Détermination du passif du débiteur

et élaboration d’un projet de plan de redressement

 

 

Textes applicables. - C. consom., art. L. 331-2, L 331-3, L 331-4, R. 331-9 à R. 331-10-2, R. 331-11 à R_331-13.

 

Généralités. Le travail d'instruction qui incombe aux secrétariats des commissions départementales consiste, pour une grande part, à déterminer de manière très précise et détaillée l'état de surendettement du débiteur (v. supra no, 13.11 et s.), avant d'entreprendre l'élaboration d'un projet de plan de redressement sur lequel la commission tentera de rapprocher les points de vue. À cette fin, la commission - en pratique son secrétariat - dispose d'un ensemble de pouvoirs d'investigation fixés par l'article L. 331-3 du Code de la consommation destinés à lui offrir une information la plus large possible sur la situation réelle du demandeur, préalable indispensable à l'établissement d'un plan de redressement réaliste et durable.

 

C'est ainsi que la commission peut entendre toutes les personnes dont l'audition lui parait utile. Elle peut également faire publier un appel aux créanciers et s'adresser aux administrations publiques comme aux établissements de crédit afin d'enrichir de données complémentaires le dossier en cours d'instruction.

 

De même, le Code de la consommation prévoit, en cas de difficulté de la commission à établir l'état d'endettement du débiteur, la possibilité, pour celle-ci, de saisir le juge de l'exécution d'une demande de vérification de la validité des titres de créances et du montant des sommes réclamées par les créanciers du débiteur. Cette mesure s'inscrit dans une logique d'efficacité dont l'esprit est d'éviter que la procédure engagée devant la commission ne se trouve bloquée par des problèmes juridiques que celle-ci n'aurait, par définition, pas compétence pour trancher. Enfin, la commission de surendettement peut demander aux collectivités territoriales comme aux organismes de Sécurité sociale de procéder à des enquêtes sociales.

 

Modalités d'établissement du passif du débiteur

 

Collecte des informations. L'élaboration d'un projet de plan de redressement suppose au préalable que soit dressé l'état d'endettement du demandeur. Il s'agit d'un travail lourd, complexe, qui incombe aux secrétariats des commissions, départementales, c'est-à-dire, concrètement, aux services de la Banque de France. Aux termes de l'article L. 3 31-3, alinéa 3 du Code de la consommation, la commission (en fait -son secrétariat) dresse l'état d'endettement du débiteur. Ses informations proviennent de plusieurs sources.

 

Informations fournies par le débiteur. Celui-ci est dans l'obligation de déclarer à la commission tous les éléments actifs et passifs de son patrimoine et le cas échéant celui de son foyer - dont il a connaissance.

 

Tenu de jouer la transparence, le demandeur devra préciser avec le plus d'exactitude possible l'ensemble des ressources dont il dispose, quelle que soit leur origine (revenus du travail, du capital, allocations diverses, pensions, etc.. Il lui sera également demandé de déclarer tous les autres éléments composant son patrimoine (résidence principale, secondaire, véhicule, portefeuille titres ... ) Quant à l'étendue de ses engagements, le secrétariat de la commission devra obtenir le détail des dettes contractées par le débiteur, quelle que soit là aussi leur nature ou leur origine et même si certaines d'entre elles obéissent, dans le cadre de la procédure, à un régime particulier (dettes d'aliments, dettes fiscales ... ) 1.

 

La commission informe le débiteur de l'état de passif qu'elle a établi au vu de l'ensemble des éléments fournis par le débiteur lui-même et ses créanciers, par lettre recommandée avec accusé de réception postal2. Le débiteur qui conteste cet état dispose de 20 jours pour demander à la commission de saisir le juge de l'exécution aux fins de vérification de la validité des titres de créances (C. consom., art. L. 331-4 nouv. introduit par l'art. 90 de la loi du 29 juill. 1998). Une fois ce délai expiré, aucune contestation n'est recevable; cette règle est d'application stricte.

 

Informations fournies par les créanciers. À ces renseignements recueillis auprès du débiteur s'ajoutent ceux transmis par les créanciers de l'intéressé puisqu'en pratique, le secrétariat de la commission en même temps qu'il notifie aux créanciers la décision sur la recevabilité, les interroge sur l'étendue et sur les caractéristiques de leur créance.

 

Juridiquement en effet, chaque créancier n'est pas tenu de communiquer à la commission un arrêté de sa créance à la date de notification de la recevabilité, faisant apparaître distinctement le capital restant dû, les échéances impayées, le nombre et le montant des mensualités restant à courir, enfin les intérêts et les pénalités de retard. C'est la raison pour laquelle un formulaire normalisé élaboré entre la Banque de France et les organes représentatifs de la profession bancaire a été spécialement conçu afin de permettre au secrétariat de la commission d'obtenir une information la plus exhaustive possible sur le passif du débiteur et de détecter, le cas échéant, une irrégularité juridique grave

 

1.Dans la mesure où la procédure revêt un caractère collectif très marqué, même si la loi ne le précise pas explicitement, le débiteur n'a pas à exclure de la procédure l'une de ses dettes, même avec l'accord du créancier concerné en vue, notamment, d'en négocier le remboursement selon des modalités extra-procédurales : Cass. 11, civ. 2 juin 1993, Sté Générale cIV. et a., inédit.

2.Ce courrier reproduit les dispositions du 111 alinéa de l'art. L. 331-4 C. consom.

 

 

Délais. À cet égard, la loi du 29 juillet 1998 (art. 89) a introduit une nouvelle disposition. Désormais, l'article L 331-3 alinéa 6 du Code de la consommation prévoit qu'après avoir dressé l'état d'endettement déclaré par le demandeur, les créanciers - préalablement informés par lettre recommandée avec accusé de réception postal de l'état du passif du débiteur1 - disposent d'un délai de 30 jours pour fournir, en cas de désaccord, les justifications de leur créance en principal, intérêts et accessoires. Bien entendu, si aucune contestation n'a été enregistrée, la créance est prise en compte par la commission au vu des seuls éléments fournis par le débiteur. Cette disposition permet de ne pas retarder la procédure.

