Garanties du recouvrement
par Olivier SALATI
Maî tre de conférences à l'Université Aix-Marseille III


I. Sûretés personnelles

A. Com., 30 janvier 2007, pourvoi n° 05-13.751 ; Civ. 1re, 3 avril 2007, pourvoi n° 06-12.531

Des temps parfois « durs » pour le recouvrement : où l'on voit que l'exécution de l'engagement de caution est subordonnée à de véritables devoirs pour le créancier…

1. Première « démarche » : en matière de procédure collective, « si la forclusion n'est pas opposable au créancier titulaire d'un contrat de crédit-bail publié dès lors qu'il n'a pas été averti personnellement d'avoir à déclarer sa créance, celui-ci reste néanmoins tenu de le faire pour agir contre la caution » (Com., 30 janv. 2007(1)). S'il ne satisfait pas à cette obligation, son action en paiement est irrecevable.

Voici un arrêt de rejet dont le sens est très clair pour le créancier titulaire d'un contrat de bail – ou d'une sûreté – publié : pour poursuivre la caution il faut préalablement avoir déclaré sa créance, mais le fondement de cette diligence minimum, lui, est difficile à trouver, d'autant plus difficile que la formulation de la Chambre commerciale laisse à penser qu'elle est valable sous l'empire de la législation nouvelle – l'arrêt a en effet été rendu dans une espèce antérieure à la loi du 26 juillet 2005 –, et ce pour tous les titulaires d'une créance antérieure au jugement d'ouverture n'ayant pas déclaré en temps utile, puisque désormais leur créance survit malgré l'absence de déclaration, la seule sanction étant la privation du droit de participer aux répartitions(2).

Une doctrine autorisée rattache la présente subordination de l'action en paiement à la déclaration préalable de créance, au mécanisme de la subrogation de la caution dans les droits du créancier qu'il a, ou qu'il va, désintéresser, admettant, sur le fondement de la règle de l'article 2314 du Code civil, que « le créancier a le devoir plus général(3) de préserver le principe et l'efficacité de la subrogation »(4).

Peut-être est-il permis de compléter cette explication en se plaçant en amont, et remarquer que la déclaration de créance s'inspire largement d'un motif d'intérêt général, pour ne pas dire d'ordre public économique, qui est de permettre au mandataire judiciaire de mesurer le poids exact du passif pesant sur le débiteur avant de décider, au plus juste, du sort de l'entreprise. Il nous semble donc normal que ce préalable, au demeurant non contraignant pour le créancier lié au débiteur par un contrat publié ou titulaire d'une sûreté publiée, qui, non averti personnellement(5), pourra obtenir du juge-commissaire un relevé de forclusion et déclarer sa créance(6), soit respecté avant la satisfaction de ses intérêts privés. La caution pourra ainsi, ensuite, participer aux répartitions dans le cadre de son recours subrogatoire(7).

Sur un plan procédural, enfin, ce préalable de déclaration conditionnant la recevabilité de l'action en paiement contre la caution a des allures de fin de non-recevoir(8) – peut-être même d'ordre public. Cela n'en ferait qu'une de plus en droit des procédures collectives(9)…

2. Deuxième « devoir » : un banquier professionnel, « prêteur de deniers, bénéficiaire du privilège institué par l'article 2374 du Code civil, qui se garantit par un cautionnement, s'oblige envers la caution à inscrire son privilège » (Civ. 1re, 3 avr. 2007(10)). S'il ne le fait pas, le bénéfice de cession d'actions lui sera opposé par celle-ci.

Voici une décision qui s'inscrit dans le courant d'une conception exigeante du droit au recouvrement, inaugurée par un arrêt de Chambre mixte en date du 10 juin 2005 et qui, avec celui rendu par cette même Chambre mixte le 17 novembre 2006, va peut-être stabiliser la question de savoir si le défaut d'exercice d'une faculté ouvre à la caution le bénéfice de subrogation de l'ancien article 2037 du Code civil, aujourd'hui article 2314.

