La suspension des procédures d'exécution

 

 

Textes applicables. - C. consom, art. L. 331-5 et R. 331-14, R.331-15. - Circ. min. 24 mars 1999, JO 13 avr. 1999. - L. no 91-650, 9 juill. 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution.

 

Généralités. Contrairement à l'ouverture du redressement judiciaire des entreprises, la saisine de la commission de surendettement n'emporte pas arrêt des poursuites individuelles. Cependant, cette instance de conciliation aura davantage de chances de mener à bien sa mission de conciliation si elle est en mesure de limiter certaines initiatives de créanciers trop diligents. C'est la raison pour laquelle, une fois qu'elle a été régulièrement saisie, la commission peut demander au juge de suspendre les procédures d'exécution en cours engagées à l'encontre du débiteur.

 

Cette procédure, simple en apparence, soulève en pratique un certain nombre de difficultés tenant, notamment, à la question de l'étendue des mesures de suspension proprement dite; en particulier, l'existence d'une procédure de saisie immobilière constitue un problème complexe auquel la jurisprudence a apporté des réponses souvent divergentes.

 

Les conditions de saisine du juge

 

Saisine à l'initiative de la commission. Nonobstant les pouvoirs de recommandation qui lui sont reconnus par les textes, la commission est avant tout une instance de conciliation; sa saisine n'a pas pour effet de suspendre les actions des créanciers, sauf accord favorable de ceux-ci ou décision judiciaire 2 . De la même façon, la saisine de la commission n'a pas pour résultat d'interrompre la procédure menée par un créancier désireux de faire reconnaître la validité de sa créance et d'obtenir un titre exécutoire. Aussi, afin de pouvoir travailler, les articles L. 331-5 et R. 331-14 du Code de la consommation offrent à la commission de surendettement la possibilité de saisir le juge de l'exécution (président du tribunal de grande instance ou le magistrat à qui il a délégué ses fonctions de juge de l'exécution) aux fins de suspendre les procédures d'exécution engagées contre le débiteur. Bien entendu, le bénéfice de cette suspension suppose que le dossier présenté par le débiteur ait été préalablement déclaré recevable par la commission 4.

 

Saisine à l'initiative du président de la commission. Depuis la loi du 29 juillet 1998, le juge peut être saisi directement par le président de la commission ou son délégué ou bien encore par le représentant local de la Banque de France (art. 91 de la loi nouvelle complétant l'art. L. 331-5 C. consom.). Cette nouvelle forme de saisine ne peut toutefois intervenir qu'en cas d'urgence. Elle donne simplement lieu à une information a posteriori des autres membres de la commission.

 

Une telle procédure présente l'avantage de la rapidité et de la simplicité. Confrontés à des situations difficiles, qui requièrent immédiatement un gel des mesures dont les effets seraient irréversibles pour le débiteur, les trois commissaires susvisés pourront agir de leur propre initiative.

 

Saisine à l'initiative du débiteur. Le débiteur peut également s'adresser directement au juge à l'effet de suspendre les voies d'exécution diligentées à son encontre. Le recours ne doit intervenir, ici aussi, qu'en cas d'urgence. La présente faculté, introduite par la loi du 29 juillet 1998 précitée, constitue une innovation importante qui ne va pas sans susciter certaines interrogations, le débiteur n'étant pas forcément à même de juger de l'opportunité d'une demande de suspension et surtout d'en peser les incidences financières notamment en cas de report d'une vente forcée d'immeuble dont les formalités de publicité ont déjà été accomplies. Quoi qu'il en soit, lorsque le juge est saisi à l'initiative du débiteur, le secrétariat greffe en avise la commission par simple lettre.

 

 

1.On indiquera qu'un projet de décret, actuellement examiné par le Conseil d'État (et modifiant le décret no 92-755 du 31 juill. 1992, instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution) institue un solde bancaire insaisissable à compter du 11, juillet 2002. L'objectif visé est de permettre au saisi de demander au tiers saisi de mettre à sa disposition immédiate, dans la mesure du solde disponible, une somme à caractère alimentaire d'un montant égal au RMI attribué à une personne seule (405,62 euros). Il s'agit en définitive de permettre aux personnes les plus démunies de conserver de l'argent pour vivre, même en cas de saisie (La correspondance économique, 26 mars 2002; La Tribune, 13 févr. 2002, p. 25).

2. Pau, 1- ch., 27 juin 1991, Cah. jur. Aquitaine 1991/3, p. 396, no 2982.

3. Paris, 81 ch., 5 nov. 1991, D, 1992, IR p. 56.

4. Chambéry, référé, 25 oct. 1994, Bull. inf. C. cass., 15 janv. 1995, p. 29, no 66.

5.Sous l'empire des anciens textes, seule la commission était habilitée à saisir le juge.

 

 

Autre hypothèse de saisine. Par ailleurs, il n'est nullement indiqué si la saisine pour un motif d'urgence est ou non exclusive d'une saisine du juge de l'exécution par la commission de surendettement, par exemple à un autre moment de la procédure, notamment si la situation de l'intéressé s'est dégradée; il semble que cela soit possible. Enfin, contrairement au préfet qui peut être représenté par son délégué, les textes ne précisent pas davantage si le directeur local de la Banque de France doit agir personnellement ou si son représentant est habilité également à agir à sa place. Selon nous, cette faculté devrait être admise, s'agissant d'un dispositif visant à répondre à une situation d'urgence.

 

Saisine du juge et degré d'avancement de la procédure. Une autre question porte sur le point de savoir si le juge peut être saisi à tout moment, quel que soit le stade d'avancement de la procédure. Malgré le silence des textes, il semble, en effet, possible à la commission de solliciter une suspension des procédures d'exécution, même si les négociations avec les créanciers sont déjà bien entamées (l'hypothèse la plus probable est celle d'un débiteur qui aurait omis de mentionner au départ de la procédure l'existence d'une créance et dont le titulaire exige à présent le recouvrement). Aucun délai de forclusion n'est également prévu pour toute demande de suspension formulée en phase de recommandation.

