La simplification et la sécurisation du permis de construire à travers les réformes récentes du droit de l'urbanismeIsabelle Savarit-Bourgeois
Maître de conférences à l'Université de Poitiers
Membre de l'IDUCAC.
02 1. Le terme de « sécurité juridique » est un terme à la mode. Cette
notion est à l'origine des différents textes touchant récemment le
droit de l'urbanisme et qui ont été initiés par le rapport Pelletier
intitulé « pour une meilleure sécurité des autorisations d'urbanisme
[…] ». L'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005(1), et son décret
n° 2007-18 du 5 janvier 2007(2), véritable « monument », réécrivant
plus du tiers des articles réglementaires du Code de l'urbanisme sont
entrés en vigueur le 1er octobre 2007. Par ailleurs, le rapport public
du Conseil d'Etat en date de février 2006 relatif à la sécurité
juridique et la complexité du droit s'est intéressé aussi à cette
question essentielle, ainsi qu'un arrêt du Conseil d'Etat réuni en
Assemblée plénière affirmant la nécessité de prévoir des dispositions
transitoires quand des réformes sont mises en œuvre(3). On peut
également citer le décret du 31 juillet 2006(4) relatif aux règles de
caducité du permis de construire ne comportant qu'un seul article
visant à modifier l'article R. 421-32 afin que le délai de péremption
des autorisations soit suspendu en cas de recours. La sécurité
intéresse les bénéficiaires des autorisations, les personnes publiques
qui les délivrent lesquelles ne veulent pas que leurs actes fassent
l'objet de contentieux, et enfin les tiers, comme les voisins. Ces
derniers, ne souhaitant pas être dérangés par des constructions
irrégulières, doivent disposer de moyens d'action, et de la possibilité
d'exercer des recours contre le permis. La sécurité concerne ensuite
les autorisations, tel l'encadrement des conditions du retrait ou la
réduction des possibilités de recours de certaines associations afin de
limiter l'engorgement des juridictions. Elle vise enfin les
constructions elles-mêmes, qui bénéficient notamment désormais des
articles modifiés L. 111-12 du Code de l'urbanisme relatif à la
prescription administrative des constructions irrégulières, de
l'article L. 462-2 relatif à l'achèvement des constructions et L.
480-13 du même code concernant l'action en démolition.
Cette
étude se concentrera sur quelques aspects touchant directement la
question de la sécurité du permis de construire, laquelle a été
renforcée notablement par les réformes récentes. Trois points
principaux méritent de retenir l'attention du praticien de l'urbanisme.
La
sécurisation concerne d'abord certains aspects de la délivrance du
permis de construire (I), de l'achèvement des procédures (II) et du
contentieux du permis (III).
I. Sécurisation de la délivrance du permis de construire : la péremption du permis de construire (art. R. 421-32, al. 4)
Sur
la question de la péremption du permis de construire, la réforme
apporte une évolution réclamée de longue date par les acteurs du droit
de l'urbanisme (A). Conformément à une préconisation du rapport
Pelletier, le délai de validité du permis est suspendu en cas de
recours administratif ou judiciaire, ce qui constitue un progrès très
net pour la sécurité des autorisations d'urbanisme (B).
A. Péremption du permis de construire
2.
En matière de permis de construire, une double caducité est possible :
si le chantier ne commence pas dans les deux ans, ou si les travaux
sont interrompus pendant plus d'un an (art. R. 424-17 C. urb.). Dans
cette seconde hypothèse, le décret du 5 janvier 2007 ajoute une
nouvelle condition : cette interruption doit avoir lieu après le délai
de deux ans pour que le permis de construire soit caduc(5). Cette
notion a donné lieu à un abondant contentieux administratif et pénal.
On entend classiquement par l'expression « entreprendre des
constructions », des actes matériels d'exécution(6) d'une certaine
importance, comme la démolition d'un bâtiment ou des travaux de
terrassement et non l'accomplissement de formalités juridiques
(déclaration d'ouverture de chantier) ou de travaux de faible
importance (défrichage de parcelles, installation d'une baraque de
chantier). Les travaux ont un effet interruptif s'ils ont un caractère
substantiel. Cette appréciation relève des juges du fond dont
l'appréciation est souveraine(7). En second lieu, le permis de
construire est périmé lorsque passée cette date de deux ans les travaux
sont interrompus pendant un délai supérieur à un an. Dès lors que la
péremption est constatée par l'administration, le permis de construire
devient caduc. Les travaux, s'ils sont poursuivis, sont irréguliers.
