I. 11 (1)1. Pour savoir si vous n'êtes plus dans les temps, il faut bien entendu connaître le quantum du délai de prescription qui vous intéresse. Si la réforme de 2008 avait pour objectif de simplifier le régime de la prescription, elle n'a pas réussi à en diminuer de façon suffisamment significative le nombre de délais de prescription différents applicables. Il est, en effet, toujours possible d'inventorier plus de 400 délais de prescription différents soit en raison de leur quantum, de leur point de départ ou d'un autre élément de mise en application.
2. Mais quand bien même le délai de prescription est identifié, il faut encore connaître les règles de calcul applicables à cette matière pour définir si vous êtes ou non encore dans les temps.
Dans l'affirmative, il convient d'agir et de délivrer l'acte qui permettra d'interrompre le délai de prescription.
3. Sur ce thème, la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a soulevé des débats et généré quelques incertitudes. Il est important de faire un tour d'horizon des actes ayant un effet interruptif de prescription.
Nous devons donc nous intéresser tant aux règles de calcul d'un délai de prescription (I), qu'aux règles inhérentes aux actes interruptifs de prescription (II).
4. La connaissance des règles de calcul d'un délai de prescription est primordiale.
En matière de délais de prescription, ces règles ne sont pas compliquées mais font appel à des notions parfois mal définies.
La computation du délai est, en revanche, plus délicate lorsque qu'il convient de faire application du droit transitoire.
5. Tout délai est caractérisé, en dehors de son quantum, par son point de départ et par son jour d'expiration.
6. Les problèmes liés au point de départ d'un délai de prescription ont déjà été abordés lors des présentations précédentes, mais quelques aspects fondamentaux, lorsqu'il s'agit de calculer un délai de prescription, doivent être ici soulignés.
Il s'agit de la partie la plus difficile à cerner dans le cadre du calcul d'un délai de prescription.
7. Deux articles du Code civil fixent la règle permettant de déterminer le « point de départ glissant » : l'article 2224 du Code civil pour la matière personnelle ou mobilière et l'article 2227 du Code civil pour la matière immobilière.
Ces deux articles disposent que le point de départ est « le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Ce point de départ est basé sur une conception souple, laissant une grande liberté d'appréciation aux magistrats mais laissant également les justiciables face à une grande incertitude.
Cet aspect de la réforme n'a certainement pas contribué à simplifier le régime de la prescription, mais nous devons faire avec puisqu'à défaut de point de départ spécifique prévu par un texte, il convient d'appliquer les dispositions de ces deux articles du Code civil.
8. Il s'agit finalement d'un point de départ de droit commun.
En pratique, au sein de nos Études, nous nous retrouvons face à une situation inconfortable où il devient très compliqué de « contrôler » le caractère urgent ou non de la délivrance d'un acte pour interrompre une prescription.
Situation inconfortable, tout d'abord, car la réforme n'a pas remis en cause l'existence des nombreux points de départ spécifiques attachés à des actions particulières. Ce qui bien souvent nécessitera de rechercher l'existence ou non d'un point de départ spécifique attaché à votre cas d'espèce.
Et situation inconfortable également car la notion de point de départ « glissant » est une notion vague aux contours incertains.
9. Heureusement, en matière d'exécution, la difficulté est moindre puisque le nombre de titres exécutoires sur le fondement desquels une mesure peut être engagée est beaucoup moins important.
Ainsi, pour les décisions des juridictions de l'ordre judicaire, pour les actes notariés revêtus de la formule exécutoire [p. 280] ou encore pour les titres émis par les huissiers de justice en matière de chèque sans provision, le point de départ de la prescription correspond à la date du titre.
Le point de départ sera différent, par exemple pour les actes et les jugements étrangers, ou encore pour les sentences arbitrales. Pour ces titres, le délai de prescription commence à courir à compter du jour où une décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution déclare l'acte ou le jugement étranger, ou encore la sentence arbitrale, exécutoire.
Pour les extraits de procès-verbaux de conciliation, la prescription commence à courir à compter du jour où le procès-verbal de conciliation est signé par le juge et les parties.
10. Mais ce n'est pas à partir de ce point de départ, qui bien souvent sera délicat à déterminer, que le délai va réellement commencer à courir. En effet, ce qui est appelé dies a quo (jour du point de départ) n'est pas pris en compte. Le délai de prescription ne commence à courir que le lendemain.