 

Informations fournies par les cautions. La lettre adressée aux créanciers les invite également à fournir à la commission les noms et adresses des cautions, les créances ainsi garanties et les cautions qui ont été éventuellement actionnées. Dans l'hypothèse où effectivement la commission a connaissance des personnes qui se sont portées garantes du paiement d'une ou de plusieurs dettes du débiteur, ces personnes sont avisées, par lettre recommandée avec accusé de réception, de la saisine de la commission et sont invitées à justifier, dans un délai de 30 jours, du montant des sommes éventuellement déjà acquittées en exécution de leur engagement de caution. 1

 

 

Vérification des créances

 

Textes applicables. - C. consom., art. L. 331-4, R. 331-11 à 331-13.

 

Définition. La procédure de surendettement est en partie déclaratoire, c'est-à-dire que la commission n'est renseignée sur la situation financière du débiteur qu'à partir des éléments fournis par celui-ci et ses créanciers. Il appartient alors à la commission d'opérer un contrôle de vraisemblance de l'ensemble des données recueillies. À cet égard, la loi du 8 février 1995 précitée consacre une distinction claire entre les tâches de nature économique qui incombent à la commission et celles d'ordre juridique qui relèvent exclusivement de l'autorité judiciaire. Dès lors, la « vérification » des éléments financiers du dossier ne doit pas être confondue avec une « vérification des créances » au sens où l'expression est utilisée dans le droit des procédures collectives. Investie d'une simple mission de conciliation, la commission n'a pas à apprécier la validité ni la régularité des contrats.

 

1.Cette lettre reproduit les dispositions des 61 et 71 al. de l'art. L 331-3 c consom (art. R. 331- introduit par le décret 99-65 du 1er févr. 1999, art. 6).

 

En d'autres termes, l'action de la commission dans ce domaine réside en un contrôle de la cohérence des déclarations faites par le débiteur et ses créanciers afin de dresser l'état d'endettement du débiteur dans la perspective de l'élaboration d'un plan conventionnel ou, le cas échéant, de mesures de recommandation-. En effet, ce n'est que dans l'hypothèse où, confrontant les déclarations du débiteur et des créanciers, la commission voit son action bloquée par un contentieux relatif au montant de la créance, ou se heurte à une difficulté de nature juridique (irrégularité flagrante d'une ou de plusieurs créances, forclusion, taux usuraire ... ) qu'il lui appartient de se faire co Communiquer les titres de créances correspondants afin de soumettre le problème rencontré à l'arbitrage du juge. Tel est le sens de l'article L 331-4 alinéa 2 du Code de la consommation qui dispose qu'« en cas de difficultés, la commission peut saisir le juge de l'exécution d'une demande de vérification de la validité des titres de créances et du montant des sommes réclamées. » La demande n'a donc pas de caractère automatique et ne peut être enclenchée que « pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission. »

 

Contentieux. La question de la vérification des créances a suscité un abondant contentieux. Celui-ci s'explique par le fait que les débiteurs, après avoir déclaré le montant des dettes qui leur est réclamé par leurs créanciers, en contestent ensuite le montant et parfois même l'existence, cette contestation étant facilitée par le caractère peu contraignant et oral de la procédure de surendettement.3

 

Saisine du juge. En vertu de l'article L. 331-4, la commission est seule habilitée - à l'exclusion des parties - pour saisir le juge de l'exécution aux fins de trancher les éventuelles difficultés juridiques susceptibles d'entraver le déroulement de la procédure de surendettement 4.

 

 

1.v Taormina, «La vérification des créances dans les procédures de traitement de l'état de surendettement », Dr. et patrimoine, janv. 1995, p. 51 et s. A fortiori, la commission n'a pas le pouvoir de réduire d'office, en vertu de l'art. 1152 du C. civ le montant d'une pénalité de retard; il en irait différemment si le créancier, sur demande de la commission, modérait de son propre chef le montant des pénalités de retard. En présence d'un litige sur le caractère certain, liquide ou exigible d'une créance, et en l'absence de réduction volontaire émanant du créancier, le juge de l'exécution doit être saisi par la commission (D 9 mai 1995, art. 13) afin d'estimer si le montant d'une pénalité peut être modéré : en ce sens, cass lr, civ 14 nov 1995, SCAM cIJMC, Contrats, conc., consom. 1996, comm. 14, note G. Raymond; Juris-Data, n,002966.

 

2.C'est pourquoi doit être condamnée sans réserve l'attitude de certaines commissions qui, par analogie avec la pratique des magistrats dans l'ancien redressement judiciaire civil, exigent systématiquement la production de l'ensemble des titres de créances en vue de détecter d'éventuelles anomalies. Il leur appartient encore moins d'adopter des mesures de rétorsion vis-à-vis des établissements de crédit qui ne fourniraient pas les titres, en recommandant à leur encontre des mesures particulièrement sévères fondées sur ce seul refus (report des dettes sur la durée maximale autorisée, réduction du taux d'intérêt à zéro notamment).

 

3.En ce sens, Mme V. Catry, « Le surendettement des particuliers et la réforme intervenue en 1995 », Rapport annuel C. cass 1997, p. 83.

 

4.La Cour de cassation a refusé compétence au juge de l'exécution pour procéder à une vérification des créances alors que celles-ci n'avaient pas été contestées : Cass. 1er civ 4 mai 1999, Contrats, conc., consom. 2000, comm. p. 152.

