Exécution d'une décision exécutoire à titre provisoire - risques

5-12.679 Arrêt n° 533 du 24 février 2006 Cour de cassation - Assemblée plénière
 
Cassation

    * Rapport du conseiller rapporteur
    * Avis de l'avocat général

Demandeur(s) à la cassation : M. Alain X...
Défendeur(s) à la cassation : Epoux Y... et autre


M. X... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre commerciale) en date du 29 mai 2001 ;

Cet arrêt a été partiellement cassé le 10 juillet 2003 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ;

La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Lyon qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 10 janvier 2005 dans le même sens que la cour d'appel d'Aix-en-Provence par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ;

Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, M. le premier président a, par ordonnance du 14 septembre 2005, renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée plénière ;
Le demandeur invoque, devant l'Assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Cossa, avocat de M. X... ;

Le rapport écrit de M. Blatman, conseiller, et l'avis écrit de M. de Gouttes, premier avocat général, ont été mis à la disposition de Me Cossa ;

(...)

Sur le moyen unique :
Vu l'article 31 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Attendu que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques de celui qui la poursuit, à charge par lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux Y..., cessionnaires d'un fonds de commerce, ont obtenu une ordonnance de référé enjoignant à M. X... de cesser toute activité de livraison de fioul et d'enlever sous astreinte tout élément permettant de procéder à cette vente ; que cette décision ayant été infirmée, M. X... a fait assigner les époux Y... en réparation de son préjudice né de l'exécution de l'ordonnance ; qu'un jugement a condamné les époux Y... à payer des dommages-intérêts à M. X... ; que par arrêt du 10 juillet 2003 (2e Civ., Bull., II, n° 244), la Cour de cassation a cassé la décision d'une cour d'appel ayant infirmé ce jugement et a renvoyé l'affaire devant une autre cour ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt retient que les époux Y... n'ont effectué aucun acte d'exécution forcée de l'ordonnance du 18 mai 1992, qui a été spontanément exécutée par M. X..., lequel, dès lors, ne peut obtenir réparation du préjudice qu'il a subi du fait de cette exécution ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance de référé ayant été signifiée à la requête des époux Y... à M. X... le 29 mai 1992, ce dernier était tenu de l'exécuter, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

MOYENS ANNEXÉS

Moyen produit par Me Cossa, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Alain X... de l'ensemble de ses demandes contre les époux Y...,

AUX MOTIFS QUE M. X... reproche aux époux Y... de l'avoir empêché d'exploiter son activité commerciale de livraison de fuel domestique à la faveur d'une ordonnance de référé du 18 mai 1992 exécutoire par provision et réformée par un arrêt du 13 juin 1996 ; que les époux Y... n'ont effectué aucun acte d'exécution forcée de l'ordonnance, qui a été spontanément exécutée par M. Alain X... ; dès lors, il ne peut obtenir réparation du préjudice qu'il a subi du fait de cette exécution provisoire ;

ALORS QUE l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui l'a obtenue ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que les époux Y... ont obtenu une ordonnance de référé interdisant à M. Alain X... de poursuivre son activité et lui ordonnant l'enlèvement de son matériel sous astreinte ; que M. X... était légalement tenu d'exécuter cette décision assortie en outre d'une astreinte financière élevée ; qu'en excluant toute responsabilité des époux Y... en raison de cette exécution, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

Président : M. Canivet, premier président
Rapporteur : M. Blatman, conseiller, assisté de M. Naudin, greffier en chef
Avocat général : M. de Gouttes, premier avocat général
Avocat(s) : Me Cossa