Faculté de droit    

    Année Universitaire 2003-2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Clientèle et bail commercial

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fernando SILVA

fernandosilva@wanadoo.fr

 

 

DEA Droit des obligations civiles et commerciales

Sous la direction de Monsieur le Professeur Dominique LEGEAIS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


REMERCIEMENTS

 

 

 

Je souhaite remercier Monsieur le Professeur Dominique LEGEAIS, directeur du DEA Obligations civiles et commerciales pour m’avoir permis de faire partie de la promotion 2003-2004. Pour m’avoir proposé l’intitulé de ce mémoire et m’avoir orienter dans mes premières réflexions qu’il reçoive à nouveau toute ma gratitude.

 

Egalement, je souhaite remercier monsieur Nicolas DUBURCH pour le temps qu’il m’a accordé, monsieur Alexandre BARAN pour son aide quant à la mise en forme de ce mémoire ainsi que Mlle Nadège GALESNE qui a procédé avec bonne humeur et enthousiasme à la relecture de ce mémoire.

 

 

 LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS


 

CJCE                                      Cour de Justice des Communautés Européennes

CEDH                                     Convention Européenne des Droits de l’Homme

Cass                                        Cour de cassation

Req                                         Chambre des requêtes

Ass plén                                  Assemblée plénière

3èmeCiv                        Troisième Chambre civile

Com                                        Chambre commerciale

Bull                                         Bulletin des arrêts de la Cour de cassation

IR                                           Informations rapides

J                                              Jurisprudence

                                            Pratique

Som                                        Sommaire

Doct                                        Doctrine

Chron                                      Chronique

AJDI                                       Actualité Juridique de Droit Immobilier

D                                            Dalloz

D aff                                        Dalloz affaires

Def                                          Répertoire du notariat Défrénois

Ed                                           Édition

Gaz Pal                                   Gazette du palais

JCP G                                      Jurisclasseur périodique, édition générale

JCP E                                     Jurisclasseur périodique, édition entreprise

JCP N                                                Jurisclasseur périodique, édition notariale

RTD com                                Revue Trimestrielle de Droit commercial

RJDA                                      Revue de jurisprudence de droit des affaires

S                                             Sirey

T. com.                                   Tribunal de commerce

TGI.                                        Tribunal de grande instance

Th                                           Thèse

        

 

SOMMAIRE



 

REMERCIEMENTS................................................................................................................ 1

 

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS...................................................................... 2

 

INTRODUCTION..................................................................................................................... 5

 

Chapitre 1 : L’existence de la clientèle condition préalable à la reconnaissance du bail commercial  21

 

Paragraphe 1. La naissance de la clientèle............................................................................ 21

 

A.    L’apparition de la clientèle.............................................................................................. 21

     Les thèses relatives à la naissance du fonds de commerce............................................ 21

     La thèse de « l’exploitation » du fonds de commerce expression de l’apparition de la clientèle         22

B.     La consistance de la clientèle........................................................................................... 24

     L’indifférence quantitative quant à la naissance de la clientèle....................................... 24

   La disparition de la clientèle......................................................................................... 25

 

Paragraphe 2. Les caractères de la clientèle......................................................................... 26

 

A .   Le caractère réel et certain de la clientèle......................................................................... 26

     La distinction de la clientèle et de l’achalandage........................................................... 26

   L’indifférence pratique de la clientèle potentielle........................................................... 29

B.     L’abandon du caractère essentialiste de la clientèle.......................................................... 32

   Les critiques relatives à la théorie « essentialiste de la clientèle ».................................... 32

     Le recours à la théorie de « l’élément support la clientèle »........................................... 34

 

 

Chapitre 2 : La propriété de la clientèle facteur d’attribution du bail commercial.............. 36

 

Paragraphe 1. La propriété d’une clientèle propre et autonome condition du bénéfice du statut des baux commerciaux............................................................................................................................ 37

 

A.    La mise en péril du  système de la distribution par le refus de l’octroi d’une clientèle aux commerçants intégrés        38

1° Les incertitudes de la jurisprudence en matière de distribution intégrée............................. 38

2° Les critiques de la doctrine favorable à la reconnaissance d’une clientèle aux distributeurs intégrés      41

B.     L’octroi de la propriété d’une clientèle aux entrepreneurs intégrés.................................... 43

1° La distinction prétorienne de la clientèle locale et nationale............................................... 43

2° Une solutions guidée par des considérations économiques............................................... 45

 

Paragraphe 2. L’exclusion du statut des baux commerciaux des commerçants privés d’une clientèle propre et autonome.................................................................................................................................. 49

 

A.    Les commerçants dépendants privés d’une clientèle et d’un bail commercial..................... 49

1° L’absence de clientèle du commerçant dépendant........................................................... 49

2° L’incohérence du refus d’octroyer la propriété d’une clientèle au commerçant dépendant51

B.     La nécessité de reconnaître la propriété d’une clientèle au cyber-entrepreneur.................. 54

1° L’internet un nouveau canal de distribution commercial.................................................... 54

2° Plaidoyer en faveur de l’octroi d’une clientèle dans le contexte novateur de l’internet........ 56

 

CONCLUSION........................................................................................................................ 59

 

Bibliographie............................................................................................................................ 64


 


 INTRODUCTION

 

« Il ne faut jamais perdre de vue que la clientèle est à l’origine et à la fin de toute chose »[1]. « Son existence, sa nature son rattachement sont à déterminer pour dire s’il y a fonds de commerce et par ricochet bail commercial. »[2] La première constatation est celle d’un économiste, la seconde, celle d’un juriste. Le rapprochement de ces deux assertions n’est pas fortuit, car le concept de clientèle est un point de rencontre des sciences juridiques et économiques. Il est le dénominateur commun à l’ensemble du droit et du monde des affaires. Le commerce français est multiforme[3] avec 40 % de grandes entreprises constituées d’hypermarchés en périphérie et d’enseignes prestigieuses en centre ville ; un tiers de commerces indépendants organisés, fortement implantés en centre ville et dans les centres commerciaux ; la dernière tranche étant constituée par des commerçants strictement indépendants. La principale préoccupation des acteurs économiques réside dans la création, la fidélisation ainsi que le développement de la clientèle. Pour y parvenir, la stabilité de leur fonds de commerce est nécessaire, et s’acquiert, quasi systématiquement, par la signature d’un bail commercial[4]. La clientèle est au centre du dispositif législatif et jurisprudentiel afférent au bail commercial, en effet, le bénéfice du statut nécessite l’exploitation d’un fonds de commerce, ce dernier étant suborné à la preuve de l’existence de la clientèle. En conséquence, l’existence d’une clientèle propre conditionne celle du bail commercial. Force est de constater que les problèmes sont intimement imbriqués et qu’il est difficile de les isoler pour en faire un examen séparé.

A ce stade de nos propos introductifs, tentons de définir l’ensemble de ces notions. La première d’entre elles est le fonds de commerce, qui, en tant que notion essentielle du droit commercial, ne peut être passée sous silence, d’autant que les incertitudes inhérentes à la clientèle proviennent des celles afférentes au fonds de commerce. L’idée d’un fonds de commerce s’est dégagé au XIXème siècle afin, d’une part, de permettre une protection de la clientèle du commerçant contre les atteintes des concurrents, et d’autre part, d’assurer une garantie aux créanciers de l’exploitant via un droit d’opposition sur le prix de vente du fonds. Egalement, la volonté de faire du fonds de commerce une source de crédit est intimement liée à son existence. Malgré la place de pierre angulaire du droit des affaires attribuée au fonds de commerce, le législateur n’a jamais souhaité[5] le définir, et la loi Cordelet en date du 17 mars 1909, désormais insérée aux articles L 141-5 et suivants du Code de commerce se contente, de façon très pragmatique, d’une énumération des éléments qui le constitue. Si les auteurs les plus autorisés en la matière ont tenté d’élaborer une définition, aucune n’a jamais été unanimement reçue par la doctrine, notamment du fait du désaccord relatif à la nature juridique du fonds. Aussi, retenons la formule d’une doctrine de référence[6]qui retranscrit l'énumération de la loi : « Le fonds de commerce est un ensemble de biens mobiliers corporels et incorporels qu'un commerçant, personne physique ou morale, affecte à une exploitation commerciale ; parmi les éléments incorporels se trouvant nécessairement une clientèle ».

La notion de fonds de commerce est particulièrement large puisqu’elle inclut non seulement la boutique, mais également l’hypermarché ou l’établissement industriel. Pourtant, lorsque l’on aborde le fonds de commerce, on pense quasi systématiquement à la boutique de détail tenue par un commerçant, sans tenir compte de l'extraordinaire hétérogénéité des exploitations. Ce réflexe s’explique car, en fait et non en droit, sans qu’aucune règle juridique ne l’oblige, au-delà d'une certaine taille, la notion de fonds de commerce est repoussée par les mécanismes du droit des sociétés.

Aborder la notion de fonds de commerce conduit inévitablement à évoquer la séduisante notion d’entreprise[7]. Plus large que ne l’est le fonds de commerce, elle englobe des éléments, tels que le capital ou le travail. Ce concept, plus économique, semble avoir été  le guide des dernières positions de la Cour de cassation[8] en matière de bail commercial. Bien qu’également empreinte d’incertitude et source de controverse, un consensus semble se dégager en doctrine pour définir l’entreprise comme « une organisation autonome qui coordonne un ensemble de facteurs de production de biens ou de services devant être écoulés sur un marché ».[9] Si la notion d’entreprise n’est pas encore encrée dans le droit positif, deux courants doctrinaux s’opposent quant à la conception à retenir de cette notion voisine du fonds de commerce. Les « matérialistes » insistent sur l'aspect purement patrimonial de l’entreprise et n'y voient qu'un ensemble de biens affectés à une production par un entrepreneur. Les « personnalistes » en font un rassemblement des moyens humains indispensables à l'exploitation et opposent les apporteurs du capital aux apporteurs du travail. Le régime juridique de l'entreprise évolue entre ces deux pôles, selon la branche du droit concerné. Le droit social adopte la conception personnaliste ; le droit des sociétés se situe à mi-chemin des deux thèses, tenant compte de la collectivité des associés comme copropriétaires de l'entreprise, mais également des intérêts des salariés ; le droit commercial tend désormais à adopter la conception matérialiste en affirmant que la propriété de la clientèle et par rebond la reconnaissance du bénéfice du statut des baux commerciaux devraient être reconnues au commerçant qui exploite une entreprise à ses risques et périls[10]. A la différence de l’entreprise, le fonds de commerce est un objet de droit et non un sujet de droit. Alors que l'entreprise doit rassembler tous les éléments facteurs de production, le fonds de commerce n'en réunit que quelques-uns puisqu’en sont exclus les immeubles, les contrats, les créances et les dettes. Depuis son apparition, le fonds de commerce a subi une profonde métamorphose, puisque d’une essence matérielle, il est devenu largement immatériel. Aujourd’hui sa valeur est essentiellement fonction de ses éléments incorporels, au premier rang desquels, la clientèle et le bail commercial.

 

S’agissant de la clientèle, le législateur n’en donne aucune définition et en fait un élément du fonds de commerce au même titre que d'autres, sans indiquer expressément si le fonds doit ou non comprendre une clientèle. En conséquence, il s’en remet à ce que la pratique du temps entendait par là. Pourtant, l’étude du contentieux relatif à la clientèle met en exergue la gêne des tribunaux pour définir cet élément, et, comme pour le fonds de commerce, la doctrine ne parvient pas à un consensus quant à la définition à retenir de la clientèle. Dans une première approche, elle peut être définie comme « l’ensemble des personnes se fournissant chez un commerçant ou recourant à ses services »[11]. De façon plus économique, elle a pu être présentée comme « une unité de mesure, un volume d’affaire, l’expression d’un chiffre d’affaires »[12]. Enfin, sous un angle juridique elle vise « un ensemble de relations d’affaires habituelles ou occasionnelles qui existent et seront susceptibles d’exister entre le public et le titulaire d’un poste professionnel résultant de l’attraction conjuguée de facteurs matériels et personnels»[13]. Ces définitions méritent d’être retenues à ce stade de nos propos car elles évitent d’aborder les « irritantes questions de la clientèle »[14] et ont le mérite de la simplicité. Elles ne tiennent pas compte des motifs qui poussent les individus à contracter, qu'il s'agisse de la localisation du fonds, de la personne du commerçant ou de tout autre élément du fonds de commerce. Ainsi, elles sont frappées du sceau de l’unité et n’opèrent pas de distinction entre la clientèle et l’achalandage[15].

 

S’agissant enfin du bail commercial, à la différence du fonds de commerce et de la clientèle, sa définition ne pose pas de problème. Si l’expression « bail commercial » est unanimement utilisée pour désigner la location conclue dans une optique professionnelle, exclusion faite des baux ruraux et des baux professionnels, le législateur utilise la formule plus large de « baux à loyer des locaux ou immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal ». Le Doyen Cornu[16] définit ce contrat comme « un bail à loyer de locaux auquel les parties donnent une destination commerciale, industrielle ou artisanale et qui est soumis à un statut dérogatoire du droit commun ». En conséquence, le statut des baux commerciaux permet de couvrir l’ensemble des situations locatives c'est-à-dire tant celle de l’artisan ou du commerçant exploitant dans une boutique, que celle des sociétés multinationales ou des entreprises industrielles. Ainsi, les solutions dégagées pour le commerçant sont applicables aux artisans et industriels, non sans avoir procédé préalablement à une adaptation inhérente aux domaines d’activités différents.

Outre quelques dispositions[17] du Code civil qui constituent le droit commun des baux, réglementant notamment la répartition des charges et des travaux ainsi que la délivrance de la chose louée, le bail commercial est régi par les articles L 145-1 et suivants du Code de commerce, les dispositions de valeurs législatives du décret du 30 septembre 1953 ayant été partiellement codifiées à droit constant, par l’ordonnance du 18 septembre 2000[18]. Néanmoins, le décret n’a pas fait l’objet d’une abrogation totale et les dispositions réglementaires subsistent.[19] Le statut des baux commerciaux n’est pas entièrement d’ordre public et seules les dispositions des articles L 145-15 et L 145-16 du Code de commerce ainsi que celles auxquelles le texte renvoie sont impératives. En conséquence, l’ensemble des autres dispositions peut être conventionnellement écarté. La législation afférente à la propriété commerciale est le résultat d’un choix économique, donc politique, et le régime des baux commerciaux a pu être qualifié de « compliqué, complexe et même ésotérique »[20]. Conformément aux articles L 145-1 et L 145-8 du Code de commerce, le bénéfice du statut protecteur des baux commerciaux est subordonné à l’existence d’un bail, portant sur un local dans lequel une société commerciale, un commerçant immatriculé[21] au registre du commerce et des sociétés ou un artisan inscrit au répertoire des métiers exploite un fonds de commerce ou un fonds artisanal autonome, depuis au moins trois ans à la date d’expiration du bail[22]. Par application de la théorie selon laquelle  l’accessoire suit le principal, le statut est également applicable aux locaux accessoires dont la privation est de nature à compromettre le fonds ainsi qu’aux locaux mixtes, destinés à la fois à l'exploitation et au logement du locataire. Enfin, peuvent également bénéficier du statut, sans que l’exploitation d’un fonds de commerce ne soit requise, les professionnels exerçant une des activités énumérées à l’article L 145-2 du Code de commerce[23] et ceux stipulant une extension conventionnelle.

Dès lors que le bénéfice du statut est acquis, un certain nombre de droits sont reconnus au preneur[24]. Ainsi, au terme du bail commercial d’une durée minimale de neuf ans, il s’opère une tacite reconduction jusqu'à ce que l’une des deux parties donne congé à l’autre. Le preneur fait l’objet de la protection inhérente au caractère commercial du bail et se voit reconnaître le bénéfice de « la propriété commerciale[25] », c’est-à-dire la possibilité d’avoir un droit infini au renouvellement, ou à défaut, le versement d’une indemnité d’éviction.  


Les méthodes d’évaluation révèlent l’importance de la clientèle[26] car cette indemnité doit être équivalente à la valeur du fonds de commerce. Ainsi, afin de participer à la protection et à la stabilité de l’entrepreneur, le montant de cette indemnité est comminatoire, pour être, dans certaines hypothèses, supérieur à la valeur de l’immeuble[27]. A cela, il s’agit de rajouter la possibilité reconnue au preneur de modifier son activité en respectant les procédures de déspécialisation partielle ou totale, nécessitant dans ce dernier cas l’accord du bailleur ou à défaut une autorisation du juge, mais également le droit de céder son bail avec le fonds de commerce, sans que le bailleur[28] ne puisse s’y opposer. Enfin, le bail commercial est caractérisé par une réglementation stricte quant à la révision du loyer aux échéances triennales et lors du renouvellement du bail, limité par la référence à l’indice INSEE, sauf hypothèses rares de déplafonnement. Cette règle du plafonnement, objet des critiques unanimes de la pratique et de la doctrine[29], est présentée comme à l’origine des vicissitudes relatives au bail commercial et à la clientèle. En effet, les bailleurs confrontés au plafonnement, ne pouvant fixer le montant du loyer à la valeur du marché, ont argué de l’inexistence d’une clientèle propre aux commerçants pour leur refuser le droit au renouvellement du bail commercial sans aucune indemnité. Une fois libéré, le local pouvait être loué à un autre entrepreneur, pour un prix conforme à la tendance du marché. Ainsi, alors que les mécanismes du  bail commercial ont été décris comme opérant « un affaiblissement des droits du bailleur et parallèlement un renforcement des droits du preneur »[30], la clientèle a été le moyen trouvé par les propriétaires pour reprendre l’ascendant sur les locataires.

 

Ces précisions sémantiques permettent de reformuler l’intitulé du mémoire. Ainsi, étudier le binôme « clientèle et bail commercial » revient à déterminer le rôle joué par la clientèle, notion dont le caractère et la nature sont flous, dans l’attribution du bail commercial au bénéfice du preneur, mais également à analyser comment les mécanismes inhérents au statut des baux commerciaux ont participé à l’alimentation des débats relatifs à la notion de clientèle et par voie de conséquence à son évolution.

Pour la clarté de l’exposé il convient de circonscrire l’objet de nos recherches aux seules notions qui figurent dans l’intitulé même du mémoire, telles qu’elles ont été définies. En conséquence, l’étude de la clientèle est limitée à  celle de nature commerciale, à l’exclusion de la clientèle civile, le bail commercial ne visant pas à en assurer la stabilité. Notons que depuis l’important arrêt du 7 novembre 2000, le caractère patrimonial de la clientèle civile est acquis et qu’ainsi, l’ensemble des controverses doctrinales et jurisprudentielles a pris fin. De même, il s’agit d’exclure des développements le débat ayant porté sur la cessibilité de la clientèle commerciale, celle-ci étant désormais pleinement acquise et incontestable. Ce débat ayant été chronologiquement le premier à avoir animé la doctrine, il ne peut être passé sous silence. Ainsi, une partie des auteurs ont prôné l’impossibilité de pouvoir céder la clientèle. Le doyen SAVATIER[31] justifiait l’incessibilité de la clientèle par une analyse « in concreto » pour en faire « un peuple composé de certains hommes et de certaines femmes ». Le Professeur ROUBIER, constatant que le propriétaire du fonds n'avait aucun droit sur les clients en régime de liberté de commerce, a développé la théorie des droits de clientèle pour en conclure que « la clientèle est à qui sait la prendre ». Par la suite, monsieur SERRA[32] estime qu’elle se compose d’individus libres de tout lien juridique contraignant et fait primer la liberté individuelle des personnes. Enfin, dans le même sens, monsieur BEIGNIER confirme, lors du 60ème congrès des Notaires de France, que le commerçant ne pouvait disposer des mêmes droits sur les clients que ceux qu’il pouvait avoir sur l’enseigne ou la marque. Pourtant, d’un point de vue économique, il apparaissait nécessaire de reconnaître au commerçant la possibilité de céder le fruit de son exploitation, sous peine de décourager toute volonté d’innovation. Afin de sortir de la contradiction, la solution a été de reconnaître la cessibilité de la clientèle via la cession du bien présenté comme son élément support.