 

Modalités de saisine. Selon l'article R. 331-14 du Code de la consommation (modifié par D. no 99-65 du le, févr. 1999, art. 10), la suspension des voies d'exécution est demandée par lettre simple adressée au secrétariat-greffe du juge de l'exécution ou, postérieurement à la publication d'un commandement aux fins de saisie immobilière, au secrétariat-greffe du juge de la saisie immobilière. Dans l'hypothèse où le débiteur, après publication d'un commandement de saisie immobilière, fait également l'objet de procédures d'exécution mobilières ou d'expulsion, il convient de saisir le juge de la saisie immobilière de la suspension de cette procédure et le juge de l'exécution de la suspension des autres voies d'exécution (Circ. min. 24 mars 1999 préc., § 3.1.2).

 

 

Contenu et ciblage de la demande. Afin de lui assurer une efficacité maximale, la demande ou les demandes ainsi formulées doivent indiquer de manière précise la ou les procédures que la commission souhaite voir suspendre. Il est vrai que certains juges de l'exécution ont rendu des décisions suspendant «toute voie d'exécution » sans viser précisément lesquelles. De même, le secrétariat doit fournir au juge, à l'appui de la requête, toutes les informations dont il dispose, en particulier les justificatifs des procédures d'exécution en cours.

 

Il est en outre recommandé aux commissions de ne pas formuler de manière systématique de telles demandes. Elles doivent être limitées aux seules procédures d'exécution dont la poursuite est de nature à compromettre l'élaboration du plan conventionnel de redressement. À cet égard, les commissions de surendettement doivent opérer une distinction entre les procédures d'exécution qui impliquent une expropriation du débiteur (saisie immobilière, saisie exécution) pour lesquelles une demande de suspension s'impose et celles qui n'ont pas ce caractère (saisie conservatoire en particulier).

 

Demande conventionnelle. Au surplus, il est conseillé de ne recourir au juge que si la demande amiable de suspension faite auprès du créancier poursuivant a échoué (Circ. préc.). Les commissions peuvent toujours, en effet, demander conventionnellement de ne pas continuer à exiger l'exécution, en particulier des saisies -attribution et avis à tiers détenteurs devenus définitifs pendant la période de suspension, afin de ne pas faire échouer l'élaboration du plan amiable.

 

Appréciation du coût. En dernier lieu, les avantages que peut comporter une demande de suspension doivent toujours être mis en relation avec les coûts supplémentaires qu'elle peut entraîner pour le débiteur, notamment lorsqu'il s'agit d'interrompre une vente forcée d'immeuble dont les formalités de publicité légales ont été déjà accomplies (Circ. min. préc.).

 

Forme de la saisine. La commission est tenue de respecter un formalisme rigoureux. En effet, le juge ne peut utilement statuer sur l'opportunité de suspendre une procédure d'exécution qu'à la condition de disposer d'éléments d'appréciation suffisants et complets.

 

Ainsi, selon l'article R. 331-14 du Code de la consommation, la commission doit saisir le juge compétent par lettre simple signée de son président (ou par une personne expressément habilitée). La lettre doit indiquer les noms, prénoms, profession et adresse du débiteur et ceux des créanciers poursuivants ou, pour les personnes morales, leur dénomination et leur siège social. Au courrier adressé par la commission sont annexés un état sommaire des revenus du débiteur, un relevé des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'intéressé, l'état de son endettement et, bien entendu, la liste des procédures d'exécution en cours. En cas de vente forcée d'un immeuble appartenant au débiteur, et si la commission estime opportun de demander la suspension, elle saisit le juge en adressant au secrétariat-greffe du tribunal de grande instance, par lettre simple, une demande de remise de l'adjudication, cinq jours au moins avant la date prévue pour cette dernière, telle qu'elle est fixée par la sommation prévue à l'article 689 du Code de procédure civile (anc. )2 en fournissant les indications réclamées pour les autres voies d'exécution (état civil du débiteur, état de ses revenus et de son endettement, nom du créancier poursuivant ... ) et en précisant, en outre, les causes graves et dûment justifiées invoquées à l'appui de la demande. Le secrétariat-greffe porte alors la demande à la connaissance du débiteur et du créancier poursuivant par LRAR.

 

 

1.TI Vichy, 27 mars 1990, Rev. huissiers 1990.

2.Bien entendu, dans le cas où il lui est délivré la sommation en question, le débiteur doit en informer la commission sans délai.

 

 

Portée de la suspension

 

Procédures visées. La demande de suspension adressée par la commission au juge ne concerne que les seules procédures d'exécution' engagées à l'encontre du débiteur. Ce sont sans aucun doute, par référence à la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution

 

- les saisies-attribution

- les saisies de rémunération du travail;

- les saisies-vente;

- les saisies relatives aux dettes fiscales et parafiscales;

- les procédures de saisies accélérées, consécutives à l'émission d'un chèque sans provision 4 ;

- les saisies conservatoires (L. 9 juill. 1991, art. 74 à 76 - depuis qu'une circulaire du 20 mai 1997 du ministère de l'Économie 5 a supprimé dans la circulaire du 28 septembre 1995 précitée la précision selon laquelle des demandes de suspension doivent se limiter aux seules procédures d'exécution véritables)6.

 

Procédures exclues. Sont en revanche exclues :

 

- les mises en demeure ou les commandements de payer qui ne sont pas des procédures ou des voies d'exécution au sens du Code de procédure civile (en ce sens, circ. min. du 24 mars 1999 préc.), mais des actes préparatoires à celles-ci;

- les voies d'exécution engagées pour le recouvrement des créances alimentaires, les textes les écartant formellement (C. consom., art. L. 331-5 al. 1);

- les actions en justice tendant à la résolution d'un contrat ou à la résolution d'un bail, voire d'un crédit-bail;

- les sûretés judiciaires (L. 9 juill. 1991, art. 77 à 79).

La mesure de l'article L. 331-5 du Code de la consommation ne concerne pas davantage les actes de poursuite ayant déjà produit leurs effets eu égard aux droits définitivement acquis par les créanciers; c'est le cas notamment des :

- adjudications devenues définitives ou mesures de distributions déjà réalisées;

- saisies-attribution et avis à tiers détenteur notifiés aux tiers saisis conformément aux articles 43 et 86 de la loi du 9 juillet 1991. Il est clair que les commissions peuvent toujours demander amiablement aux créanciers de donner mainlevée de la saisie-attribution ou de l'ATD ayant déjà produit leurs effets alors qu'auparavant, elles pouvaient seulement demander aux créanciers de ne pas continuer à exiger l'exécution de ces procédures (v. Circ. 20 mai 1997 susvisée); - enfin, selon certains auteurs, il semble que l'on puisse exclure du champ des mesures pouvant être suspendues les prérogatives reconnues aux créanciers (établissements de crédit en général) qui bénéficient d'un gage sur le véhicule financé du débiteur, assorti d'un droit de rétention fictif.