Chacun se souvient que dans l'affaire soumise à la Chambre mixte le 10 juin 2005, un banquier prêteur, négligeant de faire valoir ses droits de créancier nanti dans la liquidation judiciaire de la société emprunteuse, ne sollicitant pas, en particulier, l'attribution judiciaire du gage, s'était vu reprocher par la Cour « d'avoir renoncé au bénéfice » de la sûreté, ce qui avait entraî né la décharge de la caution de son obligation par application de l'ancien article 2037 du Code civil(11). Dans l'arrêt en date du 17 novembre 2006, le créancier avait pris, cette fois, le même jour que l'acte de cautionnement, une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce de son débiteur, mais cette publicité provisoire n'avait pas été confirmée par une publicité définitive. Pour admettre la créance au passif du débiteur tombé ensuite en liquidation judiciaire, les juges d'appel avaient retenu que la caution ne peut reprocher au créancier de ne pas avoir conservé un droit qu'il pouvait ne pas acquérir définitivement et sur lequel, par conséquent, elle ne pouvait compter. Le fait de ne pas rendre définitif le nantissement judiciaire provisoire, en l'absence d'engagement pris par le créancier sur ce point, n'était ainsi pas susceptible de décharger la caution de son obligation. Mais cet arrêt fut cassé aux termes d'une formulation nouvelle, de type « solidariste », selon laquelle « le créancier qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement et constitue une sûreté provisoire s'oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive »(12).

En revanche, jusqu'à l'arrêt du 3 avril 2007 la première Chambre civile considérait que « la seule référence à la nature d'un prêt (comme en l'espèce un prêt immobilier dont le remboursement aurait pu être garanti par l'inscription du privilège de prêteur de deniers) est insusceptible, en l'absence d'une mention figurant dans l'acte de cautionnement, ou dans un acte antérieur ou concomitant afférent à l'opération de crédit, de caractériser la croyance légitime dans le fait que le créancier prendrait d'autres garanties »(13). Dans l'arrêt du 3 avril 2007, les juges du fond ont considéré que l'établissement de crédit qui n'inscrit pas son privilège « commet une faute », et la première Chambre civile, opérant un revirement, les approuve par la formule inaugurée en Chambre mixte : « le prêteur de deniers, bénéficiaire du privilège institué par l'article 2374 du Code civil, qui se garantit par un cautionnement, s'oblige envers la caution à inscrire son privilège ». On le voit, autant l'inscription d'une sûreté légale, attachée par la loi à la qualité de la créance, reste facultative tant que le seul intérêt du créancier est en jeu, autant elle devient obligatoire dès lors que celui-ci est également garanti par un cautionnement(14). Mais on n'est pas sûr que cela veuille dire, de façon plus large, que le bénéfice de subrogation peut désormais être opposé chaque fois que la caution peut légitimement croire qu'une sûreté sera prise parce que « la constitution de celle-ci ne dépend que de la seule volonté du créancier »(15). L'avenir le dira…
B. Ch. mixte, 8 juin 2007, pourvoi n° 03-15.602 ; Com., 22 mai 2007, pourvoi n° 06-12.196 ; 27 février 2007, pourvoi n° 05-20.522

Mais une fois les nuages sur le recouvrement passés, les éclaircies sont d'autant plus belles pour le créancier !

3. Première éclaircie : une renonciation aux poursuites n'est pas une remise de dette : « la renonciation par le créancier au droit d'agir en paiement contre le débiteur principal n'emporte pas extinction de l'obligation principale ni du recours de la caution contre ce débiteur, de sorte que la clause [selon laquelle “les parties renoncent de fait à intenter quelque action en justice que ce soit contre l'autre partie, sans pour autant renoncer aux actions à l'encontre des cautions solidaires délivrées dans le cadre du contrat de crédit-bail”] ne fait pas obstacle aux poursuites du créancier contre la caution solidaire » (Com., 22 mai 2007(16)).

Pour rejeter la demande de paiement formée contre la caution, la cour d'appel avait considéré que vis-à-vis de celle-ci la renonciation aux poursuites principales « n'est pas distinguable de la renonciation à la créance qui en est l'objet, dans la mesure où un tel procédé aboutit au même résultat », qui est de libérer le débiteur et de priver la caution de tout recours à son encontre. Ainsi, la remise faite au débiteur déchargeait également la caution de son engagement. Cette solution est cependant censurée au visa de l'article 1134 du Code civil, ce qui revient à valider la possibilité pour le créancier de réserver ses droits contre la caution, à condition que la clause emploie bien les termes de « remise des poursuites » ou de « renonciation à intenter une action en justice » à l'encontre du débiteur principal.

Cette liberté laissée aux parties dans la qualification de telles clauses réjouira les créanciers, mais elle masque un peu artificiellement la contradiction avec le droit commun(17). On ose à peine rappeler que l'article 1287 alinéa 1 du Code civil dispose que « la remise ou décharge conventionnelle accordée au débiteur principal – à laquelle équivaut la clause de renonciation aux poursuites – libère les cautions » (pas seulement celles simples…), et que cette règle traduit le caractère traditionnellement accessoire du cautionnement. Or, si la caution n'est pas libérée le cautionnement excède, alors, « ce qui est dû par le débiteur », et cette situation est directement contraire à un deuxième texte fondamental : l'article 2290 du Code civil.