L’étude étant relative aux rapports existant entre la clientèle et le bail commercial, c'est-à-dire les rapports locatifs soumis aux articles L 145-1 et suivants du Code de commerce,  l’ensemble des conventions d’une nature différente du bail commercial ne sera pas abordé.


Ainsi, la location gérance[33], régi par les articles L 144-1 et suivants du Code de commerce , se trouve naturellement exclue, puisqu’il s’agit d’un contrat de location portant sur un fonds de commerce et non pas sur un immeuble. De même, doit nécessairement être exclu, outre les concessions de service public[34] et les activités exercées sur les marchés qui ne peuvent bénéficier d’un bail commercial puisque ces commerçants ambulants ne disposent pas d’un local stable, l’ensemble des baux dits « atypiques ». Il s’agit notamment du bail dérogatoire[35], résultant de la loi du 12 mai 1965, conclu à titre exceptionnel pour une durée maximale de deux ans. Si par principe, ce type de bail ne peut être conclu qu’une seule fois, la Cour de cassation[36] admet, de façon « contra legem », la succession de baux dérogatoires, dès lors que le preneur renonce à ses droits acquis au statut de façon non équivoque, alors que le texte de l’article L 145-5 du Code de commerce énonce qu’à l’issue de la période de mise à disposition, si le locataire reste ou est laissé dans les lieux, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux. De même, ni la convention d’occupation précaire, résultant de circonstances particulières affectant les lieux loués, ni la location saisonnière, convention par laquelle le bailleur reprend le local entre deux « saisons » ; pas plus que les baux de longue durée de 18 à 99 ans, ne seront abordés. De plus, est exclue de l’étude en raison de ses conditions de validité, la domiciliation résultant ; soit d’un contrat de prestation de service[37] d’une durée d'au moins trois mois renouvelable soumis à l’ordonnance en date 27 décembre 1958 ; soit directement au domicile[38] de l’entrepreneur ou du dirigeant de la personne morale.


En effet, afin de pouvoir opter pour de telles solutions, l’activité ne doit pas entraîner de réception de clientèle[39]. Il en est de même des baux à usage exclusif de bureau[40], qui, en conséquence, ne seront pas abordés dans les développements, puisque ne bénéficiant pas de plein droit du statut des baux commerciaux, bien que l’article 29-1 du décret soit consacré au mode de révision des loyers spécifiques à ce type de locaux. Enfin, l’étude étant afférente au bail commercial, les magasins collectifs de commerçants indépendants, définis comme « le regroupement de commerçants de différentes professions dans une même enceinte »[41] sont exclus des développements car ils bénéficient d’une situation locative particulière, réglementée par la loi spéciale du 11 juillet 1972 codifiée dans le Code de commerce aux articles L 125-1 et suivants, excluant du bénéfice du statut des baux commerciaux les membres participants.

 

Après avoir circonscrit le domaine de l’étude, tirons quelques enseignements des considérations historiques de la matière. La doctrine classique[42] enseigne que la clientèle a été introduite dans notre droit positif par un texte fiscal en date du 28 février 1872. Le député JOURNAULT serait à l’origine de l’amendement visant à soumettre à un droit de mutation de 2% « les ventes de clientèle » qui n’étaient pas comprises dans le fonds de commerce. Si le réalisme fiscal est à l’origine de la reconnaissance légale de la notion,  il ne fait aucun doute  que l’institution était stabilisée avant que ne se fixe sa terminologie[43]. Aussi, il semble qu’il faille dater l’apparition de la notion de clientèle entre la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècles. Bien qu’à cette époque, les termes de chaland et de client étaient assimilés et qu’il était injurieux de céder une clientèle - seul l’achalandage pouvant être vendu - cette période est marquée par la proclamation de la liberté du commerce et de l’industrie ainsi que par la suppression des corporations. Deux explications peuvent être apportées au glissement sémantique. D’abord l’accélération de l’industrialisation a entraîné une multiplication et une standardisation des biens et des produits de consommation courante. Le commerce s’en est trouvé profondément renouvelé, et l’on assiste à l’apparition dans les villes des magasins dits « de nouveautés », puis « des grands magasins ». Accompagnant l’industrialisation, la publicité a vu le jour et a suscité la  transformation des méthodes de vente. Ces différents phénomènes ont contribué à ce que le doyen SAVATIER a qualifié de « dépersonnalisation des liens avec le commerçant », autorisant la clientèle à être l’objet de transaction. D’autre part, l’adoption du terme clientèle, vocable emprunté aux médecins et avocats, visait à permettre au commerçant de s’élever au rang plus prestigieux des professions libérales.

Selon les théories du positivisme sociologique, la société sécrète spontanément les règles de droit qui lui apparaissent nécessaires. Cette doctrine se vérifie parfaitement lorsque l’on étudie l’apparition du bail commercial. Ainsi, tout au long de la première moitié du XIXème siècle, les commerçants ne ressentaient pas le besoin d’un bail visant à assurer la protection de leur exploitation puisque la plupart d’entre eux étaient propriétaires de l’immeuble[44] dans lequel ils exerçaient leur commerce. Par la suite, cette situation s’est inversée. L’apparition de la  législation afférente aux baux commerciaux résulte de l’inadaptation des règles du Code civil à assurer une protection efficace du fonds de commerce lorsque l’entreprise était exploitée dans des locaux n’appartenant pas à l’entrepreneur. En effet, le contrat de bail de droit commun cessait de plein droit à l’expiration du terme ou, s’il s’agissait d’un contrat à durée indéterminée, par l’effet d’un congé. Le locataire commercial était ainsi à la merci du propriétaire des murs qui pouvait reprendre les locaux afin de continuer lui-même l’exploitation du fonds de commerce en s’appropriant la clientèle ou, relouer le local à un autre commerçant pour un prix supérieur, sans qu’aucune indemnisation ne soit versée au preneur pour la perte de son fonds de commerce. Dans le meilleur des cas, le locataire ne se voyait offrir le renouvellement de son bail que moyennant une augmentation importante du loyer. Conscient du lien vital entre le fonds de commerce et le bail de l’immeuble où il est exploité, le législateur décida d’adopter une législation particulière afin d’éviter que la perte du bail n’entraîne celle du fonds. Dès 1911, une première proposition de loi fut déposée sans succès. C’est la crise immobilière résultant de la première guerre mondiale, provoquant une diminution du nombre de locaux disponibles sur le marché et l’impossibilité de réinstallation du locataire, qui a incité le législateur à adopter le premier texte protégeant le local commercial. Le regretté Professeur DERRUPPE n’a pas manqué de souligner que la loi du 30 juin 1926 fut ressentie comme « une conquête des besogneux du commerce sur les nantis de la propriété » ; en effet, la loi a soustrait le bail commercial du régime de droit commun, pour octroyer au commerçant, selon l’expression consacrée par la pratique, une véritable « propriété commerciale », caractérisée par le droit au renouvellement de son bail à son expiration ou à défaut, par le paiement d’une indemnité d’éviction destinée à réparer son préjudice. Le texte avait pour ambition de sanctionner les refus abusifs et de réparer les enrichissements injustes. L’après seconde guerre mondiale est la période dite « des prorogations »[45], pendant laquelle les baux commerciaux ne faisaient plus l’objet de renouvellement. Le décret du 30 septembre 1953[46] « réglementant les rapports entre bailleur et locataire en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeuble ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal » abrogea l’ensemble des dispositions antérieures afférentes au bail commercial, pour constituer, malgré son titre limitatif, un véritable statut des baux commerciaux régissant la quasi-totalité des rapports entre le bailleur et le preneur. Il a été adopté à la suite de pressions des commerçants et visait à adapter la législation à l’évolution économique.

Les critiques se multiplièrent et les plus vives sont celles contenues dans le célèbre rapport RUEFF-ARMAND, publié en 1960 par la documentation française. La propriété commerciale y est décrite à la fois comme un frein à la construction immobilière, une entrave aux projets de rénovation urbaine, comme un facteur d’inflation du fait de la technique du pas de porte, et enfin comme la cause de la régression de la place de la France dans la compétition internationale. Pourtant, avec les Professeurs AUQUE et DERRUPPE[47] on ne peut que constater que ce statut des baux commerciaux, accusé de tous les maux, loin d’avoir été un obstacle à l’expansion économique, à permis de conférer l’assise nécessaire au fonds de commerce. Aujourd’hui, le statut n’est pas exempt de critique. Conçu sur un schéma d’après guerre, période marquée par la pénurie et l’inflation monétaire, le statut ne visait qu’à répondre aux besoins des petits commerces de l’époque. Depuis son adoption il est resté statique alors que l’économie s’est profondément modifiée, avec le développement des hypermarchés, des centres commerciaux[48], de la distribution intégrée, mais également du commerce électronique. A ce titre, la doctrine espère de façon unanime une réforme du « vieux » statut des baux commerciaux qui ne répond plus aux besoins et attentes des parties. A notre sens, le statut ne doit faire l’objet ni d’une refonte totale, ni d’une abrogation, mais d’une adaptation au commerce du troisième millénaire afin de gommer ses imperfections. Ainsi que l’énonce très justement monsieur le Professeur MONEGER, il « ne mérite pas la hache du bourreau mais le laser du chirurgien ». Il est vrai que le bail commercial est trop encré dans nos habitudes et pratiques commerciales. Les locataires sont particulièrement attachés à l’institution et les bailleurs ne craignent plus le renouvellement[49]. Si depuis une dizaine d’années, aucune des propositions de réforme n’a abouti, il semble que le souhait de la doctrine ne soit pas resté un vœu pieux puisque le Garde des Sceaux, monsieur Dominique PERBEN[50], conscient du décalage entre le droit et l’économie, a enfin constitué un groupe de travail chargé de proposer une modernisation du régime juridique des baux commerciaux. Leur mission consistait d’une part à réfléchir sur le champ d'application des baux commerciaux, aujourd'hui très (trop) étendu, et d’autre part, de tenter d'aboutir à une réduction du contentieux en la matière. Présidé par monsieur Philippe PELLETIER, le groupe a conclu, dans son rapport[51] remis le 5 mai 2004 au Garde des sceaux, que les principes fondamentaux régissant les baux commerciaux ne nécessitaient pas d’être bouleversés et propose simplement quelques modifications textuelles[52]. Ainsi,  la commission ne revient, sans doute volontairement, ni sur la notion de la clientèle inhérente à l’existence d’un fonds de commerce condition essentielle à la qualification de bail commercial,  ni sur l’extension du bénéfice du statut des baux commerciaux aux entrepreneurs dépendants, intégrés ou aux commerçants électroniques, s’en remettant à la jurisprudence pour résoudre ces questions fondamentales.

 

Si les données historiques permettent de comprendre dans quelles conditions les notions de clientèle et de bail commercial sont apparues dans notre droit positif, et ainsi de saisir la philosophie de ces institutions, le traitement de ces notions par les législations étrangères est également source d’enseignement. Certains auteurs concluent, peut être trop hâtivement, que le fonds de commerce est une spécificité française. Or, la  vérité oblige à dire que toutes les législations étrangères admettent que l’existence et la valeur de l’entreprise résultent d’un élément essentiel, dont l’appellation varie et dont la définition est également controversée[53]. En effet, si la clientèle est une notion essentiellement franco-belge[54], les autres pays de l’Union Européenne connaissent des notions semblables. Le droit anglais consacre la notion de « good will », le droit allemand parle de « chancen » et le droit Italien connaît « l’avviamento ». De même, la doctrine s’est interrogée sur l’existence d’une exception locative française[55]. Différentes études de droit comparé concluent que la quasi-totalité des pays considèrent que la conservation du fonds de commerce dépend de la stabilité et de la permanence de l’installation matérielle du commerçant. Si aux Etats-Unis, les baux sont d’une durée de dix huit ans, sans droit au renouvellement et si l’Allemagne soumet les rapports locatifs commerciaux au droit commun, incitant ainsi le commerçant à acquérir l’immeuble dans lequel il exploite son entreprise, l’ensemble des pays de l’Union Européenne a opté pour une protection spéciale du local commercial. Mais, si le statut des baux commerciaux n’est pas une exception française[56], il existe en revanche une différence de degré[57] quant à la protection accordée aux preneurs de locaux commerciaux en Europe, le système français apparaissant comme le plus rigoureux pour le bailleur et donc le plus protecteur pour le preneur. Cette constatation faite, il est possible de se demander si plus de quarante ans après sa publication, les critiques du rapport RUEFF-ARMAND ne redeviennent pas d’actualité s’agissant de la compétitivité de la France au niveau international, notamment depuis le 1er mai 2004 et l’arrivée de dix pays de l’Est dans l’Union Européenne.

 

Présenté comme un « monstre juridique »[58], certains bailleurs ont tenté de faire reconnaître l’incompatibilité du statut des baux commerciaux « à la française » avec les dispositions supra législatives de l’ordre international.

Ainsi, il a été plaidé que le statut des baux commerciaux était contraire au droit communautaire pour un triple motif. D’une part, il constituerait un obstacle à la liberté d’établissement d’un étranger qui souhaiterait s’implanter sur le territoire français, au motif que les frais d’installation sont considérablement alourdis par le paiement d’un pas de porte ou d’un droit au bail[59]. Or, avec messieurs ROZES[60] et DERRUPPE[61], il est suffisant, afin de repousser cet argument de contrariété entre le statut français et le droit communautaire, de constater que le même traitement est appliqué à l’ensemble des entrepreneurs exerçant sur le sol français, et cela quelle que soit leur nationalité. D’autre part, il a pu être avancé de façon kafkaïenne, une atteinte à la concurrence entre les Etats membres de l’Union Européenne, au motif que le coût des frais d’installation était nécessairement répercuté sur les prix proposés par le commerçant, mais également sur le fondement que les entreprises françaises bénéficieraient de facilités pour obtenir du crédit au titre de la valeur de leur droit au bail. La contradiction de cet argument suffit à le balayer. Enfin, plus sérieux est l’argument tiré de la profonde atteinte au droit de la propriété immobilière résultant de la signature d’un  bail commercial, laquelle ne pourrait persister au titre de l’harmonisation du système. Bien que pertinente, la remarque est sans incidence car, conformément à l’article 222 du Traité de Rome, le régime de la propriété relève de la compétence des autorités nationales. Ainsi, le livre blanc de la Commission des Communautés prolongeant l’acte unique européen ne mentionne pas les baux commerciaux comme une matière à harmoniser. En conséquence, il n’existe aucune contrainte communautaire dans le domaine des baux commerciaux[62], ce qu’a récemment confirmé, monsieur Dominique PERBEN[63], Ministre de la justice, lors de son discours au colloque de l’Union Nationale de la Propriété Immobilière, portant sur « le décret de 1953, 50 ans après : une modernisation nécessaire », en date du 17 juin 2003.

 

Pourtant, une partie de la doctrine continue à s’interroger sur l’antinomie pouvant exister entre la propriété commerciale et le droit européen, et fait de cette dernière, un véritable « privilège accordé à une certaine catégorie de prestataires de service »[64]. Aussi, les conseils des bailleurs ont-ils tenté de se fonder sur la CEDH, et plus précisément sur l’article premier du protocole additionnel du 20 mars 1952 garantissant à toute personne le droit au respect de ses biens, pour critiquer le statut des baux commerciaux issu du décret de 1953. D’une part, il fut invoqué que le propriétaire de l’immeuble était privé de son droit de propriété en raison du renouvellement automatique et du plafonnement du prix du loyer consentis au profit du preneur et d’autre part, que le statut était édicté dans l’intérêt d’une catégorie de citoyens, les locataires commerçants, et non pas dans l’intérêt général. Pourtant, ni les juges du fond[65], ni la Cour de cassation[66] ne retiennent l’incompatibilité du décret de 1953 avec la CEDH au motif que le bailleur n’est jamais tenu d’accepter le renouvellement du bail commercial, moyennant le paiement d’une indemnité d’éviction. Ainsi, la jurisprudence en conclut que le texte réalise un juste équilibre entre l’intérêt général de la communauté et la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.

 

Le cadre ayant été délimité à partir des données sémantiques, historiques, de droit comparé, et de droit européen, il s’agit de préciser les objectifs du mémoire. Notre ambition est de dégager l’évolution contemporaine du lien unissant la clientèle et le bail commercial, à partir de la jurisprudence et de la doctrine en la matière. Pourquoi procéder à une telle étude ? Son intérêt réside tout d’abord dans la constatation que le fonds de commerce, et par ricochet la clientèle, reste au cœur de la vie juridique de l’entreprise malgré les critiques dont il est la cible et les orientations prises par le commerce contemporain. Parallèlement, la créativité jurisprudentielle en matière de baux commerciaux est toujours intense. Ainsi, bien que le bail commercial repose sur un « vieux socle », la jurisprudence, sensible aux critiques persistantes de la doctrine présentant le bail commercial comme inadapté, sollicite le texte du statut afin de le réécrire. Cette activité prétorienne est particulièrement perceptible en cette période de cinquantième anniversaire du décret du 30 septembre 1953.

Surtout, procéder à l’étude du binôme « clientèle et bail commercial » présente un intérêt théorique et pratique étroitement liés. En statuant sur l’importante question du renouvellement du bail commercial, le juge est tenu de se prononcer sur l’existence d’une clientèle propre et autonome, nécessaire à la qualification de fonds de commerce et par rebond à celle de bail commercial.

De même, l’actualité de ce sujet ne souffre d’aucune contestation. En effet, les dernières positions de la jurisprudence et récents commentaires de la doctrine[67] font désormais du bail commercial l’élément du fonds de commerce le plus important en tant que support de la clientèle.  Désormais, le bénéfice du statut des baux commerciaux vise moins à la protection de la clientèle qu’à celle du droit au bail considéré tout à la fois comme un instrument de captation de la clientèle, de détermination de la propriété de cette dernière, mais également comme une valeur patrimoniale spécifique et importante.

Enfin, l’intérêt de l’étude se trouve rehaussé par le mutisme de la commission PELLETIER sur les difficiles et fondamentaux problèmes unissant la clientèle au bail commercial.

