Chroniques (droit immobilier 2012)

Éric SAVAUX Professeur à l'Université de Poitiers - Équipe de recherche en droit privé (EA 1230)

Rose-Noëlle SCHÜTZ Professeur à l'Université de Poitiers - Équipe de recherche en droit privé (EA 1230)

Denis ROCHARD Maî tre de conférences HDR - Université de Poitiers - Directeur de l'Institut de Droit Rural et du Master 2 « Droit de l'activité agricole et de l'espace rural »

Centre de recherches sur les territoires et l'environnement (EA 4237)

I. Baux d'habitation et baux à usage mixte professionnel et d'habitation

A. Législation

Décret n° 2011-945 du 10 août 2011 relatif aux procédures de résiliation de baux d'habitation et de reprise des lieux en cas d'abandon (JORF n°0186 du 12 août 2011 p. 13848).

1. La loi n° 2010-1609 du 10 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit, dans la loi du 6 juillet 1989, un article 14-1 qui permet au bailleur soupçonnant que le logement a été abandonné par ses occupants, de faire constater par huissier de justice l'état d'abandon afin de demander la résiliation judiciaire du bail(1). L'article 14-1 in fine de la loi du 6 juillet 1989 précise que cette résiliation est constatée par le juge dans des conditions prévues par voie réglementaire.

Les articles 1 à 8 du décret du 10 août 2011 définissent ces conditions (l'article 9 modifiant quant à lui les dispositions du décret du 31 juillet 1992 relatives à la reprise des lieux en cas d'expulsion - article 208-1 et suivants)(2).

B. Jurisprudence

a) Cotitularité du bail et vicissitudes de la vie familiale (divorce, remariage, décès…) Civ. 3e, 18 mai 2011, pourvoi n° 10-13.853, Bull. civ. III, à paraî tre ; RTD civ. 2011, p. 518, obs. J. Hauser ; D. 2011, p. 2624, obs. V. Brémond.



La demande de l'épouse tendant à faire reconnaître l'existence de son droit exclusif sur le logement à la suite du décès de son conjoint ne peut être rejetée au motif qu'en sollicitant la confirmation de l'ordonnance de non conciliation l'autorisant à résider séparément et attribuant la jouissance du domicile conjugal à son mari, elle aurait renoncé expressément au droit au bail sur le logement. Demeurant, à la date du décès de son mari, co-titulaire du bail, elle ne pouvait valablement renoncer antérieurement à un droit dont elle n'était pas encore titulaire.

Civ. 3e, 9 nov. 2011, pourvoi n° 10-20.287, Bull. civ. III, à paraître



Ayant constaté que le locataire s'était remarié au cours de la procédure de résiliation du bail qui lui avait été consenti avec sa première épouse, que le logement loué constituait l'habitation des nouveaux époux, que l'arrêt constatant la résiliation du bail ne visait que les premiers époux et disait n'y avoir lieu à statuer à l'égard de la deuxième épouse intervenue volontairement à l'instance, le bailleur n'ayant pas demandé que la résiliation du bail lui soit déclarée opposable en conséquence de l'article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989, la cour d'appel en déduit à bon droit que la seconde épouse avait conservé la cotitularité légale du bail et que sa demande en condamnation du bailleur à réaliser des travaux rendus nécessaires par l'état des lieux et à lui délivrer quittance de loyers versés est recevable.

[p. 3] 2. Les événements affectant la vie familiale des locataires de locaux à usage d'habitation peuvent avoir d'importantes répercussions sur le logement de ceux-ci. D'assez nombreuses dispositions s'efforcent de régler les difficultés qui peuvent en résulter, tant en droit commun que dans la législation spéciale du bail d'habitation. Parmi les plus importantes, l'article 1751 du Code civil, alinéa 1er, répute appartenir à l'un et l'autre des époux le droit au bail du local qui sert effectivement à leur habitation, quel que soit leur régime matrimonial et même si le bail a été conclu avant le mariage - c'est la cotitularité légale du bail du logement des époux. L'alinéa 2 prévoit qu'en cas de divorce ou de séparation de corps, ce droit pourra être attribué judiciairement à l'un des époux, sous réserve de récompense ou d'indemnité éventuelle au profit de l'autre. Enfin, depuis la loi du 3 décembre 2001, le troisième alinéa dispose qu'en cas de décès d'un des époux, le conjoint survivant co-titulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci, sauf s'il y renonce expressément. Cette disposition est complétée par l'article 14, alinéa 7, de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose que lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1751. Il en va ainsi particulièrement si le local est à usage mixte professionnel et d'habitation, la co-cotitularité légale étant réservée au bail du local « sans caractère professionnel ou commercial ».

La cotitularité implique que tous les actes et décisions concernant les colocataires soient adressés à chacun d'eux. Or, le bailleur n'a pas toujours connaissance de son fait générateur, notamment lorsque le bail a été conclu avant le mariage. Pour éviter cet écueil, la loi du 13 décembre 2000 a ajouté à celle de 1989 un article 9-1 qui dispose que les notifications ou significations faites par le bailleur au locataire sont de plein droit opposables à son conjoint - à son partenaire lié par un PACS, aussi - si l'existence du conjoint - ou du partenaire - n'a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur. Le texte précise qu'il en va ainsi « nonobstant les dispositions de l'article 1751 du code civil ».

Malgré ces précautions, les péripéties de la vie familiale des locataires continuent à susciter des difficultés.

3. Dans le premier arrêt, rendu le 11 mai 2011, c'est le décès du locataire survenu en cours de procédure de divorce qui fait problème. Après le décès de son conjoint d'avec lequel elle était en cours de divorce, l'épouse assigne le bailleur en reconnaissance d'un droit exclusif sur le bail du local ayant servi à leur habitation. Les juges du fond rejettent sa demande au motif qu'en demandant la confirmation de l'ordonnance de non conciliation qui avait autorisé les époux à résider séparément et attribué au mari la jouissance du domicile conjugal, elle avait renoncé expressément au droit au bail sur le logement. La décision est cassée, au visa de l'article 1751 du Code civil et aux motifs que l'épouse, qui demeurait, à la date du décès de son époux, cotitulaire du bail, ne pouvait valablement renoncer, au moment où elle a demandé confirmation de la mesure de résidence séparée et d'attribution de la jouissance du logement, à un droit dont elle n'était pas encore titulaire.

L'arrêt contient un apport essentiel concernant la renonciation au droit exclusif du conjoint survivant sur le droit au bail du logement des époux(3). Conformément à un principe général, cette renonciation ne peut intervenir avant que le droit considéré ne soit né. Il résulte implicitement de l'arrêt et nécessairement de l'article 1751, alinéa 3 que le droit exclusif du conjoint n'apparaît qu'au décès du conjoint. C'est ce fait juridique qui, selon le droit commun, provoquerait normalement la dévolution du droit au bail aux héritiers (art. 1742 C. civ.) et qui, dans le système dérogatoire de l'article 1751 (comme dans celui de l'article 14, l à 6 et suivants, de la loi du 6 juillet 1989, d'ailleurs), déclenche l'attribution spéciale dont il est l'objet. Antérieurement à ce moment, le conjoint ne peut donc pas valablement renoncer à l'avantage que la loi lui accorde. C'est un moyen de le protéger contre une renonciation prématurée, qui constitue au demeurant le fondement de la règle générale précédemment évoquée. La règle rend impossible toute renonciation en cours de procédure de divorce et inutile de s'interroger sur le point de savoir si l'acceptation de l'attribution de la jouissance du logement au conjoint peut valoir renonciation au droit exclusif au bail en cas de décès, ce dont on peut douter.

Le droit exclusif au logement ne naît évidemment que si au jour du décès du locataire, les époux sont encore mariés. La chronologie des faits de l'espèce prend ici toute son importance. C'est parce qu'au moment du décès, le divorce n'avait pas été prononcé que l'épouse séparée a pu valablement invoquer le droit exclusif au bail. Dans le cas contraire, elle n'aurait pas pu y prétendre.

4. Dans le second arrêt, en date du 9 novembre 2011, c'est la vie sentimentale un peu agitée du locataire qui complique l'application des textes, plus précisément son divorce, suivi de remariage, en cours de procédure de résiliation du bail dont il était co-titulaire avec sa première épouse. En simplifiant des faits compliqués, il ressort qu'un bail avait été conclu entre un office HLM et un couple de locataires (il paraî t ressortir des moyens annexés que le bail leur avait été consenti en qualité de co-preneurs, avant leur mariage). Quelques années plus tard, le bailleur les assigne en référé afin de voir constater la résiliation du bail en application d'une clause résolutoire. Entre temps, les époux avaient divorcé et le locataire s'était remarié. La seconde épouse était intervenue volontairement à l'instance. La Cour d'appel avait constaté la résiliation du bail consenti aux premiers époux et dit n'y avoir lieu à statuer à l'égard de la seconde épouse. Ultérieurement, cette dernière avait assigné le bailleur afin qu'il soit condamné à réaliser des travaux rendus nécessaires par l'état des locaux et à délivrer des quittances des loyers versés. La décision rapportée rejette le pourvoi qui faisait grief à l'arrêt d'avoir déclaré ces demandes recevables.

La Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir considéré que la seconde épouse avait conservé la co-titularité légale du bail. Pour ce faire, ils ont d'abord constaté que la demanderesse s'était mariée avec le locataire et que le logement loué constituait leur habitation. Par application de l'article 1751 du Code civil (que l'arrêt ne vise pas), le bail devait donc être [p. 4] réputé commun aux deux époux. Le texte précise en effet qu'il en va ainsi dès lors que le local sert effectivement à l'habitation des deux époux, peu important qu'il ait été conclu avant le mariage, ce qui était le cas en l'espèce. Les juges avaient ensuite ajouté que la décision constatant la résiliation du bail ne visait que les premiers époux le bailleur n'ayant pas demandé que la résiliation du bail soit déclaré opposable à la seconde épouse en conséquence de l'article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989. Là réside, en effet, le cœur du problème. À partir du moment où il n'était pas discutable que le bail était commun au locataire originel et à sa deuxième femme, la demande de résiliation du bail aurait dû être également dirigée contre elle. À moins que l'existence de ce conjoint n'ait pas été portée à la connaissance du bailleur préalablement à l'assignation en résiliation. Selon la Cour de cassation, l'article 9-1 de la loi de 1989 fait peser sur le locataire une obligation d'information de son lien matrimonial impliquant une démarche positive de sa part envers le bailleur et la preuve que cette information avait bien été donnée incombe au preneur(4). Le bailleur avait forcément eu connaissance de l'existence de la seconde épouse en cours de procédure, puisque celle-ci y était intervenue volontairement. Mais rien ne prouve, en revanche, qu'il l'ait su au moment de l'assignation. Il suffisait donc au bailleur d'invoquer l'absence de preuve, par le locataire, de l'information qu'il lui aurait délivrée concernant son second mariage, pour que l'assignation en résolution soit de plein droit opposable au deuxième conjoint. C'est pour ne pas l'avoir fait qu'il ne peut tirer parti de l'arrêt ayant constaté la résiliation du bail pour faire juger irrecevables les demandes formées par celui-ci. Si l'article 9-1 protège assez efficacement le bailleur, c'est évidemment à condition qu'il en invoque le bénéfice. Faute de l'avoir fait, le bail va continuer avec un locataire contre lequel il avait pourtant obtenu la résiliation. La sanction est lourde contre un bailleur qui n'a sans doute pas une parfaite connaissance des règles de droit commun et de droit spécial régissant la cotitularité du bail. Le conseil des auxiliaires de justice est ici déterminant.

b) Application dans le temps de l'article 4 p), de la loi du 6 juillet 1989 (réd. de la loi du 13 juillet 2006) réputant non écrite la clause faisant supporter au locataire des frais de relance.

Civ. 3e, 13 juillet 2011, pourvoi n° 10-22.959, Bull. civ. III, à paraître



Les dispositions de l'article 4, paragr. p, de la loi du 6 juillet 1989, introduites par la loi du 13 juillet 2006, selon lesquelles est réputée non écrite toute clause d'un bail d'habitation qui fait supporter au locataire, notamment, des frais de relance, s'appliquent immédiatement aux baux en cours. Les frais de relance exposés postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi ne peuvent être mis à la charge du locataire.

5. Les modifications successives de la réglementation des baux d'habitation suscitent des problèmes répétés d'application de la loi dans le temps. Celui tranché par l'arrêt du 13 juillet 2011 intéresse grandement la pratique des huissiers.

L'article 84 de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a introduit, dans la loi du 6 juillet 1989, un article 4 p) qui répute non écrite toute clause qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d'expédition de la quittance ou de procédure en plus des sommes versées au titre des dépens et de l'article 700 du Code de procédure civile. En l'absence de dispositions transitoires de la loi de 2006, la question se pose de savoir comment ce texte s'applique dans le temps. Il n'y a pas de difficultés pour les baux conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle qui s'y trouvent naturellement soumis. Mais l'on peut hésiter pour les baux en cours à ce moment-là. Le principe de solution, en matière contractuelle, est celui de la survie de la loi ancienne, c'est-à-dire que le contrat reste soumis aux règles en vigueur au moment où le contrat a été conclu. Mais ce principe est fréquemment écarté au profit de l'application immédiate de la loi nouvelle, soit que le législateur en dispose expressément, soit que, dans son silence, le juge en décide ainsi, lorsqu'il suppose que telle est malgré tout la volonté du législateur - ou l'intérêt de la société. C'est cette règle que l'arrêt rapporté adopte, comme c'est fréquemment le cas dans la législation des baux. Une réponse ministérielle s'était d'ailleurs prononcée en faveur de l'application immédiate de l'article 84 de la loi de 2006, avant que la Cour d'appel de Paris ne tranche également en ce sens(5).

L'application immédiate, qui consiste à n'appliquer la loi nouvelle qu'aux effets futurs du contrat, doit être distinguée de la rétroactivité - en principe prohibée - , qui consisterait à y soumettre aussi des effets passés, survenus avant l'entrée en vigueur de la loi. L'arrêt applique scrupuleusement ces principes. En effet, il déclare d'abord que le nouvel article 4 p) s'applique immédiatement aux baux en cours. Mais il ajoute que les frais de relance exposés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi ne peuvent être mis à la charge du locataire et il casse la décision soumise à son contrôle pour avoir condamné le locataire à payer des frais de relance, conformément aux stipulations du contrat, sans avoir recherché à quelle date ils avaient été engagés. La précision est nécessaire. Si les frais de relance engagés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi devaient être écartés, au nom de l'application immédiate, ceux engagés antérieurement ne peuvent être remis en cause sans contredire la prohibition de la rétroactivité. Reste évidemment à savoir quand on peut considérer que les frais ont été engagés…

Ajoutons que la précision apportée par l'arrêt vaut très certainement pour les autres sommes qui ne peuvent plus être mises à la charge du locataire par une clause du bail : les frais d'expédition de la quittance et les frais de procédure autres que les dépens et les sommes allouées au titre de l'article 700 du [p. 5] Code de procédure civile car il n'y a pas de raison de distinguer entre elles.

c) Difficultés diverses de fixation du loyer du bail renouvelé

Civ. 3e, 12 octobre 2011, pourvoi n° 10-21.216, Bull. civ. III, à paraître

Le juge ne peut être valablement saisi avant que la commission de conciliation ait donné son avis ou que le délai de deux mois qui lui est imparti à cette fin soit écoulé. Ayant constaté que le bailleur avait saisi la commission six jours avant le terme du bail, que celle-ci avait indiqué que le dossier était transmis tardivement et n'était pas recevable, la cour d'appel, qui a retenu, à bon droit, que la commission n'avait pas rendu d'avis et n'avait pas été mise en mesure d'en donner un en a exactement déduit que l'action du bailleur n'avait pas respecté les dispositions légales impératives et était irrecevable.

Civ. 3e, 12 octobre 2011, pourvoi n° 10-20.122, Bull. civ. III, à paraître

Au moment du renouvellement du bail d'une durée de trois ans, le loyer peut donner lieu à réévaluation s'il est manifestement sous-évalué, peut important qu'une précédente réévaluation, appliquée par 1/6° sur six ans suivant accord des parties constaté par la commission de conciliation, fût en cours à cette date.

Civ. 3e, 12 octobre 2011, pourvoi n° 10-21.214, Bull. civ. III, à paraître

Il appartient au bailleur de rapporter la preuve que le loyer en cours est manifestement sous-évalué. Les références de loyers retenues par l'expert pour des résidences voisines étant d'une valeur égale à celle retenue pour les locataires du fait d'une première augmentation, l'expert faisant état d'une augmentation des loyers de 23 % dans la ville sans fournir d'éléments de référence, les loyers visés par le bailleur concernant des résidences différentes quant au standing et aux équipements et des loyers fixés récemment, le dernier rapport fournissant des références pour des appartements d'une superficie inférieure et pour une période d'appréciation différente, la Cour d'appel en a souverainement déduit que la preuve d'une sous-évaluation manifeste du loyer n'était pas rapportée.

6. Les démêlées d'une société civile immobilière exerçant son activité dans une commune du Sud la France avec plusieurs locataires auxquels elle réclamait un loyer réévalué à l'occasion du renouvellement de leurs contrats a conduit la troisième Chambre civile à rendre une salve d'arrêts qui réaffirment des principes bien assis et apportent des précisions de mise en œuvre concernant la procédure de l'article 17 c) de la loi du 6 juillet 1989.

