Le décret du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends

Une cote mal taillée entre changement des mentalités et continuité des pratiques

Béatrice GORCHS-GELZER Maître de conférences à l'Université de Savoie

Les modes de résolution amiable des conflits sont promis à un bel avenir. Le décret du 20 janvier 2012, en leur réservant un livre entier dans le Code de procédure civile, constitue un pas important dans notre droit. Il renforce leur place à côté du système juridictionnel institutionnel, mais ne bouleverse pas les pratiques existantes.

I. 06 1. Phénomène marginal hier, la résolution amiable des conflits est aujourd'hui enracinée dans le paysage procédural français. Les réformes législatives se suivent et s'empilent, ces dernières années, pour accompagner le développement de ce qu'il est commun d'appeler les modes alternatifs de règlement des conflits.

2. Déjà en vogue, la médiation est promue par l'Union européenne à travers une directive du 21 mai 2008(1), limitée dans sa portée aux litiges transfrontaliers. L'ordonnance du 16 novembre 2011 transposant cette directive remanie la loi du 8 février 1995 pour fixer un socle de règles communes aux modes de résolution amiable des différends avec intervention d'un tiers, transfrontaliers ou internes, conventionnels ou judiciaires(2). L'ordonnance donne une base législative a posteriori au décret du 20 mars 1978 ayant institué les conciliateurs de justice et rajeunit l'institution en promouvant, sous le terme galvaudé de « médiation », la conciliation conventionnelle. Elle consolide la place du conciliateur de justice au sein de la résolution amiable des différends dont le rôle a été renforcé par un décret du 1er octobre 2010(3). En créant la convention de procédure participative, la loi du 22 décembre 2010 permet aux avocats de se positionner sur le terrain des modes alternatifs(4).

3. Complétant le tout, le décret du 20 janvier 2012 crée dans le Code de procédure civile (CPC) un livre entier consacré à « la résolution amiable des différends » en dehors du procès(5). Il y précise les règles applicables à la médiation, la conciliation et la procédure participative. Pour autant, il n'épuise pas le sujet puisque le droit collaboratif, pratiqué par des avocats, n'est pas consacré par le droit français. Ces solutions amiables, prenant place avant la saisine du juge, s'inscrivent dans un mouvement de contractualisation de la justice, voire de privatisation, que dénoncent les syndicats qui défendent le service public de la justice(6). Il n'est pas que le manque de temps du juge, l'engorgement des juridictions, les délais de traitement d'une affaire qui rendent nécessaire cette évolution, mais aussi une prise de conscience des limites du système juridique et judiciaire traditionnel. Le litige soumis au juge est un conflit traduit ou réduit à des prétentions juridiques, si bien que le débat judiciaire, standardisé, porte sur l'application des règles pertinentes du système de droit. La résolution juridique d'un litige ne règle pas nécessairement le conflit, partie immergée de l'iceberg. Le procès cultive l'antagonisme. Tout au contraire, l'amiable rapproche les parties en les impliquant dans la résolution de leur conflit, et pacifie les relations.

4. L'intégration dans le Code de procédure civile des modes de résolution amiable rend inexacte l'expression « modes alternatifs au règlement des conflits ». L'expression fait du « jugement juridictionnel » le modèle de règlement inhérent au droit français. Or s'affirme une volonté politique de faire du jugement la voie ultime et subsidiaire après épuisement des solutions amiables possibles. Le mot « différend » n'est-il pas synonyme de « litige » ? Il pourrait signifier dans le langage processuel « le litige » en dehors du procès mais dans le champ du droit, à savoir le « désaccord juridique non encore porté, formalisé, devant une juridiction »(7). Il n'est pas assuré que, dans l'esprit du législateur, ces modes amiables soient destinés à favoriser une résolution du conflit entendu comme une « relation antagonique » dans toute sa complexité psychologique et sociale(8). C'est, du moins, une « révolution culturelle » qu'appellent de leurs vœux les promoteurs du changement : substituer au réflexe de [p. 118] l'assignation celui de la négociation(9). Le décret du 20 janvier 2012 doit être pris comme une transition dans cette mutation des formes de justice. Il en résulte une conception pluraliste de la résolution amiable des différends (I) que confirme une diversité des régimes de l'après-résolution amiable des différends (II).

I. Une pluralité de modes de résolution amiable des différends : unité ou diversité de cultures ?

5. Le livre V s'ouvre sur deux articles préliminaires qui définissent la matière et le champ d'application. L'article 1528 met en avant le rôle des parties : les parties prennent l'initiative de négocier « avec l'assistance » d'un médiateur, d'un conciliateur de justice ou, dans le cadre de la procédure participative, de leurs avocats. Si, dans le sens courant, le terme « assistance » est synonyme d'« aide », dans le langage processuel il est attaché à la fonction de l'avocat dans ses relations avec le client. Le terme ne correspond pas à la fonction du conciliateur ou du médiateur car il occulte leur posture de « tiers » dans le différend. Cette réforme, avec en arrière-pensée une réduction des dépenses publiques, a suscité l'opposition des syndicats et des Conseils des prud'hommes à l'origine de l'exclusion de l'application des dispositions du livre V aux litiges du travail. Le décret n'ajoute rien à la loi puisque l'article 1529 y renvoie. Alors que le législateur exclut expressément les litiges du travail de la procédure participative (C. civ., art. 2064), il limite l'application des dispositions à la médiation intervenant dans les différends transfrontaliers liés à un contrat de travail (L. 8 févr. 1995, art. 24, C. trav., art. R. 1471-1). L'on ne peut pas en déduire que la médiation conventionnelle en matière prud'homale est désormais illicite. Elle reste régie par le droit commun des contrats. L'application distributive du Livre V confirme l'état d'esprit différent qui anime ces mécanismes (A). Parce que le décret complète la loi du 8 février 1995, il présente des lacunes volontaires (B).