 

 

1. Certaines juridictions exigent, en effet, que la demande soit circonstanciée et les spécificités du dossier exposées.

2. La notion de « procédure d'exécution » est plus large que celle de « voie d'exécution » visée dans les premiers textes sur le surendettement.

3. Sur la suspension des effets d'une saisie-attribution à exécution successive, v. Cass. 11 civ., 14 mars 2000, pourvoi no 98-04.071, Lamy Droit économique, no 5605.

4. Sur ces questions, v. Raymond, « Le surendettement des particuliers et des familles après la réforme du 8 févr. 1995 », JCP éd. N, 1995, prat. 3401. 5. JO 21 mai 1997, p. 7627 et 7628.

6. V. Note de l'Association Française des Sociétés Financières du 29 mai 1997, ASF 97-149.

7. Pau, 31 mai 1991, INC-Hebdo, ne 747.

8. J.-L. Vallens, art. préc., ALD 1990, 87, no 92.

9. CA Rouen, 30 mai 1990, déjà cité.

10. Pour les ATD, il s'agit de ceux notifiés depuis plus de deux mois avant la date de l'ordonnance et n'ayant pas fait l'objet de réclamation; pour les saisies-attribution, il s'agit de celles validées avant la date de l'ordonnance par un jugement passé en force de chose jugée.

 

 

 

Étendue. La décision de suspension n'a pas normalement d'effets collectif 6 et ne concerne que le créancier contre lequel elle est demandée. Toutefois, il est clair que la commission demandera la suspension de toutes les procédures d'exécution engagées contre le débiteur de nature à contrarier la conclusion d'un plan amiable.

 

Expulsions. Le cas des expulsions a été à l'origine d'un débat doctrinal et jurisprudentiel. En effet, certains auteurs avaient estimé qu'elles pouvaient être suspendues car la loi présente un caractère très général tandis que d'autres considéraient que les procédures d'exécution ne s'appliquent qu'aux biens du débiteur.

 

Pareillement, certains tribunaux s'étaient prononcés en faveur de l'arrêt d'une expulsion, d'autres, au contraire, pour l'absence d'influence de la suspension des mesures d'exécution sur une procédure d'expulsion 4. Par plusieurs décisions, la cour de cassation a tranché le débat définitivement. Dans deux arrêts rendus sous l'empire de l'ex-redressement judiciaire civil, la Cour de cassation avait déjà estimé que la procédure d'expulsion du débiteur, diligentée par un bailleur à la suite de la résiliation du contrat de bail, ne constituait pas une procédure d'exécution destinée au recouvrement du loyer et ne pouvait donc être suspendue. Tout récemment encore, la haute juridiction a eu l'occasion de réaffirmer sa position, cette fois sous l'empire de l'actuelle législation 6.

 

1. J.-L. Vallens, art. préc.; contra toutefois : TI Le Mans, 22 oct. 1990, C. cISté Soflnroute, inédit :en l'espèce, le juge avait rejeté la demande en rétractation d'une décision de suspension de la saisie engagée par le créancier qui revendiquait la propriété du véhicule du débiteur financé enleasing. V. aussi, Pau, 17 févr. 1992,juris-Data, no 040311.

2. P. Le Cannu, art. préc., Bull. Joly, 1990. 135, no 28.

3. J.-L. Vallens, art. préc., ALD 1990, 87, no 93.

4. TI Avignon 19 avr. 1990; TI Mulhouse, 31 juill. 1990, D. 1992, somm. p. 110, obs. B. Bouloc et P.-L. Chatain.

5. Cass. 11 civ., 30 mai 1995, D. 1995, IR p. 156; 28 nov. 1995, OPAC de Meurthe-et-Moselle clÉpxJobart, D. Affaires, no 2/1996, p. 38 et s. Cette jurisprudence n'est pas sans rappeler celle adoptée par la chambre commerciale en matière de redressement judiciaire des entreprises. En effet, par un arrêt du 19 déc. 1989 (Bull. civ. IV, no 320) la cour a considéré qu'une action en expulsion pouvait être poursuivie nonobstant le redressement judiciaire du débiteur, tandis que par un autre arrêt du 21 févr. 1990 (Bull. civ. III, no 52) elle a clairement indiqué que l'expulsion ne constituait pas une voie d'exécution sur les meubles ou les immeubles.

6. CaSS. lr, civ., 22 janv. 2002, Épx Belhout, pourvoi no 99-16.752, arrêt no 125 F-P + B, inédit. Dans un sens comparable, CA Versailles, 4 juill. 1997, arrêt no 566, Mme Hasle clOPHLM de Dreux, inédit : « le fait pour un créancier-bailleur, de consentir à un plan (de redressement) n'implique pas sa renonciation à se prévaloir d'une décision de justice ordonnant l'expulsion; ( ... ) qu'en effet, le sursis à l'exécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion ne peut être accordé que dans le cadre des dispositions des articles L. 613-1 et suivants du Code la construction».

 

 

Demande préventive. Une demande de suspension suppose-t-elle des procédures d'exécution déjà engagées ou peut-elle être ordonnée à titre préventif ? À cette question s'ajoute celle de l'effet relatif ou absolu de la suspension prononcée : à savoir vise-t-elle les seules voies d'exécution mentionnées dans la demande ou s'étend-elle à l'ensemble des mesures d'exécution intentées contre le débiteur, même celles qui n'ont pas été portées à la connaissance du juge?

 

Ces deux aspects intimement liés posent en réalité un choix de politique juridique : il s'agit finalement de savoir si l'on veut une suspension systématique et générale des poursuites à l'exemple des procédures du droit commercial pour renforcer le caractère collectif de la procédure de surendettement ou si l'on ne doit paralyser les droits des créanciers que dans la seule mesure où leur comportement serait de nature à compromettre l'élaboration d'un plan de règlement. Soulignant que le législateur n'a pas entendu priver systématiquement les créanciers de leurs moyens d'action, la jurisprudence s'est très nettement orientée vers une conception restrictive de la suspension, limitée aux seules mesures déjà engagées et expressément énoncées dans la demande'.