B. Suspension de la péremption
3.
Le code prévoit toutefois des causes de suspension de la péremption en
cas de recours devant le juge administratif contre le permis ou contre
la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours
devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13.
Dans cette hypothèse, le délai de validité est suspendu jusqu'au
prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable (R. 424-19 C.
urb.). Cette disposition issue du décret du 31 juillet 2006 modifiant
les règles de caducité du permis de construire(8) constitue une mesure
très importante pour la sécurité des autorisations d'urbanisme évitant
à l'avenir de voir se reproduire des situations fâcheuses, dans
lesquelles l'opération immobilière était paralysée jusqu'à
l'intervention d'une décision définitive de la juridiction. Une telle
situation pouvait conduire à rendre caducs des permis pourtant légaux.
Cette nouvelle disposition limitera ainsi les recours infondés et leur
impact éventuel en évitant aux maîtres d'ouvrage de devoir recommencer
toute la procédure du permis de construire.
II. Sécurisation des procédures relatives à l'achèvement des travaux et au contrôle de leur conformité
Le
dispositif de déclaration et de certificat de conformité a pu avant la
réforme soulever de nombreux problèmes auxquels l'ordonnance du 8
décembre 2005 et le décret du 5 janvier 2007 ont tenté de remédier aux
articles R. 462-1 et suivants nouveaux (A). En matière de contrôle de
la conformité des travaux au permis, l'ordonnance et le décret
modifient en profondeur le régime juridique existant, dans le sens de
l'allègement des procédures et en créant « un véritable statut de
l'immeuble achevé »(9). Le titulaire du permis peut dorénavant demander
à l'administration une attestation écrite donnant acte de conformité et
conférant également date certaine à l'achèvement des travaux (B).
A. Ancien dispositif de la déclaration d'achèvement des travaux
4.
Il convient d'abord de rappeler que s'il décide de mettre en œuvre le
permis, le bénéficiaire doit le faire conformément au projet sur la
base duquel le permis a été délivré sous peine de commettre une
infraction pénale. Sous l'empire de l'ancien dispositif, dès qu'il
commençait les travaux, le titulaire du permis de construire devait
adresser au maire une déclaration d'ouverture du chantier. Pendant
toute la durée du chantier, l'administration lors de la visite de
récolement(10), et constatant des infractions, pouvait ordonner
l'interruption des travaux, cette interruption pouvant être également
ordonnée par le tribunal correctionnel. Le contrôle de la régularité
des travaux s'exerçait, enfin, à la suite de la déclaration
d'achèvement des travaux. Ainsi, dans les trente jours qui suivaient la
fin des travaux, une déclaration attestant cette fin, signée par le
bénéficiaire du permis, était adressée au maire, qui transmettait la
déclaration au service instructeur. Ce dernier accordait ou refusait le
certificat de conformité. Avec l'ancien dispositif, rappelons que trois
cas de figures pouvait se présenter :
– L'administration ne
répondait pas dans le délai de trois mois : le certificat était
tacitement accordé (art. R. 460-5) mais ce n'était pas automatique : le
bénéficiaire du permis devait avoir confirmé sa demande et n'avoir
toujours pas reçu de notification de la réponse un mois après cette
demande. Ce système supposait donc la vigilance du bénéficiaire du
permis.
– Le certificat était accordé de façon expresse (le
contrôle se limitant aux règles d'urbanisme et ne concernant pas celles
de la construction).
– Le certificat était refusé. L'acte devait
alors être motivé (non-respect de la destination de la construction,
dépassement des surfaces). De plus, le constructeur devait être avisé
des sanctions encourues (art. R. 460-4).
5. Mais surtout, le
certificat de conformité n'étant pas publié, le recours des tiers
pouvait intervenir à tout moment, sans condition de délai. Il pouvait
donc être attaqué à tout moment et l'administration pouvait le retirer
à tout moment pour illégalité.