A. Un état d'esprit différent

6. Le décret regroupe dans le titre Ier médiation et conciliation conventionnelles, et consacre le titre II à la procédure participative. Le titre premier s'ouvre sur deux dispositions communes. Le décret reprend la définition « générique » de la médiation (art. 21) et les qualités requises du médiateur (art. 21-2 : impartialité, compétence, diligence), sans autres précisions (CPC, art. 1530). Le décret renvoie à l'article 21-3 qui définit le principe de confidentialité et ses exceptions, sans y apporter les éclaircissements attendus sur l'étendue et la levée de la confidentialité (CPC, art. 1531). Reste ouverte la question de savoir si la confidentialité s'applique seulement aux déclarations faites par les parties ou également aux pièces, à l'exception des pièces publiques dont les parties peuvent toujours obtenir la production au cours du procès(10). On ne reviendra pas sur la confusion entre médiation et conciliation et l'absence d'exigence d'indépendance du tiers, vivement critiquées(11). Pour autant, le maintien de deux régimes distincts rompt avec la définition commune du processus et des qualités du tiers. La conciliation menée par le conciliateur de justice est moins un processus qu'une procédure que l'on peut rapprocher de la procédure participative pour être toutes deux conçues comme des préalables de négociation connectés au procès (2). Par contraste, la médiation conventionnelle reste un processus à part entière déconnecté du procès (1).

1. La médiation conventionnelle conçue comme un ­­processus à part entière déconnecté du procès

7. Le décret structure a minima la médiation conventionnelle (b) et confirme la dualité de la médiation conventionnelle et de la médiation judiciaire présente dans l'ordonnance (a).

a) Médiation judiciaire et médiation conventionnelle, ­naissance d'une dualité

8. Le décret reprend les dispositions des articles 131-4 et 131-5 du CPC concernant le médiateur désigné en justice, mais adapte le contenu (CPC, art. 1532, 1533).

9. Avant tout, l'article 1532 précise que le médiateur peut être une personne physique ou une personne morale. Le décret modifie en conséquence l'article 131-4. La médiation n'est plus un domaine réservé aux associations. Des sociétés peuvent se constituer pour faire de la médiation leur objet social. Voilà qui répond à la logique de directive « médiation » pour qui la médiation est un « service » qui doit être fourni par « des médiateurs et des organismes ».

10. Dans le droit fil de la directive, la « fourniture de services de médiation » est entendue dans le sens le plus large puisque le droit français y inclut les médiations institutionnelles d'entreprise et d'administration publique. Cet élargissement de la notion de médiation pourrait expliquer l'assouplissement des qualités requises du médiateur conventionnel. Le décret ne modifie pas l'article 131-5 qui énonce cumulativement les qualités du médiateur : ne pas avoir subi de condamnation ou de sanction mentionnées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire, posséder la qualification requise eu égard à la nature du litige, justifier d'une formation ou d'une expérience adaptée à la pratique de la médiation, présenter [p. 119] des garanties d'indépendance. L'article 1533 vise le bulletin n° 3 du casier judiciaire et pose une exigence alternative : qualification ou formation ou expérience. Le médiateur peut être une personne sans formation ni expérience de la médiation. C'est méconnaî tre que le médiateur est un spécialiste de la médiation, formé à ses techniques(12). Il y va de la crédibilité de ceux qui s'intitulent « médiateurs » et de la confiance des usagers en la qualité de la médiation. On peut regretter qu'aucun texte n'impose au médiateur, judiciaire ou conventionnel, une obligation de formation, alors que cet impératif de formation est corrélé à la qualité de la médiation par la directive « médiation ». Et si seule la formation des médiateurs familiaux est pour l'heure réglementée(13), aucun texte n'oblige le juge à désigner un médiateur diplômé. Le titre de « médiateur » a un contenu variable suivant que le médiateur intervient dans l'espace judiciaire, en dehors de celui-ci, voire en entreprise ou en administration publique. Par ailleurs, il y a désormais place pour une médiation conventionnelle dans le cadre d'une instance judiciaire (CPC, art. 131-12, al. 3 créé). Parce que l'exigence de compétence est moins forte pour exercer une médiation en dehors de l'espace judiciaire, les juges sont appelés à être plus vigilants lors de l'homologation de l'accord.

