyme, son
apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de
santé, son handicap, ses mœurs, son orientation sexuelle, ses opinions
politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa
non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race
ou un religion déterminée ».
Cette longue liste de
discriminations interdites n'est cependant pas complète si on la
compare avec celle de l'article 225-1 du Code pénal qui vise en plus
les caractéristiques génétiques(15), l'âge(16) et la grossesse(17). On
peut comprendre que le législateur n'ait pas cru utile de faire figurer
dans les motifs de refus de location les caractéristiques génétiques.
En revanche, l'âge et la grossesse pourraient très bien fonder le refus
de louer. Un bailleur peut vouloir éviter d'avoir des jeunes gens trop
turbulents ou des personnes déjà âgées qui peuvent bénéficier d'un
droit au renouvellement du bail encore renforcé. Cette absence de
référence à l'âge est d'autant plus curieuse qu'elle avait déjà été
introduite dans le Code pénal par une loi du 16 novembre 2001. On
comprend mieux l'absence de la grossesse introduite seulement en 2006
dans le Code pénal, encore que la dernière loi du 4 mars 2007 qui a
complété la loi du 6 juillet 1989 aurait pu compléter l'article 1er de
la loi de 1989.
10. Au-delà de ce manque de concordance des
textes, on peut se demander si l'article 1er de la loi du 6 juillet
1989 ne fait pas double emploi avec l'article 225-1 du Code pénal. Bien
avant la loi de 1989, la Cour d'appel de Paris avait déjà jugé que se
rend coupable du délit de discrimination raciale le bailleur qui avait
refusé de louer un appartement en se fondant sur la race africaine du
candidat à la location(18).
De toute façon, le candidat qui se
considère victime d'une discrimination à la location doit forcément se
fonder sur l'article 225-1 du Code pénal s'il désire engager des
poursuites pénales contre le bailleur. Si l'infraction est retenue,
l'action civile lui permettra d'obtenir par ailleurs des
dommages-intérêts.
L'article 225-1 du Code pénal est de surcroî
t le seul texte qui peut soutenir la demande du locataire dans deux
cas. Il peut d'une part fonder l'action du locataire lorsque celui-ci
invoque une des causes de discrimination non visées par la loi de 1989,
notamment l'âge ou la grossesse. D'autre part, il peut aussi être le
fondement de l'action du candidat-locataire lorsque la location
proposée n'est pas soumise à la loi du 6 juillet 1989, telle la
location saisonnière ou celle portant sur un meublé ou sur un logement
foyer(19).
11. L'article 1er de la loi de 1989 présente
cependant un avantage en matière de preuve. Son alinéa 3 prévoit en
effet qu'il suffit que le locataire apporte des éléments « faisant
supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ». C'est
alors au bailleur d'établir que sa décision de refus de location était
justifiée par un motif non discriminatoire. Cette disposition est
strictement identique à celle de l'article L. 122-45, alinéa 4, du Code
du travail qui bénéficie au candidat à une embauche ou au salarié
licencié qui se considère victime d'une discrimination.
Il y a
donc, pour certains, un renversement de la charge de la preuve, plus
exactement, à mon sens, un allègement de la charge de la preuve. Cela a
fait craindre que de simples allégations du candidat soient suffisantes
pour que le bailleur ou son mandataire soit obligé de faire la preuve
positive de leur bonne foi. Le Conseil constitutionnel saisi d'un
recours(20) a cependant considéré que le locataire n'est pas dispensé
d'établir la matérialité d'éléments de fait précis et que le bailleur
peut démontrer que sa décision est fondée sur la gestion normale de son
patrimoine ou des éléments objectifs étrangers à toute
discrimination(21). Le gérant d'immeuble doit donc désormais prendre la
précaution de faire remplir à chaque candidat une fiche de
renseignements pouvant ultérieurement justifier le choix – profession,
niveau de ressources… -, tout en prenant garde à ne pas poser de
question attentatoire au respect de la vie privée et familiale de
chacun.
La portée de l'article 1er alinéa 2 de la loi du 6
juillet 1989 est par ailleurs doublement limitée. D'abord, il ne peut
s'appliquer pour les discriminations non visées à l'alinéa 2. Le ou la
locataire qui estime être victime d'une discrimination fondée sur l'âge
ou la grossesse ne peut donc bénéficier de ces règles spéciales de
preuve. Surtout, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a
récemment jugé que la présomption d'innocence en matière pénale ne
permet pas d'invoquer cet allègement de la charge de la preuve(22).
S'il veut engager des poursuites pénales contre le bailleur ou son
mandataire, le locataire doit donc apporter la preuve de la
discrimination et pas seulement celle d'une probabilité de
discrimination. Toutefois, l'article 225-3-1 du Code pénal issu de la
loi du 31 mars 2006 admet le recours à la technique du testing réalisée
auprès du bailleur ou du gestionnaire de l'immeuble afin de démontrer
le comportement discriminatoire(23) - les officiers publics peuvent
d'ailleurs procéder à des opérations de testing. Le candidat à la
location peut aussi saisir la Haute autorité pour la lutte contre les
discriminations et pour l'égalité(24). Cette Autorité a un large
pouvoir d'investigation. Elle dispose désormais d'agents assermentés,
spécialement habilités par le procureur de la République, qui peuvent
constater des délits de discrimination. Elle peut aussi proposer une
transaction dans laquelle elle fixe le montant des dommages-intérêts
dus à la victime(25).
12. La sanction civile de la
discrimination n'est pas précisée par l'article 1er de la loi de 1989.
Les sanctions théoriquement envisageables sont la conclusion forcée du
contrat et le versement de dommages-intérêts pour réparer le préjudice
subi. Sans texte la prévoyant la conclusion forcée du contrat n'est
cependant pas possible(26). Le contrat de bail est généralement
considéré comme un contrat intuitu personae. L'offre faite au public
n'est donc juridiquement qu'une simple invitation à entrer en
pourparlers. Son acceptation ne peut former le contrat. En revanche, la
responsabilité civile du bailleur ou/et de son mandataire peut être
mise en œuvre dès lors qu'ils ne prouvent pas la légitimité du refus.
