LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
COMPÉTENCE ET POUVOIRS - RECOURS CONTRE SES DÉCISIONS

I - Compétence et pouvoirs

A - Sur la recevabilité de l'appel

Article 911 du nouveau code de procédure civile : "Le conseiller de la mise en état est compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel".

Cette disposition ne soulève pas de difficultés particulières. Elle appelle cependant deux remarques.

1. Le texte ne précise pas que le conseiller de la mise en état est seul compétent, à la différence de l'article 771 du nouveau code de procédure civile, concernant les pouvoirs conférés au magistrat de la mise en état en matière d'exceptions de procédure, d'incidents mettant fin à l'instance, de provisions et de mesures provisoires. Mais le "seul compétent" de l'article 771 a été écrit essentiellement pour opposer le juge de la mise en état du tribunal de grande instance au juge des référés (notamment pour les provisions).

La compétence du conseiller de la mise en état à l'égard de la recevabilité de l'appel est une compétence de plein exercice. Il doit l'exercer. Si une fin de non-recevoir a été soulevée devant lui, il ne peut pas renvoyer son examen devant la formation collégiale de la cour.

Mais s'il n'a pas exercé ses pouvoirs, la formation collégiale a naturellement compétence.

Cette règle subsiste même après l'entrée en vigueur du décret n° 2005-1678 complétant le deuxième alinéa de l'article 771 du nouveau code de procédure civile, dès lors que l'incident d'irrecevabilité d'appel n'est pas de ceux visés par ce texte, auquel renvoie l'article 910, alinéa premier, mais une fin de non-recevoir mentionnée par l'article 911 et qu'en outre, la cour d'appel doit, au besoin d'office, vérifier la recevabilité de l'appel.

2. Le conseiller de la mise en état peut-il d'office examiner la recevabilité de l'appel ?

Il le peut et il le doit, dans la mesure où la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel appartient aux fins de non-recevoir que la cour d'appel doit relever d'office. L'article 911 doit être lu en contemplation de l'article 125 du nouveau code de procédure civile. Le conseiller de la mise en état doit donc examiner, dans le respect du principe de la contradiction :

- la régularité de la saisine de la cour ;

- la tardiveté de l'appel (si du moins la preuve de cette tardiveté, par la production des actes de signification (ou de notification) du jugement, est au dossier) ;

- l'application éventuelle de l'article 528-1 du nouveau code de procédure civile, dans le cas où l'appel a été formé plus de deux ans après le prononcé du jugement par une partie ayant comparu en première instance, alors que le jugement n'a pas été notifié dans ce délai ;

- l'ouverture de l'appel : s'agit-il bien d'un jugement susceptible d'appel ? Si oui, d'un appel immédiat ?

- l'intérêt à faire appel, mais non l'intérêt à agir, s'agissant là d'une fin de non-recevoir à l'égard de laquelle le conseiller de la mise en état n'a aucune compétence.

B - Sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance

Avant la réforme réalisée par le décret du 28 décembre 1998, le juge de la mise en état n'était compétent qu'à l'égard des exceptions dilatoires et des nullités pour vice de forme. Le décret de 1998 lui a donné compétence (article 771 du nouveau code de procédure civile) pour statuer sur toutes les exceptions de procédure, c'est-à-dire les exceptions d'incompétence, les exceptions de litispendance et de connexité, les exceptions dilatoires (dont le sursis à statuer : Com., 28 juin 2005, Bull. 2005, IV, n° 146, pourvoi n° 03-13.112) et les exceptions de nullité (pour vice de forme ou irrégularité de fond).

Puis, le décret n° 2004-836 du 20 août 2004 a complété le deuxième alinéa de l'article 771 par les mots suivants : "et sur les incidents mettant fin à l'instance", avant que le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 ne vienne lui ajouter la phrase suivante : "les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement, à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés, postérieurement au dessaisissement du juge".

Le début de l'article 771 est ainsi rédigé désormais comme suit : "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour :

1. Statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge (...)".

Ce texte dans sa rédaction nouvelle est en vigueur depuis le 1er mars 2006. Il est applicable aux procédures en cours (article 87 du décret du 28 décembre 2005).

Plusieurs remarques peuvent à cet égard être formulées :

1. Il est d'abord important de souligner qu'en aucun cas le conseiller de la mise en état ne peut être considéré comme juge d'appel de la décision de première instance.