b) Une structurata minima

11. Afin de préserver la flexibilité du système ainsi que l'autonomie et la responsabilité des parties, le gouvernement n'encadre pas le processus de médiation. La médiation est un processus qui, à l'opposé d'une procédure, est non contraignant, non encadré, volontaire et maî trisé par les parties. Le gouvernement transpose a minima la directive en n'imposant de normes contraignantes que sur les éléments qui correspondent aux exigences de la directive : définition de la médiation, caractère exécutoire des accords, confidentialité de la médiation. Ces dispositions sont appelées à être complétées par des codes de déontologie pour garantir la qualité de la médiation. Le choix du médiateur, sa mission, le coût de la médiation et sa répartition entre les parties restent régis par le droit commun des contrats. L'apport majeur de la réforme réside dans les dispositions qui renforcent l'efficacité de l'accord issu d'une médiation, aux plans interne et européen, en organisant la délivrance d'un titre exécutoire et en prévoyant sa reconnaissance et son exécution lorsque rendu exécutoire dans un autre État membre de l'Union européenne (CPC, art. 1534, 1535). Ces éléments seront vus plus loin. Ces dispositions auront une portée limitée en ce sens où le médiateur institutionnel fait une proposition de solution, parfois contraignante pour l'entreprise si elle recueille l'assentiment du client(14), qui conduit à un accord des parties dont l'efficacité se pose essentiellement en termes de marketing(15). Le titre exécutoire n'est pas recherché dès lors que la médiation s'inscrit dans une politique de satisfaction et de fidélisation des clients.

12. La réforme n'aura pas d'incidence sur la pratique actuelle de la médiation. Les exigences légales sont déjà énoncées, de façon plus restrictive, dans le Code national de déontologie du médiateur et le Code de conduite européen des médiateurs, que respecte la plupart des médiateurs(16). Par ailleurs, la diversité des systèmes proposés derrière le mot « médiation » s'oppose à une réglementation plus avant, à partir du moment où l'on s'en tient à ce qu'il y a de commun entre toutes les formes d'exercice professionnel de la médiation en dehors de l'espace judiciaire(17).

13. Ces exigences légales ne suffisent pas à donner un réel statut au médiateur puisque les questions de formation, d'accréditation et de responsabilité ne sont pas abordées. La diversité des pratiques actuelles de la médiation rend plus que jamais nécessaire l'établissement d'une déontologie du médiateur et une réglementation de l'usage du titre de médiateur(18). Le Code de conduite européen pour les médiateurs et le Code national de déontologie du médiateur ne couvrent pas les différents types de médiateurs. En particulier, ils ne répondent pas à la situation des médiateurs institutionnels dont la neutralité et l'indépendance d'esprit doivent être garanties par l'organisme qui les rémunère. La directive « médiation » prévoit que les États membres encouragent l'élaboration de codes volontaires de bonne conduite et l'adhésion à ces codes ainsi que des mécanismes efficaces de contrôle de la qualité de la médiation(19). N'est-ce pas suggérer une coexistence de plusieurs codes de conduite, dépourvus de valeur normative, et s'opposer à la création d'une profession réglementée afin de préserver le libre choix du médiateur conformément à la directive « services »(20) ? En l'absence d'obligation de transposer, et suite aux difficultés soulevées par le Conseil d'État(21), le gouvernement ne s'aventure pas sur ce terrain. Il délègue aux associations et organismes le contrôle de la compétence des médiateurs qu'elles regroupent. Certaines associations se sont réunies pour établir un Code de déontologie commun et une liste [p. 120] nationale de médiateurs(22), pendant que d'autres organismes, notamment en matière de consommation, se structurent(23). À l'heure des regroupements, convient-il d'établir un statut large du médiateur lato sensu(24) ou plutôt autant de statuts que de types de médiateurs ? Si la première solution assurerait au titre de médiateur une lisibilité et une protection qui lui font défaut, la seconde répondrait à la diversité des pratiques de médiation, dont certaines sont plus proches d'une activité d'ombudsman que de médiateur stricto sensu. Il n'est pas certain que l'élaboration d'un statut, qui conduirait à réserver la médiation à des corps de professionnels déterminés, soit conforme à la logique de la directive « médiation » qui envisage, dans le droit fil de la directive « services », la médiation comme une « prestation de service » devant être proposée dans un cadre concurrentiel(25).

2. La conciliation conventionnelle et la procédure participative conçues comme un préalable de négociation connecté au procès

14. Le décret ne fixe pas de cadre général à la conciliation conventionnelle. Il reproduit sous le titre Ier les textes actuels régissant la conciliation menée par le conciliateur de justice. En les intégrant dans le CPC, le décret en fait plus que jamais une phase pré-judiciaire (a). Par ailleurs, le décret précise sous le titre II les règles applicables à la procédure participative. Parce que l'avocat est placé au cœur du dispositif, les parties peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle. Le décret modifie le décret du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridique pour étendre à la procédure participative les règles prévues pour les pourparlers transactionnels(26). Ce mécanisme est conçu comme une phase précontentieuse (b).

a) La conciliation menée par le conciliateur de justice, une phase pré-judiciaire

15. L'ordonnance du 16 novembre 2011 ayant donné une base législative au décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, le décret du 20 janvier 2012 ne laisse substituer dans le décret de 1978 que les dispositions concernant le statut des conciliateurs de justice, et intègre les autres dans le chapitre du livre V consacré au conciliateur de justice. Le décret de 2012 maintient la distinction entre médiateur et conciliateur de justice sur le plan du statut. Le gouvernement se range à l'avis du Conseil d'État qui discerne dans les deux mécanismes un même processus, la différence résidant dans le coût pour le justiciable (le conciliateur est bénévole, le médiateur rémunéré par les parties) et le statut du tiers (le conciliateur est intégré à l'institution judiciaire, le médiateur extérieur)(27). Le décret de 2012 réorganise les textes sans en modifier le contenu (CPC, art. 1536 à 1541)(28).