11. Les règles de la computation des délais de prescription, qui permettent de déterminer le jour d'expiration, sont elles relativement simples.
Elles sont prévues par l'article 2228 du Code civil lequel dispose que « la prescription se compte par jours, et non par heures », et par l'article 2229 du Code civil lequel dispose qu' « elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ».
À cela il faut ajouter qu'un délai exprimé en mois ou en années expire à minuit le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le premier jour du délai.
Exemple :
Si, aujourd'hui, mercredi 28 septembre 2011, un délai de prescription extinctive de 5 ans commence à courir à 11h, l'action pourra être engagée jusqu'au 28 septembre 2016 à minuit, en revanche le bénéficiaire de l'action ne pourra plus agir à compter du 29 septembre 2016 à zéro heure.
Bien entendu, si le mois de l'échéance du délai ne comporte pas de quantième identique, alors le délai expire le dernier jour du mois.
Exemple :
Un délai de prescription extinctive de 6 mois, qui commence à courir le 31 mars 2011, devrait expirer le 31ème jour du 6ème mois suivant. Or, le mois de septembre ne comporte que trente jours. Par conséquent, l'action pourra être engagée jusqu'au 30 septembre à minuit, et de la même manière le bénéficiaire de l'action ne pourra plus agir à compter du 1er octobre à zéro heure.
12. Que se passe-t-il si le délai de prescription se termine un samedi, un dimanche, un jour férié ou un jour chômé ? Faut-il faire, ici, application des dispositions de l'article 642 alinéa 2 du Code de procédure civile et proroger le délai jusqu'au premier jour ouvrable suivant ?
À ce jour, la question n'est pas tranchée et un flou juridique existe.
Certains estiment que le principe fixé par l'alinéa 2 de l'article 642 du Code de procédure civile a vocation à s'appliquer en matière de délais de prescription.
Ainsi, par exemple, il est possible de lire dans le Dictionnaire Permanent, au sein de l'article consacré à la prescription la phrase suivante : « Ces dispositions (en parlant des dispositions prévues par la réforme de 2008 en matière de computation des délais, et que nous allons voir tout à l'heure) sont complétées par les articles 640 à 647-1 du Code de procédure civile ». L'auteur estime donc que l'article 642 du Code de procédure civile a vocation à s'appliquer aux délais de prescription.
Pour appuyer cette position, d'autres auteurs se fondent sur des jurisprudences qui ont étendu le champ d'application de l'article 642 du Code de procédure civile aux délais de forclusion ou aux délais préfixe. Donc pourquoi ne pas l'étendre aussi aux délais de prescription ?
Mais la position inverse est également soutenue. Ainsi, le rapport d'information du Sénat relatif au régime des prescriptions civiles et pénales (document préalable à la réforme de 2008), explique qu' « aucune disposition légale ne proroge cette échéance s'il s'agit d'un jour non ouvrable »(2).
Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation semble également refuser l'application de l'article 642 du Code de procédure civile aux délais de prescription(3).
À ce jour, aucune nouvelle jurisprudence ne semble avoir été rendue en la matière et il convient de rester prudent.
13. Comme pour toute réforme il convient de s'interroger sur les dispositions transitoires et sur le régime d'entrée en application des nouvelles dispositions.
Bien entendu les actions prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi restent prescrites, même si le nouveau délai est plus long et aurait encore permis d'agir.
Mais quid si un délai a commencé à courir avant la réforme, que ce délai a continué à courir après la réforme et que son quantum a été modifié par la réforme.
14. La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile a été publiée au Journal Officiel du 18 juin 2008. Elle est entrée en vigueur immédiatement et ses dispositions sont donc applicables dès le 19 juin 2008.
Pour les actions non prescrites, l'article 2222 du Code civil envisage deux hypothèses : soit la réforme a allongé la durée de la prescription, soit la réforme a diminué la durée de la prescription.
15. Le nouveau délai de prescription va donc s'appliquer à compter du 19 juin 2008, mais en tenant compte du délai déjà écoulé.
[p. 281] Il faut que la durée totale du délai (la durée qui s'est écoulée avant la réforme et la durée qui va s'écouler après la réforme), soit égale, au maximum, à la durée du nouveau délai.
