J.O n° 136 du 14 juin 2006 page 8944 texte n° 1
LOI n° 2006-685 du 13 juin 2006 relative au
droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d’un
immeuble (1)
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur
suit :
Article 1
I. - Après l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975
relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation, il est
inséré un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. - I. - A. - Préalablement à la conclusion de la
vente, dans sa totalité et en une seule fois, d’un immeuble à usage d’habitation
ou à usage mixte d’habitation et professionnel de plus de dix logements au
profit d’un acquéreur ne s’engageant pas à proroger les contrats de bail à usage
d’habitation en cours à la date de la conclusion de la vente afin de permettre à
chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu’il occupe
pour une durée de six ans à compter de la signature de l’acte authentique de
vente qui contiendra la liste des locataires concernés par un engagement de
prorogation de bail, le bailleur doit faire connaître par lettre recommandée
avec demande d’avis de réception à chacun des locataires ou occupants de bonne
foi l’indication du prix et des conditions de la vente, dans sa totalité et en
une seule fois, de l’immeuble ainsi que l’indication du prix et des conditions
de la vente pour le local qu’il occupe.
« Cette notification doit intervenir à peine de nullité de la
vente, dans sa totalité et en une seule fois, de l’immeuble. Elle s’accompagne
d’un projet de règlement de copropriété qui réglera les rapports entre les
copropriétaires si l’un au moins des locataires ou occupants de bonne foi réalise
un acte de vente, ainsi que des résultats d’un diagnostic technique portant
constat de l’état apparent de la solidité du clos et du couvert et de celui de
l’état des conduites et canalisations collectives ainsi que des équipements
communs et de sécurité. Ce diagnostic est établi par un contrôleur technique au
sens de l’article L. 111-23 du code de la construction et de l’habitation ou
par un architecte au sens de l’article 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977
sur l’architecture, qui ne doit avoir avec le propriétaire de l’immeuble ou son
mandataire aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité ou à son
indépendance. Les dépenses afférentes à ce diagnostic sont à la charge du
bailleur.
« Nonobstant les dispositions de l’article 1751 du code civil,
cette notification est de plein droit opposable au conjoint du locataire ou
occupant de bonne foi si son existence n’a pas été préalablement portée à la
connaissance du bailleur. Elle vaut offre de vente au profit du locataire ou
occupant de bonne foi.
« L’offre est valable pendant une durée de quatre mois à compter
de sa réception. Le locataire ou occupant de bonne foi qui accepte l’offre
ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur,
d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse,
il notifie au bailleur son intention de recourir à un prêt, son acceptation de
l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et, en ce cas, le délai
de réalisation est porté à quatre mois. Passé le délai de réalisation de l’acte
de vente, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit.
«
Lorsque, en raison de la vente d’au moins un logement à un
locataire ou un occupant de bonne foi, l’immeuble fait
l’objet d’une mise en
copropriété et que le bailleur décide de vendre
les lots occupés à des
conditions ou à un prix plus avantageux à un tiers, le
notaire doit, lorsque le
propriétaire n’y a pas préalablement
procédé, notifier au locataire ou occupant
de bonne foi ces conditions et prix à peine de nullité de
la vente. Cette
notification vaut offre de vente à leur profit. Elle est valable
pendant une
durée d’un mois à compter de sa réception.
L’offre qui n’a pas été acceptée
dans le délai d’un mois est caduque.
«
Le locataire ou occupant de bonne foi qui accepte l’offre
ainsi notifiée dispose, à compter de la date
d’envoi de sa réponse au propriétaire
ou au notaire, d’un délai de deux mois pour la
réalisation de l’acte de vente. Si,
dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à
un prêt, l’acceptation
par le locataire ou occupant de bonne foi de l’offre de vente est
subordonnée à
l’obtention du prêt et le délai de
réalisation de la vente est porté à quatre
mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente
n’a pas été réalisée,
l’acceptation
de l’offre de vente est nulle de plein droit.