Elle donne lieu à réparation du préjudice matériel et moral qu'a subi
le candidat à la location.
13. Le candidat à la location
éconduit pourrait-il aussi invoquer la violation de l'article 14 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales pour fonder la demande d'indemnisation ?
L'intérêt semble faible dès lors qu'il peut invoquer l'article 1er de
la loi du 6 juillet 1989 et l'article 225-1 du Code pénal(27). Nous
allons voir cependant que la Cour de cassation a déjà été saisie d'un
pourvoi fondé sur l'article 14 de la Convention européenne dans une
hypothèse où le bailleur avait exigé un cautionnement du fait de la
nationalité étrangère du candidat. Ce dernier considérait que le
bailleur alourdissait ses obligations de manière discriminatoire.
2. Alourdissement des obligations du candidat à la location
14.
L'article 1er de la loi du 6 juillet 1989 ne traite que du refus de
louer. En revanche, il n'interdit pas expressément au bailleur
d'alourdir, de manière discriminatoire, les obligations d'un candidat à
la location en lui demandant par exemple des garanties supplémentaires
non justifiées. On peut néanmoins penser que ce texte a vocation à
s'appliquer si les exigences du bailleur sont telles qu'elles ne
peuvent que rendre impossible la conclusion du contrat.
De toute
manière, le candidat évincé peut se fonder sur les dispositions
répressives pour faire condamner le bailleur. L'article 225-2 4° du
Code pénal prévoit en effet que la discrimination est punie lorsqu'elle
consiste « à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une
condition fondée sur l'un des éléments visés par l'article 225-1 ». Le
délit de discrimination peut donc être constitué avant même qu'un
cocontractant n'entre en relation avec le bailleur comme dans le cas de
l'offre qui contiendrait une condition discriminatoire(28). Cela n'est
cependant pas fréquent. Cette disposition s'applique aussi lorsque les
parties sont déjà entrées en relation et que le prestataire subordonne
la fourniture du bien ou du service à des obligations supplémentaires.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi admis que le
délit de discriminations peut être retenu contre le bailleur d'un
appartement meublé, qui, apprenant que le locataire pressenti était
atteint du SIDA(29), avait, deux jours avant la remise des clefs,
subordonnée celle-ci à la fourniture de deux cautions
supplémentaires(30).
15. Plus récemment un locataire a invoqué
les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et l'article 225-1 du Code pénal car il estimait que
le bailleur qui exigeait un cautionnement en raison de sa qualité
d'étranger non ressortissant de l'Union européenne, commettait une
discrimination. La troisième Chambre civile de la Cour de cassation a
rejeté le pourvoi(31) en considérant qu'il n'est pas anormal qu'un
bailleur constitue des sûretés de nature à garantir sa créance à
proportion du risque de difficultés en cas de défaillance du locataire.
Elle ajoute qu'au regard du droit international il est plus difficile
de faire valoir ses droits à l'égard d'un non-ressortissant de l'Union
européenne. Elle relève enfin que le locataire ne démontrait pas qu'une
caution lui avait été réclamée à lui seul pour la seule raison de son
appartenance à un groupe ethnique.
Cette décision de la
troisième Chambre civile peut paraî tre contraire à celle rendue par la
Chambre criminelle le 25 novembre 1997, précédemment évoquée(32). Elles
sont cependant conciliables. Dans l'affaire jugée par la Chambre
criminelle, les éléments de fait établissaient que l'exigence d'un
cautionnement supplémentaire était uniquement fondé sur l'état de santé
du locataire. Au contraire, dans l'espèce soumise à la troisième
Chambre civile, l'exigence d'un cautionnement se justifiait non pas par
l'appartenance à un Etat non européen mais par la difficulté de mettre
en œuvre une procédure en paiement des loyers lorsque le locataire est
reparti dans son pays d'origine. L'intention de discriminer du bailleur
n'est donc pas démontrée car c'est pour un motif légitime et étranger à
l'appartenance à un groupe ethnique que le bailleur a réclamé un
cautionnement.
16. Cette solution peut susciter des réserves car
tout ressortissant étranger à l'Union ne peut pas repartir facilement
dans son pays simplement pour échapper à la dette de loyers(33). On ne
peut néanmoins pas reprocher au bailleur, dans un souci de bonne
gestion de son patrimoine, de se prémunir contre un éventuel retour du
locataire dans son pays d'origine. L'exigence d'une caution à l'égard
des seuls non ressortissants de l'Union européenne est donc a priori
justifiée.
Toutefois, aux termes de l'article 22-1 alinéa 1 de
la loi du 6 juillet 1989(34), le bailleur ne peut ensuite refuser la
caution proposée par le locataire au seul motif qu'elle ne possède pas
la nationalité française ou qu'elle ne réside pas sur le territoire
métropolitain(35), ce qui est en pratique fréquent lorsque le locataire
est lui-même étranger(36). Le bailleur pourrait-il justifier son refus
lorsque l'ensemble des biens de la caution étrangère ou de la caution
ne résidant pas sur le territoire, sont situés hors de l'Union
européenne ? Cela semble être un motif plus légitime encore que le
retour hypothétique du locataire dans son pays d'origine.
17. La
troisième Chambre civile de la Cour de cassation, qui ne constate
aucune discrimination, ne s'interroge pas sur l'applicabilité de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Son article
14, qui interdit les discriminations, n'a en effet vocation à
s'appliquer que dans le cadre des droits et libertés reconnus par la
Convention(37). Cela explique que le pourvoi visait, à coté de ce
texte, l'article 1er de la loi du 6 juillet 1989 qui instaure un droit
fondamental au logement et l'article 8 de la Convention européenne qui
proclame le droit au respect de la vie privée et familiale et du
domicile. Implicitement, le locataire prétendait donc que le droit au
logement est un élément du respect de la vie privée et familiale(38).