 

Afin que le bénéfice du statut des baux commerciaux soit reconnu à l’entrepreneur, il doit exploiter une clientèle personnelle. Il en résulte que la clientèle et le bail commercial sont unis par des liens étroits, en effet, l’existence de la clientèle est la condition préalable à la reconnaissance du bail commercial (chapitre 1), la propriété de la clientèle étant le facteur d’attribution du bail commercial (chapitre 2).

 

 


Chapitre 1 : L’existence de la clientèle condition préalable à la reconnaissance du bail commercial

 

A quelle date doit-on fixer la naissance de la clientèle (§1)? Outre l’intérêt théorique de la question, l’enjeu pratique est de qualifier le contrat de location. Porte-t-il sur le local ; auquel cas le statut des baux commerciaux trouve à s’appliquer, ou sur le fonds de commerce ; de telle sorte que la situation locative doive être qualifiée de location-gérance ?

Mais pour que la qualification de clientèle soit effectivement retenue, un certain nombre de caractères doivent être identifiés (§2).

 

Paragraphe 1. La naissance de la clientèle

 

L'apparition de la clientèle (A) conditionne la naissance du fonds de commerce et de façon symétrique, la disparition de sa consistance (B) entraîne celle du fonds et par rebond interdit le bénéfice du statut des baux commerciaux.

 

A.     L’apparition de la clientèle

 

 Si différentes thèses ont vu le jour en doctrine pour rendre compte de la naissance du fonds de commerce (1°), seule celle dite de « l’exploitation » du fonds rend compte de l’apparition de la clientèle (2°).

 

     Les thèses relatives à la naissance du fonds de commerce

 

Afin de déterminer la naissance de la clientèle, s’agit-il de retenir ; l'immatriculation du commerçant au registre du commerce et des sociétés, l'obtention d'une autorisation administrative lorsqu’elle est déterminante pour l’exploitation, l'ouverture du fonds de commerce au public, ou bien encore la constatation d’un véritable courant d’affaire ?

 

Exclusion faite de la doctrine de monsieur DIDIER qui estime que le fonds de commerce est crée dès que l’entreprise se constitue, il est acquis que la réunion des moyens d'exploitation de l'entreprise demeure insuffisante pour déterminer la naissance de la clientèle. Ainsi, doctrine et jurisprudence s’accordent pour exiger l’ouverture du fonds de commerce au public. En effet, à défaut, la clientèle n’est qu’un espoir, une potentialité, ce qui exclut son caractère réel et certain.

 

Deux thèses principales s’affrontent pour déterminer la date précise d’existence de la clientèle et par rebond la naissance du fonds de commerce nécessaire à la reconnaissance du bail commercial.

D’une part, la thèse dite « de l’ouverture », défendue notamment par messieurs DERRUPPE, FLOCH, JAUFFRET et WEIL, selon laquelle le fonds de commerce existe dès qu’il est ouvert au public et que des rapports avec les clients sont possibles.

D’autre part, la thèse dite de « l’exploitation », dont les principaux représentants sont messieurs COHEN, COLLOMB et MALAUZAT, qui estiment que tant qu’il n’y a pas de mouvements d'affaires, la clientèle est réduite à l’état de simple virtualité.

 

La jurisprudence[68] n’a pas pris partie pour l’un ou l’autre des deux courants, aussi s’agit-il de déterminer laquelle des deux thèses doit être retenue.

 

     La thèse de « l’exploitation » du fonds de commerce expression de l’apparition de la clientèle

 

A notre sens, la thèse de l’exploitation doit être préférée à celle moins rigoureuse de l’ouverture au public. Si cette dernière a l’avantage de la simplicité et permet de dater avec certitude l’apparition de la clientèle, il n’en demeure pas moins qu’elle se fonde sur une jurisprudence peu probante, et qu’elle est économiquement injustifiée puisqu’elle estime que le fonds de commerce existe alors qu’aucune affaire n’a été conclue. Or, si on exclut le cas où le commerçant acquiert un fonds de commerce, l’entrepreneur qui s'installe ne crée de clientèle que par son exploitation personnelle visant à développer un courant d’affaire suffisant lui permettant de générer un chiffre d’affaires et un bénéfice.

Un fonds peut être ouvert au public sans pour autant avoir de clients ou si peu que l’entreprise ne pouvant se maintenir est contrainte au dépôt de son bilan.

De même, ainsi qu’il a déjà été souligné, il nous semble que la clientèle doit être adaptée à l’ensemble des pratiques commerciales, notamment celles les plus récentes. Ainsi, admettre que seul un véritable courant d’affaire permet de justifier l’apparition de la clientèle, donc du fonds de commerce, s’adapte parfaitement à la notion de commerce électronique. En effet, n’est-il pas artificiel de considérer qu’un fonds électronique existe simplement par la réservation d’un nom de domaine et la mise en ligne de pages internet ? Certains sites marchands, en ligne, et pouvant, à tout moment, sans contrainte d’heure ou de jour, être visités par des clients virtuels, ne parviennent pas à conclure le moindre contrat de prestation de service ou de vente. N’est-il pas aberrant de reconnaître une clientèle dans une telle situation qui n’est pas une simple hypothèse d’école ? C’est pourtant ce à quoi aboutit la doctrine de l’ouverture du fonds de commerce au public.

 

Enfin, cette thèse est en conformité avec les exigences légales et jurisprudentielles. Pour que la qualification de fonds de commerce soit retenue, il est nécessaire qu’une clientèle soit exploitée. De même, afin de bénéficier du statut des baux commerciaux, l’article L 145-8 du Code de commerce exige qu’un fonds de commerce soit exploité pendant une durée de trois années précédant le terme du bail commercial. En conséquence, une clientèle doit être exploitée, car seule l’exploitation de celle-ci justifie le bénéfice de la protection de celui-là.

 

En revanche, une question mérite d’être posée, en effet, quelle doit être l’importance de la clientèle pour qu’elle permette de conclure à l’existence d’un fonds de commerce et par rebond permette de bénéficier d’un bail commercial ? S’il est évident qu’aucun maximum n'est envisageable, existe-t-il un minimum, et si oui lequel ?


 

 


B.    La consistance de la clientèle 

 

La jurisprudence ne retient pas une quantité minimale pour retenir l’existence d’une clientèle (1°) mais tire toutes les conséquences de la disparition de la clientèle (2°).

 

  L’indifférence quantitative quant à la naissance de la clientèle

 

Le Code de commerce est muet sur le nombre de clients nécessaire afin qu’un fonds de commerce soit réputé exister. En conséquence, il est revenu à la jurisprudence le soin de déterminer cette donnée arithmétique. Elle manifeste sur ce point un très grand libéralisme et la Cour de cassation[69] a admis qu'un fonds de commerce pouvait ne comprendre qu'un seul et unique client, même si en l’espèce, il s’agissait d’un marché réglementé par une entente et que le client unique regroupait en réalité une collectivité d’adhérents à une coopérative.  Il en résulte que l'unicité du client dans la clientèle tenait aux circonstances de l'exploitation.

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De même, la Cour de cassation[70] a estimé que seize clients suffisaient à constituer une clientèle, dans le cas de l'exploitation d'un local servant de remise à seize véhicules, le commerçant se voyant reconnaître le bénéfice d’un bail commercial, enjeu du contentieux.

 

Enfin, l’exemple de la sous-traitance permet de conclure que rien ne s’oppose à ce qu’une clientèle se compose d’un seul et unique client, dès lors que le professionnel conserve une véritable autonomie.

 

En conséquence, la dimension de la clientèle importe peu, les plus petites comme les plus grandes, peuvent constituer l'élément d'un fonds de commerce. La solution est particulièrement bien venue pour les entreprises liées par une exclusivité de droit ou de fait, avec très peu de client. La domination économique qui peut en résulter n'affecte pas l'existence de la clientèle et du fonds de commerce et par ricochet le bénéfice au statut des baux commerciaux.

 

2° La disparition de la clientèle

 

De façon symétrique à sa naissance, la clientèle ne subsiste que s'il y a exploitation. Les conséquences pratiques sont importantes puisque lorsque le propriétaire du fonds cesse de l’exploiter il perd non seulement sa clientèle, mais également le fonds tout entier et se trouve ainsi privé du bénéfice de la propriété commerciale.

 

Bien que les décisions de jurisprudence soient empreintes de casuistique et nous empêche de tracer une ligne directrice ferme, les difficultés et controverses précédentes ne se retrouvent pas de façon aussi aiguë.

 

Ainsi, s'agissant d'une fermeture définitive, la position de la Cour de cassation[71] est acquise. Elle considère que l’existence de la clientèle et l’exploitation du fonds de commerce sont intimement liées et fixe au jour de la fermeture du fonds la disparition de la clientèle du patrimoine de l'exploitant. La conséquence en est que le commerçant qui cesse son exploitation ne bénéficie plus du droit au renouvellement de son bail, la Cour suprême[72] estimant que l’existence d’un « clientèle potentielle » n’est pas suffisante pour bénéficier du statut des baux commerciaux. 

 

En revanche, s'agissant d'une fermeture temporaire, la jurisprudence ne s’accorde pas quant à la durée à retenir afin de déterminer si la clientèle est définitivement dispersée. Des durées oscillant de une à quatre[73] années ont été considérées comme nécessaires pour retenir que la clientèle était totalement éparpillée.

Nous ne pouvons que critiquer les incertitudes qui découlent de ces décisions instaurant une casuistique dont la pratique ne saurait se satisfaire. La proposition de monsieur BOCCARRA[74], visant à instituer un délai après la fermeture du fonds au-delà duquel la clientèle serait réputée totalement disparue, nous semble particulièrement pertinente. Le Professeur DERRUPPE considère à l’inverse qu’un tel délai serait nécessairement arbitraire. Or,  pour éviter cette critique, ne suffit-il pas de retenir une période différente selon l’activité envisagée ? Cette « sectorisation » n’est pas nouvelle en matière de fonds de commerce puisqu’il en ainsi en matière d’évaluation de la valeur du fonds.

Seule la clientèle permet de déterminer le propriétaire du fonds de commerce, à l’exclusion  de l’achalandage, simple potentialité. Mais afin de pouvoir être qualifiée de clientèle, certains caractères doivent être identifiés.

 

Paragraphe 2. Les caractères de la clientèle

 

La doctrine et la jurisprudence exigent de façon constante que la clientèle doit être « réelle et certaine » (A) de sorte qu’une clientèle « potentielle ou virtuelle » ne permet pas au commerçant de bénéficier du statut des baux commerciaux. Si la jurisprudence a fait de la clientèle l’élément essentiel du fonds de commerce, désormais, le caractère essentialiste de la clientèle semble être abandonné (B).

 

A . Le caractère réel et certain de la clientèle

 

Si la doctrine opère une distinction entre les notions de clientèle et d’achalandage (1°), il n’en demeure pas moins qu’en pratique, la jurisprudence n’attribue aucune conséquence à la clientèle potentielle, laquelle demeure indifférente (2°) quant à l’existence du fonds de commerce et par ricochet à l’attribution du statut des baux commerciaux.

 

  La distinction de la clientèle et de l’achalandage

 

La loi du 17 mars 1909 n’a pas employé le terme de clientèle isolément, mais a utilisé la formule « clientèle et achalandage». La doctrine s’oppose quant à la différence de ces deux termes. Messieurs RIPERT, ROBLOT ou GERMAIN[75], hostiles à la conception dualiste,  ne donnent aucun contenu particulier au terme d'achalandage par rapport à celui de clientèle et traitent l'expression légale comme s'il s'agissait d'une redondance.

 

A l’inverse, messieurs ESCARRA et LYON CAEN estiment qu’une distinction doit être faite entre la clientèle qui serait constituée par « l'ensemble des personnes attirées par la personnalité propre du commerçant », telles que ses qualités d'accueil, de compétence, de probité et, l'achalandage, qui représenterait « l'ensemble des personnes attirées par la localisation du fonds » lorsque celui-ci est situé par exemple sur leur trajet habituel ou dans une artère notoirement commerçante. Il résulte de cette doctrine que l'achalandage serait lié aux facteurs objectifs de la situation de l'entreprise alors que la clientèle serait à rattacher aux facteurs subjectifs de l'activité de l'entrepreneur.

Monsieur GUYON a procédé à une sous distinction entre « la clientèle captive », par laquelle la clientèle est liée au commerçant au titre d’un contrat d’approvisionnement et « la clientèle attirée », qui s’adresse au commerçant du fait de ses qualités.

Monsieur ROTONDI[76] a tenté d’affiner la notion d'achalandage qu’il définit comme « une aptitude à attirer et à retenir les clients avant même d'avoir traiter avec eux ». Il s’agirait ainsi d’un courant d'affaires possible, d’une potentialité de maintien ou de développement du fonds. Pour sa part, il différencie « l’achalandage objectif ou réel », inhérent aux éléments du fonds considérés en eux-mêmes et à leur organisation, et « l'achalandage subjectif, dérivant des qualités personnelles de l'exploitant », ne pouvant faire l’objet d’une cession, à l’inverse de l’achalandage objectif. Monsieur ROTONDI conclut son analyse en considérant que la clientèle ne serait que la « résultante ou conséquence de l'achalandage », et non un élément du fonds parmi les autres.

Monsieur DERRUPPE estime également que l’achalandage reste et demeure une potentialité et explique le passage de l’achalandage à la clientèle par un catalyseur qu’est la volonté de l’homme.

 

A notre sens, la distinction entre la clientèle et l’achalandage ne doit pas être présentée comme une simple discussion terminologique sans intérêt. Les incidences pratiques de ce débat sont importantes puisque les notions d’achalandage et de clientèle débouchent sur l’existence du fonds de commerce et par rebond permettent la reconnaissance du bail commercial.

Il nous semble que la différence entre l’achalandage et la clientèle est temporelle et adhérons à l’analyse du professeur DERRUPPE, qui affirme que « la clientèle provient de l’achalandage et l’achalandage survit à la clientèle[77] ». Ainsi, le client est un individu qui a réellement contracté avec le professionnel et a payé le prix de la prestation ou de la vente. A l’inverse, l’achalandage ne représente qu’une potentialité de client et non pas la masse des clients attirés par les commodités liées à la localisation du fonds. En effet, outre la difficulté de déterminer l’importance de l’achalandage attiré par les seules considérations géographiques du fonds, il nous semble que cette distinction fondée sur les facteurs objectifs et subjectifs est peu conforme à la dimension économique de la clientèle. Ainsi, peu importent les motifs pour lesquels les individus sont attirés par le fonds de commerce, l’important étant que ceux-ci contractent avec le professionnel.

 

Enfin, seule cette distinction entre client et client potentiel est à même d’expliquer l’ensemble du droit positif relatif aux relations commerciales appréhendées, tant dans leurs formes traditionnelles, que dans leurs aspects renouvelés. Ainsi, faire de l’achalandage une potentialité de clientèle permet de justifier la reconnaissance de la propriété de la clientèle aux commerçants intégrés, puisque chronologiquement, l’attrait de la marque ne constitue qu’une potentialité de client, celle-ci ne devenant réalité que par l’activité de l’entrepreneur. De même, admettre que l’achalandage ne soit pas lié à la situation géographique du fonds de commerce, mais qu’il constitue une potentialité de client, permet d’adapter la notion au commerce électronique par nature immatériel.

 

Ainsi, l’achalandage en tant qu’expression d’une potentialité de client n’a d’utilité que pour être opposé à la clientèle, laquelle a une expression dans le chiffre d’affaires et permet de déterminer en pratique l’existence du fonds de commerce, donc du bail commercial.


2° L’indifférence pratique de la clientèle potentielle 

 

Sur un plan pratique, s’il est effectivement délicat d’opérer une distinction entre la clientèle et l’achalandage, il n’en demeure pas moins que les conséquences de la distinction sont fondamentales. En effet, procéder à la différence entre la clientèle et l’achalandage permet de déterminer l’existence même d’un fonds de commerce, condition nécessaire à la reconnaissance d’un bail commercial.

Ainsi, c’est tout naturellement à l’occasion de litiges portant sur la contestation du bénéfice du statut des baux commerciaux que le débat relatif à la distinction entre la clientèle et l’achalandage a été tranché par la jurisprudence.  Dans un arrêt en date du 6 juin 1987, la  Cour d’Appel de Paris a refusé de donner une existence juridique à l’achalandage en estimant que « la clientèle est un élément essentiel du fonds de commerce que l’achalandage ne peut suppléer ». Cette jurisprudence des juges du fond a été confirmée dans un arrêt de la Cour de cassation[78] en date du 12 décembre 1990 qui énonce que « l’attrait exercé sur les clients par le seul emplacement ne peut suffire à constituer une clientèle ».

En conséquence, la jurisprudence considère que pour exister la « clientèle doit être réelle et certaine », et non pas « potentielle ou virtuelle »[79]. Il en découle qu’avant son ouverture, le fonds de commerce est seulement en voie de formation et la Cour de cassation[80] estime qu'une simple clientèle « en puissance » ne permet pas de retenir la qualification de fonds de commerce et par là exclut le droit au renouvellement du bail.

 

Ces solutions nous apparaissent particulièrement justifiées, puisque l’inverse aurait eu pour conséquence de priver d’intérêt l’institution du bail commercial. En effet, les propriétaires de locaux bien situés, virtuellement achalandés, se seraient vus reconnaître la propriété d’un fonds de commerce de telle sorte que le contrat de location ne porterait plus sur les murs mais sur les fonds de commerce.

 

De même, cette indifférence de l’achalandage est particulièrement heureuse en matière de location d’immeubles spécialisés et permet de solutionner le problème de ces établissements spécialement aménagés, dont le régime locatif partageait la jurisprudence et la doctrine. Ils sont classiquement définis comme « des bâtiments construits, aménagés ou équipés spécialement pour exploiter une catégorie d'entreprise industrielle ou commerciale déterminée »[81].  Afin que l’exploitant d’un cinéma, d’un hôtel ou d’un moulin soit titulaire d’un bail commercial, il doit prouver qu'il est titulaire d'un fonds de commerce c'est-à-dire d’une clientèle. Or, reconnaître la valeur juridique de l’achalandage aurait eu pour conséquence d’attribuer systématiquement la propriété du fonds de commerce au propriétaire des murs, et ainsi, exclure du régime des baux commerciaux tous les immeubles pouvant attirer une clientèle par leurs aménagements, ce qui aurait été manifestement contraire à l’esprit et à la lettre du décret de 1953. Dans un premier temps, une série de jurisprudence[82] se fondait sur le concept d’universalité du fonds de commerce pour attribuer au propriétaire des installations comprises dans le bâtiment, supports de la clientèle, la propriété du fonds.

Désormais, les juges semblent privilégier les efforts d'attraction[83] de la clientèle effectués par le locataire, pour considérer qu’elle est la sienne et ainsi en faire le propriétaire du fonds de commerce et par rebond lui permettre d’entrer dans le champ d’application des baux commerciaux.

 

Mais en matière de clientèle de fonds, rien n'est jamais clairement acquis, et nous ne pouvons passer sous silence certaines décisions qui prennent, de manière surprenante, le contre-pied du principe exposé. Ainsi la Cour de cassation[84] a-t-elle pu énoncer que « la situation du local à un point de passage obligé pour de très nombreux touristes suffisait à elle seule à attirer des clients ». En conséquence, nous considérons comme aberrante et contraire à la position classique de la jurisprudence une telle décision, qui doit être considérée comme une simple décision de circonstance.