Par suite, le conseiller de la mise en état, dont les attributions ne concernent que les exceptions et les incidents relatifs à l'instance d'appel, n'est pas compétent pour statuer sur une exception de procédure relative à la première instance (avis de la Cour de cassation, 2 avril 2007, Bull. 2007, Avis, n° 4, p. 7).

On a vu des conseillers de la mise en état annuler le jugement frappé d'appel après avoir constaté l'irrégularité de la citation introductive d'instance. Il s'agit là d'un excès de pouvoir, car le conseiller de la mise en état n'est compétent que pour les seules exceptions de procédure relatives à l'instance d'appel.

Interrogée par un juge de la mise en état sur le point de savoir si les fins de non-recevoir constituaient des incidents au sens de l'article 771 du nouveau code de procédure civile, la Cour de cassation, dans son avis du 13 novembre 2006 (Bull. 2006, Avis, n° 10, p. 4), a répondu par la négative, en précisant que les incidents mettant fin à l'instance visés par le deuxième alinéa de l'article 771 du nouveau code de procédure civile étaient ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code.

On ajoutera que les exceptions de procédure également visées par l'article 771 du nouveau code de procédure civile sont celles mentionnées par l'article 73 du nouveau code de procédure civile et qui se distinguent des fins de non-recevoir mentionnées par l'article 122 du nouveau code de procédure civile.

Ainsi, le conseiller de la mise en état ne peut pas connaître des fins de non-recevoir. Toutefois, par exception, il est compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, par application de l'article 911 du nouveau code de procédure civile.

3. Qu'en est-il du caractère non avenu du jugement, prévu à l'article 478 du nouveau code de procédure civile, en cas d'absence de notification, dans les six mois de sa date, d'un jugement rendu par défaut ou réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel ?

La Cour de cassation considère l'incident tiré de l'article 478 du nouveau code de procédure civile comme une exception de procédure. Le conseiller de la mise en état a dès lors également compétence pour constater le caractère non avenu du jugement.

Le caractère non avenu du jugement appelle une précision importante : la partie défaillante en première instance ne peut pas interjeter appel d'un jugement qui ne lui a pas été notifié dans les six mois de sa date (ou qui ne lui a pas été notifié régulièrement), pour demander à la cour d'appel de constater, sur le fondement de l'article 478 du nouveau code de procédure civile, le caractère non avenu de ce jugement. En effet, l'appel d'un tel jugement emporte renonciation au bénéfice des dispositions protectrices de l'article 478 (2e Civ., 10 juillet 2003, Bull. 2003, II n° 245, pourvoi n° 99-15.914). La raison en est que l'appel est seulement une voie de réformation ou d'annulation.

Seul le juge de l'exécution est compétent pour connaître d'une telle demande (2e Civ., 11 octobre 1995, Bull. 1995, II, n° 233, pourvoi n° 93-14.326), formée soit préventivement pour se prémunir contre une procédure d'exécution, soit comme défense à une procédure d'exécution.

En revanche, la cour d'appel est compétente pour constater le caractère non avenu du jugement qui lui est déféré lorsque l'incident est soulevé en défense, par l'intimé.

4. Si les ordonnances du conseiller de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, il est toutefois fait exception à cette règle pour les ordonnances statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance (article 775 du nouveau code de procédure civile).

5. Les parties ne sont plus recevables à soulever les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance après le dessaisissement du conseiller de la mise en état, à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement, étant rappelé que le conseiller de la mise en état reste saisi non pas jusqu'à l'ordonnance de clôture, mais jusqu'à l'ouverture des débats ou jusqu'à la date fixée pour le dépôt des dossiers des avocats si celui-ci a été ordonné (article 779, alinéa 4, du nouveau code de procédure civile).

II - Voies de recours contre les décisions du conseiller de la mise en état

Rappel de l'article 914 du nouveau code de procédure civile :

"Article 914. - Les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond.

Toutefois, elles peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction, lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps, ou lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure ou un incident mettant fin à l'instance".

Il se déduit de ce texte que l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui déclare l'appel recevable n'est pas susceptible d'être déférée à la cour dès lors qu'elle ne met pas fin à l'instance (avis de la Cour de cassation du 2 avril 2007, Bull. 2007, Avis, n° 5, p. 7).

1. Le délai du déféré est de quinze jours à compter de la date de l'ordonnance.

La question s'est posée de savoir si les dispositions de l'article 450 du nouveau code de procédure civile sont applicables, de telle sorte que le délai ne pourrait courir que si les avoués ont été informés de la date du prononcé de l'ordonnance.