 

 

L'initiative de la saisine peut cependant provenir de deux sources :

 

- la commission bien sûr, qui, en cas de difficultés, peut s'adresser à l'arbitrage du juge (C. consom., art. L. 331-4 al. 2); elle informe alors le débiteur (v  document no, 14 et 15);

 

- le débiteur lui-même, ce qui est une grande nouveauté par rapport au régime antérieur (v. infra no 63.16). Depuis la loi du 29 juillet 1998 (art. 90) en effet, cette procédure de vérification peut être engagée également à la demande de celui qui a sollicité le bénéfice de la loi sur le surendettement. Tenu informé par la commission de l'état du passif qu'elle a dressé, le débiteur dispose désormais d'un délai de 20 jours, s'il conteste cet état, pour demander à la commission la saisine du juge de l'exécution, aux fins de vérilication de la validité des titres de créances et du montant des sommes réclamées, en indiquant les créances contestées et les motifs qui justifient sa demande. Bien entendu, la commission est tenue de porter ce délai à la connaissance du débiteur. En outre, celle-ci est tenue de faire droit à la demande de vérification formulée par le requérant.

 

La contestation de l'état du passif dressé par la commission est formée par déclaration motivée remise ou adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au secrétariat de la commission (C  consom., art. R. 331-10-1, al. 2).

 

Forclusion. L'article L. 331-4 précise que passé ce délai de 20 jours, le débiteur ne peut plus formuler une demande de vérification des créances. Rien ne s'oppose cependant, en cas de forclusion, à ce que la commission supplée à la défaillance du débiteur en saisissant elle-même le juge aux mêmes fins.

 

Contestation d'un créancier. De même, bien que les textes ne le disent pas explicitement, une contestation formulée par un créancier, pourrait, semble-t-il, déclencher également une saisine du juge. L'article L 331-3 alinéa 6 (introduit par l'art. 89 de la loi du 29 juill 1998) stipule en effet « qu'après avoir été informés par la commission de l'état du passif déclaré par le débiteur, les créanciers disposent d'un délai de 30 jours pour fournir en cas de désaccord sur cet état, les justifications de leurs créances en principal, intérêts et accessoires - à défaut la créance est prise en compte par la commission au vu des seuls éléments fournis par le débiteur. » On peut donc raisonnablement en inférer que face à un désaccord exprimé par un créancier, la commission sera incitée à élever le conflit devant le juge.

 

Modalités de saisine du juge. Dans l'hypothèse où la commission estime devoir recourir - de sa propre initiative - à cette prérogative ou à la demande du débiteur (et où, bien entendu, le juge du fond ne s'est pas déjà prononcé sur la validité de la créance), elle saisit le juge de l'exécution par une lettre simple signée de son président, qui indique les nom, prénom, profession et adresse du débiteur et ceux des créanciers en cause ou, pour les personnes morales, leur dénomination et leur siège social (C. consom., art. R. 331-11); cette lettre contient l'exposé de l'objet et des motifs de la saisine (v  infra no 63.16). On le voit, la procédure obéit ici au même souci de simplicité et de célérité qu'en matière de recours sur la recevabilité.

 

 

1.Une circulaire du Ministère de la justice antérieure à la loi de 1998 préc. invitait les commissions à recourir avec modération à la procédure de vérification des créances instituée par l'art. L 331-4 anc. c consom. Avec la réforme de 1998, on peut craindre que le recours au juge ne devienne une source d'abus. En effet, l'art. L. 331-4 réformé précise que la commission est tenue de faire droit à la requête d'un débiteur qui souhaite que soit saisi le tribunal aux fins de vérification de la validité des titres de créances et du montant des sommes réclamées. Tout excès dans ce domaine risque de contrevenir à la volonté du législateur de 1995 qui était de décharger les tribunaux des travaux liés au traitement des situations de surendettement.

 

Étendue de la vérification. Eu égard au caractère amiable de la procédure, la vérification opérée par le juge ne présente un caractère ni systématique ni général. Aussi bien, toutes les créances ne peuvent pas être soumises à l'examen du juge; seules la ou les créances dont le caractère certain ou liquide poserait problème lui sont présentées (Circ. min. justice, 9 mai 1995, § C). La vérification porte, d'une part, sur la validité du titre de créance au regard des règles juridiques le régissant et, d'autre part, sur le bien-fondé des sommes réclamées en principal, intérêts et autres accessoires. Cette vérification qui peut porter sur des créances litigieuses est, bien entendu, superflue lorsque la créance a déjà été fixée par le juge du fond dans une décision devenue définitive. Ajoutons que dans le cadre de cet examen, le juge peut, préalablement à l'aménagement des dettes, user du pouvoir de modération prévu à l'article 1152 du Code Civil 2 Par ailleurs, prenant en compte le souci de ne pas paralyser la procédure de surendettement dans l'attente d'une décision au fond sur le montant de la créance, la Cour de cassation a été d'avis que le juge du surendettement est investi du droit de statuer sur des questions soulevées au cours de l'instance même si, proposées au principal, elles auraient échappé à sa compétence.

 

Information du juge et des parties. Le courrier adressé par la commission au juge de l'exécution précise également la (ou les) difficulté(s) juridiques(s) que celle-ci soumet au contrôle du magistrat de même que les raisons qui motivent la demande ainsi formulée. La commission joint à ce courrier les documents nécessaires à la vérification des créances (contrat d'origine, tableaux d'amortissement ... ). La commission informe également les créanciers concernés et le débiteur de la saisine du juge, conformément à l'article R. 311-11 dernier alinéa (v. infra no 63.15), et indique, le cas échéant, que celle-ci est opérée à la demande du débiteur (D. no 99-65 du 1 er févr. 1999, art. 8, complétant art. R. 331-11).

 

Contradictoire et notification. En vertu de l'article R. 331-13, le juge statue après avoir mis le débiteur et le ou les créanciers concernés en mesure de faire valoir leurs observations, sans être toutefois tenu de renvoyer l'affaire à une audience (Cir  min. justice préc.)1, Ainsi, par exemple, le juge ne peut relever d'office l'extinction d'une créance, par suite de la forclusion encourue par le créancier, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations'. Précisons par ailleurs que, conformément au droit commun de la preuve, c'est au débiteur qui se prétend libéré de justifier du paiement des dettes figurant aux décomptes produits par ses créanciers et soumis à l'examen du juge.