 

La décision du juge

 

 Cas général

 

Compétence et pouvoirs du juge. C'est le juge de l'exécution qui est compétent pour suspendre les procédures d'exécution diligentées à l'encontre du débiteur (sous réserve du cas particulier, étudié plus loin, de la suspension d'une adjudication). Une fois régulièrement saisi, le juge n'est pas tenu de faire droit automatiquement à la demande de la commission ou de ceux habilités à le saisir en cas d'urgence (le président de la commission, son délégué, le directeur de la Banque de France ou bien encore le débiteur). En outre, et très logiquement, le bénéfice de la suspension est subordonné au bénéfice de la procédure'. Il appartiendra au juge d'apprécier si la « situation du débiteur exige » de suspendre les procédures d'exécution engagées contre lui. C'est encore le juge qui choisit, parmi les procédures d'exécution, celles auxquelles s'appliqueront les mesures de suspension. Aussi bien, évidemment, peut-il - comme par le passé - refuser d'en prononcer aucune. Il peut même faire droit en partie seulement à la demande de suspension en refusant de surseoir à certaines mesures n'ayant qu'un caractère conservatoire ou qui ne sont pas de nature à compromettre l'élaboration d'un plan de redressement (saisie-arrêt sur les rémunérations du travail par exemple). On le voit, la suspension des poursuites n'a aucun caractère collectif.

 

 

 

1.Ainsi, sur le droit pour le créancier, en l'absence de textes l'interdisant, de saisir le juge du fond, pendant le cours de la procédure de surendettement, à l'effet d'obtenir un titre exécutoire dont l'exécution sera différée pendant la durée du plan: Cass. 11, civ., 7 janv. 1997, Bull. civ. I, no 10. Dans le même sens, CA Versailles, 31 mars 2000, Bull. inf. C. cass., 15 janv. 2001, no 78.

 

2.Chambéry, référé, 25 oct. 1994, Bull. inf. C. cass., 15 janv. 1995, p. 29, no 66.

 

 

Nature de la décision. La décision du juge s'analyse comme une ordonnance sur requête, exécutoire de plein droit et à titre provisoire (telle était la définition qu'en donnait l'ancien décret du 21 févr. 1990, art. 20 sur laquelle ni le décret du 9 mai 1995 ni celui du le, février 1999 ne semblent revenir). D'ailleurs, la circulaire de la Chancellerie du 9 mai 1995 précise que l'ordonnance doit être portée par les soins du greffier sur le registre des ordonnances sur requêtes (Circ. min. préc., p. 10, § 2.3.2.2 et annexe, p. 3, § 2.2).

 

Absence de contradictoire. Lorsqu'il statue, le juge n'est tenu d'entendre ni le débiteur ni les créanciers poursuivants. Les textes, en effet, ne précisent pas qu'il doit demander ou recueillir les observations des parties. À ce stade de la procédure, l'économie d'un véritable débat contradictoire se justifie par l'urgence qu'il y a à empêcher l'aboutissement de la procédure d'exécution en cours.

 

Notification aux créanciers. L'ordonnance du juge qui suspend une ou plusieurs des procédures d'exécution est notifiée par le secrétariat-greffe aux créanciers poursuivants par lettre recommandée avec accusé de réception postal (C. consom., art. R. 331-15). Par ailleurs, une copie de cette décision et de celle qui statue sur la demande en rétractation (v. infra no, 24.35 et 24.36) est adressée par les soins du greffe, par lettre simple cette fois, à la commission de surendettement, à charge pour cette dernière d'en informer le débiteur (C. consom., art. R. 331-15 al. 3) et lorsqu'il est à l'origine de la demande, le président de la commission ou son délégué.

 

Notification aux huissiers. Les agents chargés de l'exécution sont également avisés dans les mêmes formes que pour les créanciers poursuivants, de la suspension des voies d'exécution décidée par le juge. Ces agents sont principalement les huissiers de justice (saisie-exécution, saisie immobilière) mais peuvent être également l'employeur du débiteur dans le cadre d'une saisie des rémunérations du travail. De même, pour les procédures d'exécution fiscales ou parafiscales, la notification ne sera pas adressée directement à l'huissier de justice ou à l'agent de l'administration habilité à exercer les poursuites mais au comptable poursuivant, à charge pour lui d'en aviser son agent d'exécution (Circ. Chancellerie, p. 6, § 2.1.2) 1.

 

Délais. L'article L. 331-5 du Code de la consommation prévoit que la suspension est acquise sans pouvoir excéder un an 2 jusqu'à l'approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 du même code, ou, en cas d'échec de la conciliation, jusqu'à l'expiration du délai de 15 jours dont dispose le débiteur pour demander à la commission de formuler des recommandations en application des articles L. 331-7 et L. 331-7-1 (al. 1, relatif au moratoire). En cas de demande formulée dans ce délai, la suspension est acquise jusqu'à ce que le juge ait conféré force exécutoire aux mesures recommandées, en application de l'article L. 332-1 ou, s'il a été saisi en application de l'article L. 332-2, jusqu'à ce qu'il ait statué (L. 29 juill. 1998, art. 9111, complétant art. L. 331-5 préc.).

 

On indiquera pour mémoire que dans l'ancien dispositif, issu de la loi du 31 déc. 1989, la suspension des procédures d'exécution avait une durée limitée à trois mois pour le règlement amiable, non renouvelable. Particulièrement bref, d'autant qu'il courait rétroactivement depuis la date de la saisine, le délai de l'article 11 était à juste titre critiqué. Le juge était souvent saisi par la commission alors que le délai de 3 mois était quasiment - voire totalement - expiré et le débiteur n'avait d'autre choix que de solliciter l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire civil et, dans le même temps, la suspension provisoire des poursuites avec l'obligation pour le juge de convoquer en urgence l'ensemble des parties. En outre, si le juge prononçait alors une telle suspension, ce ne pouvait être que pour une durée de deux mois renouvelable une fois (C. consom., art. L. 332-3, al. 11, anc.). Compte tenu de l'encombrement du rôle des tribunaux et d'un audiencement en conséquence de plus en plus tardif des dossiers aux fins d'établissement des mesures de redressement, la brièveté de l'ancien article L. 332-3, al. 1er aboutissait trop souvent à faire de la suspension provisoire des procédures d'exécution une mesure sans réelle efficacité.

