
Préemption du locataire
L'acceptation
par le locataire destinataire d'un congé pour vendre, de l'offre de
vente émise par le bailleur est valable dès lors qu'elle est notifiée
dans les deux premiers mois du délai de préavis. Le fait qu'elle soit
assortie d'une condition résolutoire tenant à l'appréciation par les
juges de la validité du congé est indifférent à l'efficacité de
l'acceptation.
Cassation Civ 3ème - 17 octobre 2007 - n° 06-12533
Cour de Cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 17 octobre 2007 | Cassation partielle |
N° de pourvoi : 06-12533
Publié au bulletin
Président : M. WEBER
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2006 ), que
M. Z... X... de A..., propriétaire de locaux à usage d'habitation
donnés à bail à Mme Y..., lui a fait délivrer, le 18 décembre 2002, un
congé avec offre de vente ; que, le 11 février 2003, la locataire a
assigné le bailleur pour faire constater la nullité du congé ; que, le
même jour, elle lui a notifié son intention d'exercer son droit de
préemption sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt et la
condition résolutoire de la nullité du congé pour vendre ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée
de sa demande tendant au prononcé de la nullité du congé pour vendre
alors, selon le moyen, que lorsqu'il est fondé sur la décision de
vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix
et les conditions de la vente projetée ; que si la validité du congé
n'est pas subordonnée à l'établissement préalable d'un état descriptif
de division et d'un règlement de copropriété, le congé doit néanmoins
annexer ces documents à l'offre de vente lorsqu'ils existent afin que
le preneur puisse s'assurer de la nature des droits et des obligations
relativement au lot offert à la vente et qui constituent les conditions
de la vente ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait,
cependant que le règlement de copropriété avait été reçu avant la
délivrance du congé, la cour d'appel a violé l'article 15-II de la loi
du 6 juillet 1989 ;
Mais attendu qu'ayant relevé, à bon droit, que le règlement de
copropriété et l'état descriptif de division de l'immeuble en
copropriété n'entraient pas dans les prévisions de l'article 15-II, 1er
alinéa, de la loi du 6 juillet 1989, la cour d'appel a pu en déduire
qu'aucune ambiguïté ne pouvait exister à la lecture du congé sur la
nature du bien vendu et les conditions de la vente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 ;
Attendu que lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le
logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les
conditions de la vente projetée ; que le congé vaut offre de vente au
profit du locataire ; que l'offre est valable pendant les deux premiers
mois du délai de préavis ; qu'à l'expiration du délai de préavis, le
locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente est déchu de plein droit
de tout titre d'occupation sur le local ;
Attendu que pour rejeter la demande subsidiaire de Mme Y...
tendant à la régularisation à son profit de la vente des biens donnés à
bail, l'arrêt retient que l'acceptation notifiée par exploit du 11
février 2003 ne valait pas acceptation au sens du 2e alinéa de
l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, l'acceptation ayant été
formulée "sous condition résolutoire consistant dans la nullité que
poursuit parallèlement Mme Y...", que la locataire n'a pas, de façon
claire et loyale, opté en faveur de l'acquisition du bien qu'elle
occupait en qualité de locataire et notifié son acceptation dans le
délai de deux mois imparti, la seule condition susceptible d'être
opposée au bailleur résultant de l'intention de recourir à un prêt,
qu'il importe peu qu'elle ait indiqué qu'elle recourrait à un prêt et
l'ait ensuite obtenu dès lors que le caractère imparfait de son
acceptation lui ôtait toute possibilité, après le 18 février 2003, de
se prévaloir de l'offre de vente notifiée par son bailleur, étant au
surplus déchue de plein droit de tout titre d'occupation sur le local ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la stipulation d'une condition
résolutoire tenant à l'appréciation judiciaire de la validité du congé
était indifférente à l'efficacité de l'acceptation de l'offre de vente,
la cour d'appel, qui a constaté que cette acceptation avait été
notifiée dans le délai de préavis, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa
demande tendant à la nullité du congé pour vendre qui lui a été délivré
le 18 décembre 2002 et déclaré ce congé valable, l'arrêt rendu le 12
janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet,
en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où
elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. Z... X... de A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne
M. Z... X... de A... à payer à Mme Y... la somme de 2 000 euros et
rejette la demande de M. Z... X... de A... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de
cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge
ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre
civile, et prononcé par le président en son audience publique du
dix-sept octobre deux mille sept.
Décision attaquée : cour d'appel de Paris (6e chambre) 2006-01-12