Exemple :
Si le nouveau délai de prescription est passé de trois à cinq ans et que celui-ci a commencé à courir le 19 juin 2006. Sans l'allongement, le délai de prescription serait arrivé à échéance le 19 juin 2009. Mais avec cet allongement, il convient de décomposer le calcul du délai de prescription de la façon suivante :
16. Le nouveau délai de prescription, plus court, va donc commercer à courir à compter du 19 juin 2008.
Il faut, dans cette hypothèse, que la durée totale de la prescription (la durée qui s'est écoulée avant la réforme et la durée qui va s'écouler après la réforme), ne soit pas supérieure à la durée de l'ancien délai de prescription.
Il convient d'envisager deux exemples.
Premier cas : imaginons un délai de prescription passé de cinq à trois ans. Si ce délai commençait à courir le 19 juin 2007, le calcul du délai de prescription va se décomposer de la façon suivante :
Second cas : si ce même délai avait commencé à courir non pas le 19 juin 2007, mais le 19 juin 2004, alors le calcul du délai de prescription se serait décomposé de la façon suivante :
L'ensemble de ces règles permet de déterminer le jour d'échéance d'un délai de prescription, et permet donc de savoir si nous sommes ou non encore dans les temps.
Dans l'affirmative, nous allons maintenant nous pencher sur les moyens d'éviter cette prescription et d'en stopper son cours.
17. Deux séries d'évènements peuvent venir perturber un délai de prescription : les causes de suspension et les causes d'interruption.
Les causes de suspension ayant déjà été abordées, il conviendra de s'intéresser aux causes d'interruption.
18. La distinction entre ces deux catégories est fondamentale puisqu'elles ne vont pas produire le même effet sur le cours du délai de prescription.
L'article 2230 du Code civil explique que « la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru », alors que l'article 2231 du Code civil précise que « l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ».
L'accomplissement d'une des causes d'interruption de la prescription n'est donc pas anecdotique puisque « le compteur sera remis à zéro ».
19. Il existe trois grandes causes d'interruption de la prescription prévues aux articles 2240 à 2246 du Code civil : la reconnaissance par le débiteur, la demande en justice et les actes d'exécution forcée.
L'hypothèse de la reconnaissance par le débiteur ne sera évoquée que de manière indirecte dans le cadre d'une jurisprudence particulière.
En revanche, nous allons étudier les deux autres causes d'interruption qui concernent directement l'activité de l'huissier de justice, qui en délivrant une assignation ou en signifiant un acte d'exécution va interrompre le délai de prescription.
20. L'ancien article 2244 du Code civil disposait qu' « une citation en justice, même en référé [?] interrompt la prescription ».
Le nouvel article 2241 du Code civil dispose lui que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ».
La nouvelle terminologie utilisée permet de valider les différentes positions jurisprudentielles qui avaient déjà élargi le champ d'application de cette cause d'interruption.
21. Que faut-il alors exactement entendre par « demande en justice » ? Bien entendu, sont interruptifs de prescription, l'assignation au fond et l'assignation en référé. Mais sont également interruptifs de prescription la signification d'une ordonnance d'injonction de payer(4), la signification de conclusions à l'avocat constitué si ces conclusions sont signées par l'avocat, la demande d'aide juridictionnelle (article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991)…
[p. 282] Le délai de prescription est donc interrompu par la délivrance d'une demande en justice. Ce délai est interrompu au jour de la délivrance de l'acte et non au jour de l'enrôlement.
Puisque le délai de prescription est interrompu, un nouveau délai de même durée que le précédent délai commencera à courir non pas au lendemain de la délivrance de la demande en justice mais au jour de l'extinction de l'instance (article 2242 du Code civil).
22. Cette règle posait problème, avant la réforme, pour les assignations en référé-expertise. En effet, le nouveau délai de prescription commençait à courir dès que l'ordonnance nommant l'expert était rendue, et ce même si le magistrat conservait le contrôle des opérations d'expertise. Dans certaines situations, quand la mission de l'expert avait tendance à s'éterniser, le défaut de vigilance des parties pouvait les conduire à être prescrit alors même que le rapport de l'expert n'était pas rendu.
La réforme de 2008 propose une solution pour les actions en référé-expertise s'analysant comme une mesure d'instruction au sens de l'article 145 du Code de procédure civile.