B. Le nouveau dispositif de l'article L. 462-2 du Code de l'urbanisme
6.
Le décret de 2007 prévoit que le titulaire du permis est tenu de
déposer en mairie une déclaration d'achèvement des travaux comportant
un engagement de respect du permis. Le système antérieur a été renversé
puiqu'il appartient désormais au constructeur ou à l'architecte de
déposer une déclaration qui atteste de l'achèvement des travaux ou de
leur conformité, ce qui responsabilise davantage le bénéficiaire de
l'autorisation. Le certificat d'achèvement des travaux disparaît donc
au profit d'une sorte de présomption de conformité au terme d'un délai
de trois mois, à charge pour l'administration de vérifier la véracité
de ladite déclaration. De la sorte, l'article L. 462-2 du Code de
l'urbanisme prévoit que passé le délai, fixé à trois mois, dont dispose
l'administration pour contester cette conformité, elle ne peut plus la
contester.
Le délai est porté à cinq mois lorsque le récolement des
travaux est rendu obligatoire dans certaines hypothèses (11).
L'administration est ainsi dessaisie sans obérer toutefois les actions
civiles et pénales. Si l'administration relève que les travaux ne sont
pas conformes, elle peut mettre en demeure le maître d'ouvrage de
déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité
avec l'autorisation accordée(12). Cette procédure permet de clore les
délais de recours contentieux devant le juge administratif.
III. La sécurisation du contentieux du permis de construire
La
preuve de l'affichage sur le terrain, qui incombe au bénéficiaire du
permis de construire, pose des problèmes difficiles, car il s'agit
d'établir une initiative privée.
Le décret du 5 janvier 2007 donne un
nouveau point de départ au délai de recours contentieux ouvert aux
tiers (A). En outre, il est parfois impossible d'apporter la preuve
d'un affichage régulier plusieurs années après la mise en œuvre du
permis de construire. Un compromis devait donc être trouvé par
l'autorité normative afin de protéger à la fois les droits des tiers et
ceux du bénéficiaire (B). Enfin, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi
d'engagement national pour le logement (ENL) du 13 juillet 2006, il
n'existait pas de prescription en matière d'urbanisme, ce qui ne
manquait pas de poser de délicats problèmes, dorénavant résolus (C).
A. Point de départ du délai de recours contre le permis de construire
1. Les nouvelles règles en matière d'affichage du permis de construire
7.
Désormais aux termes de l'article R. 600-2 : « Le délai de recours
contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une
déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de
démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une
période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces
mentionnées à l'article R. 424-15 ».
Le pétitionnaire doit afficher la
mention du permis sur le terrain, que la décision soit tacite ou
explicite.
L'article R. 600-2 simplifie le point de départ du délai de
recours, qui ne tient désormais plus compte de l'affichage en mairie,
mais seulement de celui effectué sur le terrain.
Cette disposition est
salutaire puisque, selon l'ancien dispositif, le bénéficiaire de
l'autorisation, s'il maîtrisait l'affichage sur le terrain, n'avait
aucune possibilité de faire respecter l'obligation d'affichage en
mairie(13). Si le décret du 5 janvier 2007 conserve bien l'obligation
du double affichage – l'affichage en mairie restant obligatoire et
devant être transcrit sur le registre municipal(14) -, il donne donc un
nouveau point de départ au délai de recours contentieux.
2. Preuve du principe de l'affichage
8.
Le juge administratif est amené à apprécier souverainement la qualité
des constats, témoignages et autres documents produits à propos d'un
affichage sur le terrain.
La preuve du principe de l'affichage est en
général produite par des constats d'huissier de justice.
Toutefois, un
exploit d'huissier de justice dressé postérieurement à l'expiration du
délai de recours ne prévaut pas sur des témoignages concordants
établissant que le permis a bien été affiché.
A défaut, ou en
complément des constats d'huissier de justice, des attestations de
témoignages pourront être produites. Ces attestations émaneront de
personnes privées, par exemple des voisins. L'affichage sur le terrain
doit être continu. La continuité est présumée lorsque deux constats
d'huissier de justice sont effectués, l'un au début, et l'autre à la
fin du délai. Toutefois, le preuve est souvent difficile à rapporter,
sa charge est généralement répartie entre le bénéficiaire du permis et
le requérant. Il appartient alors au juge de forger sa conviction à
partir des éléments fournis par chacune des parties(15).