La Cour de cassation a préféré ne pas répondre à cette question.
En
revanche le droit au respect de la vie privée et familiale et du
domicile est un de ceux qui contribuent à modeler les relations entre
les parties au contrat.
B. Modelage des relations entre les parties au contrat de bail
18.
Les droits fondamentaux de la personne permettent de façonner le
contenu du contrat en prohibant certaines restrictions imposées aux
locataires (1) ou au contraire en limitant les prérogatives du bailleur
(2). En revanche, la jurisprudence semble réticente à fonder sur ces
droits de nouvelles obligations à la charge du bailleur (3).
1. Prohibition des clauses restreignant les droits fondamentaux du locataire
19.
La loi du 6 juillet 1989 et la jurisprudence prohibent les clauses qui
restreignent les droits fondamentaux du locataire et particulièrement
celles qui atteignent sa vie privée et familiale(39). Par deux arrêts
rendus à dix ans d'intervalle, l'un en mars 1996(40), l'autre en mars
2006(41), concernant tout deux des logements du secteur HLM, la Cour de
cassation a déclaré que la clause qui interdit au locataire d'héberger
ses proches est contraire au droit au respect de la vie privée et
familiale de celui-ci, reconnu par l'article 8 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Dans la première
affaire le bailleur, pour obtenir la résiliation du bail, reprochait à
la locataire d'avoir hébergé le père de l'un de ses enfants ainsi que
la sœur de celui-ci alors que le contrat l'interdisait.
L'espèce
de 2006 est plus insolite. Cette fois, c'est le colocataire qui
invoquait la clause interdisant d'héberger ses proches autres que les
enfants mineurs contre sa colocataire qui avait accueilli sa fille
majeure, pour obtenir réparation du trouble de jouissance qu'il avait
subi. La solution n'était pas évidente car le droit au respect de la
vie privée du colocataire était aussi en jeu(42). Au regard du principe
de proportionnalité cher à la Cour européenne, il aurait peut-être été
opportun que la Cour de cassation évalue les conséquences de
l'hébergement de ses proches par la colocataire sur la vie privée de
l'autre.
En tout cas, cette jurisprudence a été consacrée par la
loi du 13 juillet 2006 qui a ajouté à l'article 4 de la loi de 1989
réputant certaines clauses non écrites, la clause « qui interdit au
locataire d'héberger des personnes ne vivant pas habituellement avec
lui ». La formule est particulièrement large et n'est pas limitée aux
proches. Il est vrai que, comme l'avait fait remarquer un auteur, celui
qui est hébergé est forcément un proche(43). Reste à savoir comment la
Cour de cassation interprétera ce texte.
20. C'est encore le
respect de l'intimité de la vie privée qui fonde l'interdiction dans la
loi de 1989 de la clause qui oblige le locataire à laisser visiter les
jours fériés ou plus de deux heures les jours ouvrables(44). Ce sont
les libertés politiques, de s'associer, de se syndiquer et la liberté
religieuse qui expliquent que les clauses qui interdiraient leur
exercice sont aussi déclarées non écrites(45).
2. Limitation des prérogatives du bailleur
21.
La limitation des prérogatives du bailleur est illustrée par deux
décisions récentes de la Cour de cassation, toute deux fondées sur le
droit au respect de la vie privée du locataire.
22. La première
a été rendue dans une affaire où le locataire avait assigné le bailleur
en paiement de dommages-intérêts en lui reprochant d'avoir fait visiter
les lieux loués à un candidat à la location sans l'avertir. La cour
d'appel avait débouté le locataire au motif qu'aucune faute à l'origine
d'un préjudice ne pouvait être établie. La location n'avait duré que
quelques semaines et la visite avait été effectuée quatre jours après
la conclusion du bail dans des lieux vides. Cet arrêt est cassé pour
violation de l'article 9 du Code civil : l'atteinte au respect de la
vie privée ouvre droit à la réparation dès lors que le bailleur a
pénétré dans le domicile sans autorisation(46).
La
responsabilité contractuelle du bailleur n'aurait pas pu être retenue
en l'absence d'un préjudice subi par le locataire(47). Il n'y avait en
effet aucun préjudice matériel et il est douteux qu'il ait existé un
préjudice moral dès lors que le locataire n'avait pas encore emménagé.
L'obligation du bailleur de procurer une jouissance paisible est
délaissée par la Cour de cassation. Par le biais de l'atteinte au droit
fondamental à la vie privée, des dommages-intérêts peuvent être
accordés. Leur évaluation risque bien sûr d'être arbitraire ; ils
serviront plus à punir le bailleur qu'à indemniser le locataire.
23.
L'affaire qui a donné lieu à la seconde décision porte sur la
production en justice, par le bailleur, de photographies réalisées à
l'intérieur de l'appartement loué par les ouvriers qui réalisaient des
travaux de salubrité afin d'établir le désordre régnant dans les lieux
loués(48). Les locataires demandent alors des dommages-intérêts pour
divulgation de photographies attentatoires à leur vie privée. Au visa
des articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme, la Cour de cassation censure la
décision des juges du fond qui avait débouté les locataires. Elle
relève que « le droit de chacun au respect de sa vie privée s'étend à
la présentation interne des locaux constituant le cadre de son habitat
» et que la production de ces clichés était soumise à l'autorisation
des locataires.
24. La leçon à tirer de ces deux arrêts de la
Cour de cassation c'est que le droit de chacun au respect de la vie
privé interdit de manière absolue toute intrusion du bailleur ou de son
mandataire dans le logement loué qui constitue le cadre de vie du
locataire, même si le logement est totalement vide. Il interdit aussi
de se constituer la preuve de l'inexécution de ses obligations par des
moyens qui réaliseraient une atteinte à ce droit.
3. Création de nouvelles obligations à la charge du bailleur
25.
La Cour de cassation semble réticente à admettre que la reconnaissance
d'un droit fondamental du locataire ait pour effet de créer à la charge
du bailleur une obligation.
