Décision du 12 juillet 2007 portant adoption d’un règlement relatif aux procédures internes destinées à mettre en oeuvre les obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et dispositif de contrôle interne destiné à assurer le respect des procédures  

NOR: JUSC0757656S  

Le Conseil national des barreaux,

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, notamment son article 21-1 ;

Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié organisant la profession d’avocat, notamment son article 38-1 ;

Vu le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat ;

Vu la décision n° 2005-003 du Conseil national des barreaux en dates des 9 juillet, 10 septembre et 4 novembre 2005,

 Décide :

 PREMIÈRE PARTIE  PROCÉDURES INTERNES

Article 1

Sont assujettis au présent règlement professionnel tous les avocats, personnes physiques, inscrits à un barreau français, sous les réserves et les exceptions visées ci-après, lorsque dans le cadre de leur activité professionnelle ils réalisent au nom et pour le compte de leur client toute transaction financière ou immobilière ou lorsqu’ils participent en assistant leur client à la préparation ou à la réalisation des transactions concernant :

 1° L’achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ;

2° La gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client ;

3° L’ouverture de comptes bancaires, d’épargne ou de titres ;

4° L’organisation des apports nécessaires à la création de sociétés ;

5° La constitution, la gestion ou la direction des sociétés ;

6° La constitution, la gestion ou la direction de fiducies de droit étranger ou de toute autre structure similaire.

Article 2 

Sous les réserves visées à l’article L. 562-2-1 du code monétaire et financier, les avocats ne sont pas assujettis au présent règlement dès lors qu’ils exercent une activité de consultation juridique ou lorsque leur activité se rattache à une procédure juridictionnelle à l’occasion de l’une ou l’autre des six activités prévues à l’article 1er.

Article 3

 Les avocats réalisant l’une des activités visées à l’article 1 doivent faire preuve d’une vigilance constante et se doter de procédures internes propres à assurer le respect des prescriptions de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 et du décret n° 2006-736 du 26 juin 2006, notamment l’ensemble des prescriptions relatives :

- aux obligations d’identification des clients et des ayants droit économiques ;

- à l’examen des opérations inhabituellement complexes supérieures à 150 000 euros et à l’obligation de consignation écrite de ses caractéristiques sur un registre spécial mis à disposition du bâtonnier et de TRACFIN ;

- à la déclaration de soupçon ;

- au contrôle par le bâtonnier du respect des modalités de communication avec TRACFIN visées à l’article 4.

Article 4

Les avocats doivent s’assurer en toutes circonstances du respect du secret professionnel.

Lorsque, en application des dispositions de l’article L. 562-2-1 et L. 562-3 du code monétaire et financier, l’avocat assujetti procède à une déclaration de soupçon, il remet au bâtonnier, pour transmission à TRACFIN, l’ensemble des renseignements et des documents utiles. Lorsque par la suite TRACFIN réclame les documents relatifs à la déclaration de soupçon prévus par l’article L. 563-4 du code monétaire et financier, l’avocat auteur de celle-ci doit transmettre sans délai les pièces requises et en adresser copie au bâtonnier.

Lorsque, en application du seul article L. 563-4 du code monétaire et financier, TRACFIN interroge un avocat dans le but de reconstituer l’ensemble des transactions faites par une personne physique ou morale liées à une opération suspecte, celui-ci ne doit transmettre à TRACFIN que les renseignements et documents conservés dans le cadre de l’exécution de son obligation de vigilance relatifs à l’identité de son client ainsi que la copie de l’acte établissant l’opération, sous la double condition que ces renseignements et ces documents aient été obtenus à l’occasion d’une des activités prévues à l’article 1er et qu’ils n’aient pas été obtenus dans le cadre d’une activité de consultation juridique ou se rattachant à une procédure juridictionnelle.

Article 5

Chaque avocat assujetti doit adopter des règles écrites internes décrivant les diligences à accomplir pour l’application des textes susvisés et du présent règlement, et donnant des indications sur les sommes et la nature des opérations devant faire l’objet d’une vigilance particulière en tenant compte des activités exercées.