La Cour de cassation a répondu par la négative (2e Civ., 21 janvier 1998, Bull. 1998, II, n° 23, pourvoi n° 96-16.751). Le délai court à compter de la date de l'ordonnance.

2. Si le déféré était ouvert et qu'il n'a pas été exercé, la décision du conseiller de la mise en état ne peut plus être remise en cause (2e Civ., 21 avril 1983, Bull. 1983, II, n° 101, pourvoi n° 82-10.827), sauf fait nouveau lorsque l'ordonnance a trait à des mesures provisoires en matière de divorce (1re Civ., 4 octobre 2005, Bull. 2005, I, n° 355, pourvoi n° 04-12.735).

3. Si un déféré est exercé, la décision de la cour d'appel sur ce déféré a une autorité de chose jugée identique à celle attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état.

Il n'est plus possible de plaider une troisième fois devant la cour une exception de procédure ou un incident mettant fin à l'instance.

S'agissant de l'irrecevabilité de l'appel, il est clair que si le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel irrecevable et que cette irrecevabilité a été confirmée par la cour d'appel sur déféré, l'appel ne va pas plus loin, le pourvoi immédiat étant ouvert à l'encontre de l'arrêt confirmatif.

4. Dans les cas où le déféré n'est pas ouvert, la décision du conseiller de la mise en état n'ayant pas au principal l'autorité de la chose jugée, la recevabilité peut à nouveau être contestée devant la formation collégiale de la cour (2e Civ., 27 janvier 1988, Bull. 1988, II, n° 29, pourvoi n° 86-15.691 à propos d'un appel déclaré recevable par le conseiller de la mise en état ; 2e Civ., 7 décembre 2000, pourvoi n° 99-11.255).

Il en résulte qu'un pourvoi en cassation serait irrecevable contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état si la partie qui avait vu sa demande rejetée par le conseiller de la mise en état ne l'a pas présentée à nouveau devant la cour d'appel (2e Civ., 22 janvier 1997, pourvoi n° 93-15.805, à propos de la décision d'un conseiller de la mise en état qui avait rejeté une demande tendant à constater l'acquiescement d'un époux au jugement ayant prononcé le divorce).

Lorsque l'intimé ne reprend pas la fin de non-recevoir devant la cour d'appel, celle-ci n'est pas tenue d'examiner à nouveau la recevabilité de l'appel (2e Civ., 10 novembre 1998, Bull. 1998, II, n° 265, pourvoi n° 96-16.267).

Mais si, inversement, la cour d'appel décide d'office de le faire, de manière à déclarer irrecevable un appel que le conseiller de la mise en état avait déclaré recevable, l'appelant ne peut lui en faire grief car l'ordonnance du conseiller de la mise en état n'a pas, au principal, autorité de la chose jugée (Com., 31 mai 1994, pourvoi n° 92-10-727).

5. Le conseiller de la mise en état peut-il appartenir à la formation de jugement appelée à connaître du déféré ?

Si la Cour de cassation ne sanctionne pas un manquement à l'obligation d'impartialité dans l'hypothèse où le conseiller de la mise en état siège "dès lors que (la partie) avait la possibilité de récuser le conseiller de la mise en état par application de l'article 341-5° du nouveau code de procédure civile et qu'(elle) s'en est abstenue" (2e Civ., 6 mai 1999, Bull. 1999, II, n° 78, pourvoi n° 96-10.407), il reste que, pour prévenir toute difficulté, le conseiller de la mise en état doit s'abstenir en toutes circonstances de siéger sur le déféré.

6. Il peut arriver qu'il soit soutenu qu'en dehors des cas où l'article 914 du nouveau code de procédure civile ouvre la voie du déféré, le conseiller de la mise en état a pris une décision entachée d'un excès de pouvoir. Or on sait que l'excès de pouvoir est la clé qui ouvre un recours légalement fermé ou qui ne peut être exercé que d'une manière différée.

Quelle est la voie de recours alors ouverte ? Le pourvoi en cassation ou le déféré à la cour d'appel ? La Cour de cassation (2e Civ., 18 septembre 2003, Bull. 2003, II, n° 284, pourvoi n° 01-13.885) a jugé que la voie de recours est le déféré, si bien que le pourvoi en cassation contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état est irrecevable.