7. Le premier arrêt cité (pourvoi n° 10-21.216) concerne la procédure au sens strict, plus précisément la recevabilité de la saisine du juge en vue de la fixation du loyer du bail renouvelé en présence d'un désaccord persistant des parties. Chacun sait que celle-ci ne peut intervenir qu'au terme d'un long cheminement décrit par l'article 17 c). Lorsque le bailleur propose le renouvellement du bail, il ne peut demander une augmentation de loyer que si celui-ci est manifestement sous-évalué. Dans ce cas, six mois au moins avant le terme du bail, il doit proposer au locataire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissierde justice, un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables, dans des conditions précisées par l'art. 19(6). En cas de désaccord ou de défaut de réponse du locataire quatre mois avant le terme du contrat, l'une ou l'autre des parties saisit la commission départementale de conciliation instituée par l'article 20 de la loi. À défaut d'accord constaté par la commission, le juge est saisi avant le terme du contrat. En l'absence de saisine, le contrat est reconduit de plein droit aux conditions antérieures du loyer éventuellement révisé. L'article 8 du décret du 19 juillet 2001 complète le dispositif en précisant que l'avis de la commission doit être rendu dans un délai de deux mois maximum à compter de la réception par le secrétariat de la lettre de saisine.

En l'espèce, l'offre de renouvellement avec augmentation du loyer avait été régulièrement remise au locataire six mois avant la fin du bail. Mais ce dernier avait refusé le nouveau loyer et le bailleur n'avait saisi la commission que six jours avant le terme du contrat. La commission n'avait pas rendu d'avis, déclarant le dossier transmis tardivement irrecevable. Le bailleur avait néanmoins saisi le juge qui avait à son tour déclaré l'action irrecevable. Le demandeur contestait cette décision en invoquant plusieurs motifs : notamment que la commission peut être saisie moins de deux mois avant l'expiration du bail, que toute décision définitive qu'elle rend constitue un avis permettant de saisir le juge - ce qui était le cas de sa décision rejetant le dossier, même sans examen au fond - , que le juge peut être valablement saisi avant l'expiration du délai de deux mois accordé à la commission pour statuer dès lors qu'elle a rendu un avis avant expiration de ce délai. Aucun argument n'a trouvé grâce aux yeux de la Cour.

Elle rappelle d'abord un principe qu'elle avait énoncé dans des arrêts antérieurs : le juge ne peut être valablement saisi avant que la commission de conciliation ait donné son avis(7). Elle ajoute : ou que le délai imparti à cette fin soit écoulé. La règle n'est pas énoncée par les textes, mais elle en découle naturellement. Le juge ne peut pas se prononcer sans connaî tre l'opinion de la commission de conciliation ou, au moins, sans lui avoir laissé le temps de l'émettre.

Sur l'avis de la commission, l'arrêt contient une solution intéressante. Elle approuve les juges du fond d'avoir retenu « à bon droit », qu'en l'espèce la commission n'avait pas rendu d'avis et n'avait pas été mise en mesure d'en donner un. Contre l'argument du bailleur, la Cour considère donc que le rejet, par la commission, de sa saisine tardive, ne constitue pas un avis permettant de saisir le juge. La solution est pleinement justifiée : l'avis qui est sollicité porte sur l'existence ou pas d'une sous-évaluation manifeste et sur le montant du loyer, [p. 6] ce qui, contrairement à ce que soutenait le pourvoi, suppose un examen au fond. Le rejet de la demande tardive n'a pas un tel objet. Il est aussi notable que l'arrêt relève que la commission n'avait pas été mise en mesure de donner un avis. Cela suggère la réponse à une question non réglée par la loi et par le décret : dans quel délai la commission de conciliation doit-elle être saisie ? S'agissant du point de départ, l'article 17 c), alinéa 5 fournit quand même des indices : dès la manifestation du désaccord ou en cas de non réponse du locataire quatre mois avant le terme du contrat. Mais s'agissant du terme du délai de saisine de la commission, les textes sont totalement muets. Il faut procéder par déduction, et à rebours. À défaut d'accord constaté par la commission, le juge est saisi avant le terme du contrat (article 17 c), alinéa 6). Implicitement, la loi semble donc réserver le temps nécessaire à la commission pour concilier les parties ou émettre un avis. La saisine de la commission devrait donc intervenir deux mois au moins avant le terme du contrat(8).

L'arrêt ne consacre pas formellement ce principe, mais on pourrait le déduire de l'approbation concernant le fait que la commission n'avait pas été mise en mesure de donner un avis sur le litige. Cela suppose en effet qu'on lui laisse le temps que la loi lui donne pour statuer. Il est sûr en tout cas qu'une saisine intervenant, comme en l'espèce, quelques jours avant le terme du contrat ne laisse pas à la commission le temps de rendre un avis. Son rejet du dossier est donc fondé - comme le serait celui de toute demande intervenant moins de deux mois avant la fin du bail, si l'on suit le raisonnement précédent - et il ne peut servir, comme le dit l'arrêt, à justifier la saisine du juge.

8. Les autres questions concernent les conditions de fond de l'augmentation du loyer en cas de renouvellement du bail. On y trouve aussi la confirmation de principes constants : que c'est au bailleur de rapporter la preuve que le loyer est manifestement sous-évalué et que les juges du fond sont souverains pour apprécier cette sous-évaluation(9). Néanmoins, la loi (article 19) pose des conditions concernant les loyers de référence qui doivent être fournis par le bailleur, précisées par le décret du 31 août 1990, dont il appartient au juge de vérifier qu'elles sont bien remplies. Lui-même doit évidemment respecter les règles énoncées par la loi.

Tel n'a pas été le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt rendu sur le pourvoi n° 10.20.122. La troisième Chambre civile y énonce, en forme de principe, une règle apparemment inédite : s'il est manifestement sous-évalué au moment du renouvellement du bail, le loyer peut être réévalué, même si une précédente réévaluation, décidée par accord entre les parties, est en cours. La Cour d'appel avait jugé le contraire en considérant que le bailleur ne pouvait pas sérieusement soutenir que le loyer était manifestement sous-évalué, sauf à mettre à néant l'accord antérieur des parties (intervenu devant la commission de conciliation lors d'un précédent renouvellement) et la sécurité des transactions. Sa décision est cassée pour violation des article 10, alinéa 1er, 13 a), 17 c), alinéas 7 et 8, loi du 6 juillet 1989 et 1134 du Code civil. Il est en effet évident qu'en procédant de la sorte, les juges du fond avaient posé une limite à la révision que la loi ne contient pas. La seule exigence qu'elle formule est celle d'une sous-évaluation manifeste du loyer en cours, quelle que soit la manière dont il a été fixé. Par ailleurs, les textes qui prévoient les modalités d'application, en principe par tiers ou par sixième selon la durée du contrat, de l'augmentation (art. 17 c), al. 7 et 8) n'interdisent pas une nouvelle demande à l'occasion d'un autre renouvellement. Simplement, pour qu'elle soit possible il faudra que le bailleur prouve une sous-évaluation manifeste malgré l'augmentation en cours, ce qui suppose en pratique une très forte évolution des loyers depuis l'accord des parties.

9. L'arrêt rendu sur le pourvoi n° 10-21.214 donne à voir une hypothèse où ce n'est justement pas le cas. En l'espèce, il y avait déjà eu aussi une première augmentation. Mais le rapport établissait justement que les références de loyer retenues pour les résidences voisines étaient d'une valeur égale à celle du loyer résultant de la première augmentation. Il n'y avait donc pas sous-évaluation du tout. Les autres éléments produits n'étaient pas de nature à prouver le contraire. L'expert faisait aussi état d'une augmentation des loyers de 23% dans la commune, mais sans donner de références, ce qui est évidemment contraire à la loi. Le bailleur produisait des références concernant des résidences de standing ou de surface différentes de celles du logement, alors que l'article 17 c), alinéa 2 exige de se reporter « aux loyers habituellement pratiqués dans le voisinage pour des logements comparables ». Enfin, il invoquait des loyers fixés l'année précédant la demande de renouvellement et l'année en cours alors que selon l'article 19, alinéa 3, les références doivent comporter, au moins pour les deux tiers, des locations pour lesquelles il n'y a pas eu de changement de locataire depuis trois ans. Les exigences de preuve de la sous-évaluation manifeste n'étaient donc pas respectées.

d) Effets de la nullité du congé pour vendre sur le droit de préemption du locataire

Civ. 3e, 9 novembre 1991, pourvoi n° 10-23.542, Bull. civ. III, à paraître



La nullité du congé ne laisse pas subsister le droit de préemption. Le locataire n'est donc pas fondé à invoquer un défaut de notification de la vente consentie à des tiers et la privation d'un droit de préemption.

10. Cet arrêt tire une conséquence, sauf erreur inédite, de la nullité du congé pour vendre sur le droit de préemption du locataire (article 15-I et 15-II, loi du 6 juillet 1989). En l'espèce, le congé avait été délivré par l'usufruitier des biens loués. Les locataires n'avaient pas accepté l'offre de vente et avaient quitté les lieux. Deux ans plus tard, les biens loués avaient été vendus à des tiers à des conditions plus avantageuses, sans qu'une nouvelle [p. 7] offre à ces conditions ait été faite aux locataires. Ces derniers ont donc agi en nullité et en paiement de dommages-intérêts. Les juges avaient accueilli la demande, mais les locataires contestaient la limitation des dommages-intérêts par la Cour d'appel.