16. Compte tenu des articles 21 à 21-5 de loi du 8 février 1995 applicables aux conciliateurs de justice, que complète le Code de procédure civile, le décret remanie l'article 1er du décret de 1978 pour créer un renvoi. La mention selon laquelle le règlement amiable doit porter sur des droits disponibles disparaî t du nouveau texte. La compétence du conciliateur de justice n'est pas pour autant étendue aux matières indisponibles. L'accord a une valeur juridique indépendamment de son homologation par le juge, laquelle est facultative. Par ailleurs, le décret abroge l'article 8 du décret de 1978 qui astreint le conciliateur de justice au secret, puisque l'article 21-3 de la loi de 1995 soumet la « médiation », notion globale couvrant la conciliation, à la confidentialité. Le régime de la confidentialité est unifié quelle que soit la qualité du tiers, intervenant dans ou hors procès. L'abandon du terme « secret » relance le débat sur la portée de la notion de « confidentialité ». L'on s'interroge sur la question de savoir si la confidentialité peut être assimilée au « secret professionnel » et, ainsi, rendre applicable l'article 226-13 du Code pénal qui sanctionne pénalement la révélation d'une information à caractère secret. L'application de ce texte semble réservée aux personnes qui sont tenues, en vertu d'un texte spécifique, au secret professionnel. C'est pourquoi l'article R. 15-33-34 du Code de procédure pénale (CPP) précise pour le médiateur pénal qu'il est tenu « à l'obligation du secret dans les conditions fixées par l'article 226-13 du Code pénal ». À défaut de référence dans le texte au code pénal, la violation de l'obligation de confidentialité n'est pas pénalement sanctionnée(29).

17. Tandis que l'article 1565 du CPC, sous le Titre III intitulé « Dispositions communes », donne compétence au juge de la matière considérée, l'article 1541 maintient la compétence du juge d'instance pour homologuer l'accord. Le gouvernement semble maintenir la compétence du conciliateur de justice quelle que soit la nature du différend (sous réserve qu'il relève de l'ordre judiciaire), mais retient l'intervention du juge d'instance comme juge des litiges de la vie quotidienne de faible importance économique, pour lesquels la conciliation extrajudiciaire a vocation à s'appliquer(30). L'alinéa 2 de l'article 1541 envisage une conciliation [p. 121] intervenant dans un différend transfrontalier et transpose l'article 6 de la directive qui exige que l'accord soit rendu exécutoire à la demande des parties, « ou l'une d'elles avec le consentement exprès des autres »(31). Concernant les différends internes, l'alinéa 1er reconduit le texte actuel, lequel prévoit que, sauf opposition formelle d'une partie, le juge peut être saisi par l'une des parties.

18. Encadrée, contraignante et maî trisée par le conciliateur de justice, la conciliation perd sa qualité de « processus » pour devenir une « procédure », ensemble de règles, de formalités à observer ou d'actes à accomplir pour parvenir à une solution amiable. Les textes organisent la conciliation comme une tentative préalable à la saisine du juge. Cette approche est renforcée par le décret de 2010 qui, pour inciter les parties à y recourir, prévoit qu'en cas d'échec, le conciliateur de justice peut transmettre au tribunal d'instance la requête conjointe des parties aux fins de jugement de leur différend (CPC, art. 842). Le décret de 2010 met en œuvre une préconisation du rapport Guinchard : « (?) mieux lier la phase pré-judicaire avec l'instance et (?) inciter de facto les parties à se concilier sur le principe de la saisine de la juridiction et les demandes qui lui sont soumises »(32). C'est admettre que, dans le cadre d'une conciliation extrajudiciaire, il est attendu une négociation classique sur le différend juridique et non une négociation raisonnée sur tous les aspects du conflit comme en médiation. Point n'étonne qu'une même passerelle soit aménagée entre la phase de négociation et la phase de jugement dans le cadre de la procédure participative.

b) La procédure participative, une phase de négociation précontentieuse

19. En créant la convention de procédure participative(33), la loi du 22 décembre 2010 consacre une proposition du rapport Guinchard(34). La Commission Guinchard s'est inspirée du droit collaboratif nord-américain mais, pour préserver un accès effectif au juge, n'a pas retenu les principes qui font sa force : confidentialité, désistement de l'avocat au contentieux. La négociation prend forme dans une convention par laquelle les parties, assistées de leurs avocats, délimitent le périmètre de leur différend, en précisant son objet, la durée des discussions, les informations et les pièces à transmettre et les modalités de leur échange (C. civ., art. 2063). Articulée avec le système judiciaire, la procédure participative est une sorte de mise en état de l'affaire avec avocats, hors le juge, pour aboutir à un accord, au cours de laquelle est pratiquée une négociation sur les positions initiales, centrée sur les points de droit d'un différend figé, dont on connaî t les limites(35). Par contraste, les avocats collaboratifs, formés à la négociation raisonnée, gèrent tous les aspects d'un conflit (juridiques, économiques, relationnels, émotionnels), évolutif au cours des réunions, pour trouver des solutions communes sur tous les points en conflit. Ce dispositif reconduit la pratique actuelle des protocoles transactionnels, quoique l'enferme dans un cadre contraignant. Les avocats ne changent pas de paradigme : ils conservent tous les réflexes de l'avocat contentieux, avec une approche dualiste du conflit (confrontation) et non holistique (coopération)(36). Les précisions apportées par le décret confortent cette analyse.