C'est à propos du droit de chacun à
manifester sa religion ou ses convictions consacré par l'article 9 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme que la
Cour de cassation a refusé de créer une obligation supplémentaire à la
charge du bailleur. Il s'agit de la célèbre affaire du digicode(49).
Une société d'investissement et de gestion installe un digicode dans
l'ensemble immobilier qu'elle gère. Vingt-cinq locataires de confession
juive demandent l'installation d'une serrure mécanique car pendant le
shabbat et les fêtes religieuses, ils ne peuvent toucher aucune source
d'énergie assimilée au feu, en l'espèce l'électricité. Devant le refus
du bailleur, ils agissent en justice sur le fondement de l'article 9 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme car le
digicode leur impose, soit une absence aux offices, soit une violation
de l'interdit électrique. La cour d'appel accueille leur demande sur le
fondement de la liberté de culte.
La Cour de cassation censure
cette décision au visa des articles 1134 du Code civil, 6 a et c de la
loi de 1989 qui réglemente la délivrance et l'entretien de l'immeuble
et de l'article 9 de la Convention européenne. Le motif retenu est le
suivant : « Les pratiques dictées par les convictions religieuses des
preneurs n'entrent pas, sauf convention expresse, dans le champ
contractuel du bail et ne font naître à la charge du bailleur aucune
obligation spécifique ».
26. La Cour de cassation se fonde donc
principalement sur la force obligatoire du contrat. A première vue, on
pourrait relever une contradiction avec les arrêts qui ont déclaré non
écrite la clause interdisant l'hébergement des proches à une époque où
la loi ne la prohibait pas, ce qui constituait bien une remise en cause
de la force obligatoire du contrat. La situation est cependant un peu
différente, car dans le premier cas, l'obligation du locataire était
entrée dans le champ contractuel. Par application de l'article 6 du
Code civil, les tribunaux étaient fondés à éradiquer la clause
contraire à l'ordre public, ici la violation du droit de chacun au
respect de la vie privée. Au contraire, dans l'affaire du digicode,
l'obligation n'était pas entrée dans le champ contractuel. Il
s'agissait de créer une obligation pour le bailleur qui n'avait pas été
prévue par les parties et qui n'était pas imposée par la loi puisque
l'article 6 de la loi de 1989 visé n'impose au bailleur qu'une
obligation de délivrance et une obligation d'entretien. La Cour de
cassation n'est donc pas encore prête pour un nouveau forçage du
contrat fondé sur la protection des droits fondamentaux de la personne.
On peut ajouter que le principe de laïcité, non évoqué par la Cour de cassation, n'est peut être pas étranger à la solution.
Pourrait-on
enfin ajouter un argument de bons sens : comment imposer au bailleur de
respecter tous les interdits et toutes les prescriptions de toutes les
religions représentées par les locataires ? Ce n'est pas sûr. En
l'espèce, la demande des locataires n'avait pas d'incidence sur la
pratique religieuse des autres locataires puisque leur demande se
limitait à l'installation d'une serrure mécanique dont ils auraient eu
la clé. Pour accueillir leur demande, la Cour d'appel s'était
d'ailleurs fondée sur l'alinéa 2 de l'article 1134 du Code civil,
c'est-à-dire sur l'exécution de bonne foi du contrat et avait relevé
que le coût de l'installation ne remettait pas en cause l'équilibre
contractuel. N'était-ce pas une application voilée du principe de
proportionnalité ?
27. La Cour de cassation semble donc
réticente à imposer au bailleur de nouvelles obligations non prévues
par le contrat sur le fondement du droit au respect des convictions
religieuses. L'article 1135 du Code civil ne semble pas encore avoir
cette puissance.
Cette limite ne s'impose évidemment pas au
législateur, qui, en fonction de l'utilité sociale, peut toujours
définir, plus ou moins impérativement, le contenu et les effets du
contrat. C'est ce que fait la législation moderne des baux en
reconnaissant au locataire des droits fondamentaux qui lui sont
spécialement réservés.
II. Les droits fondamentaux spécialement reconnus au locataire
28.
Les droits fondamentaux spécialement reconnus au locataire ont
longtemps été limités. Pratiquement, ils se réduisaient à la seule
affirmation que le droit à l'habitat dans loi Quilliot, devenu le droit
au logement dans la loi du 6 juillet 1989, constitue un droit
fondamental.
Le principe n'avait guère de traduction concrète
sauf par la reconnaissance au profit du locataire en place du droit de
conserver le logement : renouvellement automatique du bail, limitation
des motifs de non-renouvellement(50), droit au relogement pour les
personnes âgées bénéficiant de ressources modestes(51) et droit de
préemption du locataire en cas de congé pour vendre(52).
Désormais
le droit fondamental au logement s'incarne plus précisément dans deux
prérogatives particulières : dans l'ordre historique d'apparition, le
droit au logement décent et le droit au logement opposable.
Entre-temps, un autre bénéfice a été accordé au locataire : le droit
d'être informé sur l'état du logement (A). Ce dernier concernant la
formation du contrat, c'est par lui que nous commencerons avant
d'évoquer le droit au logement décent (B) puis le dernier né, le droit
au logement opposable (C).
A. Droit à l'information sur l'état du logement
29.
Pour assurer le droit à l'information du locataire sur l'état du
logement, le bailleur doit désormais annexer au contrat de bail un
dossier de diagnostic technique (1) et depuis peu une notice relative
aux modalités de réception des services de télévision (2).
1. Le diagnostic technique
30.
L'obligation d'annexer au bail, lors de sa signature ou de son
renouvellement, un diagnostic technique a été introduite par
l'Ordonnance du 8 juin 2005 relative au logement et à la construction
qui a ajouté un article 3-1 à la loi du 6 juillet 1989. Cette
information permet au locataire de savoir si le logement ne présente
pas de risque pour la santé ou la sécurité. Le diagnostic technique
entretient donc des liens avec le droit au logement décent.