« Les dispositions du présent A doivent être reproduites, à peine
de nullité, dans chaque notification.
« B. - Préalablement à la conclusion de la vente mentionnée au
premier alinéa du A, le bailleur communique au maire de la commune sur le
territoire de laquelle est situé l’immeuble le prix et les conditions de la
vente de l’immeuble dans sa totalité et en une seule fois. Lorsque l’immeuble
est soumis à l’un des droits de préemption institués par les chapitres Ier et
II du titre Ier du livre II du code de l’urbanisme, la déclaration préalable
faite au titre de l’article L. 213-2 du même code vaut communication au sens du
présent article.
« II. - Les dispositions du I ne sont pas applicables en cas d’exercice
de l’un des droits de préemption institués par le titre Ier du livre II du code
de l’urbanisme ou lorsque la vente intervient entre parents ou alliés jusqu’au
quatrième degré inclus.
« Elles sont applicables aux cessions de la totalité des parts
ou actions de sociétés lorsque ces parts ou actions portent attribution en
propriété ou en jouissance à temps complet de chacun des logements d’un
immeuble de plus de dix logements.
« Elles ne sont pas applicables aux cessions de parts ou actions
susvisées lorsque ces cessions interviennent entre parents ou alliés jusqu’au
quatrième degré inclus. »
II. - Après l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, il est
inséré un article L. 210-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 210-2. - En cas de vente d’un immeuble à usage d’habitation,
la commune peut faire usage de son droit de préemption pour assurer le maintien
dans les lieux des locataires. »
Article 2
I. - Après l’article 1584 du code général des impôts, il est inséré
un article 1584 bis ainsi rédigé :
« Art. 1584 bis. - Le conseil municipal peut, sur délibération,
réduire le taux de la taxe additionnelle aux droits d’enregistrement ou à la
taxe de publicité foncière jusqu’à 0,5 % pour les mutations visées au 1 du 1 de
l’article 1584, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° La mutation s’inscrit dans le cadre d’une opération
consistant :
« a) Soit en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption
prévu à l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la
protection des occupants de locaux à usage d’habitation ou le droit de préemption
prévu à l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer
les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre
1986 ;
« b) Soit en la vente d’un ou plusieurs lots, consécutive à la
mise en copropriété d’un immeuble en raison de l’exercice, par l’un des locataires
ou occupants de bonne foi, du droit de préemption prévu à l’article 10-1 de la
loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 précitée ;
« 2° La mutation porte sur un logement occupé ;
« 3° L’acquéreur s’engage dans l’acte d’acquisition à affecter
le logement à la location pendant une période minimale de six ans à compter de
la date d’acquisition.
« Les dispositions de l’article 1594 E sont applicables. »
II. - Après l’article 1594 F quinquies du même code, il est inséré
un article 1594 F sexies ainsi rédigé :
« Art. 1594 F sexies. - Le conseil général peut, sur délibération,
réduire le taux de la taxe de publicité foncière ou des droits d’enregistrement
jusqu’à 0,5 %, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° La mutation s’inscrit dans le cadre d’une opération
consistant :
« a) Soit en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption
prévu à l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la
protection des occupants de locaux à usage d’habitation ou le droit de préemption
prévu à l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer
les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre
1986 ;
« b) Soit en la vente d’un ou plusieurs lots, consécutive à la
mise en copropriété d’un immeuble en raison de l’exercice, par l’un des
locataires ou occupants de bonne foi, du droit de préemption prévu à l’article 10-1
de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 précitée ;
« 2° La vente porte sur un logement occupé ;
3° L’acquéreur s’engage dans l’acte d’acquisition à affecter
le logement à la location pendant une période minimale de six ans à compter de
la date d’acquisition.
« Les dispositions de l’article 1594 E sont applicables. »
III. - Dans la première phrase du I de l’article 1840 G ter du même
code, les mots : « ou de taxe de publicité foncière » sont remplacés par les
mots : « , de taxe de publicité foncière ou de taxe additionnelle aux droits d’enregistrement
ou à la taxe de publicité foncière ».