3. Preuve du contenu de l'affichage
9.
La preuve du contenu de l'affichage incombe également au bénéficiaire
du permis de construire, et ce, par tout moyen(16). Toutefois, des
photographies assorties d'attestations ne suffisent pas à établir que
le panneau comportait toutes les mentions réglementaires. Deux
témoignages ne suffisent pas à établir que l'affiche ait contenu toutes
les mentions prévues. Le constat d'huissier de justice semble donc là
encore s'imposer(17). Sur le chantier, le constat est destiné à
vérifier la réalité des mentions qui doivent être indiquées sur un
panneau d'affichage, la dimension et la lisibilité des mentions qu'il
contient. Il existe une abondante jurisprudence du juge administratif
qui envisage au cas par cas, si l'erreur commise dans l'affichage a été
de nature à priver les tiers d'une bonne information.
Le juge
administratif exige un affichage complet et « visible de l'extérieur »,
c'est-à-dire, visible à partir de la voie publique, dès sa notification
et pendant toute la durée du chantier. Les conditions de la publicité
sont précisées à l'article A. 421-7 du Code de l'urbanisme qui précise
qu'elle doit être faite sur un panneau rectangulaire de plus de
quatre-vingt centimètres. Le panneau indique le nom ou la raison
sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature des
travaux et, s'il y a lieu, la superficie du terrain, la surface de
plancher autorisée, la hauteur de la construction et l'adresse de la
mairie où le dossier peut être consulté. Cet affichage mentionne
également l'obligation prévue à l'article R. 600-1 de notifier tout
recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la
décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur
déclaration préalable.
10. Ce dispositif simplifie et sécurise
l'autorisation d'occupation des sols car le pétitionnaire n'a plus à
requérir l'affichage en mairie et ne subira plus les éventuels blocages
de l'autorité compétente(18). En outre, même à défaut d'affichage, le
recours est irrecevable au terme d'un délai d'un an après achèvement
des travaux, un terme étant fixé à ce délai en vertu de l'article R.
600-3 nouveau du Code de l'urbanisme. Cette nouvelle disposition
renverse l'ancienne jurisprudence selon laquelle quand le bénéficiaire
du permis affichait mal, le délai ne commençait pas à courir.
Désormais, il convient seulement d'apporter la preuve de l'achèvement
des travaux et non les preuves de l'affichage. Il n'est plus nécessaire
de rechercher la preuve, difficile à rapporter des années plus tard, du
respect des formalités d'affichage d'un très ancien permis de
construire(19). Cette mesure sécurise donc l'acquéreur d'une
construction anciennement édifiée. La preuve de l'achèvement semble
plus aisée à rapporter que celle de l'affichage, puisqu'elle peut être
rapportée par tout moyen et en particulier par la production d'une
déclaration d'achèvement non contestée par l'autorité compétente.
B. La question de l'extinction des recours
11.
L'article R. 600-3 pose le principe selon lequel tout recours formé
après le délai d'un an après l'achèvement des travaux est irrecevable.
Les conséquences de cette disposition sont doubles : d'abord, est fixée
de façon forte une limite dans le temps à l'insécurité dont souffre une
autorisation qui n'a pas été régulièrement affichée. Les possibilités
de recours sont limitées dans le temps, dès lors que l'on peut
démontrer l'achèvement des travaux. Ensuite, on constate
l'anéantissement de la jurisprudence selon laquelle en cas d'annulation
du retrait d'un permis de construire, la réapparition de celui-ci
emportait un nouveau délai de recours. Le permis de construire doit
donc faire l'objet d'un nouvel affichage, faute de quoi ce délai ne
court pas et l'autorisation peut faire l'objet d'une contestation à
toute époque.