 

1.La question se pose en effet de savoir si le juge de l'exécution est bien compétent pour apprécier la validité de certaines créances telles que les factures EDF ou les créances fiscales; les textes ne le prévoient pas explicitement, mais rien ne s'y oppose non plus formellement.

 

2.Cass. 1er civ 14 nov 1995, no 94-04.008, Defrénois 1996, art. 36272, note Mazeaud; RTD com. 1996, p. 118, obs. G. Paisant. Le juge qui décide de réduire la clause pénale doit rechercher en quoi elle est manifestement excessive, non par comparaison de l'importance de la peine avec la situation économique du débiteur, mais en fonction de la différence existant entre le montant de la peine prévue et celui du préjudice réel subi par le créancier.

3. cass avis, 9 oct. 1992, demande no 08/92, RTD coin. 1992, p. 172, note G. Paisant.

4. Les textes ne mentionnent pas sous quelle forme - courrier recommandé ou courrier simple cette information doit avoir lieu.

5. Cass. 11, civ 30 sept. 1997, Bull. civ. I, no 261; D. 1999, somm. p. 203, obs. Chatain et

Ferrière; D. Affaires 1997. 1248; Contrats, conc., consoin, 1997, no 186, note Raymond.

 

 

Pouvoirs du juge. On sait que le juge dispose d'une série de documents fournis par la commission lui permettant d'apprécier l'étendue des charges du débiteur (quittance EDF, téléphone, relevés bancaires, etc.). S'agissant des créances d'établissements financiers, le créancier doit fournir le contrat de prêt et le tableau d'amortissement s'il y a lieu, un relevé pour les crédits permanents ou encore un justificatif de non remboursement. Le secrétariat de la commission l'invite par ailleurs à servir un document récapitulant les éléments essentiels de sa créance (numéro de dossier, objet du financement, montant du capital emprunté, etc.). Pour exercer son contrôle, le JEX dispose donc de ces premiers éléments. La question se pose alors de savoir quelle est l'étendue exacte des pouvoirs du juge, faute d'indication précise dans la loi; en l'absence d'éléments suffisants pour apprécier la validité de la créance ou la réalité de son montant, quelles mesures le juge peut-il ordonner ? Peut-il notamment exiger d'une partie ou d'un tiers qu'il lui remette un justificatif différent de ceux en sa possession? A cette question, la cour de cassation a répondu positivement4. Selon les hauts magistrats, le juge peut en effet demander à une partie la production d'une pièce, telle qu'un contrat d'ouverture de crédit, dès lors que cette pièce est utile à la manifestation de la vérité. L'établissement de crédit créancier ne peut dès lors se soustraire à l'obligation d'apporter la preuve de la validité de sa créance. Il ne saurait en outre opposer au juge son obligation au secret professionnel en tant que partie. En cas de défaut de réponse du créancier, celui-ci encourt le risque de voir sa créance écartée de la procédure 6.

 

Notification. Lorsqu'il a rendu sa décision, le juge, par les soins du secrétariat greffe, en informe la commission, qui, naturellement, en prend acte dans l'élaboration du plan, intégrant les créances retenues par le juge pour le montant fixé par ce dernier.

 

Portée de la décision. La vérification des créances faite par le juge, en application de l'article L 331-4 du Code de la consommation, est opérée pour les stricts besoins de la procédure de surendettement 1 Demandée par la commission pour des motifs qui peuvent être exclusifs de litige ou par le débiteur, elle ne saurait être considérée comme un jugement au fond. La décision du juge a donc nécessairement une portée limitée et relative 2. Elle ne vaut que pour la procédure en cours 3 et ne s'impose pas au juge du fond. Dès lors, en l'absence de décision du juge sur le fond, la décision que le juge de l'exécution sera éventuellement amené à prendre s'imposera tant pour l'élaboration du plan que pour l'exécution de celui-ci : - si le juge retient la créance pour l'établissement du plan de redressement, il en fixera le montant; - s'il estime qu'elle n'est pas fondée en son principe ou qu'aucune somme ne peut être demandée à ce titre, il l'écartera de la procédure, quelles que soient les sommes en cause (C. consom., art. R. 331-12, al. 2)4.

 

 

 

1.Dans une affaire l'opposant à une compagnie d'assurance, un débiteur avait reproché au juge de l'exécution de s'être prononcé sans l'avoir convoqué à l'audience. Saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation a rappelé qu'en vertu de l'art. R. 331-8 C. consom., le juge statue après avoir recueilli ou demandé les observations des parties; dès lors, en ayant invité par lettre le débiteur à lui adresser ses observations, le juge s'est strictement conformé aux textes : 11, civ, 29 mai 1997, Ferdinant clAssurances UAP et a., Juris-Data, n° 002554, Contrats, conc., consom oct. 1997, p. 20, n° 160. V. aussi, cass 11, civ., 30 sept. 1997 : Bull. inf c cass 1998, n° 53; d 1997, IR p. 220; d Affaires, 1997. 1248.

2. cass 11, civ 30 oct. 1995, Bull. civ., I, n0 385, p. 269.

3. cass 11, civ., 20 déc. 1994, Mme Borg clUCB et a., n° 93-04-111, Bull. arrêts c cass n° 385,

10/12 1994.    

4. cass 1- civ 2 oct. 2001, n° 00-04.149 (n° 1421 FS-P + B), d 2001, n, 39, p. 3194, note  C. Rondey.

5. C. Rondey, déjà cité.

6. Sur le pouvoir du juge de n'écarter de la procédure qu'une créance dont la validité n'est pas

reconnue, v. cass 11, civ., 14 mars 2000, n° 9998-04-014.