Le droit d’informer son client de la déclaration de soupçon régularisée prévu par l’article L. 574-1 du code monétaire et financier doit y être expressément rappelé. 

Les règles relatives aux diligences à accomplir peuvent être proportionnellement adaptées à la qualité des clients de l’avocat assujetti notamment lorsqu’il s’agit des professionnels visés par l’article L. 562-1 du code monétaire et financier.

L’ensemble de ces règles est communiqué à sa demande au bâtonnier.

Article 6

Les informations, déclarations et documents relatifs à la mise en oeuvre des articles L. 562-2-1, L. 563-1, L. 563-3 et L. 563-4 du code monétaire et financier, complétés, le cas échéant, par le décret d’application, doivent être conservés selon des modalités propres à en assurer la confidentialité et à en permettre la communication dans les meilleurs délais dans les conditions prévues à l’article 4.

Article 7

Les règles internes prévues à l’article 3 doivent préciser la procédure à suivre au cas où une somme ou une opération paraît susceptible de faire l’objet d’une déclaration conformément à l’article L. 562-2-1 du code monétaire et financier.

Cette procédure doit prévoir les modalités :

- d’information préalable du responsable du contrôle interne ;

- d’enregistrement et de conservation des documents se rapportant aux opérations ayant donné lieu à déclaration.

Article 8

Pour l’application de l’article L. 563-3 du code monétaire et financier, les avocats assujettis doivent effectuer un examen particulier de toute opération importante répondant aux caractéristiques cumulatives définies par ledit article, c’est-à-dire remplissant l’ensemble des quatre conditions suivantes :

1. L’opération n’entre pas dans le champ d’application de la déclaration de soupçon visée à l’article L. 562-2-1 du code monétaire et financier.

2. Son montant unitaire ou total est supérieur à la somme de 150 000 euros.

3. Elle se présente dans des conditions inhabituelles de complexité.

4. Elle ne paraît pas avoir de justification économique ou d’objet licite. 

Au terme de cet examen, le document prescrit par l’article L. 563-3 du code monétaire et financier est établi si l’opération est exécutée et si les justifications obtenues ne sont pas jugées suffisantes. Ce document doit faire état des renseignements recueillis et documentés concernant en particulier :

- l’origine et la destination des sommes ainsi que l’objet de la transaction ;

- l’identité du donneur d’ordre et du ou des ayants droit économiques (nom, adresse, profession) ;

- les caractéristiques de l’opération au regard des quatre critères énoncés au premier alinéa du présent article.

Le document n’est communiqué à TRACFIN et au bâtonnier qu’à leur demande.

L’avocat assujetti tient, pendant cinq ans, le document et les pièces qui s’y rattachent à la disposition de TRACFIN et du bâtonnier.

Article 9

 Les avocats doivent s’assurer que l’ensemble des présentes prescriptions sont correctement appliquées au sein de leur structure et que les avocats et les membres de leur personnel reçoivent l’information et la formation nécessaires et adaptées aux opérations qu’ils effectuent.

 DEUXIÈME PARTIE  CONTRÔLE INTERNE

Article 10

Doivent se doter d’un dispositif de contrôle interne les avocats personnes physiques inscrits dans un barreau français sauf lorsqu’ils exercent leur activité professionnelle au sein d’une structure dotée de la personnalité morale. Dans cette hypothèse, les obligations fixées dans la présente partie du règlement s’imposent exclusivement à la personne morale.

Ce dispositif comporte :

- un système de contrôle des opérations juridiques et/ou financières et des procédures internes ;

- une organisation permettant de conserver les documents et renseignements afférant à leurs obligations de vigilance et à leurs obligations déclaratives ;

- un dispositif particulier aux opérations susceptibles de présenter des risques accrus de blanchiment de capitaux d’origine illicite ou de financement du terrorisme. 