 

 

1.V. sur ce point, Lagriffoul et 'Manguin, « Les rapports entre les commissions départementales d'examen des situations de surendettement des particuliers et les tribunaux d'instance », Gaz. Pal. 1990, 1, doctr. 324.

 

2.Sur l'impossibilité de limiter a priori la suspension des poursuites à une durée de 6 mois, v. TGI Toulouse, ch. des criées, 19 mars 1998, Mlle Labarre c1banque Woolwich, jugement no 1/19/98, inédit.

 

 

Voies de recours. Comme sous l'empire du régime antérieur, la décision du juge qui suspend une ou plusieurs procédures d'exécution diligentées contre le débiteur n'est pas susceptible d'appel. La décision du juge étant rendue en dernier ressort, se pose la question de l'ouverture du recours en cassation. À défaut de disposition spéciale de la loi, la décision ne peut pas faire l'objet d'un pourvoi en cassation. En effet, elle ne met pas fin à l'instance et a seulement pour objet de statuer sur un incident de la procédure conventionnelle de redressement, sans trancher une partie du principal, si bien que le pourvoi formé contre cette décision est irrecevable'. En d'autres termes, le pourvoi en cassation ne peut être formé indépendamment du jugement sur le fond.

 

Rétractation. Selon l'article R. 331-15 du Code de la consommation, la notification de la suspension des poursuites indique que la décision judiciaire peut faire l'objet de la part des créanciers poursuivants d'une demande en rétractation formée par déclaration signée de son auteur et remise ou adressée au secrétariat-greffe du tribunal à laquelle est jointe une copie de l'ordonnance.

 

Notification. L'ordonnance qui rétracte la décision de suspension - qui est, elle aussi, insusceptible d'appel (C. consom., art. R. 331-15, al. 5), qu'elle fasse droit ou non à cette demande - est notifiée au créancier requérant et aux agents de l'exécution (v. supra n', 24.32) par lettre simple et l'ordonnance qui rejette la demande en rétractation par lettre recommandée avec accusé de réception postal. Dans tous les cas, une copie de la décision est adressée par lettre simple à la commission qui en informe le débiteur.

 

Il convient de noter que, curieusement, le décret. du 9 mai 1995 n'a fixé aucun délai pour que les créanciers poursuivants forment cette demande en rétractation. On peut le regretter aussi bien pour l'organisation du travail du juge de l'exécution que pour la loyauté des négociations menées par la commission : il ne faudrait pas, en effet, que plane sur celles-ci l'ombre de pareils recours.

 

Ordonnance de refus. La question de savoir si un recours peut être intenté à l'égard d'une ordonnance refusant de suspendre les voies d'exécution reste débattue. Certaines juridictions semblent l'avoir admis, considérant qu'en l'absence de texte spécial concernant les ordonnances de refus, il y a lieu d'appliquer l'article 496 du Code de procédure civile qui prévoit la voie de l'appel au cas où il n'est pas fait droit à la requête'; cette interprétation n'est toutefois pas partagée en doctrine.

 

 

1. Cass. 1" civ., 21 janv. 1992, Bull. civ. I, n, 23.

2. Cass. 1- civ., 23 juin 1998, n, 1216 P.

 

Effets de la suspension. Une fois notifiée aux parties, l'ordonnance rendue par le juge emporte un certain nombre de conséquences :

 

Sur les créanciers tout d'abord. Les créanciers poursuivants ont l'obligation de surseoir à toute poursuite pendant un laps de temps variable qui peut aller jusqu'à un an à compter de la saisine de la commission (délai imparti à celleci pour traiter un dossier) voire davantage dans deux hypothèses bien particulières (C. consom., art. L. 3 31-5, al. 2). Au surplus, la suspension interdit désormais « la prise de toute garantie ou sûreté» (C. consom., art. L. 331-5, al. 4).

 

Sur le débiteur ensuite. S'agissant du débiteur, l'article L. 331-5 du C. de la consommation précise que, sauf autorisation du juge, la décision qui prononce la suspension provisoire des procédures d'exécution interdit au débiteur de :

 

- faire tout acte qui aggraverait son insolvabilité (il lui est interdit de contracter de nouveaux crédits par exemple);

 

- de payer, en tout ou partie, une créance autre qu'alimentaire née antérieurement à cette décision;

 

- de désintéresser les cautions qui seraient elles-mêmes amenées à acquitter des créances nées antérieurement;

 

- de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale de son patrimoine (le débiteur ne peut pas, notamment, aliéner un bien dans la perspective de se procurer des ressources complémentaires)';

 

- d'accorder des garanties ou des sûretés réelles ou personnelles.

 

Il s'agit, en vérité, d'une formule calquée sur l'article 36 alinéa 7 de la loi du le, mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des entreprises.

 

Sur les cautions enfin. Les textes ne précisent pas si le juge peut suspendre les poursuites diligentées, cette fois-ci, contre les personnes qui se sont engagées en qualité de caution du débiteur. L'article L. 331-5 du Code de la consommation parle de «Procédure d'exécution ( ... ) diligentées contre le débiteur » si bien que l'on peut en déduire que les poursuites engagées à l'encontre de la caution ne peuvent être suspendues par le juge comme c'est d'ailleurs le cas en matière de procédures collectives relatives aux entreprises en difficulté où la suspension des poursuites dirigées contre le débiteur en état de redressement judiciaire n'empêche pas un créancier d'agir éventuellement contre la caution simple 4 ou solidaire'.

 

Époux communs en biens. Quelle est la portée d'une suspension des procédures d'exécution lorsque celle-ci ne bénéficie qu'à un époux commun en biens?

 

1. CA Rouen, 30 mai 1990, Comptoir des Entrepreneurs cID., aff. no 1243/90, inédit. 2. J.-L. Vallens, ALD 1990, 87, no 89.

3. il semble a contrario possible d'arbitrer un portefeuille de valeurs mobilières si les circonstances économiques l'imposent : en ce sens, P. Bouteiller,J.-CI. Surendettement 1995 (11) no 49.