 

 

 

Ces principes, déjà affirmés dans le cadre de l'ancien redressement judiciaire civil, trouvent leur fondement dans le caractère strictement procédural du mécanisme de traitement du surendettement qui n'affecte pas les actions individuelles visant à obtenir la fixation définitive d'une créance litigieuse en vue de l'obtention d'un titre exécutoire (v. Circ. min. justice préc. § C, al. dem) 5

 

Recours. Les créances dont la validité n'a pas été reconnue sont donc écartées de la procédure. La décision du juge n'est pas susceptible d'appel ainsi que le précise l'article R. 331-13 du Code de la consommation. Toutefois, le créancier dont les droits seraient ainsi discutés aura la possibilité d'agir par la voie de la contestation des mesures recommandées (art. L 332-2, v. Partie 4). En revanche, le pourvoi en cassation, est recevable si la décision du juge a écarté la créance de la procédure. Il en va autrement dans le cas où le juge de l'exécution, saisi par la commission d'une demande de vérification, dit cette créance recevable et en fixe le montant. Dans cette hypothèse en effet, la décision du juge a consisté seulement à statuer sur un incident de procédure et n'a pas mis fin à l'instance si bien que le pourvoi formé contre le jugement du JEX est irrecevable.

 

1.Il s'ensuit que lorsque la procédure de surendettement est clôturée sans qu'ait été prise l'une quelconque des mesures de redressement prévues par les articles L. 331-6 à L. 331-7-1 du Code de la consommation, l'ordonnance portant vérification d'une créance, qui n'a pas d'autorité de chose jugée au principal, est frappée de caducité : en ce sens, cass 11, civ., 9 oct 2001, pourvoi no 00-04.095, Sté Abbey National France clépx X., Bull. inf. C. cass, no 548, 15 janv. 2002, no 42.

2.Rappr. Cass. avis, 9 oct. 1992, Bull. avis, no 5.

3.Ainsi, rien n'empêcherait qu'une créance écartée de cette procédure à la suite de la vérification entreprise voie sa validité reconnue à l'occasion d'une autre instance; v. G. Paisant, « Note sur    le décret du 9 mai 1995 », RTD com., 48 (3), juill./sept. 1995, p. 649. Sur cet aspect, v. également H. Croze, «Cinq questions àpropos du décret no 95-660 du 9 mai 1995... », J. -CI. Procédure, juin 1995.

4.Précisons que la créance n'est pas éteinte pour autant.

5.V. CaSS. 1er civ., 7 janv. 1997, no 12 P, Depière clCaisse de Crédit Mutuel du Nord, RJDA 5/97, no 723. V. aussi, Douai, 81 ch. civ., 19 mars 1992, Gaz. Pal. 1994.1, somm. p. 92. Cass. 11, civ.,16 juin 1995, Bull. inf. C. cass. no 414, ler août 1995, no 7 p. 4; Bull. avis, no 10, p. 6.« Lorsque le juge de l'exécution écarte une créance dans une procédure de traitement d'une situationde surendettement, il met fin à l'instance à l'égard de ce créancier, et le pourvoi formé par celui-ci est recevable » : Cass. 1" civ., 2 oct. 2001, pourvoi no 00-04.149; TI Saint-Brieuc, 8 juin 2000, Stéde paiements Pass cIMme X. et a., Bull. inf. C. cass. no 548, 15 janv. 2002, no 43, arrêt no 2.

7.Cass. 11 civ., 23 juin 1998, 1er arrêt), D. 1999. 231, note Marotte.

 

 

Les autres moyens d'information de la commission

 

Demandes d'informations diverses. Outre les renseignements qu'elle peut obtenir auprès des parties, la commission peut compléter son information sur la situation financière du débiteur en sollicitant divers correspondants dont les représentants seront affranchis à son égard de leur obligation au secret professionnel. C'est ainsi qu'en vertu de l'article L. 331-3 du Code de la consommation, la commission peut obtenir communication, auprès des administrations publiques (y compris l'administration des impôts - v. LPF, art. L. 139 A), des établissements de crédit, des organismes de sécurité et de prévoyance sociale ainsi que des services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de paiement, de tout renseignement de nature à lui donner une exacte information sur la situation du débiteur, l'évolution possible de celle-ci et les procédures de conciliation amiables en cours.

 

On remarquera incidemment que l'article 36 de la loi no 84-148 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, et l'article 24 de la loi no 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social, confèrent au juge des prérogatives similaires pour lui permettre d'assurer une mission de nature identique.

 

Enquêtes sociales. Le même article L. 331-3 précité donne également à la commission saisie d'une demande de redressement conventionnel la possibilité d'ordonner une enquête sociale par les collectivités territoriales ou les organismes de sécurité sociale. Pendant de l'expertise ordonnée en matière commerciale par le Président du Tribunal de commerce (L. no 84-148 du le, mars 1984, art. 36, al. 2 préc.) ou par le juge commissaire (L. no 85-98 du 25 janvier 1985, art. 140), l'enquête sociale peut ainsi fournir à la commission des éléments de fait supplémentaires sur la situation du débiteur, lorsque celui-ci est dans l'incapacité de présenter un état précis et complet de son patrimoine.

 

Audition du débiteur ou de tiers. Enfin, la commission peut demander à entendre - ou faire entendre par l'un de ses membres - toute personne dont l'audition lui paraît utile sous réserve que celle-ci intervienne à titre gratuit (C. consom., art. L. 331-3, al. 4). Il peut s'agir soit de personnes tierces à la procédure (caution, proche parent, ami, voisin ... ), soit du débiteur lui-même - qui peut d'ailleurs demander à être auditionné depuis la réforme introduite par l'article 89 de la loi du 29 juillet 1998 (préc.) - soit enfin de l'un de ses créanciers (C. consom., art. R. 331-10). En cas d'audition, les parties ont la faculté d'être assistées devant la commission par toute personne de leur choix (C. consom., art. L. 331-10). Le débiteur peut ainsi se faire assister par un avocat, étant cependant observé que l'aide judiciaire ne s'appliquera pas en la circonstance 2 . Par ailleurs, afin d'éviter des demandes réitérées qui risqueraient de retarder l'instruction des dossiers, conseil pourra être donné aux débiteurs de ne solliciter la commission qu'en cas de difficultés réelles imposant que la commission soit éclairée sur des aspects particuliers du dossier (Circ. min. 24 mars 1999). À cet égard, les secrétariats sont invités à faire savoir aux débiteurs qui manifestent leur intention d'être auditionnés que l'audition se déroule à huis clos et qu'elle ne saurait être utilisée comme une tribune pour évoquer des problèmes de caractère général.

