
Sur les modifications notables des facteurs locaux de commercialité et leur influence sur le commerce du preneurCA Paris, 16ème ch., sect. A, 16 janv. 2008, Juris-Data n° 2008-353203CA Paris, 16ème ch., sect. B, 17 janv. 2008, Juris-Data n° 2008-353661Par
deux décisions du mois de janvier 2008, la Cour d'appel a eu à se
prononcer sur le lien entre la constatation d'une modification notable
des facteurs locaux de commercialité et le commerce exploité.
Dans
le premier cas (CA Paris, 16 janv. 2008) il s'agissait de locaux
commerciaux rue de Boccador dans le triangle d'or constitué par
l'avenue des Champs Élysées, l'avenue Georges V et l'avenue Montaigne à
Paris pour une activité de restauration.La Cour après avoir
constaté que différents facteurs locaux de commercialités avaient
évolués positivement, tels que l'augmentation importante des places de
parking, et l'accroissement sensible des enseignes de notoriété, a
estimé que ces éléments étaient sans incident sur le commerce du
preneur qui était situé certes dans les artères du triangle d'or, mais
dans une voie secondaire composée de logements et de bureaux.Il
s'agissait d'un petit restaurant de vingt-cinq couverts et six couverts
en terrasse assimilable à un commerce de proximité fréquenté par une
clientèle locale, en conséquence de quoi les parkings et les enseignes
notoires étaient sans incidence sur la clientèle du restaurant.
Dans
le second cas (CA Paris, 17 janv. 2008) il s'agissait de locaux situés
dans le Val-de-Marne à la Queue-en-Brie où il avait été constaté une
augmentation de la population de la ville de 10,51 %, la réalisation de
deux-cent-douze permis de construire et l'augmentation de 50 % du
trafic routier.Cependant là encore, la Cour a estimé que ces
modifications des facteurs de commercialité n'avaient pas eu une
influence notable sur le commerce du preneur. En conséquence le
bailleur étant défaillant dans la charge de la preuve qui lui
incombait, le loyer devait rester plafonné.Il s'agit donc là de
deux espèces extrêmes, puisque l'une concerne des locaux situés dans le
triangle d'or de Paris et l'autre une petite commune du Val de Marne.Pourtant
les juges ont estimé, au visa de l'article 23-4 du décret du 30
septembre 1953, applicable à l'époque, que : « les facteurs locaux de
commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour
le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la
rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des
diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de
l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement
pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments
subissent d'une manière durable ou provisoire ».Ces
jurisprudences rappellent au bailleur qu'il y a donc deux conditions
pour obtenir le déplafonnement du loyer qui sont d'une part : « la
preuve de l'existence objective de la modification notable des facteurs
locaux de commercialité et d'autre part, la preuve que cette évolution
a un intérêt pour le commerce considéré ».Il s'agit là d'un
lien objectif de l'existence matérielle d'un impact économique sur le
fonds exploité réellement dans les lieux.La Cour de cassation a
eu à se prononcer à de très nombreuses reprises sur le fait que ces
modifications devaient présenter un intérêt pour l'activité commerciale
considérée (Cass. civ. 3ème, 17 févr. 1981, Rev. loyers, 1981, n° 254 ;
Cass. civ. 3ème, 27 janv. 1999, Bull. civ. III, n° 21 ; Cass. civ., 30
juin 2004, Bull. civ. III, n° 138 ; Cass. civ., 20 déc. 2000, Adm.,
mars 2001 ; Cass. civ., 19 janv. 2001, Loyers et copr., 2001).À
cet égard, il existe également une importante jurisprudence qui
rappelle que ce n'est pas en fonction de la destination contractuelle
qu'il faut se placer mais par rapport au commerce effectivement exercé
dans les lieux (CA Versailles, 12 déc. 2002, Gaz. Pal. 2003, n° 01,
sommaire 1871 ; CA Paris, 29 nov. 2000, Adm., mars 2001).On
signalera cependant des jurisprudences qui ont jugé que l'activité
commerciale considérée doit également s'entendre de l'ensemble des
activités autorisées (CA Paris, 10 mai 2000, AJDI n° 2735).06-21.983Arrêt n° 117 du 6 février 2008Cour de cassation - Troisième chambre civile RejetDemandeur(s) à la cassation : consorts X...Défendeur(s) à la cassation : société Bataclan café SARLSur le moyen unique :Attendu,
selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 mars 2006), que M. X..., aux droits
duquel viennent les consorts X..., a donné à bail le 25 mai 1981, des
locaux à usage commercial à la société Bataclan café ; que les
bailleurs ont assigné la preneuse en fixation du loyer révisé ;Attendu
que les consorts X... font grief à l’arrêt de les débouter de leur
demande en fixation du loyer révisé en fonction de la variation de
l’indice du coût de la construction alors, selon le moyen, que, selon
l’article L. 145-38 du code de commerce dans sa rédaction issue de la
loi Murcef du 11 décembre 2001, la révision triennale est, en l’absence
de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant
entraîné une variation de plus de dix pour cent de la valeur, seulement
plafonnée à l’application de l’indice du coût de la construction même
si la valeur locative du bien est inférieure à ce plafond ; que, dès
lors, en jugeant, pour débouter les consorts X... de leur demande
tendant à ce que le montant du loyer révisé dû par la société Bataclan
café soit fixé en fonction du coût de la construction à la somme de 51
018 euros en principal à compter du 17 octobre 2000, que l’article L.
145-38 du code de commerce dans sa nouvelle rédaction n’écarte
l’application de la valeur locative qu’autant que cette valeur ne se
situe pas entre le montant du loyer contractuel et le prix plafond
résultant de la variation indiciaire après avoir pourtant relevé
qu’aucune modification matérielle des facteurs locaux de commercialité
ayant entraîné par elle-même une variation de plus de dix pour cent de
la valeur locative n’avait été ni démontrée ni alléguée par la société
locataire, la cour d’appel a ajouté à la loi et a ainsi violé l’article
L. 145-38 du code de commerce ;Mais
attendu qu’ayant constaté qu’aucune modification matérielle des
facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus
de dix pour cent de la valeur locative n’était démontrée ni alléguée,
la cour d’appel a exactement retenu que le loyer révisé devait être
fixé à la valeur locative dès lors que celle-ci se situait entre le
loyer en cours et le plafond résultant de la variation de l’indice du
coût de la construction ;D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;PAR CES MOTIFS :REJETTE le pourvoi ;Président : M. WeberRapporteur : Mme Maunand, conseiller référendaireAvocat général : M. GuérinAvocat(s) : la SCP Bachellier et Potier de la Varde, Me Foussard