 

Le principe du caractère réel et certain de la clientèle n’est pas contredit par les célèbres jurisprudences dites « des pompistes de marques » ou encore « des stations-service ». Dans deux arrêts[85] en date du 27 février 1973, la Cour de cassation a tranché les hésitations des juges du fond quant aux stations-service mises en exploitation pour la première fois à la suite d'un bail passé entre une société pétrolière et un gérant. Il s’agissait de déterminer, alors qu’aucun client n’avait fréquenté la station service, si le bail portait sur un fonds de commerce ou sur une installation immobilière, auquel cas le gérant pouvait bénéficier du droit au renouvellement.

Pour refuser le bénéfice du statut des baux commerciaux au gérant, les deux arrêts relèvent que les stations service disposaient avant leur ouverture, compte tenu de l'étude de marché qui avait présidé à leur implantation par la société pétrolière, d'une clientèle « réelle et certaine » dans l’affaire Simon et qualifie même la clientèle de « réalité présente » dans le dossier Jouenne.

 

Si la solution peut être justifiée en équité, puisque le gérant n'a rien fait pour attirer la clientèle de la station-service, il n’en demeure pas moins qu’il est à notre sens tout à fait artificiel d’attribuer aux sociétés pétrolières la propriété d’une clientèle qui ne s’est jamais arrêtée dans la station.

En revanche, il aurait été beaucoup plus cohérent de rattacher la propriété de la clientèle à la marque ainsi qu’à la réputation du réseau intégré. Adopter cette conception revient à identifier l'élément support de la clientèle et à s’interroger sur son caractère essentiel.

 


B.    L’abandon du caractère essentialiste de la clientèle

 

Sensible aux critiques relatives à la théorie « essentialiste de la clientèle » (1°), la jurisprudence détermine désormais l’élément essentiel du fonds de commerce par le recours à la théorie de « l’élément support de la clientèle » (2°) afin d’en déduire la propriété du fonds de commerce et par rebond l’existence du bail commercial.

 

1° Les critiques relatives à la théorie « essentialiste de la clientèle »

 

L'ensemble de la doctrine a observé que la jurisprudence ne traitait pas la clientèle comme un élément analogue aux autres, puisque depuis l’arrêt de la Chambre des requêtes de la Cour de cassation en date du 15 février 1937, la clientèle est présentée comme l’élément essentiel du fonds de commerce.

Eu égard à l’importance de l’arrêt, les faits méritent d’être rappelés. Après un apport de clientèle à une société à responsabilité limitée, un créancier de l'apporteur fit opposition afin d’obtenir que la société soit tenue de la dette en application de l'article 7, alinéa 5, de la loi du 17 mars 1909, devenu l’article L 141-22, al. 2 du Code de commerce. Mais, pour ce faire, encore fallait-il que la loi relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce, soit invocable. La Cour de cassation conclut à l’applicabilité de la loi et énonce que : « aucun texte ne définit la composition du fonds de commerce : la loi du 17 mars 1909 énumère seulement les divers éléments qui peuvent servir à la constituer en laissant les parties maîtresses de leurs opérations ; de ces éléments, la clientèle représente le plus essentiel, celui sans lequel un fonds de commerce ne saurait exister».

Notons que si cette décision est classiquement retenue par la doctrine comme la première fixant la position de principe de la Cour suprême quant à la nature de la clientèle, un arrêt en date du 19 juin 1934[86] avait déjà affirmé la prééminence de la clientèle pour en faire « l’élément essentiel et indispensable à l’existence du fonds de commerce ».

De même, les juges du fond[87] avaient déjà pu considérer qu'un fonds de commerce pouvait être constitué par la seule clientèle à l'exclusion de tout autre élément corporel ou incorporel.

Par la suite, la Cour d’appel de Paris a fait de la clientèle le seul élément nécessaire du fonds de commerce dans un arrêt[88] en date du 9 juin 1987.

 

En conséquence, la jurisprudence a instauré une hiérarchie entre les éléments énumérés par la loi du 17 mars 1909, la clientèle étant l’élément essentiel, fondamental et indispensable du fonds de commerce sans laquelle ce dernier ne pourrait exister. Cette jurisprudence est ainsi l’expression de la théorie dite « essentialiste de la clientèle ».

 

Si le courant dominant de la jurisprudence, de façon tout à fait respectueuse de la loi, fait de la clientèle l’élément essentiel du fonds de commerce, elle n’a toutefois pas mis fin aux difficultés, contradictions et critiques de la doctrine.

 

Bien que certains auteurs, tel que monsieur CORDONIER, commentant l’arrêt, n'y voient qu'une « affirmation solennelle du caractère essentiel de la clientèle parmi les autres éléments du fonds », d’autres contestent le caractère essentialiste de la clientèle alors que rien dans le texte de loi du 17 mars 1909 ne prédisposait la clientèle à devenir l’élément essentiel du fonds de commerce.

A l’inverse, cette doctrine conclut à l'assimilation pure et simple de la clientèle au fonds de commerce lui-même. Les premiers auteurs à l’affirmer sont messieurs RIPERT et ROBLOT qui estiment que « le fonds de commerce est un droit à la clientèle ».

De même, le professeur JEANTIN[89] estime que la clientèle ne serait que « le droit d'exploiter un fonds en état de marche, le droit de le faire fonctionner ». Il en déduit que la clientèle n'est pas un élément du fonds de commerce comme les autres, mais l'essence même du fonds.

De la même manière, messieurs BEIGNER, ESCARA[90] et MALAUZAT[91], pensent que la clientèle est « le but en vue duquel le fonds de commerce est organisé, elle en est la résultante ». Pour sa part, monsieur BOCCARA définit le fonds de commerce comme « un ensemble d’élément corporel et incorporel structuré et finalisé par la recherche de la clientèle. »Il en conclut que la clientèle est en fait « l’objectif, le signe, la preuve du fonds de commerce ».

Effectivement, il est difficile d’admettre sans réserve la formule de l'arrêt de principe de 1937, alors que d'un point de vue pratique, on voit mal ce que pourrait représenter une clientèle nue, séparée de tout ce qui peut attirer ou retenir les clients aux premiers rangs desquels le local commercial ou l’enseigne. Ainsi, la réalité économique est faussée par la théorie essentialiste, car tous les éléments du fonds de commerce sont à la fois nécessaires sans être suffisants.

Influencées par les critiques récurrentes de la doctrine la plus autorisée, les récentes positions de la jurisprudence ont, à notre sens, procédé à une inflexion de la notion de fonds de commerce dans une acception plus économique que juridique, cela afin de tenir compte des changements de l’univers commercial. La clientèle cesse d’être identifiée comme l’élément essentiel du fonds de commerce pour se confondre avec lui.

 

Ainsi, les juges font de la réunion des éléments corporels et incorporels, exploitée aux risques et périls du commerçant indépendant, le critère déterminant de la propriété de la clientèle, donc du fonds de commerce. Désormais, doit être considéré comme l’élément essentiel du fonds de commerce celui qui est le support de la clientèle.

 

  Le recours à la théorie de « l’élément support la clientèle »

 

Si la clientèle est nécessaire au fonds de commerce, elle est cependant insuffisante. Elle doit être accompagnée au moins d'un autre élément qui permet de l'attirer ou de la retenir : c'est le support de la clientèle avec lequel elle est en relation privilégiée. Déterminer le support de la clientèle est le moyen d’attribuer la propriété du fonds de commerce c’est-à-dire par rebond le bénéfice de la propriété commerciale. 

 

Selon l’analyse de monsieur COLLOMB[92], ce support ne saurait faire défaut, mais rien n’est plus difficile que de le déterminer avec exactitude. En effet, pourquoi la clientèle est-elle attachée au fonds de commerce ? Est-ce du fait de l’emplacement, de la qualité du produit, du rattachement à la marque, de la technique de vente et de l’adjonction d’un crédit, de la compétence du commerçant ? Il ne semble pas qu’une réponse unique puisse être fournie.

Il existe un lien privilégié entre la clientèle et certains des éléments du fonds de commerce et afin de déterminer quels sont les éléments qui servent de support à la clientèle, une appréciation particulière de chaque fonds est nécessaire. Tantôt, plusieurs éléments conjuguent leur pouvoir attractif à des degrés variables, tantôt un élément se détache pour remplir cette fonction d'attraction. Pour un commerce « de passage », l'emplacement est primordial, dans d'autres cas, c'est la marque ou l'enseigne qui attire une clientèle.

 

A notre sens, il ne fait pas de doute que la clientèle est étroitement liée à la localisation géographique du fonds de commerce. Le bail commercial a une influence déterminante sur l’existence du fonds, puisqu’il permet à la clientèle de se fixer et au fonds de commerce de se stabiliser afin de permettre son développement.

Ainsi que le soutien monsieur SORBIER[93] dans sa thèse consacrée à « La clientèle commerciale : cession, location et partage » doit-on alors privilégier ce support pour en déduire l’existence du fonds de commerce ? Il semble qu’une réponse affirmative doit être apportée à cette question, en effet, la jurisprudence reconnaît une relation directe entre la commercialité et l’emplacement, pour en conclure que la clientèle appartient à celui qui dispose de la jouissance du local.

 

 

Ce raisonnement aboutit à faire de l’élément support l'élément essentiel du fonds et permet d’expliquer le revirement de la jurisprudence relative aux commerçants intégrés dans un réseau de distribution, ceux-ci se voyant désormais reconnaître la propriété de la clientèle, condition  déterminante pour bénéficier de la protection inhérente aux baux commerciaux.

 


Chapitre 2 : La propriété de la clientèle facteur d’attribution du bail commercial

 

 

 

Pour qu'il y ait fonds de commerce, il est nécessaire que la clientèle existe mais également qu’elle appartienne à l'exploitant. Cette exigence impose que la clientèle soit selon l’expression usitée « personnelle ou propre ». Pour ce faire, il ne suffit pas que le commerçant ait la jouissance de la clientèle qu'il exploite, encore faut-il que celle-ci soit « autonome », et qu'elle « appartienne » au fonds considéré. L'enjeu pratique de ces exigences théoriques est déterminant car l'autonomie de la clientèle permet d'attribuer la propriété du fonds de commerce et par ricochet le bénéfice du bail commercial, conformément à ce qu’exige l’article L 145-1 du Code de commerce.

 

 

La mutation des techniques de distribution et de commercialisation a eu pour conséquence inévitable d’alimenter le débat relatif à la clientèle personnelle. Ainsi, le contentieux relatif à la propriété de la clientèle s’est cristallisé autour de la distribution et des centres commerciaux. Si les commerçants dits « intégrés » se sont vus récemment octroyer une clientèle propre et autonome leur permettant de bénéficier du statut des baux commerciaux (§1), les autres formes d’exploitation, privées d’une telle clientèle, demeurent exclues du statut (§2).        

 


Paragraphe 1. La propriété d’une clientèle propre et autonome condition du bénéfice du statut des baux commerciaux

 

Si la distribution sélective qui n’utilise ni l’enseigne, ni les méthodes commerciales de la tête de réseau, ne semble pas être concernée par ce débat, en revanche les autres modes de distribution que sont d’une part les franchises[94] et concessions[95] et d’autre part les commerçants « inclus » sont au centre des difficultés relatives à la propriété du fonds de commerce.

En matière de distribution intégrée, la jurisprudence, guidée par des considérations de fait, a  oscillé entre l’octroi et le refus de reconnaître la propriété de la clientèle aux commerçants intégrés mettant ainsi en péril l’ensemble du système de la distribution (A). Adoptant une approche plus économique que juridique et sensibles aux critiques persistantes de la doctrine, les juges ont récemment admis l’octroi de la propriété d’une clientèle au profit des entrepreneurs intégrés (B).

 


A.     La mise en péril du système de la distribution par le refus de l’octroi d’une clientèle aux commerçants intégrés

 

Les incertitudes de la jurisprudence préjudiciable en matière de distribution intégrée (1°) ont suscité les critiques de la doctrine favorable à la reconnaissance d’une clientèle aux distributeurs intégrés (2°).

 

1° Les incertitudes de la jurisprudence en matière de distribution intégrée

 

Le commerce intégré était inconnu des rédacteurs de la loi du 17 mars 1909 et du décret du 30 septembre 1953. Les contrats de distributions sont à l’origine des difficultés relatives à la clientèle, car la jurisprudence a été amenée à statuer sur la propriété de la clientèle afin de déterminer l’existence d’un fonds de commerce et par ricochet l’application du bénéfice du statut des baux commerciaux. Les caractéristiques inhérentes au commerce intégré ne peuvent entrer dans le moule centenaire du fonds de commerce, tel qu’il découle de la loi Cordelet, conférant à la clientèle le statut d’élément essentiel du fonds et ne procédant pas à la dissociation de sa propriété. Un effort d’adaptation est donc nécessaire afin que la notion de clientèle puisse être en phase avec le commerce du vingt et unième siècle.

Or, dans les années quatre vingt dix, les bailleurs estimant que la clientèle du fonds de commerce était la propriété de la tête du réseau, se prévalaient de cet argument pour refuser le renouvellement des baux consentis aux commerçants intégrés sans verser la moindre indemnité d’éviction. Les conseils des propriétaires des murs ont usé, et abusé de ce moyen de défense au fond, visant à contester les conditions de la reconnaissance d’un bail commercial énoncé par l’article L 145-1 du Code de commerce. En effet, pour exciper de la règle du plafonnement du loyer inhérente au statut, la seule solution à leur disposition était d’obtenir la libération du local afin de pouvoir louer les lieux à la valeur du marché.

En pratique, ainsi que le relève monsieur le Professeur LEGEAIS, il ne fait aucun doute que seule l’assurance d’une clientèle dès le commencement de leur activité pousse ces commerçants indépendants[96] à verser un important droit d’entrée et une forte redevance annuelle à la société tête du réseau. La distribution intégrée est une forme nouvelle de commercer, résultant notamment de l’impact de la publicité suscitant l’attrait des marques dans notre société de consommation.

 

Si les exploitants intégrés, ainsi qu’une doctrine autorisée, ont rapidement argué d’une clientèle commune, le débat n’a pas, pendant longtemps, suscité l’intérêt des juristes[97]. Pour sa part la jurisprudence a refusé de s'aventurer sur ce terrain très dangereux pour toute la distribution intégrée. En déniant la propriété d'une clientèle aux commerçants intégrés,  monsieur DE BELOT[98] est à l’origine du « réveil » de la doctrine. Il développa l’idée selon laquelle les franchisés et les concessionnaires étaient des commerçants sans clientèle, visant uniquement à développer la clientèle de la société tête de réseau. Cette doctrine aboutissait à nier l’existence des fonds de commerce de tous les commerçants intégrés et par ricochet à contester leur droit au bénéfice du statut des baux commerciaux. Cette thèse avait pour principale conséquence de placer les commerçants intégrés dans une instabilité économique et juridique, injustifiée tant en droit qu’en opportunité. L’évolution de la jurisprudence en la matière mérite d’être rappelée car elle met en exergue les liens étroits qui unissent la propriété de la clientèle et le bail commercial. Elle est dominée par des considérations de fait peu compatibles avec la sécurité juridique nécessaire au monde des affaires.

La première décision importante en matière de concession est celle de la Cour d’appel de  Montpellier[99], en date du 19 janvier 1962. Les juges ont refusé le bénéfice du statut des baux commerciaux au concessionnaire qui exploitait sous l’enseigne « Pigier » au motif qu’il n’était pas propriétaire de la clientèle, laquelle était simplement attirée par l’enseigne. En revanche, en matière de franchise, la Cour d’appel de Limoges[100], dans un arrêt en date du 10 juin 1980, confirmé par la Cour de cassation le 10 octobre 1982[101], avait décidé que le franchisé était propriétaire d’un fonds de commerce dès lors que l’exploitant disposait d’un minimum d'autonomie dans sa gestion. Cette décision fut réitérée par un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris[102], en date du 24 novembre 1992, qui estima que la clientèle appartenait de façon indivise au franchiseur et au franchisé, et par ricochet admit le droit au renouvellement du commerçant intégré.

Pourtant, les années quatre vingt dix ont été une période sombre pour les commerçants intégrés, car un courant de jurisprudence leur étant particulièrement défavorable s’est développé pour persister pendant une dizaine d’années. Ainsi, le Tribunal de Grande Instance d’Evry[103] dans un jugement en date du 9 décembre 1993, refusa à un concessionnaire automobile exploitant sous l’enseigne « Avis »  la propriété de son fonds de commerce, au motif qu’il ne disposait pas d’une clientèle propre en raison de son manque d’autonomie de gestion. Privé de fonds, il ne pouvait bénéficier du statut des baux commerciaux. Statuant en appel, les juges du second degré parisiens confirmèrent la décision de première instance dans un arrêt du 6 février 1996. Dans la détermination de la propriété de la clientèle du contrat de franchise, le juge était amené à choisir entre le franchisé et le franchiseur, et considéra que la marque était l’instrument de ralliement des clients. Cette position revenait à instituer une présomption de propriété de la clientèle au bénéfice du franchiseur que le franchisé devait combattre par la preuve contraire, difficilement rapportable. En effet, il résulte de ces jurisprudences que pour bénéficier de la propriété d’un fonds de commerce, le commerçant intégré devait alternativement démontrer qu’une clientèle était liée à son activité personnelle indépendamment de son attrait en raison de la marque de la société tête de réseau, ou bien que le droit au bail attirait la clientèle de manière telle qu'il prévalait sur la marque.

 

Si monsieur DE BELOT[104] justifiait cette position prétorienne par le constat que seul le propriétaire de la marque notoirement reconnue pouvait être considéré comme le propriétaire de la clientèle, la quasi-totalité de la doctrine s’insurgeât contre ces deux décisions et exerça son « pouvoir collectif dans la cité »[105].

 


2° Les critiques de la doctrine favorable à la reconnaissance d’une clientèle aux distributeurs intégrés

 

Si certains auteurs[106] ont estimé que « la jurisprudence était en passe de condamner les modes modernes de distribution », d’autres[107], plus pessimistes, ont présenté l’arrêt de la cour d’appel comme « la mort de la franchise » annoncée dès le jugement de première instance.

Les conséquences économiques d’une telle solution étaient décrites comme désastreuses. La négation de la propriété d’un fonds de commerce avait pour conséquence de refuser le bénéfice de la propriété commerciale, d'abord au franchisé ou au concessionnaire, mais également à son franchiseur ou concédant dans la mesure où ils n’étaient pas signataires du contrat de bail. Il en résulte que le fonds de commerce devenait, selon l’expression souvent reprise de monsieur GIVORD, « une chose sans maître », de sorte qu’« un pan entier du commerce nouveau était placé hors du statut »[108]. De même, le refus de reconnaître la propriété de la clientèle au commerçant intégré pouvait dans de nombreuses hypothèses revenir sur l’autonomie même de l’entrepreneur et ainsi entraîner la requalification du contrat de franchise en contrat de travail sur le fondement de l’article 781-1-2° du Code de travail.