La nullité provenait vraisemblablement de l'absence de qualité de l'usufruitier pour délivrer seul congé. Si en principe, c'est bien lui qui, en sa qualité de bailleur, a le pouvoir de le faire, à l'exclusion du nu-propriétaire(10), il en va cependant différemment lorsque le congé est fondé sur la décision de vendre. Dans ce cas, le congé qui vaut offre de vente étant indissociable de la disposition de l'immeuble, le concours du nu-propriétaire - qui n'a pas le pouvoir de délivrer seul le congé - est indispensable(11).

Mais les juges du fond avaient limité l'indemnisation au préjudice résultant du fait, pour les locataires, de ne pas avoir pu se maintenir dans les lieux, à l'exclusion de celui découlant du fait d'avoir été privé de la possibilité d'acquérir le bien loué. Les locataires contestaient ce cantonnement en soutenant que le bailleur avait commis deux fautes successives - la seconde étant de ne pas avoir fait de nouvelle offre, en contradiction avec l'obligation énoncée par l'article 15-II, al. 4, loi du 6 juillet 1989) causant deux préjudices qui devaient être également réparés.

11. La Cour rejette le pourvoi en approuvant les juges du fond d'avoir retenu, « à bon droit », que la nullité du congé ne laisse pas subsister le droit de préemption du locataire et d'en avoir « exactement déduit » que les locataires n'étaient pas fondés à invoquer le défaut de notification de la vente consentie à des tiers et la privation d'un droit de préemption. La solution découle, à première vue, d'une logique juridique rigoureuse. Si le congé pour vendre est nul, il ne met pas fin au bail, ce qui justifie la réparation du préjudice causé aux locataires qui ont quand même dû quitter l'immeuble à sa suite. Mais l'offre de vente qu'il contient ne peut plus produire d'effet : le locataire n'a pas de priorité qui obligerait le bailleur à lui notifier le projet de vente à de meilleures conditions à un tiers. C'est une manifestation de l'indissociabilité du congé et de l'offre de vente. Une autre façon de le dire est de considérer que cette obligation de notifier prévue par l'article 15-II, al. 4, à peine de nullité de la vente, ne s'applique qu'autant qu'existe le droit de préemption du locataire, lequel suppose que le congé pour vendre soit valable.

Pourtant, on ne peut s'empêcher de ressentir une certaine gêne à l'énoncé de la solution. C'est quand même bien parce que le bailleur a délivré un congé nul qu'il peut finalement vendre à un tiers à des conditions moins onéreuses sans respecter le droit de préemption du locataire. Dans un arrêt du 16 octobre 1996, la Cour d'appel de Paris a d'ailleurs jugé qu'il existe un lien de causalité entre le congé irrégulièrement délivré et le préjudice subi par les locataires qui n'ont pu, de ce fait, exercer leur droit de préemption dans les délais impartis(12). Il s'agissait du droit de préemption résultant du congé pour vendre, mais l'on pourrait être tenté de dire la même chose de celui attaché à la vente ultérieure à un tiers. Sauf à constater que le lien de causalité se relâche alors : s'il est direct entre la nullité du congé et la disparition de l'offre de vente qu'il contient, il n'en va pas évidemment de même pour ce qui concerne celle de l'offre qui devrait être faite en cas de vente à un tiers. Encore faut-il, en effet, que le bailleur se décide à vendre à un tiers à des conditions moins avantageuses, et que lui ou le notaire notifie au locataire une nouvelle offre. Le prétendu préjudice résultant de la privation du droit de préemption peut donc paraî tre indirect, ce qui peut finalement justifier la solution de l'arrêt. Mais encore convient-il de réserver le cas de fraude. Si le bailleur délivre délibérément un congé nul pour pouvoir vendre moins cher à un tiers sans lui faire de nouvelle offre, les dommages-intérêts devraient couvrir le préjudice subi du fait, pour le locataire, de n'avoir pas pu exercer le droit de priorité dont il a été volontairement privé.

E. S.

II. Bail d'immeuble soumis au statut des baux commerciaux

A. Droit au renouvellement du locataire et Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

a) Civ. 3e, 29 juin 2011, pourvoi n° 10-19.975, à paraî tre au bulletin



L'absence de droit à indemnité d'éviction en cas de destruction totale du bien loué n'est pas contraire à l'article 1 du 1er protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

b) Civ. 3e, 9 nov. 2011, pourvoi n° 10-30.291, à paraî tre au bulletin

L'article L. 145-13 du Code de commerce qui subordonne le droit de renouvellement protégé par l'article 1 du 1er protocole de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme(13) et des libertés fondamentales à une condition de nationalité constitue une discrimination contraire à l'article 14 de cette convention.

12. Les deux arrêts rendus par la troisième Chambre civile les 29 juin et 9 novembre 2011 illustrent avec éclat l'incursion des droits fondamentaux dans le bail commercial. Dans les deux cas, c'est la propriété commerciale du locataire qui est au cœur du débat. Elle est abordée dans le premier arrêt sous l'angle du droit à l'indemnité d'éviction et dans le second sous celui du droit de renouvellement proprement dit. Ces deux décisions se [p. 8] complètent et font clairement accéder la propriété commerciale au statut de bien protégé par la Convention EDH, même si, dans le premier arrêt, le locataire est finalement débouté de sa demande.

Le droit au renouvellement du locataire commerçant instauré par le statut des baux commerciaux a déjà été plusieurs fois analysé à l'aune de l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention EDH. Aux termes de cette disposition : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international (al. 1) ». Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes (al.2).

Au gré de la jurisprudence, c'est soit le bailleur, soit le locataire qui invoque la violation du droit au respect des biens.

13. Les actions des bailleurs sont cependant plus rares. Certains ont argué devant les juridictions françaises de l'atteinte à leur droit de propriété pour contester le droit de renouvellement du locataire commerçant. La Cour de cassation a rejeté cette prétention en relevant que le statut du bail commercial qui réalise « un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, n'était pas contraire aux dispositions de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales »(14). Cette jurisprudence est désormais renforcée par la Cour de Strasbourg qui a statué en matière de droit au renouvellement du locataire d'un fonds agricole. Dans l'affaire Gauchin c./ France du 19 juin 2008(15), elle conclut qu'il n'y a pas violation de l'article 1 du Protocole 1 car la réglementation du fermage s'analyse en une réglementation de l'usage des biens, au sens du second alinéa de l'article 1 du 1er protocole. La Cour accepte l'argument du Gouvernement français, « selon lequel les dispositions en cause poursuivent des buts d'intérêt général, à savoir, d'une part, garantir au locataire exploitant la sécurité du maintien dans les lieux pour rentabiliser ses investissements et, d'autre part, soutenir les exploitations agricoles moyennes comme modèle de développement de l'agriculture française, en en facilitant la transmission familiale ». Elle estime que si ce statut prévoit « au profit du locataire, afin de garantir la stabilité de son exploitation, une durée minimale du bail, ainsi que le droit à renouvellement dudit bail à son échéance? le propriétaire dispose de son côté du droit de refuser le renouvellement, dans un certain nombre d'hypothèses, telles que les motifs légitimes énumérés par l'article L. 411-53 du code rural, l'âge du preneur ou la reprise pour exploiter, à son profit ou au profit de son conjoint ou descendant ... ». Dans ces conditions, la Cour considère qu'un juste équilibre a été ménagé entre les exigences de l'intérêt général et la protection du droit au respect des biens du bailleur.

Cette solution peut parfaitement être transposée au bail commercial où l'on retrouve certaines des préoccupations d'intérêt général évoquées, notamment la stabilité du commerçant, cela d'autant plus que la propriété commerciale n'interdit pas la reprise de son immeuble par le bailleur.

14. Comme dans les deux arrêts commentés, c'est plus souvent le locataire d'un immeuble commercial qui invoque le 1er protocole de la Convention EDH lorsqu'il estime que sa propriété commerciale est atteinte.

Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt du 29 juin 2011, l'immeuble loué avait été totalement détruit par un incendie alors qu'une expertise était en cours pour fixer l'indemnité d'éviction due par le bailleur à la suite de son congé avec refus de renouvellement. À la demande du bailleur, les juges du fond constatent la résiliation du bail par application de l'article 1722 du Code civil et, par suite, de la perte du bénéfice de l'indemnité d'éviction par le locataire. Celui-ci conteste la décision au motif, notamment, que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que ce principe interdit notamment qu'une personne soit privée d'une espérance légitime de créance ; qu'un preneur à bail commercial auquel un congé a été délivré sans offre de renouvellement est titulaire d'une créance d'indemnité d'éviction dont il ne saurait être privé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en décidant qu'en vertu de l'article 1722 du Code civil la société Discothèque Le Malibu devait perdre le bénéfice de l'indemnité d'éviction qui lui était acquise, après qu'elle ait reçu un congé sans offre de renouvellement, du seul fait que les locaux commerciaux qu'elle exploitait avaient été totalement détruits par incendie, a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH et l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. La Cour de cassation approuve la Cour d'appel qui a retenu à bon droit « qu'en application de l'article 1722 du code civil, la destruction totale du bien loué avait entraî né la résiliation de plein droit du bail et la perte de ses droits contractuels et statutaires par [le locataire]? et en a exactement déduit, sans violer l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention EDH, ni l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que cette société ne pouvait plus prétendre au versement d'une indemnité d'éviction qui ne lui était pas définitivement acquise au jour du sinistre et n'était pas entrée dans son patrimoine ».

15. Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 9 novembre 2011, le bailleur avait délivré le 23 juillet 2004 un congé avec offre de renouvellement à son locataire pour le 1er avril 2005, soit plus de douze ans après que le bail en cours avait été renouvelé, ce qui lui permettait de réclamer un loyer déplafonné. Comme le lui permet l'article L. 145-10 du Code de commerce, le locataire avait alors demandé le renouvellement du bail le 23 août 2004, à compter du 1er octobre 2004 - moins de 12 ans après la date du dernier renouvellement -, pour éviter le déplafonnement du loyer(16). Le bailleur conteste cette demande en invoquant la [p. 9] nationalité turque du locataire qui ne lui permet pas, conformément à l'article L. 145-13 du Code de commerce, de bénéficier du droit au renouvellement. Les juges du fond n'accueillent pas cette demande au motif que le bailleur, en renouvelant deux fois le bail par le passé, avait renoncé à priver son locataire du droit de renouvellement et à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-13. Alors que le pourvoi conteste cette renonciation, sans jamais invoquer la Convention EDH, la Cour de cassation, par la substitution de motifs de pur droit, le rejette en affirmant que « l'article L. 145-13 du code de commerce, en ce qu'il subordonne, sans justification d'un motif d'intérêt général, le droit au renouvellement du bail commercial, protégé par l'article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à une condition de nationalité, constitue une discrimination prohibée par l'article 14 de cette même Convention ».

16. Dans sa décision du 9 novembre, destinée au rapport annuel, la Cour de cassation proclame d'abord que le droit au renouvellement du bail commercial est protégé par l'article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention EDH. Elle avait déjà affirmé ce principe dans des arrêts plus anciens en rejetant les pourvois de locataires qui considéraient que la condition d'immatriculation au registe du commerce et des sociétés était contraire à ce texte. Pour la Cour de cassation en effet, le fait de dénier le bénéfice du droit au renouvellement à un locataire sur le fondement de son défaut d'immatriculation ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit à la « propriété commerciale » reconnu aux locataires au regard des dispositions de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention EDH, « dès lors que les dispositions du code de commerce relatives au renouvellement du bail commercial réalisent un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de la personne »(17).

17. L'arrêt du 29 juin doit être replacé dans ce contexte. Le litige était plus directement engagé sur le droit à l'indemnité d'éviction qui est l'un des avatars du droit au renouvellement. Si le droit à indemnité du locataire est rejeté c'est parce que cette indemnité « ne lui était pas définitivement acquise au jour du sinistre et n'était pas entrée dans son patrimoine ».

Le bail commercial prend fin à l'issue du préavis fixé dans le congé avec refus de renouvellement, soit six mois au moins après sa notification par acte d'huissier de justice. À partir de l'expiration du bail, le locataire qui se maintient dans les lieux(18) est déjà titulaire d'un principe de créance et sa créance est certaine lorsqu'il a quitté les lieux ou qu'il a déjà pris toutes les dispositions pour le faire, puisque dans ces hypothèses le bailleur ne peut plus exercer son droit de repentir en renouvelant le bail expiré(19). En l'espèce, la situation était, il est vrai, compliquée par la destruction de l'immeuble en cours d'expertise en fixation de l'indemnité. Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont en effet constaté la résiliation de plein droit du bail sur le fondement de l'article 1722 du Code civil qui fixe les conséquences de la destruction de l'immeuble par cas fortuit. Ils en ont, à juste titre, déduit la perte de ses droits statutaires par le locataire. Cependant, au moment de l'incendie le bail était d'ors et déjà expiré puisque le congé avait été donné pour le 30 avril 2005 et que l'incendie était survenu dans la nuit du 1er au 2 juin 2005. Il est donc a priori curieux de résilier un bail déjà expiré. Mais la Cour de cassation décide classiquement que l'article 1722 s'applique au preneur d'un bail commercial maintenu dans les lieux puisque l'article L. 145-28 du Code de commerce dispose que c'est « aux clauses et conditions du contrat bail expiré », pour en déduire qu'en cas de destruction totale de l'immeuble le locataire perd son droit à l'indemnité d'éviction(20). La fiction introduite par le législateur dans l'article L. 145-28 est à l'origine de ce qu'un auteur nomme « une période délicate et bancale»(21) qui atteint son paroxysme quand elle aboutit à la résiliation de plein droit d'un bail commercial déjà éteint pour dénier au locataire, censé être protégé contre le non paiement de l'indemnité d'éviction par son maintien dans les lieux, le droit à celle-ci non encore acquise et emportée avec la résiliation fondée sur l'article 1722 du Code civil !

Il n'est pas certain que, si les juges de Strasbourg étaient saisis de cette question, ils statueraient dans le même sens. Ne pourraient-ils pas au contraire décider que l'article L. 145-28 du Code de commerce, tel qu'il est interprété par la Cour de cassation, emporte une atteinte injustifiée à sa propriété commerciale en cas de destruction totale de l'immeuble pendant la période de maintien dans les lieux ?

18. La solution rendue par l'arrêt du 9 novembre 2011 résulte d'une substitution de motifs de pur droit à ceux critiqués par le pourvoi.

La décision de la Cour d'appel de Paris, critiquée par le pourvoi, avaient en effet considéré que le bailleur ne pouvait plus invoquer l'article L. 145-13 du Code de commerce privant le locataire de nationalité étrangère qui ne peut se prévaloir d'une convention internationale, du droit au renouvellement du bail car il avait manifestement renoncé à son application en acceptant d'abord la cession au locataire actuel du bail puis en renouvelant ce dernier deux fois et enfin en offrant un troisième renouvellement(22). Les critiques du pourvoi contre cette décision étaient à première vue fondées car la soumission volontaire au statut des baux commerciaux - en l'espèce, au seul article L. 145-13 du Code de commerce puisque les autres dispositions de ce statut s'appliquaient - doit résulter [p. 10] d'une volonté non équivoque. Or, l'acceptation de la cession du bail, les renouvellements antérieurs et l'offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné n'étaient que la mise en œuvre par le bailleur des dispositions du statut légalement applicables, à partir du moment où ce dernier avait exercé sa liberté contractuelle en décidant de conclure un nouveau bail avec le locataire en place. On aurait, cependant, pu considérer que la dernière offre de renouvellement qui relevait de la liberté contractuelle n'avait pas à respecter les règles de plafonnement du loyer commercial. Dès lors, en les respectant, le bailleur renonçait implicitement à se prévaloir du défaut de droit de renouvellement au locataire étranger.

19. La Cour de cassation, plutôt que de discuter d'une éventuelle soumission volontaire des parties à l'article L. 145-13, saisit l'occasion pour déclarer discriminatoire cette disposition du Code de commerce. Il est vrai que cette survivance d'un droit ne conférant aux étrangers que les droits civils reconnus réciproquement aux français dans le pays dont ils sont ressortissants(23), heurte le principe d'égalité. Cette exclusion n'est cependant pas applicable aux étrangers qui ont des enfants français(24), et, aux termes de l'alinéa 2 de cet article, aux ressortissants d'un État membre de la communauté européenne ou d'un État partie à l'espace européen.

La Cour de cassation, par cet arrêt, contrôle la conventionalité de l'article L. 145-13 du Code de commerce au regard de l'interdiction des discriminations inscrite dans l'article 14 de la Convention EDH. Aux termes de ce texte, « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

Selon la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, le principe de non discrimination est lié à celui d'égalité. C'est pourquoi les situations égales doivent être traitées de manière égale et, à l'inverse, les situations différentes justifient un traitement différent. L'affaire faisant l'objet de l'arrêt commenté relève sans conteste de la première hypothèse car l'inégalité de traitement fondée sur la nationalité en matière de droit au renouvellement du bail manque, comme le dit la Cour européenne, « de justification objective et raisonnable, ? si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé »(25). D'autant que la Cour européenne considère que « seules des considérations très fortes » peuvent justifier « une différence de traitement exclusivement fondée sur la nationalité »(26).

La Cour de cassation le dit autrement lorsqu'elle affirme que l'article L. 145-13 du Code de commerce subordonne « sans justification d'un motif d'intérêt général », le droit au renouvellement à une condition de nationalité. Elle en déduit que l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention EDH combiné avec l'article 14 de la même Convention a été violé. Pour gommer la discrimination, cette restriction est donc écartée. Désormais, tout commerçant étranger, régulièrement immatriculé au registre du commerce et des sociétés, bénéficie du droit au renouvellement du bail au même titre qu'un français. L'apport est donc considérable.

20. Cette solution doit être approuvée car aucun motif légitime ne justifie une telle différence de traitement, si ce n'est l'absence de nationalité française elle-même, autrement dit une discrimination qui ne se dissimule même pas.