En l'espèce il s'agissait de cautions solidaires, et la Cour a sans doute succombé à la tentation de les assimiler à des codébiteurs solidaires, hypothèse dans laquelle la remise au profit de l'un des codébiteurs solidaires libère tous les autres, « à moins que le créancier n'ait expressément réservé ses droits contre ces derniers »(18). Reste que l'ensemble de la doctrine souligne avec force qu'on ne peut pas assimiler la caution solidaire au codébiteur solidaire(19), par exemple le bénéfice de subrogation est accordé à celle-là alors qu'il ne l'est pas à celui-ci(20). Le présent arrêt du 22 mai 2007 souligne bien que la clause de renonciation au droit d'agir en paiement contre le débiteur principal n'emporte pas extinction du recours de la caution contre lui, mais l'identité de traitement entre caution solidaire et codébiteur solidaire par la possibilité reconnue de réserver ses droits contre la caution enlève un peu de son sens au concept de cautionnement qui, même solidaire, s'exprime au travers de son caractère accessoire.

4. Grand soleil pour le recouvrement : « la caution ne peut opposer [au créancier] les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal », mais relatives tout de même à la dette (Ch. mixte, 8 juin 2007(21))…

Ainsi la caution, qui en l'espèce « n'avait pas été partie au contrat de vente du fonds de commerce », n'était « pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle ». Peut-être est-elle finalement là, la rupture, en droit des garanties personnelles : la caution semble de plus en plus être traitée comme un codébiteur, le cautionnement avoir des allures de sûreté indépendante, et cet arrêt de Chambre mixte, qui la laisse tenue au paiement malgré une possible nullité du contrat principal, en est la manifestation éclatante pour le plus grand bonheur du créancier.

Pour le bonheur du créancier, mais pas de la doctrine dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle est en désaccord avec cette solution, sur le fondement du caractère accessoire du cautionnement(22). D'abord, celui-ci « ne peut exister que sur une obligation valable », c'est l'article 2289 alinéa 1 du Code civil. Ensuite, s'agissant de son étendue, il « ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses », c'est l'article 2290 alinéa 1 du même code. Enfin, son extinction est commandée par la disparition de la dette principale, c'est l'article 2313 alinéa 1 du Code civil aux termes duquel « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette », dont la nullité semblait bien faire partie, tout au moins jusqu'à un arrêt du 11 mai 2005 ayant affirmé que « la caution pouvait opposer au créancier les exceptions qui sont inhérentes à la dette et prendre l'initiative de faire anéantir à son égard le contrat principal en faisant constater sa nullité, ce qui avait pour effet de décharger la caution de sa propre obligation de paiement »(23).

Au regard de ces trois textes, l'article 2313 alinéa 2 du Code civil, selon lequel la caution « ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur », se présentait ainsi comme une exception limitée soumise à un principe d'interprétation stricte. On a en effet souligné que ce dernier texte ne vient pas après l'article 2289 alinéa 2 par hasard, qu'il ne fait que le reprendre et que son sens le plus logique est que « seules les diverses causes d'incapacité du débiteur principal ne sont pas ouvertes à la caution… en conséquence, toutes les causes de nullité de la créance principale autres que l'incapacité du débiteur peuvent être invoquées par la caution, même si elles sont personnelles à ce débiteur. Ainsi les vices du consentement du débiteur peuvent être invoqués par la caution »(24). Ils le peuvent parce qu'ils infectent une obligation qui est aussi la sienne puisqu'elle va devoir l'exécuter à la place du débiteur(25).

La Chambre mixte vient pourtant d'estimer qu'il ne s'agit pas là d'une exception inhérente à la dette, ou personnelle au débiteur mais invocable par la caution, avec ce résultat concret, contraire aux articles 2289 et 2290 du Code civil, que celle-ci reste tenue d'une obligation potentiellement nulle. Force est de reconnaî tre qu'on ne discerne pas très bien les raisons de cette solution, qui malmène, répétons-le, le caractère accessoire du cautionnement. Le droitau recouvrement, lui, en sort extrêmement renforcé…

5. Il l'est enfin par cette dernière solution, selon laquelle il résulte de l'article L. 621-48, alinéa 2, du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que le créancier est recevable à agir contre la caution personne physique d'un débiteur en redressement judiciaire dès le prononcé du jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire de ce débiteur, et ce « sans qu'il soit nécessaire de notifier préalablement ce jugement à la caution ». Le créancier est par ailleurs « recevable à poursuivre le recouvrement de ses créances contre la caution nonobstant l'existence d'un pourvoi formé contre les arrêts arrêtant les plans de cession des sociétés débitrices » (Com., 27 févr. 2007(26)).