En conséquence, la franchise ne disposait plus d’aucun intérêt, ni aux yeux du franchisé qui ne disposait pas de la propriété de son fonds de commerce et donc ne pouvait pas le céder ou l’utiliser comme un instrument de crédit, ni à ceux du franchiseur qui ne pouvait plus compter sur la stabilité de son réseau et risquait de se retrouver à la tête d’une grande entreprise dotée d’une importante masse salariale, particulièrement coûteuse.

Face à la situation du commerçant intégré qui était devenue précaire, les joutes doctrinales se multiplièrent quant à la détermination de la propriété de la clientèle dans le contrat de franchise et de façon générale dans la distribution intégrée.

Monsieur le professeur FERRIER[109] considérant que la jurisprudence « exagérait l’importance de la marque au détriment de l’activité exercée », plaidait en faveur de la reconnaissance d’une partie de la clientèle au franchisé et d’une autre partie au bénéfice de la société tête de réseau. Pour sa part, monsieur le Professeur GUYON estimait qu’il existait une superposition de la clientèle du franchiseur et de celle du franchisé, alors que monsieur CHAMBAUD concluait à une copropriété de la clientèle entre franchiseur et franchisé. L’analyse la plus fine et la plus proche de la pratique était celle soutenue par monsieur BOCARA[110]. Arguant d’une pluralité de clientèle, il proposa une distinction entre la clientèle nationale, qui appartiendrait au franchiseur, et la clientèle locale, qui serait la propriété du franchisé. Il considéra que la propriété de la marque ou du local n’était pas indispensable à la reconnaissance de la propriété du fonds de commerce et que seule « la maîtrise juridique des éléments attractifs de la clientèle était nécessaire ». Chacun bénéficiant d’un fonds de commerce différent, le franchisé pourrait bénéficier du statut protecteur des baux commerciaux. Pour aboutir à cette conclusion, il développa la théorie « du risque profit » dite encore « risque entrepreneurial », selon laquelle « le propriétaire du fonds de commerce est celui qui assume la responsabilité de l’assemblage structuré et du risque de l’exploitation ». Le Professeur DERRUPPE[111], se rallie à cette doctrine en estimant que « la prise de risque est le catalyseur et le révélateur de l’existence de la clientèle ».

Si le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans un jugement en date du 30 octobre 1998[112], confirma la position adoptée par la Cour d’appel de Paris un attendu mérite d’être cité car il tient compte des propositions doctrinales tout en refusant de s’y rallier. Les magistrats précisèrent en effet « qu’en l’état actuel de la réglementation, le statut des baux commerciaux ne connaît qu’une seule et même clientèle attachée à un fonds unique et qui caractérise sa propriété ». Ainsi, se fondant sur la conception classique de l’unicité juridique de la propriété de la clientèle, le fonds de commerce ne pouvait effectivement avoir qu’un unique propriétaire. Afin d’en déterminer le titulaire, il s’agissait préalablement d’identifier le support de la clientèle. Or, eu égard aux circonstances de fait, ni l’emplacement, ni les qualités de l’exploitant n’ayant été considérés comme des éléments de rattachement de la clientèle, la marque fut considérée comme le facteur prépondérant d’attraction de cette dernière, et la propriété du fonds fut reconnue au franchiseur.

 

Bien que le conclusif de cette décision réitéra la jurisprudence classique à notre sens, le jugement constitue l’annonce d’un revirement de jurisprudence et laisse à penser que « l’état de la réglementation » peut faire l’objet d’une interprétation différente. En effet, pourquoi, alors que la loi[113] et la jurisprudence reconnaissaient la qualité de commerçant indépendant au franchisé, la propriété d’une clientèle propre et personnelle et donc d’un bail commercial leur était-elle refusée ? Pourquoi la jurisprudence s’acharnait-t-elle à vouloir attribuer  la propriété de la clientèle à l’une des parties à l’exclusion de l’autre, sans tenir compte de la réalité économique, faisant de l’octroi de la propriété de la clientèle un contentieux du tout ou rien ?

 

B.    L’octroi de la propriété d’une clientèle aux entrepreneurs intégrés

 

Constatant que la clientèle est le résultat de l’activité du franchisé exploitant sous l’enseigne mise à sa disposition par un franchiseur, les juges, guidés par des considérations économiques (2°) opèrent un important revirement de jurisprudence pour distinguer la clientèle locale, attachée au franchisé, de la clientèle nationale, propriété du franchiseur (1°).

 

1° La distinction prétorienne de la clientèle locale et nationale

 

Monsieur GAUTIER présente « les juges comme les enfants de la doctrine[114] ». Au cas particulier, sensible aux critiques de la doctrine universitaire mais également à celles des praticiens, la Cour d'appel de Paris[115] abandonne sa position, fondée sur l’unicité de la propriété de la clientèle du fonds de commerce, dans deux arrêts en date du 16 novembre 2000, en infirmant notamment le jugement du Tribunal de Grande instance de Paris du 30 octobre 1998. Elle adopte le même raisonnement dans les deux décisions, pour reconnaître au franchisé une « clientèle attachée [à son] fonds autonome par rapport à celle du franchiseur ». Les termes utilisés par la Cour d'appel à l'appui de ses solutions sont novateurs et, à ce titre, doivent nécessairement être rappelés : « le fonds de commerce est un ensemble d'éléments de nature à attirer la clientèle intéressée par le produit vendu ou par la prestation offerte en vue de l'enrichissement de celui qui assume le risque d'une telle entreprise, c'est-à-dire celui de la perte des investissements qu'il a fait pour l'acquérir, le maintenir et le développer ». La Cour déduit que le commerçant intégré est titulaire d’une clientèle autonome par rapport à celle du franchiseur, en tirant toutes les conséquences d’une procédure collective du premier qui n’atteindrait que de manière atténuée le second.

Il résulte de ces deux arrêts que les « vrais franchisés » disposent désormais d’une clientèle, d’un fonds de commerce et par ricochet rentrent à nouveau dans le champ d’application du statut des baux commerciaux. Se fondant sur l’exploitation aux risques et périls du commerçant indépendant, cet argument économique ne peut plus être combattu que sur le terrain de l’absence d’autonomie de l’entrepreneur. Mais alors dans cette hypothèse de commerce « esclavagiste », selon la formule de monsieur DE BELOT, la requalification en contrat de travail sera de mise.

Par la suite, la Cour d’appel de Paris a confirmé sa nouvelle position dans un arrêt en date du 4 octobre 2001, avant que la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation, statuant pour la première fois sur la question, ne lève toutes les incertitudes en la matière dans un arrêt TREVISAN[116] du 27 mars 2002, décision devant être désignée par son nom comme tous les grands arrêts.  Eu égard à l’importance de la solution, les termes de la décision doivent faire l’objet d’une attention particulière.

Les circonstances de fait étaient banales. Un bailleur, propriétaire d'un local commercial, avait délivré à son locataire un congé avec refus de renouvellement et s'était vu ensuite condamné à verser une indemnité d'éviction. Afin d’exciper de la rigueur des mécanismes de la propriété commerciale, le bailleur soutenait que le franchisé ne justifiait pas d'une clientèle propre, « liée à son activité professionnelle indépendamment de son attrait en raison de la marque du franchiseur » et, par voie de conséquence, d'un fonds de commerce, ce qui excluait que le preneur puisse bénéficier du statut des baux commerciaux. Pourtant, dans un attendu de principe dont la portée justifie qu'il soit cité dans son entier, la Cour de cassation affirme que : « si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en oeuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l'élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n'est pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en oeuvre à ses risques et périls.»

Ainsi, la Cour de cassation, suivant en cela les juges d'appel, mais également la thèse de messieurs BOCCARA et DERRUPPE, introduit une distinction entre «la clientèle locale », propriété du franchisé et « la clientèle nationale » appartenant au franchiseur. Elle met ainsi fin à la polémique sur la propriété de la clientèle dans la franchise. Le franchisé titulaire d’un fonds de commerce peut désormais, soit bénéficier du renouvellement du bail commercial qui lui est reconnu de plein droit, soit à défaut d’une importante indemnité d’éviction tenant compte, notamment de l’importance de la clientèle. 

 

La méthode classique de détermination de la propriété de la clientèle était devenue source de gêne car empreinte de casuistique, complexe, difficile à prédire et donc génératrice d’insécurité. L’étude de la place de la clientèle dans le contrat de franchise a permis de mettre en exergue l’inadaptation de la notion de clientèle aux méthodes commerciales et de gestion actuelles.

 

2° Une solutions guidée par des considérations économiques

 

A notre sens, le salut des commerçants intégrés résulte de la prépondérance des considérations économiques sur les classiques considérations juridiques, présentées comme inadaptées aux procédés modernes de distribution. Aujourd’hui les hommes qui exploitent un fonds de commerce, petites entreprises ou grandes sociétés, cherchent moins à se constituer une clientèle personnelle qu’à atteindre une réussite commerciale. Ainsi, la notion d’entreprise plus économique que ne l’est le fonds de commerce semble avoir été le guide de la Cour de cassation. Les parties collaborent pour tirer le meilleur profit de la situation et voir augmenter leur chiffre d’affaires qui n’est que l’expression chiffrée de la clientèle.

Raisonnons à partir d’un exemple simple. Pourquoi les entreprises parisiennes préfèrent-elles s’installer rue du Faubourg Saint-honoré, plutôt que rue de Rochechouart ? Pourquoi les entreprises acceptent-elles de consacrer un important budget pour disposer de la jouissance d’un emplacement dit « n°1 » ? Pourquoi sont-elles prêtes, outre le paiement d’un loyer important, à verser un droit d’entrée ou un droit au bail pléthorique ? Il nous semble que les efforts financiers consentis, résultat d’une stratégie d’implantation, visent à la fois à communiquer en termes d’image mais surtout à prendre des parts de marché. Aussi, à notre sens, ajoutée à l’exploitation de la boutique, cette coûteuse démarche doit aboutir à reconnaître à ces commerçant, à l’origine de la création, de la stabilisation et de l’accroissement de la clientèle, la propriété de leur fonds de commerce et par ricochet le bénéfice du bail commercial. Il nous semble que la clientèle n’est ainsi que le juste retour des investissements des entrepreneurs et toute conclusion inverse serait à la fois anti-économique et anachronique.

De même, la ventilation entre clientèle nationale et locale est heureuse car elle correspond à la réalité économique. La clientèle locale ne peut effectivement exister que par les moyens mis en œuvre par le franchisé que sont le matériel, le stock ou le droit au bail.

Reprenant l’exemple de monsieur BINDER[117], il nous apparaît également que si nous sommes attirés par l’enseigne nationale d’un salon de coiffure, ce qui nous pousse à revenir chez cet entrepreneur indépendant résulte davantage de sa maîtrise de la coiffure, de ses qualités relationnelles et des tarifs qu’il pratique que de l’enseigne sous laquelle il exploite son activité.

Des considérations d’ordre plus général permettent de faire bon accueil à cette nouvelle position de la jurisprudence. En effet, n’y avait-il pas une contradiction entre la politique législative qui incite à la création d’entreprise, dont on sait qu’une sur deux ne passera pas le « cap des trois ans » et, la jurisprudence, qui refusait de reconnaître le bénéfice du bail commercial aux commerçants intégrés alors que dans la conjoncture actuelle ce sont les entrepreneurs qui réussissent[118] le mieux, et donc sont facteurs d’emplois pérennes.

Enfin, cette solution trouve également une justification sur le terrain de la morale et de l’équité. Elle met fin à la pratique des bailleurs qui arguaient de l’inexistence d’une clientèle personnelle du franchisé pour refuser le renouvellement du bail commercial et ainsi profiter de la plus value apportée au local pour le louer à un autre entrepreneur plus offrant. En étudiant le contentieux relatif au renouvellement du bail commercial, on est marqué par l’absence de référence à la bonne foi, notion pourtant présentée comme « à la mode ». Les juges auraient pu utilement mettre fin aux abus qui heurtaient l’équité en faisant appel à cette notion. Au contraire, la position de la jurisprudence aboutissait à une totale contradiction avec l’esprit du statut. Poussant le raisonnement à son terme, le propriétaire bien conseillé pouvait, en ne louant son local qu’à des commerçants intégrés, exciper quasi systématiquement de la rigueur inhérente aux mécanismes des baux commerciaux, avec la complicité de la jurisprudence ! Or, si la jurisprudence exigeait anciennement que le franchisé rapporte la preuve de l’existence d’une clientèle personnelle, désormais, le sens du curseur est inversé, et c’est au bailleur de démontrer l’inexistence de la clientèle du preneur afin de pouvoir lui refuser le renouvellement de son bail commercial.

 

Monsieur CHEVRIER[119] émet des doutes sur le sens de la décision en l'absence de la clause contractuelle reconnaissant « le droit de disposer des éléments constitutifs de leur fonds [au franchisé]». Pourtant, avec les autres commentateurs[120] de la décision, il nous semble devoir conclure à l’indifférence de cette référence aux stipulations contractuelles, propres à l’espèce, quant à la position de la Cour suprême. Au contraire, l’arrêt instaure un véritable principe général mettant fin à la démarche casuistique qui avait trop longuement prévalue en jurisprudence. De plus, l’étude de la forme de l’arrêt corrobore l’importance de la position adoptée. En effet en statuant sur le second moyen, les juges utilisent les formules « ayant relevé à bon droit » et « la Cour d’Appel en a exactement déduit que », ce qui révèle que la Cour de cassation a procédé au contrôle de la norme de droit. Surtout, l’arrêt[121] a été rendu en formation ordinaire et a eu les honneurs de la publication P-B-R-I, c'est-à-dire à la fois au bulletin, au rapport de la Cour de cassation, mais également sur l’internet dès l’adoption de la décision.

Cette solution dégagée à propos d’un franchisé semble pleinement applicable au concessionnaire[122], car ainsi que le précise monsieur le Professeur LEGEAIS, la seule différence entre le contrat de franchise et celui de concession est l’absence de transmission de savoir faire au concessionnaire. De même, la jurisprudence TREVISAN devrait, par analogie, être étendue aux nouvelles pratiques de la distribution que sont les contrats de master franchise[123] et de commission affiliations[124]. En effet, l’ensemble de ces entrepreneurs sont des commerçants juridiquement indépendants, possédant des éléments corporels et incorporels, qu’ils exploitent à leur risques et périls, tels que le matériel ou le droit au bail, facteurs d’attraction de clientèle. Pourtant, en matière de clientèle et de bail commercial rien n’est jamais réellement et clairement acquis, aussi, à notre sens, il s’agit d’attendre qu’un courant de jurisprudence stable se soit affirmé avant de conclure à la certitude de la solution.

 

Les dernières solutions retenues en matière de commerce dépendant plaident en faveur de la prudence. En effet, alors que certains auteurs avaient pu considérer que le principe valant pour les commerçants intégrés devait également être étendu aux commerçants inclus en la matière, « la dépendance géographique continue à contaminer la dépendance économique » [125].

 


Paragraphe 2. L’exclusion du statut des baux commerciaux des commerçants privés d’une clientèle propre et autonome

 

Depuis les années soixante-dix, les centres commerciaux se sont développés. Ils regroupent  des enseignes distinctes coordonnant leurs politiques commerciales selon des techniques très étudiées et ainsi constituent un facteur d’achalandage important. Pourtant, en matière d’intégration géographique, la jurisprudence a toujours refusé de reconnaître la propriété de la clientèle aux commerçants dépendants (A), les privant ainsi du bénéfice du statut des baux commerciaux. Le passage de siècle est marqué par le développement du commerce électronique. En tant que nouveau canal de distribution il apparaît nécessaire d’octroyer la propriété d’une clientèle au cyber-entrepreneur (B), afin que l’existence d’un fonds de commerce électronique soit reconnue.

 

A.     Les commerçants dépendants privés d’une clientèle et d’un bail commercial

 

Si désormais la propriété d’une clientèle est reconnue aux commerçants intégrés, la jurisprudence persiste à conclure à l’absence de clientèle du commerçant dépendant (1°), faisant de ce refus une solution incohérente (2°).

 

1° L’absence de clientèle du commerçant dépendant

 

Il y a commerce[126] dit « inclus », « dépendant » ou encore « satellite » lorsque l'exploitation est matériellement réalisée à l'intérieur de l’enceinte d'une autre entreprise recevant elle-même une clientèle. Si une certaine doctrine[127] procède à une distinction entre ces notions, il n’en demeure pas moins que les conditions d’exploitation et les solutions applicables en matière de propriété de clientèle et d’existence de bail commercial sont identiques, aussi seront-elles considérées comme synonymes.  

 

Chronologiquement, les premières affaires concernaient les buffetiers de gare, lesquels opposaient le bénéfice du statut des baux commerciaux à la compagnie de chemins de fer. Or, la jurisprudence[128] leur refusa l’existence d’une clientèle personnelle, celle-ci étant réputée être la propriété des chemins de fer. Ne disposant pas d’un fonds de commerce, ils se sont vus exclure du champ d’application du bail commercial. Ce raisonnement a par la suite été appliqué à l’ensemble des commerces inclus, à savoir les bars ou restaurants installés à l'intérieur : d'un club de golf, d'une salle de spectacles, d'un aérodrome, d'un terrain de sport ou d'un champ de courses. De même, il a été transposé à l’identique pour les commerces situés dans les galeries marchandes ainsi que pour les emplacements de vente à l’intérieur des centres commerciaux.

Face à la rigueur et à la constance des décisions, la doctrine a critiqué leur caractère trop restrictif. Elles aboutissaient à priver l’exploitant de son fonds de commerce et par là, de la propriété commerciale, au seul motif qu’il ne pouvait justifier d’exploiter une clientèle autonome et prédominante par rapport à celle de l'établissement d'accueil, encore dénommée « locomotive ». Malgré les critiques récurrentes, et bien que certaines décisions aient reconnu la propriété d’une clientèle personnelle à un commerçant inclus, la Cour de cassation statuant en Assemblée plénière[129] confirma la jurisprudence classique en la matière.

Ainsi qu’a pu le relever le Professeur DERRUPPE, la jurisprudence a instauré « une sorte de présomption de dépendance de la clientèle pour les commerces inclus » alors pourtant que « l'autonomie de la clientèle n'est pas incompatible avec la dépendance des installations ».

Effectivement, la Cour suprême[130] n’admet qu’exceptionnellement l’existence d’une clientèle personnelle au commerçant dépendant. Pour ce faire, il doit rapporter la preuve d’une clientèle autonome, attachée de manière spécifique au fonds de commerce inclus, et prédominante par rapport à celle que lui procure l’installation d’accueil.

Le dernier état de la jurisprudence semble davantage sensible aux critiques[131]. Ainsi, dans deux arrêts en date du 5 février 2003[132] et du 19 mars 2003[133], la Cour de cassation abandonne le critère de prédominance lorsqu’elle détermine le titulaire de la clientèle. La solution est heureuse car la notion de prépondérance était particulièrement délicate à déterminer en pratique et était source d’une grande insécurité, voire même d’arbitraire.

Présentés par certains auteurs comme des revirements de jurisprudence, par analogie au sort désormais réservé aux franchisés, une partie de la doctrine a prédit que la Cour de cassation s’orientait vers une reconnaissance de la propriété de la clientèle, donc du bail commercial, au bénéfice des commerçants inclus. Un nouveau courant[134] de jurisprudence favorable à la partie économiquement en position de faiblesse a pu être annoncé.