L'obligation
d'information du bailleur concerne presque tous les baux d'habitation
et pas seulement ceux relevant pour le tout de la loi de 1989. En
effet, l'article 2 de la loi de 1989 soumet expressément à l'article
3-1 les locations à caractère saisonnier(53), les locations de locaux
meublés, les logements de fonction et les locations consenties aux
travailleurs saisonniers. Quant à l'article 40, il n'écarte pas
l'application de l'article 3-1 aux locations partiellement soumises à
la loi de 1989, dont les principales sont les baux de la loi du 1er
septembre 1948, ceux du secteur relevant du secteur HLM et ceux portant
sur des logements conventionnés.
31. Le dossier de diagnostic
technique qui doit être annexé au bail est loin d'être aussi complet
que celui annexé à une vente d'immeuble puisqu'il ne comprend que trois
états. L'obligation d'annexer ces états s'échelonne dans le temps :
immédiatement pour l'état d'exposition aux risques technologiques et
naturels(54), à compter du 1er juillet 2007 pour le diagnostic de
performance énergétique et à compter du 12 août 2008 pour l'état de
risque d'exposition au plomb pour les immeubles construits avant le 1er
janvier 1949(55).
En matière de location ne sont donc pas exigés
: l'état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux contenant de
l'amiante(56), celui relatif à la présence de termites(57), ceux
relatifs à l'installation intérieure du gaz et de l'électricité de plus
de quinze ans(58) ni enfin le document relatif au contrôle des
installations d'assainissement non collectif. A l'exception, peut-être,
de la présence ou non de termites, on peut se demander pourquoi le
législateur n'a pas imposé au bailleur l'obligation d'informer le
locataire sur ces éléments de l'état de l'immeuble qui sont tout aussi
importants en matière de santé et de sécurité des personnes. Nous
verrons cependant que le bailleur peut être contraint de réaliser les
travaux nécessaires lorsque la présence d'amiante ou la non-conformité
des branchements d'électricité et de gaz rend le logement indécent.
Simplement, le locataire ne sera pas averti à l'entrée dans les lieux
des risques pour sa santé et sa sécurité que l'état du logement lui
fait courir.
32. La maî trise du régime juridique s'appliquant
au dossier de diagnostic technique qui doit être annexé au contrat de
location est difficile car elle impose de faire des allers-retours
incessants entre la loi de 1989, le Code de la santé publique pour le
risque d'exposition au plomb, le Code de la construction pour le
diagnostic énergétique et le Code de l'environnement pour les risques
technologiques et naturels. Pour éviter tout risque d'erreur, on aurait
au moins aimé que les différentes durées de validité des éléments du
dossier de diagnostic fassent l'objet d'un texte unique. Or, la durée
de l'état d'exposition aux risques naturels et technologiques est
prévue par l'article 3-1 de la loi de 1989 qui impose de compléter le
dossier à chaque changement de locataire. Celle de l'état de risque
d'accessibilité au plomb est précisée dans l'article L. 1334-6 du Code
de la santé publique qui distingue deux cas. Lorsque l'état établit que
les revêtements ne contiennent pas ou peu de plomb, le constat initial
sera joint à chaque nouveau contrat de location. En revanche, un
nouveau constat doit être établi et annexé « à tout nouveau contrat de
location »(59) lorsque les concentrations de plomb sont supérieures à
un seuil fixé par arrêté. Quant à la durée du diagnostic énergétique,
elle n'est pas encore précisée.
33. A cette difficulté d'accès à
la réglementation, il faut ajouter son manque de cohérence. Ainsi le
coût du constat de risques d'exposition au plomb est expressément mis à
la charge du bailleur(60), mais pas le coût du diagnostic
énergétique(61). En revanche, la mise à disposition des constats aux
candidats locataires n'est expressément prévue que pour le diagnostic
énergétique(62). Il est difficile d'imaginer, a contrario, qu'un
bailleur ou son mandataire puissent refuser au locataire éventuel
l'accès aux autres documents sous prétexte qu'il n'a que l'obligation
de les annexer au moment de la signature du contrat.
34. En
outre, l'absence totale ou partielle du dossier de diagnostic technique
ne fait pas l'objet d'une sanction uniforme. L'article L. 125-5 V du
Code de l'environnement ouvre le droit au locataire de poursuivre la
résolution du contrat ou de demander au juge une diminution du loyer.
L'article L. 1334-7 du Code la santé publique qualifie l'absence d'état
de risque d'accessibilité au plomb de manquement aux obligations
particulières de sécurité et de prudence susceptible d'engager la
responsabilité pénale du bailleur. Aucune sanction spécifique n'étant
prévue pour l'absence de diagnostic énergétique, seules les sanctions
civiles de droit commun pourront être mises en œuvre par le locataire :
nullité si l'absence d'état a entraî né une erreur déterminante du
consentement, responsabilité du bailleur ou résolution du contrat pour
inexécution de l'obligation d'information. Rien n'empêche d'ailleurs de
cumuler ces sanctions civiles avec celles prévues spécialement dans les
deux premiers cas.
35. Aucune sanction n'est prévue en cas
d'inexactitude d'un des constats. Le locataire pourra agir en
responsabilité délictuelle contre le professionnel qui l'a établi en ce
qui concerne l'accessibilité au plomb et le diagnostic énergétique. Il
est plus difficile d'imaginer qu'il puisse agir en responsabilité
contre le bailleur et son mandataire qui n'en sont pas les auteurs et
qui en principe n'ont pas de compétence technique en la matière, sauf à
démontrer une fraude entre le contrôleur technique et le bailleur ou
son mandataire visant à tromper le locataire.