On savait déjà que cette action pouvait être régulièrement engagée par le créancier contre la caution, suspendue par l'effet du jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur principal, puis « reprise sans nouvelle assignation après le jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire »(27). Mais l'application littérale, dans la présente espèce, de l'ancien article L. 621-48 du Code de commerce, désormais article L. 622-28, montre bien que la suspension des poursuites contre la caution personne physique(28) en cas de redressement judiciaire du débiteur est une règle dérogatoire au droit commun, qui n'a pour objectif que d'inciter les dirigeants ayant garanti les engagements de leur société à déposer le bilan au plus tôt, pendant qu'un redressement est encore possible.

Les exceptions étant d'interprétation stricte, il n'est donc pas nécessaire de notifier le jugement arrêtant le plan,de cession ici, à la caution pour initier ou reprendre les poursuites à son encontre. Le droit au recouvrement n'est pas subordonné à ce préalable, pas plus qu'il ne peut l'être par la nécessité dans laquelle se trouverait le créancier d'attendre que ce jugement devienne irrévocable par l'effet du rejet du pourvoi en cassation formé à son encontre. L'article L. 622-28 alinéa 2 du Code de commerce souligne bien, en effet, que c'est « jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation » que l'action est suspendue. Mais une fois ce « terme extinctif » survenu(29), les « affaires sérieuses » reprennent…

II. Sûretés réelles

A. Civ. 3e, 25 avril 2007, pourvoi n° 06-11.524

6. Où en matière d'hypothèque le recouvrement n'est pas menacé par la péremption de l'inscription, celle-ci « laissant subsister le droit hypothécaire » et permettant « à son titulaire de procéder à une nouvelle inscription produisant effet à partir de sa date », laquelle, pas plus que la première, « n'est… soumise à l'accord du débiteur ».

7. Même s'il est rendu sous l'empire du droit antérieur à la réforme des sûretés opérée par l'ordonnance du 23 mars 2006, le présent arrêt du 25 avril 2007(30) est intéressant car son principe demeure et la Cour de cassation ne s'exprime pas fréquemment sur les effets de la péremption de l'inscription hypothécaire(31). Dans la situation de base, une inscription cesse de produire effet au bout d'un certain délai(32), et pour éviter que l'hypothèque perde son opposabilité le créancier doit alors la renouveler(33). La nouveauté issue de l'article 2434 alinéa 1 du Code civil – ancien article 2154 modifié – est que désormais l'inscription est périmée à la date d'expiration d'un délai fixé par le créancier lui-même, en adaptation avec les situations visées aux alinéas 2, 3 et 4 du mêmetexte. Jusque-là « l'inscription conserve le privilège ou l'hypothèque »(34), et le renouvellement opéré dans les délais aussi, conservant le rang de l'inscription primitive(35).

Mais dans la présente espèce c'est de péremption qu'il s'agit, les délais de renouvellement de l'inscription primitive ont été dépassés, et il faut d'abord savoir si le créancier est autorisé à prendre une nouvelle inscription. La réponse est positive, parce que la péremption de l'inscription n'affecte pas l'existence de l'hypothèque. Pour reprendre les termes de la Cour elle laisse subsister le droit hypothécaire, et permet à son titulaire de procéder à une nouvelle inscription. C'est seulement l'effet de celle-ci qui sera différent par rapport à un renouvellement, c'est-à-dire qu'elle ne donnera rang qu'à sa date et non à celle de l'inscription primitive. Enfin, faut-il obtenir un nouvel accord du débiteur pour réinscrire l'hypothèque périmée, ou le créancier peut-il le faire unilatéralement ? La réponse coule de source : comme le droit hypothécaire est conservé et que la première inscription n'est pas soumise à l'accord du débiteur, on ne voit pas au nom de quoi un accord serait requis pour la nouvelle(36).