L'article 2239 du Code civil dispose que « la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ».
Cette solution est étonnante. En effet, il n'est pas satisfaisant de voir qu'une demande de mesure d'instruction, qui constitue une demande en justice, produise un effet suspensif.
Il faut également souligner que l'effet suspensif d'une telle mesure d'instruction est général et est donc opposable même aux personnes non concernées par cette mesure ; alors que l'effet interruptif d'une demande en justice, même en référé, ne concerne que les parties à l'instance.
Le rapport d'information du Sénat précité allait encore plus loin. Ce rapport proposait, dans sa recommandation n°13, de conférer un effet suspensif non seulement à la désignation d'un expert en référé mais également à toute citation en justice.
Finalement, la réforme de 2008, n'a pas modifié l'effet interruptif de prescription reconnu à la demande en justice mais a conféré un effet suspensif uniquement à l'assignation en référé-expertise.
23. D'autres points doivent être abordés et notamment la demande reconventionnelle, c'est-à-dire selon l'article 64 du Code de procédure civile « la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ».
Dans le cadre de sa demande reconventionnelle, le défendeur originaire invoque souvent un autre droit que celui objet de la demande initiale ; autre droit qui peut être soumis à un délai de prescription propre. La jurisprudence explique que le délai sera interrompu à la date du dépôt de la demande reconventionnelle au greffe et non à la date à laquelle elle est portée à la connaissance de la partie adverse(5).
À ce propos, la Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé, à plusieurs reprises, que la demande principale avait pour effet d'interrompre de plein droit les délais de prescription attachés aux demandes reconventionnelles si cela relève d'une même contestation(6).
24. L'effet interruptif de prescription de la demande en justice peut se heurter à certains évènements qui vont ou non remettre en cause son application.
Ainsi, l'article 2243 du Code civil prévoit que le délai de prescription n'est pas interrompu si le demandeur se désiste de sa demande, si le demandeur laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée.
En revanche, l'alinéa 2 de l'article 2241 du Code civil précise que la demande en justice garde son effet interruptif même si cette demande est portée devant une juridiction incompétente. Il peut s'agir d'une incompétence territoriale ou d'attribution. Il ne faut, cependant, pas que cette erreur résulte de la mauvaise foi du demandeur.
Enfin, avant la réforme, l'ancien article 2247 du Code civil prévoyait que « si l'assignation est nulle par défaut de forme, [?] l'interruption est regardée comme non avenue ». Les nouvelles dispositions de l'alinéa 2 de l'article 2241 du Code civil prévoient désormais la solution inverse. « Si l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure », l'effet interruptif de l'acte est maintenu. Cette nouvelle position a été confirmée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 mai 2010(7).
Cette modification a de quoi rassurer les professionnels, et notamment notre profession, dont la responsabilité ne sera plus engagée sur ce terrain.
25. L'huissier de justice joue également un rôle incontournable quand il s'agit d'interrompre le délai de prescription d'un titre exécutoire.
À l'occasion de la réforme de 2008, le législateur a souhaité revoir la formulation de l'ancien article 2244 du Code civil, lequel disposait qu' « [?] un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ».
Plusieurs modifications ont été apportées à ce texte.
Tout d'abord cet article évoquait « le commandement et la saisie ». Le nouvel article 2244 du Code civil dispose désormais que « le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par un acte d'exécution forcée ».L'article ne renvoie plus au commandement et à la saisie mais à la notion plus générale d'« acte d'exécution forcée ». Cette évolution a soulevé un débat doctrinal. En effet, la question s'est posée de savoir si, par la réforme, le commandement de [p. 283] payer préalable à la mise en œuvre d'une saisie vente n'avait pas été exclu de cette cause d'interruption. Le problème ne concerne évidement pas le commandement de payer valant saisie immobilière qui est un acte d'exécution en tant que tel. La question est donc de savoir si le commandement de payer préalable à la saisie vente a toujours comme effet d'interrompre la prescription du titre exécutoire.