C. La prescription administrative
12. Le
problème est celui d'une construction illégale soit en raison de
l'absence d'autorisation, de la non-conformité des travaux avec cette
autorisation, ou de la réalisation des travaux alors que l'autorisation
est devenue caduque ou a été annulée. Le propriétaire d'une
construction souhaitant réaliser des modifications sur l'existant
sollicite à cette fin une autorisation, laquelle porte alors sur
l'ensemble de l'existant et non exclusivement sur les modifications
envisagées. Il est à craindre alors que les règles d'urbanisme en
vigueur ne permettent pas de délivrer cette autorisation. Quelle
solution appliquer alors ?
1. Le contexte de la réforme
13.
Avant la réforme de juillet 2006, il n'existait pas de prescription
administrative en droit de l'urbanisme. C'est pourquoi le Conseil
d'Etat avait affirmé l'exigence de présenter un dossier global de
demande d'autorisation pour pouvoir faire des modifications, et ce
quelque soit le temps écoulé depuis la construction initiale(20). Il
s'agissait d'une solution sévère mais visant à éviter les comportements
de détournement des règles. En effet, certains documents d'urbanisme et
la règle de constructibilité limitée autorisent les travaux sur
l'existant. Or, certaines personnes voulant contourner les règles
auraient pu alors construire illégalement puis demander une
autorisation pour effectuer des travaux sur cet existant. Certains
éléments plaidaient en faveur de l'instauration d'une prescription,
comme la comparaison avec le droit privé. En droit pénal d'abord, la
prescription en matière d'urbanisme est de trois ans ce qui signifie
que l'existant devient légal au bout de trois ans. En droit civil
ensuite, une prescription de dix ans existe par exemple pour les
lotisseurs.
2. La réforme
14. L'article L. 111-12 fixe le
délai de la prescription à dix ans. Toutefois il faut tenir compte des
exceptions. Celles-ci visent les cas où la construction est de nature à
mettre en danger la vie d'autrui, si une action en démolition a été
formée, si les constructions sont édifiées sur le domaine public ou si
les constructions sont réalisées sans permis de construire. Or, cette
dernière exception supprime en grande partie l'intérêt de la réforme,
laquelle visait principalement les constructions sans permis de
construire, ce qui implique que la jurisprudence « Thalamy »(21)
continue logiquement de s'appliquer. Le principal apport réside donc
dans l'hypothèse où des travaux ont été réalisés sans déclaration
préalable puisque dans ce cas, la prescription s'applique.
a. Cas d'une construction ne respectant pas le permis de construire
15.
L'exception ne visant expressément que les constructions réalisées
sans permis de construire, une partie de la doctrine considère qu'il y
a prescription. Le Professeur Hugues Périnet-Marquet opère une
distinction complexe dans sa mise en oeuvre. Si les travaux de
modification ne portent que sur une partie de la construction qui est
conforme au permis de construire, la prescription s'applique. Au
contraire si ces travaux sont envisagés sur une partie non conforme, la
prescription ne joue pas.
b. Cas où les travaux ont été réalisés sur la base d'un permis de construire qui a été annulé ou retiré
16.
L'annulation par le juge et le retrait sont des actes rétroactifs : le
permis annulé ou retiré est considéré n'avoir jamais existé. Faut-il
alors en déduire que la prescription n'est pas applicable ? Les
opinions des auteurs divergent sur ce point. On peut cependant rappeler
que l'article L. 111-3, qui prévoit la possibilité de reconstruire à
l'identique un bâtiment détruit par sinistre dès lors que ce bâtiment à
été régulièrement édifié, ne s'applique pas en cas de permis de
construire annulé ou retiré(22). Il reste à savoir si cette
jurisprudence est transposable en matière de prescription…
D. L'action en démolition et l'action en responsabilité contre le constructeur
17.
L'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, dispositif d'origine
prétorienne, fait entrer le juge civil dans la sphère du droit de
l'urbanisme. La juridiction civile a, en effet, ouvert très tôt son
prétoire aux voisins lésés par la violation des règles d'urbanisme.
Un
tiers qui s'estime lésé par une construction réalisée avec un permis de
construire peut saisir le juge civil d'une action en démolition.
Celui-ci surseoit alors à statuer et pose une question préjudicielle au
juge administratif qui se prononce sur la légalité de l'autorisation.
Il doit débouter le demandeur si le permis de construire est validé. Au
contraire, s'il y a corrélation entre le motif d'illégalité du permis
de construire et la source du dommage, le juge civil doit alors
prononcer la démolition.