4. Cass. com., 27 mars 1990, JCP 1990, IV, 204.

5. Cass. com., 30 juin 1987, Banque, 1987.1207, obs. Rives-Lange; D. 1987, somm. p. 450, obs.L. Aynès, Rev, proc, coll. 1988, p. 8, note Delebecque; v. aussi, G. Ripert et R. Roblot, Traité élémentaire de droit commercial, t. 2, 11, éd., LGDJ, no 2975, p. 849.

 

Le créancier peut-il poursuivre une procédure à l'encontre du conjoint non demandeur d'une procédure de traitement du surendettement ? À ces questions, la jurisprudence a répondu que l'autorisation donnée au créancier du conjoint de poursuivre la procédure ruinerait les effets des dispositions légales relatives au surendettement. Cette décision peut paraitre contestable au regard des textes, toutefois, il convient de souligner, à titre de comparaison, qu'en matière de procédures collectives régies par la loi du 25 janvier 1985, la Cour de cassation a décidé que les créanciers du conjoint commun en biens soumis à une procédure de redressement judiciaire n'avaient pas la possibilité d'exercer des poursuites sur les biens communs tant que les créanciers du débiteur ne pouvaient eux-mêmes agir.

 

Cas particulier des saisies immobilières

 

Compétences. L'article L. 331-5 du Code de la consommation dispose que le juge peut suspendre les voies d'exécution engagées contre le débiteur. La question se pose alors de savoir si le juge du surendettement a une compétence pleine et entière. En vérité, en matière de suspension d'une procédure de saisie immobilière, il existe une compétence partagée entre le juge de l'exécution et le juge de la saisie immobilière (autre formation spécialisée du tribunal de grande instance). La clé de répartition dépend du stade auquel se trouve la procédure. En effet, la loi no 98-46 du 23 janvier 19983 renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière (compl. l'art. L. 331-5), précise en effet que, postérieurement à la publication d'un commandement aux fins de saisie immobilière, le juge de la saisie immobilière est seul compétent pour prononcer la suspension de cette procédure (art. 5). La demande de suspension doit donc être adressée par la commission, au nom du débiteur, directement au juge de la saisie.

 

Date de l'adjudication. En d'autres termes, le juge du surendettement n'est pleinement compétent pour ordonner la suspension d'une procédure de saisie immobilière qu'à la condition de statuer avant la fixation de la date de l'adjudication. Notons que la Cour de cassation ajoute une seconde condition, celle d'avoir été saisie avant la date de publication du commandement de saisie'. Si ledit magistrat n'a pas statué dans la période incluse entre ces deux dates, le sursis à exécution des poursuites prononcées par le juge de l'exécution sera considéré comme dépourvu d'effet par le juge de la saisie immobilière. Il en résulte concrètement que le juge du surendettement doit préciser, dans son ordonnance de suspension de la saisie ou dans celle statuant sur la demande de rétractation de l'ordonnance de suspension, la date à laquelle le commandement a été publié ainsi que celle fixée pour l'adjudication, afin de rendre celle-ci valide.

 

1. TGI Lure, 18 oct. 1991, D. 1992, IR p. 64.

2. Cass. ass. plén., 23 déc. 1994, Quot. Jur. 1995, no 11, p. 6, cité par P. Bouteiller, J.-Cl. Surendettement 1995 (11), no 48.3. JO 24 janv. 1998; JCP éd. E 1998, no 6, p. 235. Pour un panorama complet, v. Ch.-H. Gallet,

« Les limites du pouvoir du juge de l'exécution en cas de saisie immobilière et desurendettement », JCP éd. N, no 49, 4 déc. 1998; H. Croze et T. Moussa, « La loi no 98-46 du 23 janv. 1998 renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière », JCP ëd. N, no 49, 4 déc. 1998.

4. Cass. 21 civ., 11 mars 1998, D. Affaires, 1998, p. 669; 21 civ., 8 avr. 1998, Robert clMidIand Bank, D. 1999, somm. p. 205, note P.-L. Chatain et F. Ferrière.

5. Cass. 21 civ., 8 avr. 1998, Banque La Hénin &Langlois, D.1999, somm. p. 205, obs. P.-L. Chatain et F. Ferrière.

 

Cette question de la compétence du juge du surendettement en matière de suspension de saisie immobilière a donné lieu, en pratique, à de redoutables difficultés et donc à des solutions jurisprudentielles divergentes, en raison de l'existence d'un conflit de lois entre, d'une part, l'art. 703 C. pr. civ. (anc.) qui donne compétence exclusive au tribunal de grande instance pour connaître les incidents de saisie immobilière, et l'article L. 331-5 C. consom. qui donne compétence au juge de l'exécution pour, à la demande de la commission, prononcer indistinctement la suspension des procédures d'exécution diligentées contre le débiteur 2.

 

- Des juridictions avaient ainsi considéré que si, selon l'article 703 du Code de procédure civile, le tribunal de grande instance, statuant en audience des saisies immobilières, est-bien seul compétent pour connaître des incidents de saisie et accorder au débiteur un délai de grâce lorsque la date de l'adjudication a été fixée, l'article L. 331-5 qui ne distingue pas entre les différentes procédures d'exécution, est issu de dispositions spéciales qui dérogent aux règles générales régissant la procédure de saisie immobilière'. Dès lors, comme l'article L. 3 31- 5 susvisé ne distingue aucunement la saisie immobilière des autres procédures d'exécution, le juge du surendettement est bien compétent pour surseoir à l'adjudication, même après la fixation de la date de cette dernière4.

 

Bien avant la loi du 23 janvier 1998 et ses arrêts d'avril 19981, la Cour de cassation avait opportunément fixé quelques principes directeurs. La haute juridiction avait en effet estimé « d'une part, que le juge de l'exécution ne peut être valablement saisi d'une demande de délai et de suspension de la procédure d'exécution qu'avant la publication du commandement à fin de saisie immobilière, toute demande incidente à la saisie immobilière formée postérieurement à cette publication ressortissant exclusivement du juge de la saisie (le tribunal de grande instance); d'autre part, qu'aucun sursis ne peut être accordé sur le fondement du droit commun après la fixation de la date d'adjudication qui résulte de la délivrance de la sommation de prendre communication du cahier des charges, quand bien même le juge de l'exécution aurait été saisi antérieurement à la publication du commandement ».6

 

Cette discussion est de toute manière définitivement close depuis les éclaircissements apportés par la loi du 23 janvier 1998 précitée.