Le principe posé par cette décision fait aussi douter de la conventionalité de l'article L. 413-1 du Code rural qui dispose que « les preneurs de nationalité étrangère ne peuvent bénéficier des dispositions du présent titre [réglementant le statut du fermage et du métayage] que si leurs enfants sont français, à moins qu'ils ne puissent invoquer les dispositions de la loi validée du 28 mai 1943 relative à l'application aux étrangers des lois en matière de baux à loyer et de baux à ferme ». On y retrouve le statut privilégié accordé par l'article L. 143-13, aux étrangers ressortissant d'un État accordant, conformément à la loi du 28 mai 1943, aux français les avantages d'une législation analogue. Les autres étrangers sont victimes d'une discrimination, comme l'étaient jusqu'ici, les locataires commerçants étrangers.

R.-N. S

III. Bail rural(27)

a) A. 20 juill. 2011, JORF, 4 août 2011, p. 13347

Loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation : le nouvel indice national est positif pour 2011 !



21. Rappelons que le statut du fermage, et le prix du bail en particulier, a subi quelques retouches à l'occasion de la loi n° 2010-874 de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) du 27 juillet 2010(28).

L'on sait que depuis la loi du 2 janvier 1995, il y a lieu de distinguer entre le loyer des bâtiments d'habitation, actualisé chaque année en fonction de la variation de l'indice de révision des loyers publié par l'INSEE (correspondant à la moyenne, sur les 12 derniers mois, de l'évolution des prix à la consommation [p. 11] hors tabac et hors foyer :article L. 411-11 alinéa 2, Code rural), et le loyer pour les terres nues et les bâtiments d'exploitation, actualisé chaque année en fonction de la variation de l'indice des fermages.

Or s'agissant du loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation, dans un souci de clarification et d'unification et afin d'éviter les baisses, constatées dans certains départements, de la rémunération des biens loués, la LMAP a modifié les modalités de calcul de l'indice annuel des fermages. Dorénavant, le loyer est actualisé chaque année en fonction de la variation d'un indice national, et non plus départemental, des fermages. De plus, la composition de ce nouvel indice a évolué ; il est composé pour 60 % de l'évolution du revenu brut d'entreprise agricole à l'hectare constaté sur le plan national au cours des cinq années précédentes et pour 40 % de l'évolution du niveau général des prix de l'année précédente.

Pour l'année 2010, les calculs ont fait apparaî tre une baisse de 1,63 % par rapport à une base 100 retenue pour l'année de référence 2009, en sorte que là où étaient dus 100 € il convenait de s'acquitter pour l'année 2010 d'un fermage de 98,47 €(29).

Pour l'année 2011, l'indice au moyen duquel est actualisé le loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation a été établi à 101,25 ; soit une augmentation de 2,92 % par rapport à l'année précédente.

b) Civ. 3e, 13 juillet 2011, pourvoi n° 10-10.595

Bail à long terme et preneur âgé : le contenu du congé ?



22. En présence d'un bail ordinaire de 9 ans, l'alinéa 4 de l'article L. 411-64 du Code rural et de la pêche maritime oblige le bailleur délivrant un congé fondé sur l'âge du preneur, à lui indiquer la faculté dont il dispose alors de céder son bail à son conjoint, ou au partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, participant à l'exploitation ou à l'un de ses descendants ayant l'âge de la majorité ou ayant été émancipé. L'alinéa 5 prévoit même que le congé doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l'alinéa offrant au preneur cette possibilité légale de transmission du contrat.

En revanche, la mention disparaî t s'agissant d'un congé délivré dans le cadre d'un bail à long terme. C'est en tout cas ce qui ressort de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 juillet 2011, dont les faits méritent d'être rappelés pour situer cette décision sur le contenu du congé, par rapport à quelques décisions antérieures.

Souhaitant mettre fin aux deux baux à long terme de 18 ans qu'elle avait consentis à des époux à compter du 1er janvier 1989, la bailleresse leur délivra, le 28 juin 2005, deux avis de refus de renouvellement des baux, avec effet au terme soit le 31 décembre 2006. Pour les preneurs, les congés délivrés devaient être invalidés au motif que, fondés sur le fait qu'ils avaient atteint l'âge de faire valoir leur droit à retraite, ils devaient obligatoirement mentionner une faculté de cession légale, même s'agissant de baux à long terme.

L'argument n'a pas plus séduit les juges du fond que la Cour suprême. Si effectivement est inscrite dans le Code rural, à l'article L. 411-64 alinéas 5 et 6, l'obligation de rappeler dans le congé au preneur la faculté dont il dispose de transmettre son contrat de bail à son conjoint, partenaire pacsé ou descendant, ce n'est que lorsque l'on est présence d'un bail ordinaire. Les preneurs faisaient pourtant valoir, d'une part, que l'article L. 411-64 ne comporte aucune règle particulière limitant le bénéfice de la mesure au bail ordinaire et, d'autre part, que rédigée en des termes généraux la règle d'information figurant à l'article L. 411-64 doit s'appliquer quelle que soit la durée du bail.

À cela, les magistrats de la Cour de cassation ont répondu que de la lecture combinée des articles L. 416-1 et L. 416-8 du Code rural et de la pêche maritime, spécifiques aux baux à long terme, il résulte que les dispositions sur l'obligation de rappeler dans le congé au preneur âgé sa faculté de céder son bail ne sont pas applicables lors d'un refus de renouvellement exprimé dans le cadre d'un bail à long terme, conformément à l'article L. 416-1 du même code.

En fait, il importe de distinguer suivant que le congé fondé sur l'âge est délivré au cours du bail initial à long terme, ou au cours du bail renouvelé ; seconde hypothèse dans laquelle la Cour de cassation a eu à se prononcer il y a quelques années, pour aboutir assez logiquement à une solution différente.

En effet, dans un arrêt en date du 14 novembre 2002(30), interrogés sur un bail à long terme les juges ont déclaré le congé non valable, non pas parce que celui-ci ne contenait pas la mention devant rappeler au preneur évincé à raison de son âge la faculté de céder le contrat dont il est titulaire, mais parce que délivré pour une date postérieure à l'échéance initiale du bail à long terme initialement conclu, contrairement à la présente affaire. En effet, une fois que le bail à long terme a pris fin, c'est un bail ordinaire, de droit commun de 9 ans qui lui succède ; aussi, comme tout contrat soumis au statut du fermage, le congé doit respecter, à peine de nullité, la règle posée à l'article L. 411-64 du Code rural et de la pêche maritime.

La situation est claire. Chaque fois qu'il s'agit de mettre fin à un bail ordinaire, contrat initial d'une durée de 9 ans, ou à un bail « qualifié d'ordinaire » car succédant à un bail à long terme, le congé doit impérativement rappeler au preneur âgé la faculté légale dont il dispose de transmettre son contrat à son conjoint, partenaire auquel il est lié par un PACS ou descendant. En revanche, s'agissant d'un congé délivré pendant le cours d'un bail à long terme par lequel le bailleur entend mettre fin à la location sur le fondement de l'âge du preneur, le bailleur « n'est pas tenu de remplir les conditions énoncées à la section VIII du chapitre 1 » ; dit autrement il n'est pas tenu de faire état dans le congé de la faculté de cession dont dispose normalement le preneur à bail.

c) Civ. 3e, 23 mars 2011, pourvoi n° 10-12.162

Le défaut de publication d'un renoncement à usufruit est sans effet sur la validité du congé délivré

[p. 12] 23. Sur le fondement des articles L. 411-47 et L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail, en délivrant congé par acte extra-judiciaire 18 mois au moins avant l'expiration du bail, s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou d'un mineur émancipé.

Reste que la qualité de l'auteur du congé peut prêter à discussion, notamment lorsqu'il a été procédé à un démembrement de propriété. Les dispositions de l'article 595, alinéa 4, du Code civil, si elles interdisent à l'usufruitier de donner à bail un fonds rural sans le concours du nu-propriétaire ou, à défaut, sans y être autorisé par justice, ne font pas obstacle à ce que l'usufruitier délivre, seul, congé au preneur(31).

De même que logiquement la jurisprudence a pu affirmer que le nu-propriétaire d'un bien rural peut, en accord avec l'usufruitier, donner congé au preneur dès lors que l'accord ou la ratification de l'usufruitier résulte d'un mandat donné au nu-propriétaire(32).

En l'espèce, la situation était quelque peu différente et plus complexe, et mérite d'être rapidement évoquée, apportant une réponse à une question à notre connaissance jamais tranchée.

Venant aux droits du bailleur décédé, la bailleresse décide de faire donation à sa fille de la nue-propriété de parcelles louées par bail à long terme, se réservant l'usufruit ; usufruit auquel elle va finalement quelques années plus tard renoncer, établissant sa fille dans les droits d'un plein-propriétaire. Aussi est-ce logiquement celle-ci, bailleresse « à part entière », qui délivra congé au preneur en place, en vue de reprendre les parcelles louées pour les faire exploiter par son mari, comme l'y autorise l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime.

