Le prêt à usage, un contrat précaire    
   

Appelé également commodat, le prêt à usage est un contrat de plus en pratiqué dans nos campagnes. Il consiste pour un propriétaire à mettre gratuitement à la disposition d’un exploitant des terres agricoles. Utilisé au détriment du bail rural dont le statut est considéré par certains comme contraignant, il n’est pas sans risque pour l’exploitant.
Le prêt à usage : comment ça marche ?

Le principe est le suivant : un propriétaire agricole prête ses parcelles à un exploitant, à charge pour ce dernier de les restituer après usage. Ce contrat est par essence gratuit. Chacune des parties -le prêteur (propriétaire) et l’emprunteur (exploitant)- peuvent trouver des avantages à ce type de convention.
Pour l’exploitant, l’intérêt est évident : il exploite des parcelles sans avoir aucune contrepartie à reverser et tout en conservant une grande liberté dans la conduite de son exploitation. Bien entendu, il s’engage à veiller en bon père de famille à la garde et à la conservation des terres prêtées.
Pour le propriétaire, les attraits de ce type de convention sont multiples : les parcelles dont il est propriétaire sont entretenues et on ne peut lui opposer les règles plus contraignantes du bail rural. Le prêt à usage lui offre une souplesse beaucoup plus confortable notamment en termes de reprise des biens prêtés. Ce contrat se présente souvent comme une aubaine pour celui qui souhaite "pouvoir disposer à tout moment de ses biens" quitte à sacrifier des revenus que le fermage lui aurait procuré dans l’hypothèse d’un bail rural classique.

Régime juridique
La rédaction d’un écrit n’est pas obligatoire mais il donne une certaine sécurité à l’accord. De plus, il permet de fixer précisément les conditions dans lesquelles le prêt est accordé. De la même façon, il est recommandé d’établir un état des lieux. En tout état de cause, l’emprunteur doit être en règle avec les dispositions relatives à la réglementation de structures. Vis à vis de la MSA, c’est l’emprunteur qui est immatriculé comme exploitant.
Prêteur et emprunteur sont libres de fixer la durée de cette mise à disposition. En ce domaine, et contrairement au bail rural, le principe qui régit le prêt à usage est la liberté. Le contrat prévoit en général une durée initiale (de 1 an par exemple), laquelle se renouvelle par tacite reconduction si aucun congé n’est adressé par l’un ou l’autre à son échéance. Pour éviter toute ambiguïté, il convient d’éviter de prévoir une durée initiale de 9 ans car celle-ci est trop attachée dans les esprits au bail rural classique.
L’emprunteur n’a aucune redevance, indemnité d’occupation ou autre contrepartie de quelque nature que ce soit à régler au prêteur. Le fait pour l’emprunteur de régler les taxes foncières ou bien encore d’entretenir en contrepartie du prêt le jardin personnel du propriétaire sont susceptibles de faire échec aux dispositions du contrat, lequel pourra alors être requalifié en bail rural. Dans cette hypothèse, le contrat "tombe" dans le statut du fermage avec application de sa réglementation spécifique : durée initiale de 9 ans, conditions de reprise pour le propriétaire limitées…

La fin du Contrat
Le contrat faisant la loi des parties, celui-ci prend fin dans les conditions prévues par le prêteur et l’emprunteur. La convention prévoit en général un préavis de 6 mois. C’est à dire que le contrat peut prendre fin quasiment à tout moment si les clauses du contrat le prévoient. Les conséquences pour l’emprunteur peuvent être importantes si les parcelles prêtées constituaient pour lui une partie importante de son exploitation. Le statut du fermage n’étant pas applicable, l’exploitant ne peut invoquer ses dispositions protectrices. Dans la pratique, le prêt ne porte en général que sur quelques hectares mais rien n’interdit les intéressés de conclure ce type de contrat sur des dizaines d’hectares.
Le prêt à usage est en cela un contrat qui peut fragiliser une exploitation. Convention précaire par essence, il est à utiliser avec prudence et ne doit jamais être considéré comme un outil de gestion agricole à long terme à la différence du statut du fermage.