La présence de
plomb ou certaines inexactitudes du diagnostic énergétique peuvent
toutefois constituer des vices ou des défauts compromettant la
jouissance paisible des lieux par le locataire. Or, la garantie des
vices cachés prévue à l'article 1721 du Code civil est d'ordre public
lorsque la location est soumise à la loi du 6 juillet 1989(63). Dès
lors, le locataire qui découvrirait le vice ou le défaut après avoir
pris possession des lieux loués pourrait démontrer plus facilement son
caractère caché en s'appuyant sur le diagnostic technique erroné établi
par un professionnel. Contrairement à ce qu'ont pu affirmer certains
commentateurs(64), il est difficile d'admettre que l'alinéa 5 de
l'article 3-1, qui dispose que « le locataire ne peut se prévaloir à
l'encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de
performance énergétique », écarterait toujours la garantie des vices
cachés pesant sur le bailleur lorsque le vice compromettant la
jouissance paisible de l'immeuble aurait pour origine de très mauvaises
performances énergétiques. Ce texte ne peut concerner que les
informations exactes contenues dans le diagnostic qui rendent alors le
vice ou le défaut apparent pour le candidat à la location.
36. A
l'exclusion de la garantie des vices cachés du bailleur, le locataire
peut-il se prévaloir des informations exactes - ou supposées telles –
contenues dans le dossier de diagnostic technique pour contraindre le
bailleur à exécuter les travaux de remise aux normes du logement ?
En
ce qui concerne le risque d'accessibilité au plomb, l'article L. 1334-9
du Code de la santé publique fait peser sur le bailleur l'obligation de
procéder aux travaux appropriés pour supprimer le risque. Cette
obligation est renforcée par les sanctions spéciales prévues en matière
d'indécence du logement.
En revanche, l'article 3-1 alinéa 5 de
la loi de 1989 précise que le diagnostic de performance énergétique
interdit au locataire de se prévaloir à l'encontre du bailleur des
informations qu'il contient car il n'a qu'une valeur informative (!).
Ce texte qui balbutie veut sans doute dire que le locataire ne peut pas
demander au bailleur de réaliser les travaux préconisés par le
diagnostic qui permettraient d'améliorer le bilan énergétique du
logement. Il me semble cependant qu'il ne peut interdire au locataire
d'exiger que le bailleur lui fournisse un logement décent comportant
une installation de chauffage normale adaptée aux caractéristiques du
logement(65).
37. A ces exigences, la loi du 5 mars 2007 a
ajouté la fourniture d'une notice relative à la réception des services
de télévision en ajoutant l'article 3-2 à la loi du 6 juillet 1989.
2. Notice relative à la réception des services de télévision
38.
La notice relative aux modalités de réception des services de
télévision doit être annexée au contrat de location lors de sa
signature ou lors de son renouvellement.
On peut voir dans cette
nouvelle obligation d'information un complément de ce que l'on appelle
le droit à l'antenne qui serait un bien curieux droit fondamental si on
ne pouvait y voir une manifestation de la liberté d'information. La
liberté du locataire d'accéder au service de télévision a été consacrée
par la loi du 2 juillet 1966 relative à l'installation d'antennes
réceptrices de radiodiffusion. L'article 1er de ce texte interdit au
bailleur de s'opposer, sans motif sérieux et légitime, à
l'installation, à l'entretien ou au remplacement d'une antenne
extérieure réceptrice de radiodiffusion ou réceptrice et émettrice de
télécommunication fixe ainsi qu'au raccordement au réseau interne de
l'immeuble aux frais du ou des locataires.
39. L'obligation
d'information du locataire relative à la réception des services de
télévision, introduite par la loi du 5 mars 2007, porte sur l'un des
éléments d'équipement de l'immeuble. Le législateur n'a cependant pas
voulu formellement intégrer cette notice au dossier de diagnostic
technique, peut-être parce que la connaissance des modalités de
réception de la télévision est moins fondamentale dans le processus
menant à la décision de louer. Cette obligation ne s'impose d'ailleurs
pas aux logements exclus du domaine d'application de la loi de 1989.
Le
bailleur doit toujours informer le locataire sur la possibilité ou non
de recevoir les services de télévision par voie hertzienne. Lorsque
l'immeuble est équipé d'un réseau de communications électroniques
interne à l'immeuble, le bailleur doit en outre indiquer au locataire
si l'installation permet ou non l'accès aux services nationaux en clair
de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique. Si
l'installation ne le permet pas, le bailleur doit fournir les
coordonnées du distributeur de service auquel le locataire doit
s'adresser pour bénéficier du service antenne numérique « gratuit »
prévu par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986(66).
40.
De la même manière que pour le diagnostic énergétique, le locataire ne
peut se prévaloir à l'encontre du bailleur de ces informations qui
n'ont qu'une valeur informative. Bien que la formule soit la même, elle
ne suscite pas tout à fait les mêmes interrogations que celles de
l'article 3-1.
Dans ce cas, on comprendrait mal que le locataire
ne puisse pas invoquer une information inexacte délivrée, cette fois,
par le bailleur lui-même.
En revanche, on comprend fort bien que
le locataire ne puisse imposer aux frais du bailleur des travaux
d'accès au service de télévision même si la notice révèle que le
logement ne bénéficie d'aucune réception car cela ne constitue pas une
atteinte à la décence du logement - en tout cas pas encore.
B. Droit à un logement décent
41.
Avant même que le législateur n'impose au bailleur de délivrer un
logement décent, le Conseil constitutionnel, à l'occasion du contrôle
de constitutionnalité de la loi du 21 janvier 1995 relative à la
diversité de l'habitat(67), a déclaré que la possibilité pour toute
personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur
constitutionnelle qui procède à la fois de ce que chacun a le droit de
mener une vie familiale normale et du principe du respect de la dignité
humaine.
Le droit a un logement décent a été consacré par la loi
du 1er décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement
urbain qui intègre aux articles 1719 du Code civil et 6 de la loi du 6
juillet 1989, l'obligation pour le bailleur de délivrer un logement
décent.