Toute possibilité pour le juge civil – parce
qu'il n'est pas habilité à le faire – d'examiner la légalité de
l'autorisation est écartée. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la réforme,
cette action se prescrivait dans le délai de cinq ans dès l'achèvement
des travaux. Mais à l'usage, les effets pervers de cette disposition
sont apparus. L'ancien article suscitait de grosses craintes. La
démolition est ressentie comme un souffle atomique, et cette menace
avait une durée importante si l'on considérait le temps de la procédure
en plus du délai de prescription. Le dispositif de l'article L. 480-13
a donc été retouché récemment par la loi du 13 juillet 2006
d'engagement national pour le logement(23) afin d'éviter les écueils
procéduraux de la question préjudicielle. Le nouvel article L. 480-13
dissocie dorénavant selon que l'action est dirigée contre le
propriétaire ou contre le constructeur.
1. L'action en démolition contre le propriétaire (art. L. 480-13 a)
a. Conditions de fond
18.
Aux termes de l'article L. 480-13 a, le propriétaire ne peut être
condamné par le juge civil à démolir seulement si le permis de
construire a préalablement été annulé pour excès de pouvoir devant le
juge administratif. La condamnation à démolir est donc subordonnée à
l'annulation du permis de construire par les juridictions
administratives.
La voie de la déclaration d'illégalité donc de la
question préjudicielle est ici écartée. Si le délai de recours
contentieux est expiré, l'action en démolition n'est plus possible.
Rappelons que le nouvel article R. 600-2 modifie le point de départ du
délai de recours contre un permis de construire, l'affichage en mairie
n'étant plus une condition. De plus, le nouvel article R. 600-3 bloque
les actions en annulation formées plus d'un an après l'achèvement des
travaux. Cette disposition vise l'hypothèse où le permis de construire
n'a pas été affiché ou que la preuve de cet affichage ne peut pas être
apportée. Si le permis de construire a été obtenu par fraude, il peut
être retiré à tout moment. Enfin, le nouvel article L. 600-6 issu de la
loi ENL dispose que lorsqu'un déféré préfectoral aboutit à une
annulation, le préfet peut saisir le juge civil d'une action en
démolition quand le permis de construire n'est pas régularisable.
b. Condition de délai
19.
Le délai a été réduit à deux ans (au lieu de cinq) mais le point de
départ de ce délai est constitué par la décision du juge administratif
devenue définitive. Ce délai, même plus court, peut donc courir jusqu'à
une date bien plus tardive qu'avec le dispositif précédent dans
l'hypothèse où l'affaire irait jusque devant le Conseil d'Etat… Si le
permis de construire n'est pas attaqué dans le délai de deux mois, la
sécurité de son bénéficiaire est fortement accrue. Si au contraire le
permis de construire est contesté dans ce délai, le propriétaire est à
l'abri dès lors qu'une décision juridictionnelle rejetant le recours
est devenue irrévocable, définitive. Si le permis de construire est
annulé, le propriétaire devra attendre deux ans pour être sûr qu'une
action en démolition ne lui sera pas intentée.
2. L'action en dommages et intérêts contre le constructeur (art. L. 480-13 b)
Avec la réforme, le constructeur est également visé. Il s'agit du maître d'ouvrage, du promoteur.
a. Condition de fond
20.
Cette action en responsabilité du constructeur n'est pas subordonnée à
l'annulation préalable du permis de construire. L'action peut donc
prospérer aussi bien si cette annulation a eu lieu ou si le juge civil
pose une question préjudicielle au juge administratif. Pour les actions
en réparation pécuniaire, le constructeur ne pourra être condamné que
si le permis de construire a été annulé ou déclaré illégal par le juge
administratif.
b. Condition de délai
21. L'action doit être
engagée dans les deux ans suite à l'achèvement des travaux. Le
constructeur doit apporter la preuve de cet achèvement par tout moyen.
Si aucun recours n'est formé dans ce délai, le constructeur sait qu'il
est à l'abri. A titre transitoire, lorsque l'achèvement est intervenu
avant la publication de la loi du 13 juillet 2006, la prescription
antérieure continue à courir selon l'ancien délai de cinq ans.