Le preneur décida de contester le congé au motif qu'il n'a pas été délivré par le bon auteur. En effet, l'acte relatif à la renonciation à l'usufruit ayant pour effet de reconstituer l'intégralité des droits réels immobiliers sur la même personne n'a pas fait, par erreur ou négligence, l'objet d'une publicité à la conservation des hypothèques. Aussi, selon le requérant, la mutation de propriété intervenue n'est pas opposable au tiers, et notamment au locataire ; en conséquence de quoi, seule l'usufruitière pouvait être l'auteur du congé pour reprise (ce qui en l'espèce n'aurait pas été envisageable puisque celui qui devait exploiter était son gendre, statut qui n'apparaî t pas dans la liste des bénéficiaires de la reprise dressée par l'article L. 411-58).

Si l'argument a pu séduire les juges du fond qui ont prononcé la nullité du congé, il va être balayé par les magistrats de la cour suprême. Au double visa des articles L. 411-47 et L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime et de l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 sur les actes et décisions judiciaires soumis à publicité foncière, « le défaut de publication d'un acte portant ou constatant la mutation ou la constitution de droits réels immobiliers est sans effet sur la validité du congé » ! La Cour de cassation fait primer la réalité des faits sur les formalités de publicité. Le droit de propriété de l'auteur du congé était incontestable, même si n'avaient pas été accomplies les formalités prescrites par les textes relatifs à la publicité foncière.

d) Civ. 3e, 16 juin 2010, pourvoi n° 09-16.057

Quel congé en cas de refus du preneur de convertir le bail ordinaire en bail à long terme ?

24. Les conditions d'application de la sanction prévue par l'article L. 416-2 du Code rural et de la pêche maritime ne sont pas réunies lorsque le refus du preneur porte non pas sur la conversion du bail de 9 ans en bail à long terme, mais sur la décision du bailleur de lui faire supporter les frais d'établissement d'un tel acte.

Dans la mesure où à côté du bail de 9 ans a été instituée une catégorie de baux à long terme, fort logiquement le législateur a envisagé la possibilité qu'un bail ordinaire puisse, à tout moment, être converti par accord des parties en bail à long terme, soit par transformation du bail initial, soit par conclusion d'un nouveau contrat. L'article L. 416-2 du Code rural et de la pêche maritime, qui instaure une telle option, prévoit que si la conversion n'implique aucune autre modification des conditions du bail initial que l'allongement de la durée, et que de surcroî t le bailleur s'engage à ne demander aucune majoration du prix du bail pour tenir compte de l'allongement de la durée de la location, le preneur peut quand même refuser la conversion de son bail ordinaire en bail à long terme mais il s'expose alors aux sanctions prévues in fine dans l'article, à savoir la privation de la possibilité de céder son contrat dans un cadre familial (article L. 411-35) et la perte du droit au renouvellement du bail (article L. 411-46).

C'est la lettre du texte que voulait voir appliquer le bailleur s'opposant au renouvellement, sauf que les faits montrent que la situation était quelque peu différente de celle prévue par le législateur.

En l'espèce, après avoir consenti en 1991 aux preneurs un bail de 9 ans, qui s'était normalement renouvelé en 2000, le bailleur entendait s'opposer à un nouveau renouvellement en 2009, en délivrant congé 18 mois avant le terme, au motif que les preneurs lui avaient refusé la conclusion d'un nouveau bail, ne comportant pourtant aucune autre modification que l'allongement de la durée, qu'il voulait à l'avenir à long terme sans doute en raison des avantages fiscaux en cas de mutation à titre gratuit de la propriété des biens qui y sont attachés(33).

Le congé est contesté avec succès par les preneurs devant le tribunal paritaire des baux ruraux, et ni l'appel ni le pourvoi en cassation ne remettront en cause la nullité de celui-ci. Il faut dire qu'en fait les preneurs n'avaient pas refusé la conversion de leur location en bail à long terme, mais le souhait du bailleur de leur faire supporter les frais notariés liés à l'établissement d'un tel acte qui, d'une durée supérieure à 12 ans, doit donner lieu à publicité foncière.

À l'évidence, l'espèce ne correspondait pas aux conditions visées par l'article L. 416-2 du Code rural et de la pêche [p. 13] maritime. L'admettre eut été ajouter à la loi une condition qu'elle ne contient pas ; condition de surcroî t extérieure au contenu du contrat. Rappelons que dans la mesure où le renouvellement est un droit pour le locataire, sa privation est nécessairement d'interprétation stricte.

Aussi, le bail liant les parties s'est-il renouvelé en 2009, une nouvelle fois en bail ordinaire de 9 ans, auquel le bailleur pourra mettre fin mais en délivrant un congé selon les règles de droit commun et non selon les dispositions spécifiques à la conversion en bail à long terme.

e) Civ. 3e, 31 mai 2011, pourvoi n° 10-10.334

Illustration du caractère onéreux d'une mise à disposition justifiant sa qualification de bail rural soumis au statut.

25. Le bail rural suppose l'existence d'un accord des parties sur le principe d'une location. À défaut de choix clairement exprimé ou surtout en cas de contestation, les juges s'en réfèrent aux quatre critères clairement énoncés par l'article L. 411-1 du Code rural et de la pêche maritime, pour qualifier la convention de bail à ferme soumis au statut d'ordre public du fermage et du métayage, avec toutes les incidences que cela entraî ne, notamment en terme de congé.

Ainsi est-il prévu que la mise à disposition doit avoir un caractère onéreux et porter sur un immeuble agricole en vue de l'exercice de l'activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du même code.

En l'espèce, c'est le caractère onéreux qui, comme souvent, opposait les parties. Refusant la fin de l'aventure contractuelle, les requérants souhaitaient voir la mise à disposition, dont ils bénéficiaient depuis de nombreuses années, qualifiée de « bail rural » et que dans la foulée soit annulé le congé délivré par le propriétaire des biens. À l'appui de leur demande, ils faisaient valoir l'existence d'un chèque conséquent débité sur leur compte pour être crédité sur celui de la « bailleresse » et dont ils avaient fait état dans leur livre comptable ; opération suivie du versement pour trois années, certes non successives, de sommes qualifiées dans leur écrit de « fermage » et enfin, de trois attestations relatant pas moins de cinq livraisons de « bois de chauffage façonné » au profit du propriétaire des biens depuis le début de la mise à disposition.

Voilà qui était largement suffisant pour caractériser le côté onéreux de la mise à disposition, la qualifier alors de bail rural soumis au statut du fermage et en déduire la nullité des congés délivrés selon les règles de droit commun du Code civil et non conformément à l'article L. 411-47 du Code rural et la pêche maritime. Appréciation souveraine des juges du fond et raisonnement juridique auxquels la Cour de cassation ne pouvait naturellement rien trouver à redire !

f) Civ. 3e, 5 avril 2011, pourvoi n° 10-17.796 ; Civ. 3e, 19 janvier 2011, pourvoi n° 09-72.507

L'agrément tacite du bailleur est-il possible tant en matière de cession de bail que de sous-location ?

26. Le statut du fermage ne permet pas au preneur de disposer de son droit personnel, comme il peut le faire en matière commerciale, par exemple. Une règle d'ordre public, énoncée à l'article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime, prohibe tant les cessions que les sous-locations. Mais comme tout principe, il connaî t des exceptions dont le code s'est enrichi au fil du temps, et que la jurisprudence vient régulièrement préciser comme l'illustre les présentes affaires.

27. La cession du bail a d'abord été permise au profit des descendants, du conjoint ou du partenaire titulaire d'un PACS, puis en faveur des sociétés et enfin, plus récemment par le biais de la loi d'orientation agricole n° 2006-11 du 5 janvier 2006, en dehors du cadre familial.

S'agissant de la transmission du contrat dans un cadre familial, l'alinéa 1er de l'article L. 411-35 rappelle que l'opération est soumise « à l'agrément du bailleur ou, à défaut, du tribunal paritaire des baux ruraux ». S'est alors inévitablement posée la question de savoir si l'agrément nécessaire du bailleur pouvait être tacite.

Si elle a été admise très tôt par la jurisprudence(34), l'acceptation tacite de la cession de bail doit être sans équivoque, ce qui donne lieu fréquemment à discussion … ce qui n'aurait pas dû être le cas, en l'espèce, tant le consentement tacite semblait évident. En effet, selon la Cour de cassation(35), les juges ont pu à bon droit et avec facilité affirmer que le bailleur avait accepté la cession tacite du bail consenti, aux motifs qu'il avait accepté depuis de nombreuses années les fermages versés non par le preneur initial mais par le cessionnaire, à qui il adressait chaque année les décomptes et avec qui il correspondant régulièrement, et à l'égard de qui le bailleur avait au surplus purger le droit de préemption du preneur en place en s'adressant directement à lui lors de la vente de certaines parcelles louées.

Si l'interdiction de toute sous-location est tout aussi clairement affirmée par l'alinéa 3 de l'article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime, le principe connaî t là encore un certain nombre d'exceptions législatives.