 

Information du saisi. La publication du commandement devant du reste intervenir dans un délai fixé au maximum à quatre vingt dix jours (C. pr. civ. (anc.), art. 674) suivant la délivrance du commandement de payer valant procès-verbal de saisie, il est rare qu'un débiteur soit suffisamment informé pour réagir en temps utile 7 .

 

 

 

1.Ch.-H. Gallet, op. cit., commentaire de l'arrêt Cass. 21 civ., 11 mars 1998, Banque La Hénin clEpx Delmas, Juris-Data, no 001074.

2.V. sur cette question, B. Bouloc et P.-L. Chatain, note sous TI Quimper, 7 juin 1990 et TGI Lyon, 14 juin 1990, D. 1991, somm. p. 55.; P.-L. Chatain et F. Ferrière, note sous Grenoble, 21 juin 1995, D. 1996, somm. p. 79. JEX Versailles, 16 janv. 1996, Gaz. Pal. 1996, 2, somm. p. 359.

3.En ce sens, TI Bordeaux, ord. 2 janv. 1996, aff. Dubief (inédit); TI Rennes, ord. 9 janv. 1996, aff. Le Rallec et Hardy, (inédit).

4. CA Grenoble, 21 juin 1995, Banque La Hénin clRouvières et a., inédit.

5. Cass. avis, 5 mai 1995 : Bull. inf. C. cass., 15 juin 1995 et Bull. inf, C. cass. 15 déc. 1997, p. 26.

6. Cass. 21 civ., 8 avr. 1998, Crédit Immobilier de Bretagne clLe Rallec et Hardy, cassation TI Rennes, 9 janv. 1996, pourvoi no Y 96-04. 062; 8 avr. 1998, Midland Bank clRobert, cassation Bordeaux, 51 ch., 8 déc. 1994, pourvoi no X 95-04.034, 8 avr. 1998, Sté Lorraine de Crédit Immobi'lier clHirschy, cassation TI Nancy, 15 févr. 1996, pourvoi no R 96-04.078; 8 avr. 1998, Banque La Hénin clEpx Langlois, cassation TI Bernay, 29 juin 1995, pourvoi no T 95-04.145 : pour une étude détaillée, v. Ch.-H. Gallet, « Les limites du pouvoir du juge de l'exécution en cas de saisie immobilière et de surendettement », JCP éd. N, no 49, 4 déc. 1998.

7.Sur cette question, v. MM. J.-J. Hyest et P. Loridant, Surendettement, prévenir et guérir, rapport du Sénat, no 60, 1997-1998, p. 58.

 

Aussi, la loi du 23 janvier 1998 précitée complétant l'article 673 du Code de procédure civile (anc). précise que le commandement doit comprendre notamment, à peine de nullité, l'indication que le débiteur en situation de surendettement a la faculté de saisir la commission de surendettement des particuliers. L'acte d'huissier susvisé devra en outre avertir le débiteur saisi qu'il pourra bénéficier de l'aide juridictionnelle', sous réserve que ses conditions de ressources répondent aux exigences posées par la loi no 91-647 du 9 juillet 1991.

 

Intervention de la commission. La loi précitée ajoute à l'article L. 331-5 du Code de la consommation une disposition selon laquelle lorsqu'en cas de saisie immobilière la date d'adjudication a été fixée, la commission de surendettement peut, pour des causes graves et dûment justifiées, saisir le juge aux fins de remise de la vente de l'immeuble, dans les, conditions et selon la procédure prévues par l'article 703 du Code de procédure civile ancien. À cet égard, la saisine du juge se fera au moyen de la lettre simple prévue à l'article 16 du décret no 95-660 du 9 mai 1995 relatif à la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers. En outre, la commission de surendettement, qui n'est pas partie au sens de l'article 751 NCPC, n'est pas soumise à l'obligation de constituer avocat devant le tribunal de grande instance'. Ainsi, la demande de remise de la vente peut être déposée ou adressée au greffe du juge de la saisie immobilière sans formalisme particulier, avant la fixation de la date de l'audience éventuelle. Il est également rappelé que le juge ne peut ordonner la remise de la vente que pour «causes graves et dûment justifiées » 1 (en ce sens, v. dépêche du Garde des Sceaux aux présidents des juridictions, 5 mars 1998 4).

 

Notification. Le jugement statuant sur la remise de l'adjudication est notifié par LRAR par le secrétariat-greffe du tribunal de grande instance à la commission, au débiteur ainsi qu'aux créanciers poursuivants (C. consom., art. R. 331-15, al. dern.). La notification indique que ce jugement n'est susceptible ni d'appel ni d'opposition'.

 

Durée de la remise de l'adjudication. L'article 703 du Code de procédure civile (anc.) fixait initialement à soixante jours la durée de la remise, ce qui apparaissait très insuffisant pour rechercher une solution et finaliser une négociation susceptible d'éviter la vente forcée'. Cette durée a été portée à quatre mois par l'article 106 de la loi du 23 janvier 1998 susvisée. Cette modification est d'autant plus heureuse que depuis la loi du 23 janvier susvisée, la demande de remise de l'adjudication peut être formée non seulement par la partie saisie, le poursuivant ou l'un des créanciers inscrits, mais aussi, comme indiqué supra no 24.47, par la commission de surendettement. Or l'intervention de cette dernière n'a de sens que si elle peut disposer d'un délai relativement long pour mener à bien la procédure de surendettement et éviter, le cas échéant, la vente forcée du bien saisi.

 

 

1. V. décret d'application no 91-1266 du 19 déc. 1991.

2. TGI Meaux, 28 mai 1998, Épx Aholou clComptoir des Entrepreneurs, D. 1999, somm. p. 210, note P.-L. Chatain et F. Ferrière. V. aussi, H. Croze et T. Moussa, « Les modifications apportées à la saisie immobilière par la loi du 29 juill. 1998 relative à la lutte contre les exclusions »,JCP, no 45-46, 4 nov. 1998, § 2.

 

3. Sur la qualification de cause grave et dûment jusitifiée, v. TGI Paris, 28 janv. 1999, M. H. et commission de surendettement de Paris clUCP, Petites Affiches, no 165, 19 août 1999, note Ch.-H. Gallet.