 

 

1.L'expression « Ie débiteur est entendu à sa demande... » ne laisse planer aucun doute sur l'obligation dans laquelle se trouve la commission de faire droit à cette requête.

 

2.Rép. min, no 14655, 11 avr. 1991, Sénat, 19 mars 1992. La loi pose, du reste, en la matière, un principe de gratuité.

 

Modalités. Cette audition peut intervenir dès que la commission est saisie et avant même qu'elle se soit prononcée sur la recevabilité du dossier. C'est, du moins, ce qui résulte de la nouvelle rédaction de l'article R. 331-7 du Code de la consommation qui prévoit que le courrier par lequel la commission informe le débiteur et les créanciers de sa saisine, mentionne la possibilité pour celui-là de solliciter une audition. Il est donc loisible au débiteur d'être entendu par la commission alors que son éligibilité à la procédure n'a pas encore été reconnue.

 

Les personnes que la commission entend ou décide de faire entendre par l'un de ses membres sont convoquées quinze jours au moins avant la date de réunion par lettre sim le (C. consom., art. R. 331-10). Dans ce cas, la convocation adressée aux parties leur indique qu'elles peuvent être assistées par une personne de leur choix,

 

Appel aux créanciers. Depuis la réforme de 1995, la commission dispose de la faculté de faire publier un appel aux créanciers, prérogative jusqu'alors réservée au juge de l'exécution saisi d'une demande de redressement judiciaire (C. consom., art. L. 331-3 al. 5). L'article R. 331-9 du Code de la consommation qui fixe les modalités de cet appel prévoit que celui-ci est publié à la diligence du secrétariat de la commission dans un journal habilité à recevoir les annonces légales dans le département où siège la commission saisie.

 

Délais. L'appel doit préciser dans quel délai les créanciers doivent, par lettre simple adressée au secrétariat de la commission, déclarer leurs créances; c'est donc le secrétariat de la commission qui fixe souverainement la date limite de réponse. Malgré le terme « doivent » utilisé par le décret, le non-respect, par les créanciers, -du délai qui leur est ainsi imparti ne fait l'objet d'aucune sanction (déchéance ou forclusion). À défaut de disposition expresse dans la loi, il n'est pas davantage envisageable de transposer la sanction de l'article L. 621-46 du Code de commerce (anc. art. 53 de la loi du 25 janvier 1985) prévoyant l'extinction des créances non déclarées. Le créancier qui ne s'est pas manifesté ne pourra donc pas se voir opposer la forclusion ou les dispositions d'un plan amiable qu'il n'aura pas signé.

 

Frais de l'appel. L'alinéa 2 de l'article R. 331-9 du Code de la consommation précise, en outre, que les frais de cet appel sont, à défaut d'accord, supportés par la ou les parties que le juge saisi à cet effet par la commission aura désigné par une décision insusceptible d'appel; ils sont avancés par le Trésor public. Dans un souci de simplification, la procédure n'obéit à aucun formalisme particulier sauf à ce que les parties soient mises en mesure de faire valoir leurs observations avant que le juge ne rende sa décision.

 

Il est préférable toutefois que le recours à cette procédure reste exceptionnel pour deux raisons : d'une part, l'expérience acquise dans ce domaine démontre que ce type de démarche a des résultats limités en pratique au motif, notamment, que les crédits ont été souvent accordés par des organismes délocalisés; d'autre part, l'appel aux créanciers se traduit par une publicité intempestive pour le particulier, ce qui, au demeurant, apparaît entrer quelque peu en contradiction avec les règles de confidentialité qui doivent prévaloir, selon l'article L 331-11 du Code de la consommation, au cours de la procédure engagée devant la commission.

 

 

1.Cette chronologie est cependant récusée par la rédaction même de l'art. L 331-3 C. consom. Elle est, en outre, facteur d'alourdissement pour les commissions.

 

Coordination avec les autres instances. La commission a la possibilité d'affiner les informations en sa possession en s'orientant vers diverses instances susceptibles de la renseigner sur la situation personnelle du débiteur. Il est même souhaitable qu'une coopération s'instaure en la matière. À ce propos la circulaire annexée à la lettre du Premier ministre du 27 février 1990 a insisté sur la nécessité d'une bonne coordination entre l'action de la commission et les autres instances qui auraient connu, connaîtraient ou seraient susceptibles de connaître du dossier d'un débiteur et qui pourraient, le cas échéant, intervenir dans la préparation et/ou l'élaboration du plan. Ainsi est-il recommandé aux secrétariats, pour certains dossiers nécessitant un traitement social adapté, de vérifier s'il a été fait appel aux prestations sociales légales, réglementaires ou conventionnelles dont peut bénéficier le débiteur. Les travailleurs sociaux et les associations caritatives ou familiales, en particulier les Unions Départementales des Associations Familiales (Udaf), peuvent, sur ce point, apporter leur concours. Pour les dossiers présentant des difficultés liées au logement, les associations départementales d'information sur le logement (Adil) peuvent être consultées. En outre, lorsque le débiteur est ayant droit à l'aide personnalisée au logement (APL), il est souhaitable d'informer la section départementale des aides publiques au logement, de la saisine de la commission, en lui précisant l'état des dettes du débiteur. Une coordination avec le Fonds de solidarité pour le Logement est également organisée pour les dossiers déposés par des particuliers connaissant de graves difficultés de loyer et de charges locatives (pour plus de détails, v. circ. 22 janv. 1993).