Une partie de la doctrine estime qu'il ne peut plus produire cet effet car le commandement de payer n'est pas un acte d'exécution, mais seulement un préalable à l'exécution. Une autre partie de la doctrine estime, au contraire, que la réforme n'a pas modifié l'effet interruptif d'un tel commandement de payer, en se fondant notamment sur l'article 85 du décret n°92-755 du 31 juillet 1992 (article non modifié par la réforme). Cet article dispose que « si, dans un délai de deux ans qui suit le commandement de payer, aucun acte d'exécution n'est intervenu, les poursuites ne peuvent être engagées que sur un nouveau commandement de payer. Toutefois, l'effet interruptif de prescription du commandement demeure ». La jurisprudence ne semble pas avoir eu à se prononcer directement sur le sujet pour le moment. Il convient donc également de rester prudent sur ce sujet.
26. La nouvelle rédaction de l'article 2244 du Code civil a également abandonnée la condition qui imposait que l'acte soit signifié « à celui qu'on veut empêcher de prescrire » pour que cet acte produise un effet interruptif de prescription. Par conséquent, avant la réforme, ce n'était pas l'acte de saisie attribution délivré entre les mains du tiers qui interrompait la prescription mais la dénonciation de cette mesure d'exécution au débiteur saisi.
Aujourd'hui, il semble que le délai de prescription soit interrompu dès la délivrance de la saisie attribution.
Il n'y a plus de différence à faire entre les mesures d'exécution diligentées directement entre les mains du débiteur et celles réalisées entre les mains d'un tiers. Pour toutes ces hypothèses, le délai de prescription du titre exécutoire serait interrompu par l'acte de saisie.
Je dis « serait » car certains auteurs pensent que la réforme de 2008 n'a rien modifié sur ce point et que par le jeu de l'article 71 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, le délai de prescription ne peut être interrompu que par l'acte de dénonciation.
Cet article 71 dispose que « la notification au débiteur de l'exécution de la mesure conservatoire interrompt la prescription de la créance cause de cette mesure». Mais le principe posé par cet article ne concerne que les mesures conservatoires et n'a pas vocation à s'appliquer aux saisies attributions ou aux saisies ventes réalisées entre les mains d'un tiers.
27. Quelques arrêts de la Cour de cassation précisent pour quelques actes, qui ne sont pas à proprement parler des actes d'exécution, s'ils ont ou non un effet interruptif de prescription. Il est ainsi intéressant de se référer à l'arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation le 6 mars 1996(8) concernant la délivrance d'une sommation qui précise : « Attendu que pour accueillir la demande en paiement, l'arrêt retient que la sommation interpellative de payer du 23 février 1990 interrompt la prescription ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la sommation interpellative comportait reconnaissance par le débiteur de sa dette ou procédait d'un titre exécutoire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Il faut donc en déduire qu'une sommation de payer aura un effet interruptif uniquement si elle est délivrée en vertu d'un titre exécutoire ou si elle comporte reconnaissance de la dette par le débiteur.
Dans un tout autre cas d'espèce, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence avait considéré qu'un délai de prescription avait valablement été interrompu par deux inscriptions de nantissement sur le fonds de commerce et par une opposition au paiement du prix de vente d'un fonds de commerce. Suite au pourvoi, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a répondu le 16 décembre 2010(9), en se fondant sur l'article 2244 du Code civil. La Haute Juridiction a considéré que l'inscription de nantissement et l'opposition au paiement du prix de vente d'un fonds de commerce ne peuvent être assimilées à des saisies (donc à des actes d'exécution) et ne peuvent donc pas interrompre un délai de prescription. L'arrêt de la Cour d'appel a été cassé.
En guise de conclusion il convient d'évoquer un arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 9 novembre 1981(10). Cet arrêt introduit le principe selon lequel l'acte d'exécution annulé pour vice de forme ou vice de fond perd son effet interruptif de prescription. Cette règle n'a pas été remise en cause par la réforme.
28. Pour résumer, lorsqu'une demande en justice est annulée pour un vice de procédure, l'effet interruptif de prescription est désormais maintenu. En revanche, lorsqu'un acte d'exécution est annulé pour un vice de procédure, il perd son effet interruptif de prescription.
Il ne faut, cependant, pas croire que le risque de mise en cause de la responsabilité de l'huissier de justice est, en matière de prescription, plus important lorsqu'il signifie un acte d'exécution que lorsqu'il délivre une assignation. En effet, un arrêt de la Cour de cassation rendu en Assemblée plénière, le 3 avril 1987(11), pose le principe selon lequel une assignation dont la caducité a été constatée ne peut pas interrompre le cours de la prescription.