20. Le décret divise la procédure participative en deux phases : une phase conventionnelle de recherche d'accord et, le cas échéant, une phase de procédure aux fins de jugement. La phase de jugement sera abordée plus loin. Le décret, en ajoutant au formalisme de la convention de procédure participative, renforce l'assimilation de cet acte à un acte introductif d'instance (CPC, art. 1545, mentions obligatoires)(37). Il y a là un nid à contentieux(38). Il était attendu du décret qu'il pallie au silence de la loi sur la confidentialité de la négociation. L'on sait que les parties négocient mieux, plus librement, si elles ne redoutent pas de se voir opposer devant le juge les déclarations faites et les documents produits. Le décret, sans prévoir la confidentialité, précise que c'est « par l'intermédiaire de leurs avocats » que les parties s'échangent écritures et pièces sous bordereau (CPC, art. 1545). Point de confidentialité puisque, en cas d'échec total ou partiel, toutes les pièces échangées lors de la phase conventionnelle sont communiquées au juge si la procédure de jugement accélérée est choisie (CPC, art. 1560)(39). Point n'est certain que les échanges soient couverts par le secret professionnel. Selon l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, sont couvertes par le secret professionnel « les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention “ officielle ”, les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier ». Or, dans le cadre d'une procédure participative, contrairement à une négociation classique entre avocats(40), ce sont les parties qui sont au premier plan dans la conduite des négociations, si bien que les mots « par l'intermédiaire » pourraient confiner les avocats dans un rôle de « boî te aux lettres ». Par ailleurs, bien qu'amalgamées dans la loi et la jurisprudence(41), les notions de secret et de confidentialité sont distinctes. Le secret professionnel, absolu et d'ordre public, n'interdit pas à l'avocat, avec l'accord de son client, [p. 122] de produire en justice ou de communiquer à l'adversaire les éléments fournis par ce dernier. La confidentialité des correspondances, facultative, est « une construction déontologique interne à la profession d'avocat, (?) destinée à permettre de faciliter, entre confrères, un échange de propositions, l'expression d'un avis, etc., sans compromettre les intérêts des clients »(42). Parce que la confidentialité protège la confidence faite par l'avocat adverse, et est opposable au client, elle ne couvre pas, à notre sens, les échanges entre les parties, même par le truchement des avocats(43). Le secret professionnel ne s'impose pas au client qui peut rendre publique ou produire en justice une correspondance échangée avec son avocat(44). Faute de texte spécifique, la présence des avocats ne suffit pas à garantir la confidentialité des informations échangées(45). Les parties peuvent-elles prévoir conventionnellement une obligation de confidentialité ? Les avocats, pas parties à la convention, n'y seraient pas tenus. Ce serait sortir de la logique de la procédure participative qui est conçue comme une mise en état de l'affaire pour accélérer son jugement en cas d'échec. Il est fort à parier que les parties ne se communiqueront que les informations qui ne leur seraient pas préjudiciables dans un cadre contentieux, attitude qui compromet la transparence du processus (chacun s'engage à transmettre toutes les informations pertinentes et à se comporter de bonne foi) et la résolution conjointe du différend, voulues par la loi mais qui n'ont de sens que dans un cadre confidentiel.

21. Les commentateurs de la loi se demandaient si les questions liées à l'autorité parentale étaient incluses dans la matière du divorce et de la séparation de corps à laquelle s'applique par exception la procédure participative(46) ? Le doute est levé par le décret qui évoque l'hypothèse d'un accord portant sur l'autorité parentale (CPC, art. 1157, al. 2). Rien d'étonnant à cela : les questions de l'autorité parentale sont comprises dans la convention réglant les conséquences du divorce(47). On ne peut pas en déduire qu'une convention participative puisse être isolément conclue en matière d'autorité parentale. Le décret est pris dans les limites fixées par la loi. On peut regretter cette restriction par la loi du champ d'application de la convention participative, à l'inverse du droit collaboratif né et d'usage courant en matière familiale.

22. Dans le cadre du droit collaboratif, il peut être fait appel à des tiers, en principe désignés en commun (expert, médiateur, coach, conseiller financier, psychologue, etc.). Le décret prévoit que les parties peuvent envisager, apparemment dans la convention, de recourir à un technicien, indépendant (surtout, l'expertise). Si sa mission et sa rémunération sont déterminées par les parties, le décret encadre les opérations du technicien, sur le modèle des règles du CPC relatives aux mesures d'instruction exécutées par un technicien(48). À l'issue des opérations, le technicien remet un rapport écrit aux parties qui peut être produit en justice. La mesure exécutée par le technicien, dans le respect du contradictoire, est conçue comme une phase précontentieuse et participe à la mise en état de l'affaire. C'est dans un autre état d'esprit qu'intervient le tiers dans le droit collaboratif : son rôle est d'aider les parties à trouver elle-même la meilleure solution pour tous, sans rapport écrit nécessaire(49). Dans le cadre d'une procédure participative, les parties ne peuvent pas se fonder sur ces textes pour faire appel à un médiateur : ce n'est pas un « technicien » et la médiation est incompatible avec ces textes (caucus, pas de rapport, sortie libre). Si la procédure participative n'exclut pas la médiation, l'absence de confidentialité la rend impossible(50). Il n'est pas souhaitable de soustraire à la convention un point du différend pour le soumettre à une médiation quand on sait qu'un conflit se résout efficacement dans sa globalité.