Pourtant, par un arrêt en date du 1er octobre 2003[135], la Cour suprême persiste à refuser le bénéfice du statut des baux commerciaux à un commerçant dépendant, au motif qu’il n’exploitait pas un fonds de commerce propre et se fonde uniquement sur son absence d’autonomie de gestion.

 

En conséquence, la solution dégagée par la Cour de cassation au profit des commerçants intégrés ne semble pas devoir être transposée aux commerces inclus. La propriété d’éléments corporels et incorporels ainsi que l’exploitation aux risques et périls de l’entrepreneur juridiquement indépendant ne sont pas déterminantes dans cette hypothèse. Il en résulte que  seule la preuve de circonstances particulières permettrait de reconnaître l’exploitation d’un fonds de commerce autonome, condition nécessaire à la reconnaissance d’un bail commercial.

Pour ce faire, l’entrepreneur devrait notamment alléguer d’une absence de contraintes horaires ou d’une véritable autonomie de gestion.

 

Ainsi, les commerçants dépendants et la locomotive restent dans un état de « symbiose parasitaire »[136] ce qui apparaît parfaitement incohérent tant sur le plan juridique que sur le plan économique.

 

2° L’incohérence du refus d’octroyer la propriété d’une clientèle au commerçant dépendant

 

Sur un plan strictement juridique, on ne peut que critiquer la jurisprudence en la matière, car, outre la différence injustifiée de traitement opérée entre les entrepreneurs intégrés et les commerçants inclus, le sort des exploitations dépendantes est soumis à une casuistique préjudiciable pour la sécurité nécessaire aux affaires. Ainsi, chaque solution dépend des circonstances de fait et de la difficile, voire impossible, preuve d’une clientèle propre.

 

Les « inclus », étant exclus du champ d’application de plein droit du bail commercial par la jurisprudence, il ne reste plus qu’à espérer que le législateur ajoute les exploitants dépendants à la liste des exceptions légales de l’article L 145-2 du Code de commerce. Dans l’attente, il s’agit d’user de la liberté contractuelle[137] reconnue par la jurisprudence[138] afin de procéder à une extension conventionnelle[139] du statut dès lors que le moindre doute existe sur l’autonomie du commerçant. Pour ce faire, encore faut-il que l’exploitant parvienne à négocier une telle extension. En effet, afin que celle-ci produise ses effets, la jurisprudence exige de façon constante, outre l’obligation que la soumission conventionnelle ne fasse pas échec à un statut d’ordre public, que celle-ci soit le résultat d’un accord non équivoque des parties. Certes, l’évaluation de l’indemnité d’éviction ne pourra tenir compte de la valeur représentative de la clientèle, celle-ci n’étant pas la propriété du commerçant dépendant, mais sera tout de même importante, donc dissuasive, eu égard à la valeur du droit au bail.

 

De plus, le caractère anti-économique de cette position doit être critiqué avec virulence. La jurisprudence opère fréquemment une distinction entre l'exploitation installée à l'intérieur même de la grande surface, considérée comme tellement dépendante qu’elle est dépourvue de clientèle personnelle, et le commerçant installé dans sa périphérie, qui peut avoir une clientèle propre en raison de sa plus grande liberté d'exploitation. En conséquence, à quelques mètres de distance, la solution juridique change du tout au tout. Surtout, il est n’est pas rare que dans une galerie marchande on retrouve des franchisés. Alors que désormais, en sa qualité de franchisé il se voit reconnaître la propriété d’un fonds de commerce et le bénéfice de la propriété commerciale, la dépendance géographique est de nature à le priver des prérogatives pourtant inhérentes aux commerçants indépendants. Ainsi deux entrepreneurs placés dans une situation économique identique vont bénéficier d’un traitement juridique différent. La situation en devient kafkaïenne puisqu’alors que le commerçant « non inclus » dispose du droit de céder et d’utiliser à titre de garantie son fonds de commerce, le commerçant « dépendant » s’en trouve privé. Pour le premier, le bénéfice du droit au renouvellement de son bail commercial ou le droit à une indemnité d’éviction est acquis à l’inverse du second.

Or, à la manière des rues piétonnes des centres villes, le complexe commercial regroupe géographiquement un ensemble de commerçants. Ces rues, comme les centres commerciaux, sont animées par la diversité des boutiques. La chalandise[140] est générée par les concurrents qui vont profiter des retombées du courant d'affaires suscitées par les autres points de vente. La propriété de la clientèle du petit commerçant n’a jamais été remise en cause parce que son local se trouvait à proximité de la grande boutique du centre ville. Par analogie, pourquoi ne pas admettre la même solution pour les commerçants inclus dans le centre commercial ? Le cordonnier, le teinturier ou le vendeur de journaux disposent de qualités professionnelles distinctes de celles de l’hypermarché, de prix compétitifs, d’un bon emplacement commercial payé au prix fort pour attirer et fidéliser les chalands. Ces seules constatations devraient être suffisantes pour conclure à l’autonomie de la clientèle outre l’inclusion matérielle dans un espace plus large ou la prépondérance de la notoriété et de la clientèle de l’hypermarché. Ainsi, le refus d’accorder le bénéfice du statut des baux commerciaux à ces entrepreneurs est inopportun, puisque ces commerçants, qui ont consenti d’importants efforts financiers et qui en pratique sont ceux qui réussissent le mieux en terme de chiffre d’affaires, sont placés dans une situation d’instabilité puisque rejetés hors du statut des baux commerciaux.

La différence de traitement ne va-t-elle pas avoir pour conséquence d’engendrer une « délocalisation » des enseignes incluses dans les centres commerciaux vers les centres ville et avec elles, susciter la désaffection des galeries marchandes par la clientèle ?

Le consensus doctrinal étant général pour reconnaître que la notion de clientèle est anachronique, pourquoi ne pas procéder à un renouvellement de la notion par une approche plus économique et par là même plus réaliste, plutôt que de proposer une nouvelle analyse juridique ? En pratique, la clientèle s’offre de moins en moins à la fidélisation et les phénomènes de concurrence exacerbée et de société de consommation alimentent sa volatilité.

Plutôt que d’exiger que la clientèle soit réelle, certaine et propre à l’exploitant, pourquoi ne pas procéder à une dépersonnalisation de la clientèle, comme ce fut le cas à l’origine de la notion ?  Ainsi, partant du constat simple que celui qui exploite une clientèle génère un chiffre d’affaires et que le commerçant moins performant est sujet au dépôt de bilan, il s’agit d’en déduire que la clientèle  n'est que l’expression d'un volume d'affaires, une masse d'opérations commerciales, source de bénéfices. Peu importe que l’exploitation soit faite sous la forme de distribution intégrée ou dans une galerie marchande, dans les deux cas, la propriété de la clientèle doit être reconnue comme le corollaire de la qualité de commerçant indépendant exploitant à ses risques et périls. Par rebond, le bénéfice du bail commercial sera automatiquement acquis.

 

De plus, cette nouvelle conception plus économique de la clientèle a le mérite de s’appliquer de manière indifférente à l’ensemble des formes d’exploitations y compris celles dématérialisées.

 

B.    La nécessité de reconnaître la propriété d’une clientèle au cyber-entrepreneur

 

Depuis 1995, année présentée comme celle de la vulgarisation de l’internet[141], il ne fait plus aucun doute que cet espace est devenu un nouveau canal de distribution commerciale (1°). Le plaidoyer en faveur de l’octroi d’une clientèle dans le contexte novateur de l’internet (2°) aboutit à reconnaître l’existence d’un fonds de commerce électronique.

 

  L’internet un nouveau canal de distribution commerciale

 

Afin de saisir l’ampleur prise par le phénomène, il suffit de s’arrêter sur les dernières données chiffrées relatives à l’internet. Au premier trimestre 2004[142], la population internaute française a franchi la barre des 23 millions. Désormais 56% des requêtes sur les moteurs de recherche sont de nature commerciale et le nombre d’acheteurs en ligne, qui était de 8,7 millions fin mars 2003, a crû de 38% en un an, alors que dans le même temps, le nombre d’internautes n’a progressé que de 11%.

Aujourd’hui, il existe deux catégories de site internet, les sites dits « informationnels » à des fins de communication d’informations de toutes nature et les sites dits « marchands » ayant pour but de commercer sur le réseau. Etant de véritables « boutiques virtuelles » permettant de fidéliser la clientèle mais également de prospecter de nouveaux marchés, seuls ces derniers seront étudiés. L’internet présente la double potentialité pour les entreprises d’accroître leur clientèle en limitant leur frais de communication et, comme ce fut le cas pour les années précédentes[143], la plupart des marchands électroniques ont enregistré des croissances à deux chiffres pour le premier trimestre 2004.

La dimension prise par le commerce électronique s’explique à la fois par la baisse des prix du matériel informatique, l’amélioration du taux de couverture de la connexion haut débit, l’augmentation du nombre de connectés au haut débit, la confiance accrue des cyber-consommateurs vis-à-vis de l'achat en ligne, notamment avec le développement de la cryptologie, ainsi que les prix des produits plus avantageux. Le développement de l’internet a suscité et continue d’alimenter chez les juristes, réflexions et questions, souvent de grande portée pratique. En parallèle aux activités matérielles, l’internet a crée un espace virtuel dans lequel s’est développé l’ensemble « des activités terrestres ». Aujourd’hui, les questions que se posent les commerçants sont relatives à leur exploitation dématérialisée. Qu'attendent aujourd'hui les consommateurs internautes ? Comment construire une stratégie-client qui leur convienne ? Comment, en particulier, dégager des informations pertinentes des quantités de données recueillies chaque jour ? Comment assurer une cohérence entre les différents canaux de sollicitation de sa clientèle ?

Si pour certains auteurs, le droit de l’internet n’est qu’une déclinaison de la propriété intellectuelle, il nous semble que le Droit se doit de l’appréhender dans toutes ses branches. Ainsi la question mérite d’être posée, peut-on transposer au commerce électronique les règles relatives à la clientèle et au bail commercial alors qu’elles ont été édictées et interprétées pour un contexte matériel ? En d’autres termes, le cyber-commerçant dispose t il d'un fonds de commerce ? Peut-il bénéficier de la législation relative aux baux commerciaux ? Afin de répondre à la seconde question il est nécessaire de solutionner la première.

A notre connaissance, aucun tribunal n’a eu l'occasion de se prononcer en la matière, et il n’existe aucun cadre légal régissant l’universalité qu’est le site internet[144].

 

Il nous semble que l’internet constitue simplement un nouveau canal de distribution, de sorte que l’ensemble des solutions classiques trouve pleinement à s’appliquer dans ce contexte novateur. En effet, ainsi que le constate monsieur le Professeur LEVENEUR[145], « le droit ne s’adapte aux faits qu’avec plus ou moins de retard ».

 

2° Plaidoyer en faveur de l’octroi d’une clientèle dans le contexte novateur de l’internet

 

Afin d’attribuer au cyber-commerçant la propriété d’un fonds de commerce électronique, il est nécessaire de vérifier l’existence d’une clientèle puis de déterminer si elle est personnelle ou propre au cyber-exploitant.

L’existence de la clientèle ne fait aucun doute et sa preuve peut être rapportée avec d’avantage de facilités et de précisions que dans les activités terrestres. En effet, en pratique, tout site marchand dispose d’un site de statistique[146] comptabilisant l’ensemble des cyber clients potentiels ayant visité la boutique virtuelle ainsi que d’un site de gestion permettant de déterminer avec précision l’ensemble des cyber clients.

S'agissant du caractère personnel de la clientèle, avec la doctrine[147] particulièrement autorisée en la matière, il nous semble qu’elle ne souffre d’aucune contestation.  Le dernier état de la jurisprudence[148] de la Cour de cassation, déterminant la propriété de la clientèle par référence aux critères économiques, peut valablement être transposé à l’hypothèse du fonds de commerce électronique. En effet, les entreprises procèdent à des investissements considérables afin de disposer d’un site internet compétitif et consacrent un important budget à sa maintenance ainsi qu’à son actualisation. Les risques assumés par les cyber-commerçants devraient,  par analogie avec la solution désormais applicable aux commerçants intégrés, inciter les juges à leur reconnaître l’existence d’une clientèle propre.

D’autre part, dans la majorité des hypothèses, les entreprises qui exploitent un site marchand existaient matériellement avant de développer le canal de distribution qu’est l’internet. La complémentarité entre site physique et site électronique apparaît aujourd’hui incontournable et, on peut considérer le site internet comme le prolongement de l’entreprise matérielle pour laquelle elle pouvait déjà compter une clientèle. Aussi, il serait incohérent de refuser au cyber-commercant une clientèle personnelle alors que le cyber client a appris l’existence de la « boutique virtuelle » en connaissant « la boutique matérielle ».

De plus, une analogie peut être utilement réalisée entre les entreprises spécialistes de la vente par correspondance et les entreprises développant la solution de l’internet. Alors que les premières utilisent  « un catalogue réel », les secondes illustrent « leur catalogue virtuel » au moyen de pages internets. Dans les deux types de commerce à distance, les commandes de produits ou de services peuvent être réalisées par téléphone ou par l’envoi d’un bon de commande. Or, s’il ne fait aucun doute que les entreprises de ventes par correspondance disposent d’une clientèle propre, comment la refuser aux entreprise exploitant un site internet sans tomber dans la contradiction ?

De même, l'entreprise qui vend ses produits sur l’internet ne se trouve pas, vis-à-vis de son fournisseur d'accès, dans une position de dépendance comparable à celle du cafetier du champ de courses. En effet, si les consommateurs ne peuvent se rendre à la buvette sans passer par le champ de courses, le site internet demeure accessible quel que soit le fournisseur d'accès. En revanche, lorsqu’un seul fournisseur d'accès est en mesure de procéder à la connexion, l'entreprise opérant dans ces conditions sur l'internet est placée dans une situation de dépendance. Pour autant, il ne nous semble pas devoir dénier une clientèle personnelle au cyber-commercant. Outre la référence aux critères économiques, le site d'une telle entreprise présente des spécificités distinctes de celles de son fournisseur d'accès, ce qui permet de différencier la clientèle de la première de celle du second.

Enfin, la simple cohérence permet de conclure à l’existence d’une clientèle « propre et personnelle » et par rebond d’un fonds de commerce électronique au bénéfice du cyber-commerçant. En effet, la jurisprudence peut-elle décemment prendre le contre-pied des instances  communautaires[149] et nationales[150] qui ont pour objectif clairement affiché de stimuler la croissance du commerce électronique ? Or, comment atteindre cet objectif sans reconnaître l’existence du fonds électronique ? De plus, il est économiquement plus juste qu’un entrepreneur se voit reconnaître la clientèle fruit de ses efforts et investissements. A quoi bon pour le commerçant exploiter un site internet s’il ne peut prétendre à l’existence d’une clientèle et s’il ne peut utiliser son fonds de commerce électronique comme instrument de crédit ou le céder. Comment décemment refuser aux entreprises qui ont « pignon sur Web[151] » et qui génèrent un chiffre d’affaires très important, la propriété d’une clientèle qui leur soit propre ? 

 

La nécessité de reconnaître au cyber-commerçant la propriété d’un fonds de commerce électronique n’est pas sans rappeler les doléances des commerçants du XIXème siècle, qui avaient donné lieu à l’adoption de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce. Pour l’heure, aucun projet ou proposition de loi en ce sens ne sont à l’ordre du jour, laissant ainsi place à l’interprétation des juristes et des magistrats.

 

Historiquement, le bail commercial et le fonds de commerce ont des sources communes et sont unis par des liens étroits. Ainsi, la reconnaissance d’une clientèle propre au profit du cyber-entrepreneur n’a-t-elle pas pour corollaire l’octroi du bénéfice du statut des baux commerciaux  afin d’assurer la stabilité du fonds de commerce électronique?

 

 


CONCLUSION

 

En matière de clientèle et de bail commercial, les oppositions doctrinales sont nombreuses et la jurisprudence est empreinte de casuistique. La conséquence en est une véritable insécurité juridique pour le commerçant notamment quant à l’importante question pratique du bénéfice du statut des baux commerciaux. Si les difficultés relatives au bail commercial ont pour origine les incertitudes afférentes à la clientèle, résultant notamment du développement de nouveaux modes de distribution, aujourd’hui, la place prise par le commerce électronique oblige à un effort d’interprétation afin que la clientèle s’adapte à cet environnement dématérialisé, mais également de création pour que le bénéfice d’un bail commercial soit reconnu au cyber-commerçant.

Monsieur LEVIS[152] est perplexe quant à l’opportunité de reconnaître le bénéfice du statut des baux commerciaux au cyber-entrepreneur. Au contraire, il nous semble que la reconnaissance d’un bail commercial est nécessaire afin d’assurer la stabilité, la pérennité et la valeur du fonds de commerce électronique. La lettre, mais également l’esprit du décret de 1953 visent à préserver les exploitants de fonds de commerce contre les abus des bailleurs et de faire en sorte que l'exploitation commerciale ne soit pas mise en péril par une décision de résiliation brutale ou par une augmentation brusque du loyer. Le fondement du bail commercial, à savoir la sauvegarde du fonds de commerce, doit guider le juriste, que l’exploitation soit matérielle ou non.

Afin de déterminer si le cyber-commerçant peut être titulaire d’un bail commercial dans l’exercice de son exploitation virtuelle, il s’agit de vérifier que les conditions[153] nécessaires au bénéfice du statut des baux commerciaux sont réunies. Si, conformément à l’article L 145-1 du Code de commerce, les exigences relatives à l’existence d’un bail, via la signature d’un contrat de location[154], à l’immatriculation[155] au registre du commerce et des sociétés ainsi qu’à l’exploitation d’un fonds de commerce ne semblent faire aucune difficulté, en revanche, la condition relative au local semble plus problématique. Pourtant, cette condition, propre au commerce terrestre ne nous semble pas rédhibitoire pour priver le commerçant électronique d’un bail commercial.

Ainsi que le relève le professeur MONEGER[156], avec le développement du fonds de commerce électronique, « il n’y a plus de local où le commerçant peut recevoir physiquement le client », et le nom de domaine se substitue à la « bonne adresse ». En effet, l’objet même du commerce électronique est de s’abstraire de toute matérialisation ce qui rend impossible l’approche géographique traditionnelle. En conséquence, sur l’internet, la localisation  au sens « terrestre » du terme n’a plus de sens. La notion de local[157], considéré comme un espace clos et couvert à l'intérieur duquel l'homme peut avoir accès et visant à recevoir la clientèle de façon continue afin de la fidéliser, doit faire l’objet d’une adaptation au monde virtuel, eu égard non pas à la lettre mais à la philosophie du statut des baux commerciaux. A défaut d’intervention législative, la méthode chère à Raymond SALEILLES doit être adoptée. Il s’agit de « lire la loi au regard des exigences de la modernité, ici économique »[158], et de raisonner par un syllogisme régressif afin d’identifier l’élément pouvant être qualifié de « local virtuel », unique condition faisant défaut pour permettre au cyber-entrepreneur de bénéficier du statut des baux commerciaux.