Article 3
L’article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986
tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de
logements sociaux et le développement de l’offre foncière est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « pour
un même secteur locatif » sont remplacés par les mots : « pour un ou plusieurs
secteurs locatifs » ;
2° La deuxième phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée :
« A l’issue d’un délai d’un mois après cette publication et sauf
opposition de la majorité des organisations représentatives des bailleurs d’un
ou plusieurs secteurs et des organisations représentatives des locataires, ils
peuvent être rendus obligatoires, par décret, pour tous les logements des
secteurs locatifs concernés. »
Article 4
Le premier alinéa de l’article 11-1 de la loi n° 89-462 du 6
juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification
de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée
:
« Quand ce congé pour vente intervient moins de deux ans avant
le terme du bail, la reconduction du bail est de droit, à la demande du
locataire, afin de lui permettre, dans tous les cas, de disposer du logement qu’il
occupe pendant une durée de deux ans à compter de la notification du congé pour
vente. »
Article 5
I. - Le II de l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989
précitée est ainsi modifié :
1° Dans le septième alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par
le mot : « quatrième », et les mots : « de l’article 1er de la loi n° 53-286 du
4 avril 1953 modifiant la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant
modification et codification de la législation relative aux rapports des
bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage
professionnel » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 111-6-1 du code
de la construction et de l’habitation » ;
2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En outre, le non-respect de l’une des obligations relatives au
congé pour vente d’un accord conclu en application de l’article 41 ter de la
loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement
locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de
l’offre foncière, et rendu obligatoire par décret, donne lieu à l’annulation du
congé. » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Est nul de plein droit le congé pour vente délivré au
locataire en violation de l’engagement de prorogation des contrats de bail en
cours, mentionné au premier alinéa du A du I de l’article 10-1 de la loi n° 75-1351
du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation.
»
II. - Le cinquième alinéa (a) de l’article 25-1 de la même loi
est ainsi rédigé :
« a) Dans le septième alinéa du II, les mots : “ni aux actes
portant sur les immeubles mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 111-6-1
du code de la construction et de l’habitation ne sont pas applicables ; ».
La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.
Fait à Paris, le 13 juin 2006.
Jean-Louis Borl
(1) Travaux préparatoires : loi n° 2006-685.
Assemblée nationale :
Proposition de loi n° 2063 ;
Rapport de M. Christian Decocq, au nom de la commission des
lois, n° 2364 ;
Discussion et adoption le 14 et le 16 juin 2005 (TA n° 448).
Sénat :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, n° 406 (2005-2006)
;
Rapport de M. Laurent Béteille, au nom de la commission des
lois, n° 4 (2005-2006) ;
Discussion et adoption le 13 octobre 2005 (TA n° 18).
Assemblée nationale :
Proposition de loi, modifiée par le Sénat, n° 2599 ;
Rapport de M. Christian Decocq, au nom de la commission des
lois, n° 2749 ;
Discussion et adoption le 15 décembre 2005 (TA n° 522).
Sénat :
Proposition de loi, adoptée avec modification par l’Assemblée
nationale, n° 137 (2005-2006) ;
Rapport de M. Laurent Béteille, au nom de la commission des
lois, n° 266 (2005-2006) ;
Discussion et adoption le 29 mars 2006 (TA n° 82).
Commission mixte paritaire :
Proposition de loi, modifiée en deuxième lecture par le Sénat, n°
3005 ;
Rapport de M. Christian Decocq, au nom de la commission mixte
paritaire, n° 3020 ;
Discussion et adoption le 1er juin 2006 (TA n° 580).
Sénat :
Rapport de M. Laurent Béteille, au nom de la commission mixte
paritaire, n° 306 (2005-2006) ;
Discussion et adoption le 1er juin 2006 (TA n° 106).