23. En somme, la procédure participative, calquée sur la marche du procès, peut être rapprochée du « préalable de négociation », imaginé par des Premiers présidents, dès 1995, pour réduire l'encombrement des juridictions(51). Faute d'être consacré par le droit français, le droit collaboratif ne permet pas de bénéficier de l'aide juridictionnelle ni de suspendre le cours de la prescription. Rien n'empêche les parties, y recourant, de signer une convention de procédure participative aux seules fins de suspendre le cours de la prescription, de bénéficier de l'aide juridictionnelle et de l'homologation de l'accord, et d'aménager le contenu de la convention suivant les principes de la charte collaborative (confidentialité, désistement des avocats). En cas d'échec, les parties, assistées d'autres avocats, soumettront l'affaire à la procédure de jugement de droit commun, option ouverte par le décret. Si les textes arriment la procédure participative dans les principes fondamentaux du procès, ils laissent aux parties une certaine liberté d'organisation de la phase conventionnelle.

B. Les lacunes volontaires de la réglementation

24. En dehors du conciliateur de justice, quelle place pour une conciliation conventionnelle ? - Le décret reproduit la confusion entre médiation et conciliation présente dans l'ordonnance du 16 novembre 2011, en ne fixant pas [p. 123] un cadre général à la conciliation conventionnelle. Or, une clause d'un contrat peut instituer une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge(52), et des textes organiser des commissions de conciliation dans certains secteurs(53). S'il n'y a pas de doute sur l'application des règles communes fixées par l'ordonnance (CPC, art. 1530, 1531), il est moins certain que les exigences requises du médiateur (CPC, art. 1532 et 1533), lesquelles visent la personne du médiateur, répondent à la situation du conciliateur conventionnel, en particulier lorsque c'est une commission, à moins de reporter, par un artifice, ces exigences sur chacun de ses membres. Reste que, à la faveur d'une assimilation des concepts, les parties peuvent demander l'homologation de leur accord sur le fondement de l'article 1534 du CPC, lequel complète l'article 21-5 de la loi de 1995. Elles ne peuvent pas se fonder sur le seul article 1565 du CPC qui, bien qu'employant le mot « conciliation », vise la conciliation menée par le conciliateur de justice et, de ce fait, ne précise pas les conditions de saisine du juge.

25. Un pouvoir d'injonction limité à la rencontre d'un conciliateur de justice - L'article 22-1 de la loi de 1995 limite le devoir d'information sur la « médiation » aux procédures où il existe une tentative préalable de conciliation prescrite par la loi(54). Le décret n'organise le pouvoir d'injonction qu'à propos de la conciliation déléguée au conciliateur de justice (CPC, art. 128, al. 2 créé) et, ainsi, limite le devoir de s'informer à la conciliation. Puisque sous le vocable « médiation » de l'article 22-1, il convient de lire « conciliation », il n'y a pas, en dehors de la médiation familiale(55), de texte qui organise une réunion d'information sur le recours à la médiation.

II. L'après-résolution amiable des différends : unité et diversité des régimes

26. Sous le titre III, le décret fixe un régime commun aux procédures d'homologation de l'accord des parties (A). Concernant la procédure participative, le décret organise la poursuite de l'instance judiciaire, en cas d'échec total ou partiel de la négociation, en prévoyant une procédure aux fins de jugement à géométrie variable (B).

A. Les procédures d'homologation de l'accord : un régime commun

27. Alors que seule la transaction est réglementée par le Code civil comme contrat prévenant ou mettant fin au procès, et mentionnée dans le Code de procédure civile parmi les causes d'extinction de l'instance(56), le gouvernement ne qualifie pas de « transaction » l'accord issu d'une médiation, d'une conciliation ou d'une procédure participative. Le décret confirme que la transaction n'est plus l'archétype de l'accord amiable (1). En revanche, la voie de l'homologation se généralise et le terme « homologation » se banalise (2).

1) La transaction, archétype de l'accord ?

28. Dans le droit fil des textes antérieurs, les nouveaux textes ne qualifient pas juridiquement l'accord issu d'une médiation, une conciliation ou une procédure participative (CPC, art. 1565, 1566), sans exclure la transaction (CPC, art. 1568). L'on en déduit que l'existence de concessions réciproques n'est pas une condition de validité de l'accord, mais l'accord ne bénéficie pas de l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction. Par contre, l'accord conclu sans recours à l'un de ces modes doit être une transaction pour être soumis à l'homologation du juge (CPC, art. 1568). Le nouvel article 1568 reprend les termes de l'ancien article 1441-4 du même code, abrogé par le décret.