 

Le site internet est hébergé par un prestataire de service qui met à la disposition du cyber-commerçant un espace virtuel sur son disque dur. La localisation de cet espace de stockage  peut être différent, ce qui suffit à exclure sa qualification de local. Surtout, il est possible de changer d’hébergeur, sans que l’accessibilité au site internet en pâtisse. En conséquence, le contrat d’hébergement ne peut être identifié au local virtuel puisqu’il ne permet pas d’assurer la stabilité de la boutique virtuelle.

En revanche, par analogie à l’adresse du local matériel à laquelle il faut se rendre pour accéder au local commercial, le nom de domaine est l’adresse permettant aux cyber-clients d’identifier le site internet sur le réseau et de visiter la boutique virtuelle. Les règles d’attribution sont différentes selon que la personne physique ou morale souhaite déposer un nom de domaine en <fr>[159] ou en <com>[160], <net> et <org>.

En pratique[161], l’enregistrement est réalisé par des sociétés spécialisées[162]. Si certaines se contentent d’agir en vertu d’un mandat qui leur est consenti par leur client, d’autres préfèrent procéder à un enregistrement pour leur propre compte et ensuite consentir l’utilisation du nom de domaine au client. L’adresse virtuelle étant leur propriété, ils peuvent librement décider de ne plus en laisser la jouissance au client, afin de la céder ou de la mettre à la disposition d’un nouveau cyber-commerçant moyennant un prix important. De même, ces sociétés d’enregistrement de nom de domaine veillent à ce que la demande de renouvellement soit opérée à la date d’anniversaire du contrat de nommage. A défaut, le droit d’utilisation du nom de domaine est définitivement perdu pour l’entreprise, et avec lui la valeur du fonds de commerce électronique.

La perte du nom de domaine peut avoir des conséquences désastreuses. Des sites internets tels que <fnac.com>, <amazone.com> ou <c.dicount.com>, mais également des entreprises de moindre renommée sont susceptibles de perdre un versant entier, voire la totalité de leur activité, faute de conserver le bénéfice de l’utilisation du nom de domaine. En conséquence, la stabilité, la pérennité et le développement du fonds de commerce électronique sont exclusivement déterminés par la signature et le renouvellement du contrat d’enregistrement du nom de domaine, puisqu’il octroie l’adresse virtuelle du site internet permettant à la clientèle d’être fidélisée. Pourquoi alors ne pas assimiler le nom de domaine au local virtuel ? On sait que conformément à l’article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile le juge doit requalifier le contrat de location en bail commercial si les conditions des articles L 145-1 et L145-8 du Code de commerce sont réunies[163]. Une telle interprétation permettrait au cyber-commerçant d’être assuré du renouvellement du contrat malgré la survenance du terme[164] du contrat de nommage.

 


La jurisprudence n’a jamais hésité, alors que le statut a vocation à ne s'appliquer qu’aux seuls baux d’immeubles ou locaux, à reconnaître la qualité de local à une vitrine[165], ou à un guichet[166] destiné à la vente de billets, au motif que le locataire utilisait ce guichet pour pratiquer des actes de commerce. Bien souvent, seule l'absence de clientèle propre au locataire, donc d’un véritable fonds de commerce, est retenue pour écarter le statut plutôt qu'une définition rigoureuse du local. Or, le site marchand, dont on a démontré qu’il était constitutif d’un fonds de commerce électronique, n’est-il pas la vitrine dématérialisée de l’entreprise en vue de réaliser de façon renouvelée des actes de commerce ?

 

Cette conception novatrice du statut des baux commerciaux, à notre sens, tout à fait admissible juridiquement, permettrait au cyber-commerçant de bénéficier d’une véritable sécurité juridique et d’une stabilité économique.

De plus, la solution proposée permettrait de conférer un statut au nom de domaine qui actuellement ne bénéficie d’aucune véritable protection, outre l’emprise indirecte du droit des marques et de l’action en concurrence déloyale.

Enfin, sur un terrain plus pratique, l’interprétation serait neutre pour les organismes de nommage, puisqu’ils continueront à bénéficier de la redevance[167] réévaluée, afférente à l’utilisation du nom de domaine. Si elle peut avoir pour inconvénient d’entraîner la mort de quelques sociétés intermédiaires, elle permettrait en contrepartie de lutter contre le phénomène très répandu de « cybersquating »[168]. Certains sont en effet devenus spécialistes de l’achat de noms de domaine « perdus », et maîtres dans l’art du chantage, pour monnayer au prix fort[169] leur rachat par les sociétés négligentes désireuses de poursuivre l’exploitation de leur site internet.

 

En accord avec madame SAUBIRAU PEREZ[170], il nous semble que l’aspect économique du droit des affaires doit être développé sur son aspect juridique. La Cour de cassation semble s’orienter dans ce sens avec le développement de la notion d’entreprise, plus économique et davantage adaptée aux pratiques commerciales de notre temps que ne peut l’être la notion dépassée du fonds de commerce. Le Droit doit être un allié et non un frein au développement économique et pour ce faire le juriste du XXIème siècle doit être imaginatif et audacieux.  Le profit est la contrepartie du risque, gageons que l’audace juridique se révèle payante.

 


Bibliographie

 

 

 

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rCass 3èmeCiv, 27 mars 2002, D. 2002, p. 1487 ; Gaz. Pal. 17-18 juillet 2002, p. 18 ; JCP Ed G. 2002, II, n°10112 ; RTD com 2002, p. 457.

 

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rCass, 3èmeCiv, 19 mars 2003, Revue des loyers 2003, p 353.

 

r Cass 3èmeCiv, 1er octobre 2003, Revue des loyers 2003, p 654, Loyer et copropriété 2003, décembre 2003, p 14.

 


DIVERS 

 

rArrêté relatif à l’obligation d’information du public quant à l’indépendance du commerçant franchisé du 21 février 1991, JCP 91, II, 64 612.

 

rColloque du 17 juin 2003 organisé par l’Union Nationale de la Propriété Immobilière, « Le décret de 1953, 50 ans après : une modernisation nécessaire ».

 

rDiscours de Dominique PERBEN, Ministre de la Justice, 23 septembre 2003, annonçant la mise en place de la commission PELLETIER chargée d’adapter le statut des baux commerciaux.

 

rLoi initiative économique en date du 1er août 2003, JP. BLATTER, AJDI 2004, p 13.

 

rMICHELIN (F), « Et pourquoi pas », Ed Grasset 1998.

 

rOrdonnance du 18 septembre 2000 portant codification du Code de commerce, D 2000, p 393.

 

rOrdonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises.

 

rRapport PELLETIER, 5 mai 2004.

 

rRéponse ministérielle 9 mai 1988, JCP Ed. G 1988, IV, p. 225, affirmant l’absence de d’obligation communautaire sur le bail commercial.

 

rRéponse ministérielle 04 mars 1991, affirmant l’absence d’exception locative du bail commercial à la française.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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www.legifrance.gouv.fr

 

www.courdecassation.fr

 

www.afnic.fr

 

www.internic.com

 

www.lentreprise.com

 



[1]   F. MICHELIN, Et pourquoi pas, Ed Grasset 1998.

[2] J. MONEGER, rapport de synthèse du colloque de l’association des avocats spécialistes en propriété commerciale, « Le mythe de la propriété de la clientèle : la franchise », AJDI 2001, p 1054.

[3] P. ANTOINE, Secrétaire général de la fédération des enseignes et commerces associés, intervention au colloque du 17 juin 2003 organisé par l’Union Nationale de la Propriété Immobilière sur le thème « Le décret de 1953, 50 ans après : une modernisation nécessaire ».

[4] Il sera fait appel aux expressions baux commerciaux, statut des baux commerciaux, statut, décret, décret du 30 septembre 1953 pour désigner les règles propres au bail commercial.

[5] Les travaux parlementaires de la loi Cordelet témoignent de la difficulté à retenir une définition.

[6] Lamy Droit Commercial 2004, n°2.

[7] Y. GUYON, Droit des affaires, tome 1, Ed économica, n° 644.

[8] En ce sens, F. AUQUE interprétant l’important arrêt Trévisan de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 27 mars 2002  et Cour d’appel de Paris, 4 octobre 2000.

[9] Lamy Droit commercial 2004, n° 4.

[10] Arrêt Trévisan, Cass 3èmeCiv, 27 mars 2002, notamment D 2002, p 1487 ; Gaz Pal 17-18 juillet 2002, p 18 ; JCP Ed G 2002, II, n°10112 ; RTD com 2002, p 457. 

[11] M. JEANTIN, « Bien de l’exploitation », Jurisclasseur entreprise individuelle, fascicule 1060, actualisé par N. REBOU.

[12] P. COLLOMB, « La clientèle du fond de commerce », RTD com 1979, p 1.

[13] G. CORNU, Vocabulaire, 4ème Ed.

[14] P. COLLOMB, « La clientèle et le fond de commerce », RTD Com 1979, p 1.

[15] Un seul arrêt distingue la clientèle de l’achalandage, Cass Com., 3 février 1970, D 1970, J, p 626.

[16] G. CORNU, Vocabulaire, 4ème Ed.

[17] D’autres dispositions législatives intéressant le bail commercial peuvent être relevées dans la loi du 17 mars 1909 relative à la vente du fond de commerce, la loi du 20 mars 1956 afférente à la location gérance et la loi du 25 janvier 1985 portant sur le redressement et la liquidation judiciaire.

[18] Ordonnance 18 septembre 2000, notamment D 2000, p 393.

[19] Articles 23 à 23-5 relatifs à la détermination de la valeur locative, articles 29 à 30-1 afférents à la procédure et l’article 33 portant sur l’effet interruptif du mémoire.

[20] M. DAGOT, « La clause d’extension conventionnelle du statut des baux commerciaux », JCP Ed N 1991, Doct, p 315.

[21] Cass Civ 3ème, 1er octobre 2003, Revue des loyers 2003, p 654, l’immatriculation n’est exigée qu’à la date du renouvellement.

[22] Cass Civ 3ème, 6 octobre 1981, Déf 1982, article 32 801.

[23] Y. CHARTIER estime que ces extensions légales sont à l’origine d’une dénaturation du statut, « Rigidité et flexibilité dans le droit des baux commerciaux », Mélange DERRUPPE.

[24] Il est également possible pour le bénéficiaire, une fois le bénéfice du statut des baux commerciaux acquis, d’y renoncer. 

[25] La formule « propriété commerciale » issue de la pratique est à la fois source de confusion et inexacte puisque le bailleur peut toujours refuser le renouvellement du bail commercial soit en versant une indemnité d’éviction, soit en arguant des « justes motifs » énumérés par les articles L 145-17 et L145-18 du Code de commerce.

[26] Les méthodes d’évaluation dites « par le chiffre d’affaires » ou « par les bénéfices », pondérées par des coefficient inhérents à l’activité, sont les plus fréquemment utilisées.

[27] C’est la conséquence de la méthode dite « du différentiel du loyer », qui tient compte à la fois des conséquences du plafonnement du loyer et de l’impossibilité pour le locataire de retrouver un local identique pour le même prix. En conséquence, l’indemnité d’éviction ne peut-être inférieure à la capitalisation du différentiel entre la valeur locative du local libre et le prix du loyer plafonné. Elle aboutit à une situation kafkaïenne puisque plus le loyer plafonné est faible et plus l’indemnité d’éviction est élevée. P. DE BELOT, « 73 ans de propriété commerciale », Gaz Pal 4 février 2000, p 56

[28] En revanche, conformément à l’article L 145-8 du Code de commerce, il pourra refuser au cessionnaire le renouvellement du bail commercial si le fonds de commerce n’a pas été exploité pendant une durée de trois ans.

[29] J. DERRUPPE, « Pratique et avenir du statut face à la dynamique européenne », AJDI 1993, p 161.

[30] Y. CHARTIER, « Rigidité et flexibilité dans le droit des baux commerciaux », Mélanges DERRUPPE.

[31] R. SAVATIER, « Introduction du bien clientèle dans le droit positif français », Mélanges MAURY.

[32] Y. SERRA, « La clientèle », Droit et patrimoine 1996, p 64.

[33] Ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises, modifie l'article L 144-3 du Code de commerce et abroge la nécessité d’avoir été commerçant, artisan ou avoir exercé des  fonctions de gérant, de directeur commercial ou technique pendant sept années.  Désormais, afin de pouvoir avoir recours à la location gérance, seule la condition exigeant d’« avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance » est exigée.

[34] Cass Civ, 5 décembre 1944, D 1946, J, p 390, la Haute juridiction énonce que la clientèle est celle de la concession et non pas celle du concessionnaire qui est en conséquence exclu du champ d’application du statut des baux commerciaux.

[35] Il s’agit de la seule appellation correcte du bail de l’article L 145-5 du Code de commerce, en effet, l’utilisation de la formule « bail précaire » alimente la confusion avec la convention d’occupation précaire caractérisée par la fragilité du droit conféré, et celle de « de bail de 23 mois » est imprécise car le bail dérogatoire peut avoir une durée inférieure à 23 mois.

[36] Cass 3èmeCiv, 4 octobre 2000, Revue administrer 2001, n°329.

[37] Le domiciliataire doit mettre à la disposition du domicilié des locaux permettant une réunion régulière des organes chargés de la direction de l’entreprise et des services nécessaires à la tenue, à la conservation et à la consultation des livres, registres et documents prescris par la loi.

[38] Loi initiative économique en date du 1er août 2003, JP. BLATTER, AJDI 2004, p 13. La loi facilite les formalités de domiciliation de l'entreprise dans le local d'habitation de son dirigeant, à la fois pour les entreprises individuelles (modification de l’article L 123-10 du Code de commerce pour abandonner la notion de siège social) et pour les sociétés (modification de l’article L123-11 et création d’un nouvel article L 123-11-1 du Code de commerce).

[39] 3èmeCiv, 14 janvier 2004, l’activité de styliste ne conduisant pas à recevoir de clientèle, la domiciliation de l’entreprise peut être faite au domicile du chef d’entreprise.

[40] P. BEAUCHAIS, « L’application du décret de 1953 aux baux de bureaux », JCP Ed N 1991, p 29.

[41] Lamy 2004, Droit commercial, n° 289, le but de ces magasins est d’offrir une meilleure chalandise au commerçant, en profitant de la clientèle potentielle attirée par la juxtaposition des commerces, tout en mutualisant l’ensemble des frais généraux ainsi que le coût des campagnes promotionnelles.

[42] R. SAVATIER, « L’introduction et l’évolution du bien clientèle dans la construction du droit positif français », Mélanges MAURY.

[43] L. DEPAMBOUR-TARRIDE, « Les origines du fonds de commerce : l’apparition de la clientèle dans les sources parisiennes », Revue histoire du droit 1985, p 329.

[44] R. SAVATIER, « Avènement et dépassement de la théorie juridique du fonds de commerce ».

[45] P. DE BELOT, « Soixante treize ans de propriété commerciale », Gaz Pal 2000, p 56.

[46] Bien que les dispositions soient réglementaires, elles ont une nature législative car prises en vertu de pouvoir délégué par le Parlement aux termes de la loi du 13 juillet 1953.

[47] F. AUQUE et J. DERRUPPE (rapport de synthèse) « Faut-il supprimer le statut des baux commerciaux ? », AJDI 2000, p 478 et 510.

[48] L. DE PANAFIEU, « Mythe de la propriété de la clientèle dans les centres commerciaux », AJDI 2001, p1062, relève notamment que les premiers centres commerciaux voient le jour dans les années 1960, afin d’équiper les Zone à Urbaniser par Priorité, ainsi en est-il de celui de Rueil-Malmaison.

[49] Au contraire, afin d’éviter la résiliation du bail commercial aux échéances triennales, une clause excluant cette faculté est fréquemment stipulée dans les baux commerciaux.

[50] Discours Dominique PERBEN, Ministre de la Justice, 23 septembre 2003.

[51] A l’époque où ces lignes sont écrites, le rapport PELLETIER fait désormais l’objet d’un examen par les services du ministère de la Justice et du ministère délégué aux PME, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

[52] Rapport PELLETIER, décrivant les 12 recommandations faites au pouvoir public et les 28 suggestions de modifications textuelles, parmi lesquelles, la modification de l’article 1723 du Code civil afin de préciser la définition de la chose louée, celle des articles 1754 et 1756 du Code civil relatifs à la répartition des charges et travaux entre bailleur et preneur, ou permettre aux parties de déroger conventionnellement au dispositif de révision légale du loyer. Surtout, le rapport préconise de favoriser l’allongement de la durée des baux par un assouplissement du régime de la taxe de publicité foncière et la possibilité pour les parties de convenir à l’avance de la durée du bail renouvelé qui pourra être supérieure à 9 ans, sans qu’une seule des parties puisse prolonger le bail. Dans le même temps, il est proposé de permettre la succession de plusieurs baux dérogatoires dans la limite de 2 ans.

[53]« Fonds de commerce et baux commerciaux en droit comparé », JCP Ed N 1990, p 253.

[54] R. SAVATIER, « L’introduction et l’évolution du bien clientèle dans la construction du droit positif français », Mélanges MAURY.

[55] J.L ROZES « L’exception locative française existe-t-elle ? », AJDI 2000, p 480.

[56] Réponse ministériel n°28673 en date du 04 mars 1991.

[57] S’agissant du domaine d’application, l’Espagne et l’Italie disposent d’un statut protecteur plus étendu que celui organisé par notre droit positif puisqu’il s’applique à l’ensemble des locaux autres que d’habitation, ce qui inclut les professions libérales. A l’inverse, les lois belge et luxembourgeoise n’accordent leur protection qu’aux locaux destinés à accueillir la clientèle des commerces de détail et des artisans.

S’agissant de la durée, neuf ans est la plus longue. Seules la Belgique et la Grèce ont adopté une telle période de mise a disposition. Le bail italien est d’une durée de six ans et le bail portugais d’une seule année. En Irlande, en Grande Bretagne, au Luxembourg ou en Espagne, aucune durée minimale n’est imposée par la loi et cette tâche relève de la liberté des  parties.

S’agissant des conditions de résiliation, la France fait preuve de moins de flexibilité que les autre pays européens, puisque seule l’échéance triennale est admise, sauf stipulation contractuelle contraire alors qu’en Italie ou en Grande Bretagne, la résiliation peut avoir lieu à tout moment sous réserve d’un préavis de six mois.

S’agissant du droit au renouvellement, conditionné notamment par l’exploitation d’un fonds de commerce ou artisanal, si en France, il est acquis d’office, sans limitation de durée et a pour corollaire le versement d’une indemnité d’éviction comminatoire équivalente à la valeur du fonds de commerce, dans la plupart des pays européens, le renouvellement est limité dans sa durée, ou dans son nombre. Une indemnité d’éviction est également prévue par les autres législations européennes, à l’exception du Luxembourg et du Danemark, mais limitée à un chiffre forfaitaire ou à quelques années de loyers. Aucun pays ne consacre une indemnité aussi importante que la France car chez nos voisins européens, il s’agit non pas de compenser le préjudice subi par le preneur mais annihiler l’avantage obtenu par le bailleur.

Enfin et surtout, les Etats européens ne connaissent pas le système du plafonnement en fin de bail, que la doctrine identifie comme la source de tous les problèmes du bail commercial. Ainsi, le loyer du bail renouvelé est fixé d’un commun accord entre les parties ou à défaut par expertise ou par voie judiciaire, en tenant compte de la valeur locative.