 

Signalons que la loi du 29 juillet 1998 précitée va encore plus loin dans le domaine de la coopération. L'article 154 prévoit, dans chaque département, la mise en place d'une Commission de l'action sociale d'urgence (Casu) chargée d'assurer la coordination des dispositifs susceptibles d'allouer des aides, notamment financières, aux personnes et aux familles rencontrant de graves difficultés. Casu et commission de surendettement doivent être étroitement associées pour identifier et mettre à jour les aides financières existantes au niveau local, ainsi que les partenaires qui interviennent dans l'octroi de ces aides (Circ. min. 24 mars 1999). Ces nouvelles dispositions sont de nature à améliorer l'efficacité globale du dispositif de traitement du surendettement.

 

Détermination de la capacité de remboursement du débiteur

 

Textes. - C  consom., art. L. 331-2 et R. 331-10-2. - C. trav., art. L. 145-2.

 

Minimum vital. Face à cette diversité d'approche, le législateur vient récemment d'introduire une nouvelle disposition aux termes de laquelle « le montant des remboursements résultant de l'application des articles L. 331-6 ou L. 331-7 est fixé, dans les conditions prévues par décret, par référence à la quotité saisissable du salaire, telle qu'elle résulte de l'article L. 145-2 du Code du travail, de manière à ce qu'une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité» (L. 28 juill. 1998, art. 87).

 

Le décret no 99-65 du le, février 1999 ajoute précisément au Code de la consommation un article R. 331-10-2 indiquant que pour l'application des articles L. 331-6, L. 331-7 et L. 331-7-1 du Code de la consommation, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée par application du barème prévu à l'article R. 145-2 du Code du travail. Toutefois, la somme résultant de ce calcul est plafonnée à la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant du RMI, majoré de 50 % dans le cas d'un ménage. Cette part de ressources est mentionnée dans le plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou des recommandations prévues aux articles L. 331-7 et L. 331-7-1 du Code de la consommation.

 

     

Il s'agit là d'une affirmation de principe selon laquelle c'est le remboursement qui est établi de manière résiduelle et non ce « reste à vivre »

 

Étendue du « reste à vivre ». Cette question du « reste à vivre » soulève néanmoins des difficultés d'application tant le texte de loi et son décret sont peu précis sur ce point. Tout d'abord, si la loi pose le principe d'une référence au barème des quotités saisissables, elle néglige le fait que les commissions travaillent indistinctement sur l'ensemble des ressources du débiteur tandis que l'article R. 145-2 C. trav. évoque la notion plus restreinte de « rémunérations ». En résumé, les commissions doivent-elles appliquer aux seuls revenus du travail - lorsqu'ils existent le barème auquel elles sont désormais tenues de se référer? Bien que la circulaire ministérielle n'évoque pas ce problème, nous estimons que c'est, au contraire, l'intégralité des ressources du débiteur qui doit se voir appliquer les seuils prévus à l'article R. 145-2 C. trav., c'est-à-dire non seulement les salaires mais également les diverses prestations perçues par l'intéressé. En effet, la loi ne fixe que le principe d'une référence au barème des quotités saisissables. Celui-ci n'est destiné qu'à fournir une grille de calcul. Il ne s'agit, en aucune manière, de pratiquer une saisie des rémunérations du travail mais seulement de déterminer un seuil incompressible de ressources laissées à la disposition du débiteur, seuil que, en outre, la commission peut choisir de relever sur la foi de l'existence de charges spécifiques ou, plus généralement, de la situation particulière du débiteur. Enfin, dans l'hypothèse où le disponible du débiteur se réduit précisément à des prestations sociales, les commissions doivent-elles s'abstenir de rechercher dans quelle mesure il est possible de dégager une capacité de remboursement, aussi symbolique soit-elle ?

 

Ressources au sens large. En définitive, on peut raisonnablement estimer qu'en raison de sa généralité, l'article R. 331-10-2 du Code de la consommation inclut toutes les ressources disponibles du débiteur, qu'il s'agisse ou non de salaires.2 Il vise donc les allocations de chômage, les pensions de retraite, les loyers perçus, les rentes diverses, les dividendes éventuels. Il n'y a, en outre, aucune distinction à faire selon que les ressources sont ou non imposables

 

Ressources dites insaisissables. Cette question est désormais tranchée. Dans un arrêt de 2002, la Cour de cassation s'est en effet très clairement prononcée en faveur de l'intégration des prestations sociales dans la part des -revenus affectée au remboursement des dettes du débiteur 5 . Au surplus, dans .l'hypothèse d'un couple, la Haute juridiction refuse d'apprécier la qualité saisissable au regard de chacun des débiteurs sur leurs salaires respectifs. La situation du ménage doit être appréciée dans son ensemble, dès lors que les débiteurs ont saisi conjointement la commission de surendettement. Le « reste à vivre » doit donc être globalisé en tenant compte une seule fois de l'ensemble des charges pesant sur ce ménage.

 

 

1.La pratique a cependant révélé que le calcul de cette capacité de remboursement soulevait de réelles difficultés sur lesquelles ni les dispositions du Code de la consommation, ni la circulaire interministérielle ne se sont prononcées. Cette question devrait vraisemblablement faire l'objet d'une jurisprudence nourrie dans les années à venir (v. infra n~ 23.46).

2.Ph. Flores, « La capacité de remboursement du débiteur surendetté après le décret du 11, février 1999 », Contrats, conc., consom., mars 2000, n, 4, p. 4 et s.

3.CaSS. lr, CiV.~ 18 févr. 111992, D. 1992, IR p. 136.