29. L'exigence de concessions mutuelles, résultant d'une interprétation jurisprudentielle de l'article 2044 du Code civil, traduit une négociation sur des positions. Négocier consiste à adopter puis à abandonner successivement une série de positions, souvent sous la pression. Des auteurs soulignent les écueils de cette approche : affrontement de volontés, dégradation des relations, situation de blocage, manipulation, etc(57). Ces auteurs privilégient une approche coopérative, de résolution des problèmes, qui intègre les apports de la méthode de la négociation raisonnée mise au point à Harvard(58). Elle « permet, par la création de valeur, de se rapprocher d'une situation où les parties optimisent leur satisfaction autant que possible »(59), en construisant un accord au plus près de leurs intérêts. C'est cette démarche que consacre le droit collaboratif et la médiation, mais que rend difficile le cadre rigide de la procédure participative. Faire entrer l'accord issu d'une médiation dans le moule d'une transaction serait dénaturer le processus.

30. L'abandon par la jurisprudence de l'exigence des concessions réciproques suffirait-il à réhabiliter la transaction ? Rien n'est moins sûr. Les textes du Code civil donnent pour cadre de la transaction les prétentions des parties, si bien que la transaction a pour matière le litige qu'aurait à trancher le juge. L'activité de transaction reproduit le contradictoire du débat judiciaire et consiste à aménager une application des règles de droit en jeu(60). Par ailleurs, le mot transaction désigne dans le sens courant un compromis, et, sous l'acte [p. 124] de transiger, « faire des concessions »(61). Les concessions mutuelles paraissent consubstantielles à la transaction. C'est donc une erreur de croire qu'en dehors de l'intervention d'un tiers, la transaction garantit aux parties d'aboutir à une solution mutuellement acceptable. Il est curieux de constater qu'une transaction ait une force supérieure (autorité de la chose jugée, actions en nullité limitées) à un accord conclu dans le cadre d'un mode amiable, lequel reste un contrat ordinaire, plus facilement attaquable. Reste aux avocats présents la possibilité de contresigner l'acte pour renforcer sa force probante(62). Il faudra bien un jour réécrire les textes du Code civil relatif à la transaction pour bâtir un régime nouveau de l'accord de règlement amiable, et donner une force égale au protocole d'accord et à la transaction. Et réviser l'article 384 du CPC pour faire figurer parmi les causes d'extinction de l'instance l'accord de règlement amiable(63).

2) L'homologation, modèle en expansion ?

31. Les parties peuvent soumettre leur accord à l'homologation du juge aux fins de le rendre exécutoire. La compétence n'est plus confiée au président du tribunal de grande instance (CPC, art. 1441-4, abrogé) mais au juge compétent pour connaî tre de l'affaire (CPC, art. 1565), même si c'est une transaction (CPC, art. 1568 y renvoie). On rappellera que l'homologation d'un accord issu d'une conciliation menée par le conciliateur de justice est réservée au tribunal d'instance(64). Par ailleurs, le décret attribue au bureau de conciliation le pouvoir d'homologuer les accords issus d'une médiation intervenant dans les différends transfrontaliers (C. trav., art. R. 1471-2). Ce texte est en retrait par rapport à l'article R. 1458-1 du projet : le bureau de conciliation n'homologue pas la transaction, laquelle compétence revient au bureau de jugement (CPC, art. 1565). Pour le surplus, le régime applicable diffère. Lorsque l'accord est issu d'une médiation, le juge est saisi par l'ensemble des parties « ou l'une d'elles, avec l'accord exprès des autres » (CPC, art. 1534). Cette exigence est posée par l'article 6 de la directive « médiation ». Par contre, le régime applicable est le même que l'accord soit conclu sans assistance (transaction) ou dans le cadre d'une procédure participative : le juge est saisi par la partie la plus diligente ou l'ensemble des parties (CPC, art. 1557, 1568). Il en résulte qu'une partie à une transaction ou à une procédure participative peut obtenir en tout état de cause un titre exécutoire.

32. L'article 1566 ne fait plus référence à la matière gracieuse, mais précise le régime juridique applicable à l'acte. Cela revient à appliquer, sans le dire, le régime des ordonnances sur requête en ouvrant la voie aux recours prévus par l'article 496 du CPC(65), et la procédure gracieuse en donnant au juge la possibilité de se prononcer sans débat. La jurisprudence issue de l'interprétation de l'article 1441-4(66) est étendue à tous les cas d'homologation d'un accord amiable. L'application du régime de la procédure sur requête eût été contestable car l'acte d'homologation, qui n'est plus une ordonnance mais un jugement, ne correspond pas à des hypothèses de juridiction provisoire(67). D'ailleurs, la contribution pour l'aide juridique de 35 € n'est pas due (CPC, art. 1567). C'est dire que la requête n'est pas assimilée à la requête introduisant une instance sur requête(68). En l'absence de référence à la procédure gracieuse, les pouvoirs de contrôle du juge sur l'accord apparaissent moins étendus.

33. Sur la nature du contrôle opéré par le juge, l'article 1565, al. 2 précise seulement que le juge ne peut pas modifier les termes de l'accord. N'est-ce pas écarter le contrôle juridictionnel de l'accord ? Les parties ont elles-mêmes convenu de la solution à donner au différend, laquelle s'impose aux parties, mais également au juge. Le juge n'est pas saisi du litige mais de l'acte auquel il lui est demandé de donner force exécutoire. Sa décision relève de l'imperium. Le juge devrait limiter le contrôle à la conformité de la convention à l'ordre public, et, en présence d'une transaction, à sa nature(69). L'homologation laisse subsister l'accord comme contrat civil, qui peut être attaqué au moyen des actions ouvertes contre les contrats(70).