[58] M. AUBERT, « L’avenir des baux commerciaux », Revue des loyers et des fermages 1988, p 305.

[59] F. ROBINE, « Pas de porte et droit au bail », AJDI 2000, p 499 : le pas de porte a une nature indemnitaire. Il est versé au propriétaire des murs et vise à compenser le bénéfice de la propriété commerciale conférée au preneur. Le droit au bail est la somme versée par le commerçant entrant à son prédécesseur afin d’obtenir l’emplacement recherché pour exploiter son commerce.

[60] L. ROZES, « Pratique et avenir du statut face à la dynamique européenne », AJDI 1993, p 161.

[61] J. DERRUPPE, « Avenir de la propriété commerciale », AJDI 1993, p 161.

[62] P. MAGNAN, « Baux commerciaux, propriété commerciale et droit comparé », Gaz Pal 04 février 1992, p 103.

[63] Le ministre du Commerce et de l'Artisanat avait déjà rappelé « qu'aucune disposition actuelle ni future au plan communautaire ne remet en cause la législation française relative à la propriété commerciale et à celle du fonds de commerce » Réponse ministériel 9 mai 1988, JCP éd. G 1988, IV, p 225.

[64] S. LAGUETTE, « Y a t il une antinomie entre propriété commerciale et droit européen ? », AJDI 1006, p 299.

[65] Dijon, 31 mars 1989, Revue de droit immobilier 1990, p 126, note J. DERRUPPE.

[66] 3èmeCiv, 27 février 1991, Revue de droit immobilier 1991, p 518, note J. DERRUPPE.

[67] M.L SAINTURAT, « La prédominance d’un élément : la protection du local du fonds de commerce », AJDI 2001, p 1049 ; J. DERRUPPE « Les rapports locatifs immobilier à la fin du XXème siècle », Mélanges CATALA ; Y. CHARTIER, « Rigidité et flexibilité dans le droit des baux commerciaux », Mélanges DERRUPPE.

[68] Favorable à la thèse de l’ouverture au public, Conseil d’Etat, 12 novembre 1953, JCP 44, II, 2570 ; favorable à la thèse de l’exploitation Colmar, 28 mai 1952, D 1952, J, p 528 ; Bordeaux, 8 juin 1953, JCP Ed G 1954, II, n° 8118, note COHEN et Cass 3èmeCiv, 5 février 1962, Bull civ III, p 59.

[69] Cass 3èmeCiv, 7 décembre 1965, Bull civ III, p 565.

[70] Cass 3èmeCiv, 5 juin 1970, D 1970, J, p 673.

[71] Cass 1erCiv, 10 octobre 1979, RTD com 1980, p 73, note J. DERRUPPE.

[72] Cass 3èmeCiv, 18 mai 1978, RTD com 1978, p 559, note J. DERRUPPE.

[73] Tribunal civil de Sarreguemines, 23 janvier 1951, RTD com 1952, p 305, note A. JAUFFRET.

[74] B. BOCCARRA,  JCP Ed G 1982, II, n° 19888 ; Contra J. DERRUPPE.

[75] Dans le même sens, messieurs HAMEL et JAUFFRET.

[76]  ROTONDI, « La nature juridique de l'achalandage », An droit com 1930, p 137.

[77]J. DERRUPPE, « Clientèle et achalandage », Mélange SAVATIER.

[78] Cass Com 12 décembre 1990, Gaz Pal 1990, 2, p 413.

[79] Cass Com, 31 mai 1988, Bull civ IV, p 126.

[80] Cass 3èmeCiv, 13 mars 1962, Bull civ III, p 130 et Cass 3èmeCiv, 18 mai 1978, Bull civ III, p 159.

[81] Lamy Droit Commercial 2004, n° 206.

[82] Riom, 11 juillet 1951, JCP Ed G 1955, I, n° 1222 ; arrêt cassé par Cass Com, 29 mai 1953, Gaz Pal 1953, 2, J, p 105 ; Tribunal Civil de Metz, 21 mai 1953, JCP Ed G 1953, IV, p 119.

[83] Cass 3èmeCiv, 5 janvier 1960, Bull civ III, p 7.

[84] Cass Com, 1er  février 1984, RTD com 1984, p 655, note J. DERRUPPE.

[85] Cass Com, 27 février 1973, notamment JCP Ed G 1973, II, note A. S. ; D. 1974, J, p 284, note J.DERRUPPE.

[86] Cass Req, 19 juin 1934, S 1934, chr, p 269

[87] Tribunal de commerce de Marseille, 13 juin 1929, S 1930, J, p 40

[88] Paris, 9 juin 1987, D 87, 2, p 163.

[89] M.JEANTIN, Juris classeur, fascicule 1060, n° 3 et suivants.

[90] ESCARA, 60ème congrès des notaires de France, Strasbourg 1963 portant sur « Le statut juridique du fonds de commerce ».

[91] MALAUZAT conclut que « ce droit de clientèle n'étant pas un élément autonome ne peut, semble-t-il à ce titre, figurer parmi les éléments du fonds ».

 

[92] P. COLLOMB, « La clientèle du fonds de commerce », RTD com 1979, p 1.

[93] M. SORBIER, Th, La clientèle commerciale : cession, location et partage, Ed L’harmattan, 2003.

[94] D. LEGEAIS, « La franchise », JCP Ed N 1992, p 217. La franchise s’est développée en France dans les années 1970, sur le modèle du « franchising américain ». Sa définition peut être trouvée dans le Code de déontologie européen de la franchise ; il s’agit d’ «un système de commercialisation de produits et/ou de services et/ou de technologies, basé sur une collaboration étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes, le franchiseur et ses franchisés, dans lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit, et impose l’obligation d’exploiter une entreprise en conformité avec le concept du franchiseur. Le droit ainsi concédé autorise et oblige le franchisé, en échange d’une contribution financière directe ou indirecte, à utiliser l’enseigne et/ou la marque de produits et/ou de services, le savoir-faire et autres droits de propriété intellectuelle, soutenu par l’apport continu d’assistance commerciale et/ou technique, dans le cadre et pour la durée d’un contrat de franchise écrit, conclu entre les parties à cet effet ». Depuis son importation, la franchise, véritable « procédé de réitération du succès », selon l’excellente formule de monsieur le Professeur LE TOURNEAU, a suscité un fort engouement de la part des commerçants français et la fédération française de la franchise estimait au 31 décembre 2002 le nombre total de franchisés à 33 260 pour 719 franchiseurs, faisant de la France le premier pays européen en nombre de magasins sous franchise, ainsi qu’en terme de chiffre d’affaires avoisinant les 33 milliards d'euros.

[95] C. CHAMPAUD, « La concession commerciale », RTD com 1963, p 457, affirmait que  « la clientèle n'est ni propre au concédant, ni au concessionnaire, elle leur est commune ».

[96] D. BASHET relève que pour 71 % des franchisés, le motif déterminant de leur entrée dans le réseau est de bénéficier de la notoriété de l’image de marque du franchiseur.

[97] A l’exclusion de monsieur GUERIN, JCP Ed N, 1983, P, n° 8687.

[98] P. DE BELOT, « Un franchisé a-t-il droit à la propriété commerciale ? », Revue Administrer 1990, p 2.

[99] Montpellier, 19 janvier 1962, D. 1963, J, p 172.

[100] Limoges, 10 juin 1980, D. 1981, J, p 573.

[101] Cass 3èmeCiv, 10 octobre 1982, Bull civ 1982, p 256.

[102] Tribunal de Grande Instance de Paris, 24 novembre 1992, D. 1995, som, p 154 ; Gaz Pal 1994, 1, J, p 203.

[103] Tribunal de Grande Instance d’Evry, 9 décembre 1993, Gaz Pal 1994, 1, J, p 207 ; Petites affiches 24 août 1994, p 16.

[104] P. DE BELOT, Gaz Pal 1994, 1, J, p 203 et Gaz Pal 1996, 1, doct, p 538.

[105] Formule empruntée à messieurs JESTAZ et JAMIN, « L’entité doctrinale française », D 97, chro, p 167.

[106] G. AMEDEE-MANESME, « Franchise et propriété commerciale : quand le contrat de franchise tient le réseau en l’état. », Gaz Pal 14 novembre 1996. 

[107] J. DERRUPPE, « Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ? », AJPI 1997, p 1002 ; D. BASCHET, « La propriété de la clientèle dans le contrat de franchise... ou la franchise est en danger de mort » Gaz Pal 1994, 2, doctrine, p 1256 et « La franchise est en deuil », Gaz Pal 1996,1, doctrine, p 557 ; A. GUILLEMAIN « La distribution en danger de mort par méconnaissance de la propriété commerciale », Revue des Loyers et de la copropriété 1996, chr n° 9 ; O. GAST et M. LANCIAUX, « La propriété commerciale une nécessaire réforme », Petites affiches 24 août 1994, p 18.

[108] J. DERRUPPE, « Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce », AJDI 1997, p 1002.

[109] D. FERRIER, in Le droit de la distribution, Ed Litec, 2002.

[110] B. BOCCARA, JCP Ed E 2001, p 324 ; JCP Ed G, J, p 166, Gaz Pal 10 septembre 1994, doctrine, p 1021.

[111] J. DERRUPPE, Petite Affiche 16 novembre 2000 ; AJDI 2001, p 244.

[112] Tribunal de Grande Instance de Paris, 30 octobre 1998, Gaz Pal 1999, 1, som, p 139.

[113] L’article 1er de l’arrêté en date du 21 février 1991 ainsi que la note de service en date du 21 mai 1991 obligent le franchisé à faire apparaître sa qualité de commerçant indépendant sur l’ensemble de ses documents commerciaux ; JCP 91, II, 64 612.

[114] P.Y GAUTIER, « L’influence de la doctrine sur la jurisprudence », D. 2003, p 2839.

[115] Paris, 4 octobre 2000, 2 arrêts, Petites affiches 16 nov. 2000, p. 11 ; Cah D Aff 2001, act jur, p 380 ; D 2001, p 1718 ;  AJDI 2001, p 244.

[116] Cass 3èmeCiv, 27 mars 2002, notamment D 2002, p 1487 ; Gaz Pal 17-18 juillet 2002, p 18 ; JCP Ed G  2002, II, n° 10112 ; RTD com 2002, p 457.  

 

[117] O. BINDER, « Le mythe de la propriété de la clientèle : la franchise », AJDI 2001, p 1054.

[118] La Fédération Française de la Franchise précise que 95% des franchisés dépassent le seuil des cinq années d’existence alors que seul 5% des commerçants traditionnels l’atteignent. Source : <franchise-fff.com>.

[119] E. CHEVRIER, « Le franchisé a la propriété commerciale du fonds de commerce exploité », D 2002, p 1487.

[120] Notamment P.H BRAULT, Loyer et copropriété juin 2002, p 13.

[121] AJDI 2002, p 377, qui précise que l’arrêt est un FS - P+B+R+I.

[122] BLATTER, AJDI 2002, p 376.

[123] Le contrat de master franchise est un contrat cousin de la franchise, conférant le droit à un sous franchiseur de conclure des accords de franchise avec des tiers.

[124] F. AUQUE, « La commission affiliation », AJDI 2001, p 1059 : le contrat de commission affiliation est le contrat faisant du commissionnaire affilié un collaborateur permanent qui vend les produits sans gérer le stock de marchandise lequel reste la propriété de commettant.

[125] F. AUQUE, JCP Ed N 2002, p 1465.

[126] C.T BARREAU-SALIOU, JCP Ed N 1993, doctrine, p 195.

[127] Lamy droit commercial 2004, n° 204.

[128] Paris, 19 mars 1923, DP 1923, II, p 61 ; Tribunal civil de la Seine, 10 juin 1929, DP 1929, II, p 135 ; Douai 30 novembre 1927, Gaz Pal 1927, 2, J, p 933 ; Cass Civ, 24 juillet 1941, DC 1943, p 69.

[129] Cass Ass. plén, 24 avril 1970, D 70, p 381.

[130] Cass 3ème Civ, 27 novembre 1991, RJDA 1992, n° 221 ; Cass 3ème Civ, 4 novembre 1992, Gaz Pal 1993, 2, J, p 308, note J.D BERBIER ; Cass 3èmeCiv, 24 janvier 1996, D Aff 1997, p 287.

[131] B. BOCCARA s’interroge sur la proportion à retenir (1/2, 2/3) afin de conclure à la prédominance, Revue Administrer 1999, p 32.

[132] Cass 3èmeCiv, 5 février 2003, AJDI 2003, p 581.

[133] Cass 3èmeCiv, 19 mars 2003, Revue des loyers 2003, p 353.

[134] M.A RAKOTOVAHINY, Revue Lamy droit des affaires, juillet 2003.

[135] Cass 3èmeCiv, 1er octobre 2003, Loyer et copropriété 2003, décembre 2003, p 14.

[136] B. BOCCARA, Revue Administrer 1999, p 32.

 

[137] J. MONEGER « Statut ou liberté contractuelle », AJDI 2000, p 484.

[138] Cass 3èmeCiv 6 juillet 1982, Loyer et copropriété 1982, p 381.

[139] J.G RAFFRAY, «  Libre propos sur la rédaction des formules de bail commercial », JCP Ed N 1998, p 163 ; B. WERTENSCHLAG, JCP Ed E 1994, doct, p 37 ; M. DAGOT, JCP Ed N 1991, doct, p 315.

[140] Au sens où nous l’entendons, c'est-à-dire au sens de clients potentiels.

[141] Faut-il utiliser les termes : Internet, l’Internet ou l’internet ? Ce sera « l’internet ». Ainsi que le précise monsieur le Professeur LE TOURNEAU, le mot internet est un nom générique qui comme tel doit recevoir un article et point de majuscule, exactement comme le téléphone ou le minitel. In Cyber droit, C.FERAL-SCHUHL, Ed Dalloz, p1.

[142] Enquête Médiamétrie publiée le 28 avril 2004.

[143] En France, au terme d’une étude réalisée par l’institut de sondage Taylor Nelson Sofres entre décembre 2002 et mai 2003, le commerce en ligne a enregistré une hausse de 20 % en un an.

 

[144] La commission générale de terminologie et néologie définit le site internet comme « un ensemble de documents et d’application placés sous une même autorité et accessible à tous à partir d’une même adresse universelle », JO 8 décembre 2002, p 20331.

[145] L. LEVENEUR, « Situation de fait et droit privé », LGDJ 1990, p 212.

[146] Le site internet <cdiscount.com> compte prés de 400 000 visiteurs par jour.

[147] D. FERRIER, « La distribution sur l'Internet », Cahier de droit des entreprises 2000, Fasc 2, p 14 et R. DESGORCES, « Notion de fonds de commerce et internet », Communication commerce électronique, Dr. sociétés 2000, chro 6.

[148] Paris, 4 octobre 2000, 2 arrêts, Petites affiches 16 novembre 2000, p 11 ; Cah D Aff 2001, J, p 380 ; D 2001, p 718 ;  AJDI 2001, p 244 et Cass 3èmeCiv, 27 mars 2002, notamment D 2002, p 1487 ; Gaz Pal 17-18 juillet 2002, p 18 ; JCP Ed G 2002, II, n°10112 ; RTD com 2002, p 457.  

 

 

[149] Notamment la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000 visant à « créer la confiance pour gagner les milieux d’affaires et les consommateurs à la cause du commerce électronique », transposée par la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique, non encore adoptée à l’heure où ces lignes sont écrites.

[150] La campagne publicitaire, diffusée du 1er au 17 décembre 2003 sur le site du service public, a présenté « l’internet comme étant déclaré d’utilité publique ».

[151] Telles que <amazon.fr>, <cdiscount.com.> ou <fnac.com>.

[152] M. LEVIS, « Site internet : de l’incorporel au virtuel », AJDI 2001, p 1073.

[153] Cf. introduction du mémoire.

[154] Il doit s’agir d’un accord des partenaires sur la mise à disposition du bien en contrepartie d’un prix déterminé ou déterminable, la dénomination retenue par les parties étant indifférentes, le juge pouvant redonner la qualification exacte du rapport locatif.

[155] Comme le commerçant terrestre, la personne souhaitant créer un site internet marchant doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés, soit en adoptant la forme d’une entreprise individuelle, soit en constituant une société commerciale.

[156] Loyer et copropriété mars 2000.

[157] Paris, 20 mai 1959, Revue des loyers 1959, p 546 ; TGI Paris, 21 février 1976, Revue des loyers 1976, p 501.

[158] P.Y GAUTIER, « L’influence de la doctrine sur la jurisprudence », D. 2003, p 2839.

[159] Afin de bénéficier d’un nom de domaine en <fr>, <asso> et <re>, il s’agit de conclure un contrat de nommage avec un organisme à but non lucratif, l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (AFNIC).

[160] Les demandes d’attribution d’un nom de domaine en <com>, <net>, <org>, <biz>, <info> et <name> doivent être adressées à l’organisme américain Internic[160] (Internet National Information Center). 

[161] Nous remercions monsieur N. DUBURCH, gérant de la société LEX-INFO, et M.O GUILHAUME, gérant de la société PIXAGONNE pour leurs précieuses informations.

[162] Pour l’enregistrement auprès de l’AFNIC, seules les sociétés agrées par l’association sont habilitées à présenter une demande d’enregistrement.

[163] Cass 3ème Civ, 13 janvier 1999, AJPI 1999, p 241.

[164] La  durée du bail reste une condition non déterminante de la qualification de bail commercial, la stipulation d'une durée inférieure à neuf ans étant nulle lorsque les conditions d'application du décret sont réunies. La durée de 9 ans, inhérente au bail commercial est tout à fait conforme aux contrats proposés par la pratique, les organismes proposant des contrats de mise à disposition d’un nom de domaine pour une durée de 10 ans.

[165] Paris, 15 février1982, Revue Administrer 1983, p 29 ; Lyon, 16 novembre 1989, Revue des loyers 1991, p 76.

[166] Cass Com, 20 janvier 1964, Revue des loyers 1964, p 159.

[167] A l’heure actuelle, les notions de valeur locative et de plafonnement n’existent pas dans le monde virtuel. Or, on sait que l’attitude des bailleurs qui refusaient le renouvellement ou le bénéfice de la propriété commerciale au preneur provenait du système de plafonnement et de l’impossibilité d’augmenter le loyer à la valeur du marché.

[168] « Enregistrement intentionnel d’un nom de domaine, utilisé par un tiers comme nom commercial ou marque, dans le but d’empêcher le propriétaire de la marque d’établir ou de poursuivre l’exploitation d’un site internet identifié par son nom de domaine », Revue de droit de l’informatique et des télécommunications 1997, n°4, p37.

[169] La fourchette s’étend entre 5000 et 20 000 dollars mais certains noms de domaine auraient été rachetés près de 8 millions de dollars dans le cas de <business.com>, F. EYSSETTE, « Internet et droit des marques », Gaz Pal 23 janvier 1997.

[170] M.A SAUBIRAU PEREZ, « La notion de fonds de commerce », Jurisclasseur entreprise individuelle, fascicule 1090.