L'insertion de cette nouvelle obligation du bailleur
dans l'article 1719 du Code civil n'est peut-être que symbolique. On
peut en effet se demander s'il reste vraiment des hypothèses non
couvertes par l'article 6 de la loi de 1989. Peut-être que la location
saisonnière d'un appartement vide à un étudiant pour la période
universitaire, qui ne relève pas de l'article 6, pourrait entrer dans
le domaine de l'article 1719 du Code civil, à condition que l'étudiant
n'ait pas conservé son habitation principale chez ses parents. Plus
sérieusement, l'article 1719 du Code civil pourrait, à mon sens, être
invoqué par le locataire d'un immeuble destiné à un usage mixte
d'habitation et commercial soumis au statut du bail commercial, sous
réserve d'admettre son caractère d'ordre public(68).
42. Le Code
civil ne précise pas la notion de décence du logement qui est en
revanche définie par l'article 6 alinéa 1 de la loi du 6 juillet
1989(69). Elle prend deux aspects. D'une part, le logement ne doit pas
présenter de risque manifeste pour la sécurité physique ou la santé du
locataire. D'autre part, il doit être doté des éléments le rendant
conforme à l'usage d'habitation. Les caractéristiques de la décence
sont précisées par le décret du 30 janvier 2002(70).
L'article 2
du décret énumère les conditions nécessaires à la protection de la
sécurité physique et de la santé. On y trouve la nature et l'état de
conservation des matériaux de construction, des revêtements et des
canalisations. Sur le fondement de cette disposition, le locataire est
donc en droit de demander que le bailleur procède aux travaux
nécessaires au désamiantage ou aux travaux permettant de remédier à
l'accessibilité au plomb. Les réseaux et branchements d'électricité et
de gaz ainsi que les équipements de chauffage et de production d'eau
chaude doivent être conformes aux normes de sécurité définies par les
lois et règlements. L'article 3 précise les éléments d'équipement et de
confort que doit comporter l'habitation et l'article 4 fixe la surface
habitable minimale que doit présenter le logement.
Une série de décisions ont déjà fait application de ce décret.
Ont
été considérés comme caractérisant l'absence de décence du logement :
l'humidité des lieux loués d'une habitation à loyer modéré qui avait
aggravé l'asthme de la fille du locataire(71), l'absence d'aménagement
de nouvelles toilettes à la suite de la suppression d'un accès à des
toilettes communes(72), le fait qu'une chambre de bonne de cinq mètres
carrés ne présente aucune des caractéristiques imposées par le décret
du 30 janvier 2002(73), l'absence d'alimentation en eau potable(74), la
surconsommation d'énergie engendrée par la mauvaise étanchéité du
logement(75), ou encore une installation de chauffage au bois composée
de cheminées et de poêles(76), alors qu'une réponse ministérielle avait
considéré que lorsque le logement dispose d'une alimentation en
électricité ou en gaz de ville et un conduit d'évacuation des fumées,
il répond aux normes réglementaires(77).
En revanche, a été jugé
décent le logement qui dispose d'un poêle à bois, de convecteurs
électriques, d'un panneau radiant et d'un radiateur à bain d'huile(78),
ou la chambre meublée qui dispose d'un WC extérieur situé dans le
couloir, d'un lavabo et d'un coin permettant l'installation d'un
réchaud(79).
43. Selon l'article 20-1 de la loi de1989, le
locataire peut demander la mise en conformité du logement qui ne
satisfait pas à la décence. Aucune forme particulière n'est prévue.
Aucun délai pour agir n'est imposé. A défaut d'accord des parties ou de
réponse du propriétaire(80), le locataire a, depuis la loi du 5 mars
2007, le choix entre saisir la commission de conciliation pour que
celle-ci rende un avis et tente de concilier les parties - dans les
conditions fixées par l'article 20 – ou s'adresser directement au
juge(81).
C'est le juge d'instance qui est compétent(82). Il
fixe la nature des travaux et le délai de leur exécution. Il peut
réduire le montant du loyer ou suspendre son paiement et suspendre la
durée du contrat.
44. L'obligation de fournir un logement décent
s'applique à tous les baux soumis totalement ou partiellement à la loi
du 6 juillet 1989, y compris aux logements soumis à la loi du 1er
septembre 1948 classés dans la catégorie IV c'est-à-dire les logements
qui ne présentent pas les conditions élémentaires d'habitabilité ou qui
sont construits avec des matériaux dont la qualité ou la mise en œuvre
est exceptionnellement défectueuse ou enfin les immeubles démunis de
tout équipement(83).
Un arrêt rendu par la troisième Chambre
civile de la Cour de cassation le 15 décembre 2004 illustre les
difficultés suscitées par l'application de l'article 6 de la loi de
1989 à ce type de logement(84). L'OPAC d'Amiens avait, moyennant un
loyer modique, consenti un bail sur une maison relevant de la catégorie
IV appartenant à la commune d'Amiens, en informant le locataire de
l'impossibilité de raccordement au réseau d'eau courante.
Ultérieurement, le locataire assigne la commune pour que celle-ci soit
condamnée à exécuter son obligation de délivrance en effectuant les
travaux nécessaires à l'approvisionnement en eau courante. Au visa des
articles 1719 du Code civil et 6 de la loi du 6 juillet 1989, la Cour
de cassation censure la cour d'appel qui avait débouté le locataire au
motif que « l'exigence de la délivrance au preneur d'un logement décent
impose son alimentation en eau courante ».
Les plus pessimistes
craignent que cette décision raréfie encore l'offre de logements
vétustes pour lesquels la mise aux normes est trop onéreuse ; les plus
optimistes se félicitent que le droit au logement décent triomphe. Les
plus cyniques constateront que les bailleurs peuvent continuer de louer
des logements non décents en prenant le risque de voir le loyer diminué
ou suspendu s'ils sont condamnés à exécuter les travaux de mise aux
normes. Dans cette affaire, il est quand même difficile d'envisager une
diminution significative du loyer qui représentait moins de 10 euros
par mois.
45. L'indécence résulte aussi de l'insalubrité ou de la ruine de l'immeuble loué.
L'article
L. 1331-22 du Code de la santé publique interdit de louer des locaux
insalubres tels que caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues
d'ouverture et autres locaux par nature impropres à l'habitation.
