Clause
pénale : la disproportion manifeste de la clause pénale s’apprécie en
comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du
préjudice effectivement subi par le créancier
06-21.145
Arrêt n° 80 du 30 janvier 2008
Cour de cassation - Troisième chambre civile
Rejet
Demandeur(s) à la cassation : M. Mehmet X... et autre
Défendeur(s) à la cassation : société Philippe, prise en la personne de sa gérante Mme Françoise Z...
Attendu,
selon l’arrêt attaqué (Bourges, 14 septembre 2006), que par acte sous
seing privé du 1er mars 2003 la société civile immobilière Philippe (la
SCI) a vendu un immeuble à MM. X... et Y..., sous condition suspensive
de l’obtention d’un prêt ; que n’ayant pas obtenu leur financement, les
acquéreurs ont assigné la venderesse en annulation de l’acte du 1er
mars 2003 pour absence de mention du délai de rétractation prévu par
l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation et en
restitution de l’acompte versé ; que la SCI a demandé l’application de
la clause pénale prévue au contrat ;
Sur le premier moyen :
Attendu
que les consorts X...-Y... font grief à l’arrêt de rejeter leur demande
alors, selon le moyen, qu’il résulte de l’article L. 271-1 du code de
la construction et de l’habitation que tout acte sous seing privé ayant
pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage
d’habitation ne devient définitif qu’au terme d’un délai de sept jours
pendant lequel l’acquéreur non professionnel a la faculté de se
rétracter ; que sont assimilés aux immeubles à usage d’habitation les
locaux mixtes, d’habitation et professionnel ; qu’en constatant que le
compromis de vente portait sur un immeuble destiné à l’habitation et au
commerce et en en déduisant néanmoins que l’article L. 271-1 n’était
pas applicable, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences
légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 271-1 du
code de la construction et de l’habitation ;
Mais attendu que
l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation ne
mentionnant dans son champ d’application que les immeubles à usage
d’habitation, ses dispositions ne sont pas applicables aux immeubles à
usage mixte ; qu’ayant constaté que la promesse de vente portait sur un
immeuble destiné non seulement à l’habitation mais aussi au commerce,
la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle n’était pas soumise au
délai de rétractation prévu par cet article ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu
que MM. X... et Y... font grief à l’arrêt de réduire à 22 900 euros le
montant de la clause pénale, alors, selon le moyen, que la
disproportion manifeste de la clause pénale s’apprécie en comparant le
montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice
effectivement subi par le créancier ; qu’en se bornant, pour réduire le
montant de la clause pénale stipulée au contrat, à relever par des
motifs inopérants que la SCI Philippe ne contestait pas que l’immeuble
litigieux avait trouvé rapidement un acquéreur et pour un bon prix sans
évaluer le montant du préjudice effectivement subi par la SCI Philippe,
la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de
l’article 1152 du code civil ensemble l’article 6-1 de la convention
européenne des droits de l’homme ;
Mais attendu qu’ayant
retenu que les acquéreurs, par leur comportement passif fautif ayant
entraîné la réalisation de la condition suspensive, avaient laissé
passer la date butoir du 15 avril 2003 contractuellement prévue pour
l’obtention de leur prêt, puis la prorogation tacite accordée par la
venderesse jusqu’au 28 mai 2005, la cour d’appel, qui a caractérisé la
disproportion excessive entre la pénalité forfaitaire de 30 000 euros
mise à la charge de la partie responsable de la non-réalisation de la
vente et le préjudice effectivement subi par le créancier en constatant
que l’immeuble avait ensuite rapidement trouvé acquéreur et pour un bon
prix , a souverainement fixé le montant de la condamnation prononcée au
titre de la clause pénale aux sommes séquestrées par les acquéreurs à
la signature de la promesse et a légalement justifié sa décision de ce
chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Weber
Rapporteur : Mme Nési, conseiller référendaire
Avocat général : M. Gariazzo
Avocat(s) : Me Bouthors, la SCP Boré et Salve de Bruneton