Plus généralement, les avocats et les structures assujettis veillent à mettre en place un contrôle interne adéquat en adaptant de façon proportionnelle et raisonnable l’ensemble des dispositifs prévus à la nature et au volume de leurs activités ainsi qu’aux risques auxquels ils sont exposés. Ils veillent périodiquement à la mise à jour des procédures internes de façon à éviter tout manquement pouvant entraîner une sanction judiciaire ou disciplinaire, des pertes financières significatives ou des atteintes à la réputation. 

L’ensemble des informations résultant de l’activité de contrôle interne n’est pas accessible à TRACFIN. Seul le bâtonnier peut y avoir accès sous réserve que sa demande soit motivée et faite au visa des articles L. 562-7 ou L. 563-6 du code monétaire et financier.

Article 11

Afin d’assurer le respect des règles déontologiques et des dispositions législatives et réglementaires relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux d’origine illicite et le financement du terrorisme, le système de contrôle interne des opérations et des procédures internes a pour objet de :

- vérifier que les opérations réalisées par les avocats ou les structures assujettis, ainsi que l’organisation et les procédures internes, sont conformes aux dispositions applicables y compris à celles résultant d’instructions internes à la structure d’exercice ;

- vérifier la qualité et la conservation des renseignements et des documents nécessaires à l’exécution des dispositions applicables ;

- surveiller et évaluer la mise en oeuvre effective des procédures internes visant à remédier à tout dysfonctionnement du chef des obligations relevant du dispositif du titre VI du code monétaire et financier ainsi que du présent règlement ; 

- procéder à l’analyse des causes du non-respect éventuel des procédures et des limites de telle sorte que, le cas échéant, soient entreprises des actions correctrices.

Article 12

En outre, les structures assujetties désignent par écrit un responsable chargé du contrôle interne, de veiller à la cohérence et à l’efficacité du risque de non-conformité. Le responsable du contrôle interne a pour mission de mettre en oeuvre le dispositif prévu à l’article 11 et : 

- d’identifier les dispositions d’ordre déontologique et légal nécessaires au respect des obligations visées dans la loi du 11 février 2004 et de son décret d’application du 26 juin 2006, le cas échéant en liaison avec le bâtonnier ou son délégué ; 

- de diffuser auprès de l’ensemble des avocats de la structure d’exercice les dispositions légales applicables en la matière ainsi que des formulaires de procédure internes et vérifier qu’ils possèdent une information fiable et la formation nécessaire ; 

- de contrôler le respect par les avocats de la structure d’exercice de l’ensemble des dispositions applicables et l’effectivité de la mise en oeuvre des procédures internes ; 

- de contrôler le droit d’accès des avocats collaborateurs ou associés aux informations, aux renseignements et aux documents relatifs à la mise en oeuvre de leurs obligations de vigilance et déclaratives dans la limite des formulaires des procédures internes et de leurs annexes ; 

- d’auditer le ou les avocats concernés, dans le respect de la confidence, en cas de manquement révélé au respect des procédures applicables ou au droit d’accès à l’information ;

- d’assister et orienter les avocats pour que soient appliquées les règles professionnelles et la loi en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux d’origine illicite et le financement du terrorisme ;

- préalablement à toute déclaration de soupçon, d’examiner la requête préalable obligatoire faite par le ou les avocats au contrôleur interne de telle sorte que : 

- soit analysé systématiquement le soupçon formulé par l’avocat déclarant ; 

- les avocats participant ou ayant participé à l’opération suspectée soient informés directement par le contrôleur interne de la possibilité de la mise en oeuvre de la procédure de déclaration de soupçon sur une opération ; 

- le droit à l’information du client soit respecté. 

Le contrôleur interne aura un libre accès à tous les avocats de la structure d’exercice, ainsi qu’à tous les renseignements et documents utiles à l’exercice de son contrôle. 

Sous réserve que l’organisation de la structure d’exercice l’autorise, le contrôleur interne exercera sa mission avec indépendance. 

Le contrôleur interne procédera, au moins une fois par an, à l’examen de son activité et en particulier du contrôle de la conformité sur la base des informations qu’il aura recueillies.

Article 13

 La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

 

Fait à Paris, le 12 juillet 2007.

 

Pour le Conseil national des barreaux :

 

Le président,

 

P.-A. Iweins