Ce sont ces principes que la troisième Chambre civile de la Cour de cassation rappelle opportunément. En garantie d'un prêt consenti à une société, une banque avait inscrit une hypothèque conventionnelle et, suite à la péremption de celle-ci, avait fait procéder à une nouvelle inscription. Le liquidateur de la société débitrice fit alors reproche aux juges d'appel d'avoir admis la créance de la banque à titre privilégié, prenant argument de ce que l'accord donné au créancier pour inscrire une hypothèque ne s'étend pas à la réinscription d'une hypothèque qui n'a pas été renouvelée dans le délai requis et dont l'inscription avait cessé de produire effet. En jugeant que la débitrice avait, par l'acte initial constitutif, autorisé la réinscription de l'hypothèque litigieuse, la cour d'appel aurait ainsi violé les articles 1134 et 2154-2 du Code civil – aujourd'hui article 2436. Le pourvoi est cependant rejeté aux motifs mentionnés plus haut, ce qui concrètement permet à la banque d'être admise à titre privilégié au passif de la société débitrice. Il n'y a effectivement rien à redire.

B. Com., 5 juin 2007, pourvoi n° 05-21.349

8. En matière de réserve de propriété, la subrogation réelle sécurise le recouvrement : « lorsque l'acquéreur d'un bien vendu avec réserve de propriété le revend sans avoir payé l'intégralité du prix, la revente opère, par l'effet de la subrogation réelle, transport dans le patrimoine du vendeur initial du prix ou de la partie du prix impayé par le sous-acquéreur au jour de l'ouverture de la procédure collective du débiteur, sans que le sous-acquéreur puisse opposer au vendeur initial les exceptions qu'il pourrait faire valoir contre son propre vendeur »(37).

On le sait, la propriété retenue à titre de garantie fait désormais partie des sûretés réelles(38), et dans le nouveau livre quatrième du Code civil un chapitre complet lui est même consacré(39). Précisément, l'article 2372, en prévoyant deux nouveaux cas de subrogation réelle dont l'un, qui veut que « le droit de propriété se reporte sur la créance du débiteur à l'égard du sous-acquéreur… », donc sur la créance du prix de revente, a consacré un principe de solution que l'on retrouve en matière de procédure collective et dans le présent arrêt.

En l'espèce, une entreprise avait vendu une machine à une autre avec réserve de propriété, que l'acquéreur revendit plus d'un an après à une autre société qui n'en avait pas payé le prix au motif de son dysfonctionnement. De fait, le revendeur s'était engagé auprès de celle-ci à procéder à l'échange de la machine, engagement toutefois resté lettre morte. Peu de temps après, ledit revendeur étant placé en redressement puis en liquidation judiciaires, le vendeur originaire revendiquait le prix contre lui, mais la cour d'appel rejetant sa demande il assigna alors le sous-acquéreur en paiement du prix de vente de la machine. Un deuxième arrêt d'appel rejeta cette autre demande, au motif que si, « au titre du droit de suite attaché à la réserve de propriété, le vendeur initial est recevable à réclamer au sous-acquéreur, à concurrence du prix qui lui reste dû, la somme que ce dernier reste devoir à son propre vendeur », ledit sous-acquéreur est fondé à lui opposer l'exception d'inexécution par le revendeur de son obligation et à refuser de régler le prix de l'appareil.

C'est cette solution qui est cassée par la Chambre commerciale au visa de l'article L. 621-124 du Code de commerce – aujourd'hui article L. 624-18 –, motif pris du jeu de la subrogation réelle(40) et du transport qu'elle emporte dans le patrimoine du vendeur initial du prix ou de la partie du prix impayé par le sous-acquéreur au jour de l'ouverture de la procédure collective du débiteur. En d'autres termes, l'exception du sous-acquéreur ne vaut que contre le revendeur : liée à son rapport avec lui elle ne peut être invoquée que contre lui, à la manière d'une exception purement personnelle. Elle n'est pas relative à la dette initiale du revendeur à l'égard du vendeur originaire qui fonde la revendication, ce dernier n'a donc pas à en subir les effets – la société intermédiaire étant restée plus d'un an en possession de la machine avant de la revendre, le dysfonctionnement apparaissant postérieurement à cette revente. Si des commentateurs autorisés désapprouvent « cette mauvaise manière faite au sous-acquéreur », doutant que son exception puisse être « purgée par le jeu de la subrogation réelle »(41), la solution de la Chambre commerciale participe toutefois de la promotion que connaî t depuis déjà un certain temps ce mécanisme en jurisprudence(42), et aujourd'hui en législation. N'est-elle pas devenue un principe général énoncé à l'article 2372 du Code civil, qui doit s'appliquer dès que le bénéficiaire ne peut pas en pratique faire valoir son droit de suite ?