4.Sur l'intégration de cette allocation dans le calcul de la capacité de remboursement du débiteur : TI Avesnes-sur-Helpe, 21 sept. 2001, aff. DivrylServien, RG 35-01-000060, inédit.

 

 

Contrôle du juge. Dans ce domaine, la Cour de cassation a fixé deux principes en matière de minimum vital. Elle a tout d'abord considéré que les juges du fond apprécient souverainement le montant des ressources mensuelles réelles du débiteur au sens de l'article R. 331-10-2 du Code de la consommation. Les hauts magistrats ont par ailleurs estimé qu'une cour d'appel saisie par un débiteur qui estime que le juge de l'exécution ne lui a pas laissé la part de ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage, doit vérifier à son tour, fût-ce d'office, que le débiteur dispose bien de la part en question. Il appartient donc au juge du fond,.de se livrer à une nouvelle appréciation des éléments du dossier 7 . La cour d'appel n'est évidemment pas liée par les appréciations faites en la matière par le juge de l'exécution puisque justement, on attend d'elle un réexamen du litige. La Cour de cassation autorise même en la circonstance la cour d'appel à exercer son pouvoir d'office dans les cas ou la contestation ne porterait pas précisément sur la détermination du reste à vivre.

 

 

1.En ce sens, Ph. Flores, déjà cité.

2.Sur l'intégration_des prestations familiales dans le calcul des ressources, v. note sous TI Niort, 21 sept. 1999, Epx Taschier, Contrats, conc., consom., janv. 2000, no 17, p. 27; Chatain et Ferrière, D. 1999, chron. p. 290; G. Raymond, « Nouvelle réforme du surendettement des particuliers et des familles », Contrats, conc., consom. 1999, chron. 10.

3.En ce sens, CA Amiens, lre ch., 28 sept. 2001, RG 01/02026, CRCAM du Nord Est clOlive-Lantoine et a., inédit: «l'art. R. 331-10-02 ( ... ) vise les ressources mensuelles réelles de l'intéressé, ce qui implique que la capacité de remboursement doit être déterminée au regard de l'ensemble des ressources perçues, y compris donc les allocations familiales ».

4.CA Orléans, 4 juill. 2000, no 650/00, M. Marchais et Mme Bogo clBanque Populaire du Val de France, inédit; « attendu que, tant les allocations familiales que l'allocation logement ne sont que des aides affectées, de par la loi, à un usage précis, en sorte que le montant de ces allocations ne saurait être retenu pour calculer le montant des ressources des (débiteurs) à prendre en considération afin de détermination de leur capacité de remboursement de leurs dettes ». Dans un sens comparable : CA Angers, Ch. RJC, 20 mars 2000, no 00-204, Mme Cosnuau clCaisse primaire d'assurance maladie de la Sarthes et a., Bull. inf. C. cass., 1- déc. 2000, p. 22 : «la quotité saisissable mensuelle des ressources du débiteur en situation de surendettement et donc sa capacité de remboursement se détermine ( ... ) à partir des revenus salariaux auxquels ne doivent pas s'ajouter les allocations familiales ou de logement ( ... ) ».

5.Cass. 1er CiV., 12 févr. 2002, no 01-04.038 (no 288 FS-P + B), CRCAM de Savoie cIGiacri, D. 2002, no 11, p. 955. V. aussi P.-L. Chatain et F. Ferrière, « Le nouveau régime du traitement du surendettement après la toi d'orientation no 98-657 du 29 juillet 1998, relative à la lutte cpntre les exclusions », D. 1999, chron. p. 287 et spéc. p. 290.

 

6.Cass. 11, civ., 18 oct. 2000, Crochard, Bull. civ. I, no 2 57 : En l'espèce, un débiteur avait reproché ;aux juges d'appel d'avoir déterminé la part de ressources nécessaires aux dépenses du ménage par référence à ses revenus moyens, sans tenir compte des variations inhérentes à sa situation d'intermittent du spectacle.

7.Cass 11 civ. 18 oct. 2000, Roman, Bull. civ. 1, no 256.

 

Cas particulier: débiteur disposant de biens en capital. La circulaire ministérielle du 24 mars 1999 confirme qu'outre le respect des engagements précisés dans la lettre de recevabilité, le secrétariat peut préconiser une série de mesures - telle la vente d'une résidence secondaire - de nature à accroître la part des ressources que le débiteur peut consacrer au désintéressement de ses créanciers.

 

De la même manière, la vente de valeurs immobilières, l'annulation ou la résiliation de produits d'épargne doivent normalement être envisagées et les sommes recueillies consacrées à l'apurement du passif.

 

La circulaire susvisée précise à cet -égard que la résiliation des produits d'épargne demeure la règle de base. Ce n'est que dans des cas exceptionnels, et si cette réalisation devait entraîner des pénalités totalement disproportionnées par rapport à l'actif dégagé, que cette dernière solution pourrait être différée.

 

Participation des salariés. Dans certaines conditions, la possibilité de débloquer des avoirs acquis au titre de la participation des salariés aux fruits de l'expansion doit également être examinée afin d'augmenter la capacité de remboursement du débiteur. C'est le décret no 95-377 du 11 avril 19951 qui fixe les modalités de ce déblocage. La demande doit être adressée à l'organisme gestionnaire des fonds ou à l'employeur par le Président de la commission ou le juge lorsqu'il estime que le déblocage des droits est de nature à favoriser la conclusion d'un plan de redressement (v. infra nos 31.43 et 63.17).

 

Véhicule. Enfin, la cession de véhicules automobiles peut être demandée dès qu'il s'agit de biens non indispensables à l'exercice de la profession ou au besoin du trajet entre la résidence et le lieu de travail du débiteur. En fait, même si la vente ne dégage pas de grandes ressources, elle permet en général de faire des économies dans les domaines de l'entretien, du carburant, et de l'assurance.

 

1. En ce sens, G. Paisant, RTD com., 54 (1), janv.-mars 2001, p. 255.2. JO 12 avr. 1995.