4. Dépêche du Garde des Sceaux aux présidents des juridictions, 5 mars 1998, Ministère de la justice, Direction des affaires civiles et du sceau, Bur. C3, IDM/MH.

5. Cass. 21 civ., 4 févr. 1999, Èpx Duhamel clBanque Sovac immobilier, Petites Affiches, no 169, 25 août 1999, note Ch.-H. Gallet.

6. De nouveaux délais ne pouvaient être accordés que pour une cause de force majeure.

 

Coût d'un report d'adjudication. il convient de garder à l'esprit que les remises d'adjudications présentent de graves inconvénients, souvent pour le débiteur, puisque les intérêts de retard continuent de courir et que chaque report 'rend nécessaire une nouvelle publicité, entraînant ainsi des frais supplémentaires (de l'ordre de 2 286 à 3 048 euros, soit 15 000 à 20 000 francs à Paris pour un immeuble mis à, prix à 150 000 euros, soit 1 000 000 francs).

 

Mise à prix. Si la vente du bien devient inévitable, le débiteur a aujourd'hui les moyens de préserver ses intérêts. En effet, la loi du 23 janvier 1998 ne fait pas seulement que préciser la répartition des compétences entre le juge du surendettement et le juge de la saisie immobilière; elle ouvre également au débiteur le droit de contester la mise à prix. Il est fréquent, surtout en cas de surendettement, que le prix établi par le poursuivant soit, en effet, fixé à un montant permettant à ce dernier d'escompter le remboursement intégral de sa dette. En conséquence, la mise à prix sur laquelle s'engagent les enchères peut être très inférieure à la valeur réelle du bien en cause. Pour remédier à cela, la loi de 1998 précitée permet de contester le montant de la mise à prix « pour cause d'insuffisance manifeste ». Dans ce cas, le juge fixe la mise à prix en tenant compte de la valeur vénale du bien saisi après, selon toute vraisemblance, avoir consulté les professionnels de l'immobilier'.

 

Si le montant de la mise à prix fixé par le poursuivant est augmenté par le juge et s'il n'y a pas d'enchère, la loi n'envisage pas de déclarer le poursuivant adjudicataire mais prévoit une remise en vente « sur baisses successives du prix fixées par le juge, le cas échéant, jusqu'au montant de la mise à prix initiale ».

 

Organismes exclus du droit commun de la procédure de saisie immobilière. Afin de les affranchir des lourdeurs et de la longueur inhérentes aux procédures habituelles de saisie, certains organismes de crédit accordant des prêts à des conditions avantageuses bénéficient de dispositions dérogatoires au droit commun. Tel est le cas, par exemple, des saisies pratiquées par le Comptoir des Entrepreneurs qui sont réglementées par le décret-loi du 24 mai 19384. Font également l'objet de dispositions particulières, les saisies diligentées par les Caisses régionales de Crédit Agricole et les Caisses de Crédit Agricole Mutuel (C. rur., art. 745) et par certaines sociétés de crédit immobilier. Le Crédit Foncier de France, en revanche, ne bénéficie plus des privilèges accordés par le décret du 28 févr. 1852 et destinés à assurer le recouvrement rapide des prêts immobiliers qu'il avait consentis'. L'article 105 de la loi du 29 juillet 1998 supprime en effet l'avantage exorbitant du droit commun reconnu à cet établissement.

 

1.         H. Croze et T. Moussa, op. Cit.

2.         En ce sens, rép. min. no 33999, Q, AN, 6 mai 1996, p. 2491.

3.         D. Desurvire, « La loi du 23 janv. 1998 », Rev. huissiers, 1998, p. 519 et s.

4.         D.-L. 24 mai 1938, JO 25 mai 1938.

5.         Sur toutes ces questions, se reporter au Lamy immobilier, sect. II., « Les régimes particuliers de la saisie immobilière», p. 1385, no' 3530 et s.

 

 

Suspension d'une saisie immobilière pratiquée dans le cadre d'une procédure commerciale. Le juge de l'exécution peut-il suspendre une vente sur saisie immobilière décidée par un juge commissaire dans le cadre d'une procédure commerciale ouverte à l'encontre de l'un des deux époux commerçant et qui concerne l'immeuble d'habitation du couple? La réponse devrait, en principe, être négative.

 

Dans l'affaire examinée par la cour de Limoges', un particulier qui exerçait la profession d'électricien avait fait l'objet d'une procédure commerciale de redressement J . udiciaire, puis d'une liquidation judiciaire en vertu d'un jugement pris par le tribunal de grande instance de -Guérel statuant en matière commerciale. Saisi par l'épouse du commerçant, le juge, d'instance, avait ouvert au profit de celle-ci -un redressement judiciaire civil et suspendu pour une durée de deux mois les voies d'exécution et notamment la procédure de saisie immobilière diligentée par le liquidateur sur un immeuble appartenant aux intéressés et dont la vente avait été autorisée par une ordonnance du juge commissaire.

 

Le liquidateur qui avait interjeté appel de cette décision a pu obtenir satisfaction. En effet, la cour a jugé qu'aucune disposition des articles L. 332-1 (anc.) et s. C. consom. n'autorise le juge de l'exécution, saisi en application de l'article L. 3323 (anc.) dudit code, à suspendre l'exécution d'une décision du juge-commissaire relative à la réalisation de l'actif d'un débiteur relevant de la loi n' 85-98 sur le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises. Le fait que le conjoint du débiteur n'est pas commerçant et peut bénéficier de la législation sur le surendettement des particuliers d'une part, que l'immeuble en cause n'est pas à usage professionnel et qu'il entre dans le patrimoine commun des deux époux d'autre part, ne permet pas pour autant au juge de l'exécution d'entraver le déroulement d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

 

1.Commandement de saisie « allégé » ne comportant ni le pouvoir spécial de saisir ni la copie de la matrice du rôle de la contribution foncière et pouvant être publié malgré une saisie antérieure, inexistence d'audience éventuelle, possibilité de procéder à la vente dans des délais relativement courts.

 

2.CA Limoges, 28 juin 1994, MI Lombard c/Mme X., D. 1999, somm. p. 204, note P.-L. Chatain et F. Ferrière.