34. Le décret ne reprend pas la formule de l'article 131-12 du CPC (médiation judiciaire), « l'homologation relève de la matière gracieuse », source de méprise sur les pouvoirs du juge. On peut regretter que le décret ne l'ait pas supprimée dans cet article. L'homologation ne caractérise pas ici une activité gracieuse au sens de l'article 25 du CPC puisqu'elle n'est ni obligatoire ni une condition d'efficacité de l'accord. Il en résulte une différence de régime suivant que la médiation conventionnelle intervient avant ou pendant une instance judiciaire, puisque, dans ce dernier cas, la demande d'homologation devra être portée devant le juge saisi du litige (CPC, art. 131-12, al. 3). Le décret généralise l'expression malvenue d'« homologation » (les mots « rendre exécutoire » suffisent), [p. 125] mais, coupée de la matière gracieuse, elle est devenue une coquille vide.

35. Le décret ouvre la voie de l'homologation mais ne ferme pas les autres voies existantes pour rendre exécutoire l'accord : la réception de l'accord par un notaire(71), la saisine du juge à l'effet d'obtenir une condamnation sur la base de l'accord ou un jugement d'expédient. La voie de l'homologation étant fermée aux parties à une médiation conventionnelle intervenant dans les différends internes liés à un contrat de travail, ces autres voies leur restent ouvertes. La saisine de la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article 1568, remplaçant l'article 1441-4, reste possible si l'accord est une transaction.

B. La procédure participative aux fins de jugement : un régime à géométrie variable

36. En matière de divorce et de séparation de corps, la procédure participative prend fin avec la phase conventionnelle : la demande est formée et jugée selon le droit commun (CPC, art. 1556). Une médiation familiale n'est pas exclue. S'il y a accord, il ne produira effet qu'après son homologation par le juge, recherchée dans le cadre de la procédure classique. Même si les litiges familiaux constituent le terreau des solutions consensuelles, le juge reste garant des intérêts de la famille. Ce n'est qu'en cas d'échec partiel ou total de la négociation, au terme de la convention participative(72), que la procédure de jugement commence : le juge est saisi de l'affaire, soit pour homologuer l'accord partiel et statuer sur le litige persistant, soit pour statuer sur l'entier litige. Le différend se mue en « litige », justiciable d'un traitement juridictionnel (CPC, art. 1556). Les parties, pour régler leur différend persistant, entier ou résiduel, ont le choix entre la procédure de droit commun ou la procédure accélérée sans mise en état. Les échanges entre les parties pendant la phase conventionnelle, et, le cas échéant, le rapport du technicien, auront permis une mise en état de l'affaire. La dispense de la conciliation ou de médiation préalable paraî t valoir pour les deux procédures(73).

37. Si les parties choisissent la procédure accélérée, elles saisissent le juge par requête conjointe en indiquant les prétentions respectives et versent toutes les pièces communiquées au cours de la phase conventionnelle, le cas échéant le rapport du technicien (CPC, art. 1560). Les parties veilleront à bien rédiger la convention de procédure participative car l'objet du différend fournira l'objet du litige soumis au juge, réduit, en cas d'accord partiel, aux points restant litigieux. La situation est figée : les parties ne peuvent plus modifier l'objet du litige (prétentions et fondement juridique) ou avancer de nouveaux moyens, sauf exceptions permettant un renvoi de l'affaire à la mise en état (CPC, art. 1561, 1559).

38. En cas d'accord partiel, les parties peuvent demander au juge de l'homologuer dans le cadre de la procédure accélérée (CPC, art. 1560). Le décret reprend le rapport Guinchard : le juge homologue les points d'accord et statue sur les points de désaccord(74).

39. En cas de désaccord total, il est également possible pour une partie, dans les trois mois du terme de la convention, de déposer une requête unilatérale, accompagnée de toutes les pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle (CPC, art. 1562). La procédure de droit commun s'applique(75).

40. Aussi séduisante que soit cette procédure simplifiée, il est à craindre qu'elle ne fonctionne que pour les affaires simples. Par les options procédurales qu'il offre, le décret ménage des portes de sortie, sur lesquelles se précipiteront les avocats qui sont prêts à négocier dans l'intérêt de leurs clients, mais pas à y perdre toutes leurs armes. Le choix de la procédure judiciaire devra être discuté en amont car l'une des parties pourra prendre de vitesse les autres en imposant à tous la procédure classique, et tirer avantage des pièces et informations échangées lors de la négociation, lesquelles ne sont pas couvertes par la confidentialité.

41. Si le nouveau livre V du Code de procédure civile est une « boî te à outils » dans laquelle justiciables et avocats piocheront en fonction de leur profil psychologique, leur état d'esprit et leur histoire(76), les avocats devront se former à la négociation pour mettre toutes les chances du côté de leur client, et le législateur se remettre à l'ouvrage pour y intégrer les absents : le droit collaboratif et la matière prud'homale.