Ainsi le bailleur peut-il autoriser le preneur à consentir des sous-locations pour un usage de vacances ou de loisirs, sous réserve que chacune de celles-ci n'excède pas une durée de trois mois consécutifs. Naturellement, le bénéficiaire de la sous-location n'a aucun droit à son renouvellement, ni au maintien dans les lieux à son expiration. En cas de refus du bailleur, le preneur peut saisir le tribunal paritaire des baux ruraux.

Mais le bailleur peut également autoriser le preneur à consentir des sous-locations des bâtiments à usage d'habitation. L'alinéa 3 de l'article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime précise alors que l'autorisation doit faire l'objet d'un accord écrit, afin de fixer notamment la part du produit de la sous-location que le preneur versera au bailleur. On relèvera au passage que l'exigence d'un écrit ne figure pas dans l'alinéa 1er relatif à la cession de bail, opération pourtant plus grave.

[p. 14] À l'évidence, l'exigence d'un écrit exclut toute possibilité d'une autorisation donnée tacitement par le bailleur à la sous-location ; c'est ce que vient de rappeler la Cour de cassation(36).

En l'espèce, le bailleur avait donné à bail à ferme des terres et un ensemble d'immeubles à usage d'exploitation et d'habitation. Après plusieurs renouvellements du contrat, le bailleur réclama et obtint la résiliation du bail au motif que le preneur sous-louait un bâtiment à usage d'habitation. Contestant la sanction, le preneur fit valoir que si, sur le principe, le texte prévoit effectivement que dans le cadre d'un contrat de bail rural la sous-location est prohibée à moins qu'elle ne soit autorisée par écrit, « une autorisation tacite peut néanmoins être donnée par le bailleur ». Qu'aussi, il doit lui être permis « d'apporter la preuve » de cet accord tacite, « en se fondant sur les circonstances et le comportement du bailleur, même postérieur à l'acte », comme c'est du reste le cas en matière de cession de bail ; preuve que les juges du fond ne l'ont pas autorisé à produire.

La Cour de cassation confirme la résiliation et rejette le pourvoi, en s'en tenant à la lettre du texte, ce dont on ne peut être surpris s'agissant d'une exception dérogatoire à une interdiction d'ordre public. Si le bailleur peut effectivement autoriser le preneur à consentir des sous-locations des bâtiments à usage d'habitation (parce que, par exemple, ce dernier habite désormais une maison qu'il s'est fait construire pour ses vieux jours), cela ne peut se faire que par écrit ; on ne saurait admettre un accord tacite de sous-location.

g) Civ. 3e, 3 mai 2011, pourvoi n° 10-30.114

Conditions et sanctions de la résiliation du bail pour échange de parcelles non autorisé

28. Pendant la durée du bail, le preneur peut, selon l'article L. 411-39 du Code rural et de la pêche maritime, effectuer des échanges ou locations de parcelles, enrichissant ainsi la liste des exceptions prévues à l'article L. 411-35 et déjà évoquées.

Il était nécessaire de prévoir cette possibilité afin de ne pas entraver la mise en valeur des terres louées.

Mais dans la mesure où l'opération constituant une dérogation à l'interdiction de principe, elle est naturellement soumise à des conditions strictes, dont le non-respect a donné lieu à des sanctions variables dans le temps, comme nous permet de le rappeler la présente affaire.

La validité de l'opération d'échange (il est, en effet, notable que si le début de l'article L. 411-39 évoque deux opérations de nature différente, à savoir l'échange et la sous-location, le reste de l'article ne traite que de l'échange !) est subordonnée à la réunion de trois conditions. Il convient, d'abord, que l'opération ait pour conséquence d'assurer une meilleure exploitation du fonds. Il faut, ensuite, que le ou les échanges ne portent que sur la jouissance et que sur des parcelles n'excédant pas les superficies fixées en application des alinéas 2 et 3 de l'article L. 411-39. Enfin, depuis la loi du 1er août 1984, le preneur doit notifier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les échanges au propriétaire, qui a la faculté de s'opposer à l'opération projetée en saisissant le tribunal paritaire de baux ruraux dans les deux mois ; à défaut d'action, il est réputé avoir accepté l'opération. Avant la loi de 1984, le preneur devait obtenir « l'agrément préalable du propriétaire ou, à défaut, du tribunal paritaire de baux ruraux ».

L'irrégularité procédurale a, dans un premier temps, été jugée comme pouvant être à l'origine d'une résiliation du bail principal(37). La sanction était lourde et implacable ! La jugeant sans doute « disproportionnée » par rapport à la faute commise (un défaut d'information), les juges exigèrent très vite que soit rapportée la preuve, en plus du non-respect de la procédure, que l'échange irrégulier soit de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds(38). Ainsi, à la différence des cessions de bail prohibées(39), la résiliation judiciaire n'était plus obligatoire. Jusqu'à la fin des années 90, les juges ont continué de prononcer la résiliation du bail rural en cas d'échange irrégulier uniquement si les agissements des co-échangistes étaient de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds loué(40).

Mais l'on va assister en 1999 à un revirement de jurisprudence, les juges prônant un retour à la lettre du texte de l'article L. 411-39 du Code rural et de la pêche maritime. La simple constatation de l'irrégularité d'un échange non notifié au propriétaire par le preneur suffit pour prononcer la résiliation du bail, en application de l'article L. 411-35 relatif aux cessions et sous-locations prohibées, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'impact de l'opération irrégulière sur l'avenir du fonds loué(41).

Et puisque le simple établissement d'une procédure d'information irrégulière de l'échange suffit, sans tenir des conséquences sur le bien, pour que soit prononcée la résiliation du bail, les juges ont en suivant la même logique considéré que cela permettait tout autant au bailleur de s'opposer au renouvellement du bail(42).

La sanction de ces conditions est ainsi devenue très stricte, au point qu'elle a suscité de nombreux espoirs chez les bailleurs ne sachant comment se « débarrasser » d'un locataire auquel il ne pouvait reprocher un quelconque manquement dans l'exploitation du bien loué et pas davantage de défauts de paiement du fermage. Nombreux sont, en effet, ceux qui se sont mis en quête de découvrir s'il n'y avait pas ici ou là quelques échanges, aussi infimes soient-ils, dont ils n'auraient pas été régulièrement informés.

Dans ces conditions, le législateur a dû finalement intervenir pour assouplir la sanction, et inscrire dans la loi la solution jurisprudentielle qui prévalait jusqu'au revirement de 1999. L'ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006 va modifier la rédaction de l'article L. 411-31 du Code rural et de la pêche maritime, relatif aux fautes du preneur justifiant la résiliation ou le renouvellement du contrat de bail.

[p. 15] Dorénavant, la sanction de l'irrespect des obligations du preneur échangiste en termes d'information du propriétaire reste la résiliation du bail, mais sous réserve d'établir que la contravention aux règles procédurales de l'article L. 411-39 est de nature à porter préjudice au bailleur, là où quelques décennies auparavant la jurisprudence parlait de faits « de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ». Et selon l'article 16 de l'ordonnance du 13 juillet 2006, la nouvelle règle est immédiatement applicable aux baux en cours à sa date de publication.

En l'espèce, ce fut hélas sans avantage pour le preneur. En effet, le bail avait été conclu en 1999 mais malheureusement pour lui, le bailleur a saisi le tribunal paritaire de baux ruraux le 16 février 2005. Aussi, les juges du fond, pas plus que la Haute cour, ne pouvaient appliquer l'assouplissement de la sanction opérée par l'ordonnance de 2006. Les faits s'analysant bien en un échange cultural dont le bailleur n'avait pas été informé et pour lequel il n'avait donc pas donné son accord, c'est à bon droit qu'a été retenu un échange irrégulier justifiant, selon l'empire des textes applicables à l'époque, la résiliation du bail par application de l'article L. 411-31. Solution qu'avait déjà retenue la Cour de cassation quelques années plus tôt(43).

Il est certain que la même action, intentée postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 juillet 2006, n'aurait pas connu une issue aussi radicale pour le preneur, sauf à ce que le bailleur établisse un réel préjudice lié à l'échange opéré sans son accord !

h) Civ. 3e, 17 mai 2011, pourvoi n° 10-18.639

Résiliation du bail pour agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds loué

29. Dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation, les juges du fond ont pu retenir les manquements du preneur comme cause de résiliation du bail après qu'ait été constaté par huissier à la demande du bailleur, que le sol supportant les vignes était dans un état médiocre, que la présence persistante d'herbes, de chiendent et de chênes verts avait épuisé le milieu, réduit la vigueur des ceps et accéléré la mortalité de certains d'entre eux, et que l'absence de palissage et la disparition des fils porteurs des bras de ceps avaient entraî né la déformation des souches et leur destruction en grand nombre par la machine à vendanger. Ainsi étaient caractérisés la non exploitation du bien loué en bon père de famille et des manquements de nature à compromettre la bonne exploitation du vignoble, en ne préservant pas notamment son potentiel de productivité, voire sa pérennité ; autant de bonnes raisons pour obtenir, sur le fondement de l'article L. 411-31 du Code rural et de la pêche maritime, une résiliation judiciaire du bail.

D. R