L'article 48 de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national
pour le logement prévoit aussi l'obligation de déclarer toute nouvelle
location de logement de plus de trente ans d'âge. Cette déclaration
fait l'objet d'un récépissé annexé au bail. Elle ne concerne pour
l'instant que les logements situés dans des communes de plus de 50 000
habitants qui, après s'être portées candidates à titre expérimental,
ont été retenues par un arrêté du ministre du logement(85).
L'article
5 du décret du 30 janvier 2005 précise que le logement qui fait l'objet
d'un arrêté d'insalubrité ou de péril ne peut être considéré comme un
logement décent. Le locataire bénéficie alors du dispositif mis en
place par les articles 521-2 et suivants du Code de la construction et
de l'habitation(86). Les loyers cessent d'être dus(87). En cas
d'interdiction temporaire d'habiter, le bailleur doit assurer au
locataire « un hébergement décent » correspondant à ses besoins et en
cas d'interdiction définitive d'habiter, le bailleur doit assurer le
relogement du locataire en lui présentant une offre d'un logement
correspondant à ses besoins et ses possibilités(88). Lorsque le
propriétaire est défaillant, l'article 521-3-2 du Code de la
construction et de l'habitation prévoit que c'est le maire ou la
personne publique qui a pris l'initiative d'un programme d'amélioration
de l'habitat qui prend les dispositions nécessaires pour héberger ou
reloger les occupants. Cette garantie de relogement par des personnes
publiques est déjà un pas vers le droit au logement opposable.
C. Droit au logement opposable
46.
Le droit au logement opposable est le dernier né des droits
fondamentaux du locataire. Il est issu de la loi n° 2007-290 du 5 mars
2007 - instituant le droit au logement opposable et portant diverses
mesures de cohésion sociale -, adoptée à l'initiative du précédent
Président de la République à la suite du mouvement des sans-abris de
l'automne 2006. Le décret d'application n'est pas encore paru(89). Son
régime n'étant pas encore fixé dans le détail, nous n'en présenterons
que les grandes lignes.
Dans un chapitre préliminaire du Livre
III du Code de la construction et de l'habitation intitulé « Droit au
logement », l'article L. 300-1 déclare : « Le droit à un logement
décent et indépendant (mentionné à l'article 1er de la loi n° 90-449 du
31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement), est
garanti par l'Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire
français de façon régulière et dans des conditions de permanence
définies par décret en Conseil d'Etat, n'est pas en mesure d'y accéder
par ses propres moyens ou de s'y maintenir. Ce droit s'exerce par une
recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux (dans
les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et
les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1) ».
47. Le recours
gracieux doit être exercé devant une commission de médiation qui doit
être créée, dans chaque département, auprès du Préfet avant le 1er
janvier 2008.
La commission peut être saisie, dans le délai fixé
par un arrêté préfectoral(90), par toute personne qui, satisfaisant aux
conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social n'a pas
reçu de réponse adaptée à sa demande de logement. Elle peut également
l'être, sans condition de délai, par une série de personnes énumérées
par la loi : notamment par le demandeur de bonne foi, dépourvu de
logement, menacé d'expulsion sans relogement…. ou logé dans des locaux
impropres à l'habitation ou insalubres ou dangereux. Il en va de même
du demandeur logé dans des locaux manifestement sur-occupés ou ne
présentant pas le caractère d'un logement décent, s'il a au moins un
enfant mineur, ou s'il présente un handicap ou s'il a une personne à
charge présentant un handicap(91). Le droit au logement opposable ne
bénéficie donc pas indifféremment à toute personne, mais seulement à
celles qui éprouvent des difficultés d'accès au logement,
particulièrement au logement social.
Dans un délai fixé par
décret, La commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle
reconnaî t prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en
urgence et elle détermine les caractéristiques de ce logement. La liste
de ces demandeurs est transmise au Préfet qui, après avis des maires
des communes et en tenant compte des objectifs de mixité sociale
définis par l'accord intercommunal ou départemental, désigne chaque
demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant
à la demande ; il fixe le délai dans lequel ce dernier est tenu de
loger le demandeur.
48. Le recours contentieux est ouvert(92) au
demandeur reconnu prioritaire par la commission de médiation qui n'a
pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant
compte de ses besoins et de ses capacités. Le recours est introduit
devant le tribunal administratif et tend à ce que soit ordonné le
logement ou le relogement. Il est ouvert, à compter du 1er décembre
2008 aux personnes pouvant saisir sans délai la commission de
médiation, à compter du 1er janvier 2012 à celles qui ne peuvent agir
qu'après expiration d'un délai fixé par arrêté préfectoral.
Le
Président du tribunal administratif ou un magistrat délégué statue en
urgence dans un délai de deux mois. Lorsqu'il constate que la demande a
été reconnue prioritaire par la commission de médiation et doit être
satisfaite d'urgence et qu'un logement tenant compte de ses besoins et
de ses capacités n'a pas été offert au demandeur, il ordonne le
logement ou le relogement de celui-ci par l'Etat ; il peut assortir son
injonction d'une astreinte.
49. Un tel dispositif n'a de chance
d'aboutir que s'il existe une offre suffisante de logements sociaux. A
défaut, l'Etat risque de devoir financer le logement des bénéficiaires
du droit au logement opposable dans le secteur non aidé, à condition
d'ailleurs que les bailleurs privés acceptent de louer dans ces
conditions(93). Si ce n'est pas le cas, autrement dit si le demandeur
reconnu prioritaire ne trouve finalement pas de logement, on ne sait
pas ce qu'il pourra réclamer à l'Etat et si le droit au logement
opposable sera vraiment un droit effectif(94).
De tous les
droits fondamentaux qui modèlent aujourd'hui le contrat de bail, qu'ils
soient reconnus au locataire comme à toute autre personne ou qu'ils lui
soient spécifiquement réservés, c'est le droit au logement qui est le
plus difficile à réaliser parce que c'est celui qui permet d'acquérir
la qualité même de locataire et que cela relève encore, en principe, de
la liberté des contractants.